2001-Interes y perspectivas por una educacion tecnologica para
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2001-Interes y perspectivas por una educacion tecnologica para
INTERÉS Y PERSPECTIVAS POR UNA EDUCACIÓN TECNOLÓGICA PARA TODOS Jacques Ginestié IUFM Aix-Marseille Uniméca 60, rue Joliot-Curie 13453, Marseille Cedex 13 +33 4 91 11 38 21 [email protected] Version originale en français de l’article traduit en espagnol par Fernando Mena : Ginestié, J. (2001). Interés y perspectivas por una educación tecnológica para todos. In C. Benson, J. Ginestié, M. De Vries & H. Merz (Eds.), Educación tecnológica (LOM Ediciones ed., pp. 1930). Santiago: Fernando Mena Editor. L’introduction d’un enseignement de la technologie pour tous les élèves dans les cursus d’éducation générale devient une préoccupation majeure dans de nombreux pays, au Chili comme en France, en Angleterre ou en Hollande. On peut toutefois constater qu’elle ne se traduit pas de la même manière et prend différentes formes qui peuvent varier fortement d’un pays à l’autre. Dans cette perspective internationale, on note l’ouverture d’un espace d’une éducation technologique comme composante de la culture générale. Ce fait plutôt nouveau, tout au moins dans son développement, consacre un changement de point de vue assez spectaculaire. En effet, quels que soient les grands axes d’implantation de cet enseignement, tous partent de deux postulats plus ou moins affirmés : d’une part, l’enseignement scientifique ne peut rendre compte tout seul des faits technologiques et, d’autre part, l’éducation manuelle, restreinte à l’environnement domestique, ne permet pas de donner du sens au technologique. Autrement dit, il y a une réelle pression sociale exercée sur les écoles modernes dans le monde pour la mise en place d’un enseignement capable de rendre compte des faits technologiques, de leur évolution et de leur importance dans nos relations quotidiennes. On retrouve en effet des préambules très marqués dans toutes les propositions curriculaires des différents pays qui révèlent cette nécessité d’accompagner les évolutions technologiques, de préparer les enfants au monde du travail, d’ouvrir l’école et l’éducation aux outils modernes, aux méthodes contemporaines. Cette relation à la modernité technologique, sans doute accrue par les restructurations sociales qui découlent de la mondialisation de l’économie, est entendue de façon différente selon les pays, les cultures, les économies, les politiques. Ce développement d’éducations technologiques, très souvent en lieu et place de différentes formes d’enseignements manuels, fournit un matériau riche et abondant pour essayer de repérer les courants majoritaires qui peuvent s’en dégager, en termes de savoirs, d’activités, de domaines de références ou de finalités et de visées (Ginestié, 1998a). Ce travail d’identification et de repérage a été largement amorcé dans plusieurs groupes internationaux. Le travail de Hörner (1985, 1987) entrepris au niveau européen nous propose une description des curriculums mis en œuvre dans plusieurs pays. Les travaux de la fondation PATT (Pupils Attitude Towards Technology) prolongent ce travail en l’élargissant au niveau mondial, d’une part, et, d’autre part, en diversifiant les points de vue et les observateurs (Raat, De Klerk-Wolters, De Vries 1985, 1987, 1989). Marc de Vries (1995) propose d’utiliser une méthodologie descriptive afin de caractériser la technologie selon plusieurs approches. Ces deux perspectives s’intéressent surtout à l’éducation technologique dans l’école obligatoire. Les travaux développés dans le cadre de WOCATE (World Council Associations for Technology Education) proposent une extension aux différentes formes d’enseignements technologiques depuis l’école primaire jusqu’aux formations professionnelles universitaires (Blandow, Dyrenfurth, 1992). À travers ces différentes formes, l’idée d’une continuité entre l’éducation initiale et la formation professionnelle est plus ou moins fortement exprimée, plus ou moins explicitement affirmée. Certains systèmes éducatifs distinguent, dans les dénominations des disciplines scolaires, la désignation d’une telle éducation selon les différents cycles scolaires. La France, par exemple, a une initiation scientifique et technologique à l’école primaire, puis une Technologie au collège, une option technologique et des enseignements professionnels au lycée ; l’appellation technologie disparaît pratiquement à l’université au profil des génies ou des sciences pour l’ingénieur et ne sert qu’à désigner massivement des cursus en général, par exemple, celui de technologie1 mécanique. Cette position se retrouve sous des formes variées dans une grande partie des pays méditerranéens (Italie, Catalogne, Portugal, etc.). L’utilisation de la terminologie « Technology education » dans les pays anglo-saxons, souvent précédée du terme de « design », définit un enseignement obligatoire pour tous les élèves, qui peut couvrir dans certains pays (Angleterre, Pays-Bas, certains états du Canada, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, Chili, etc.) la scolarité depuis la maternelle jusqu’à la fin de l’enseignement secondaire (Benson, 1996 ; de Vries, 1995 ; Elton, Quiroz, 1999 ; Sherwood, 1995). Dans d’autres pays (Grèce, Mexique, Inde, pays du moyen orient, etc.), le terme « Technology education » définit plus spécifiquement des formations de 1 Il est intéressant de noter que ces cursus s’intéressent plus à la conception et à la construction mécanique qu’à la fabrication. En ce sens, ils sont plus proches de ce que recouvre le terme design en Angleterre que du terme Technology. techniciens, techniciens supérieurs voire d’ingénieurs (Papoutsakis, 1995 ; Sadanandan, Chandrasekar, 1987). Dans ces derniers pays, il n’existe pas d’éducation technologique dans les cursus scolaires à l’école obligatoire. Enfin, un dernier groupe de pays (Allemagne, pays nordiques, pays de l’est, etc.) adoptent sous ce vocable la part de formation générale que les élèves doivent acquérir pour exercer un emploi (Georgieva, 1995 ; Radics, 1995 ; Wahl, Langer, 1997 ; Hill, Lutherd, 1999). En Allemagne, le terme d’éducation technologique n’est quasiment pas utilisé si ce n’est dans quelques travaux récents (Theuerkauf, 1995 ; Blandow, Dyrenfurth, 1995) alors qu’il évoquerait une référence à des valeurs artisanales 2 plus traditionnelles dans les pays nordiques (Ginner, 1995 ; Kananoja, 1999 ; Kantola et al, 1999 ; Borge, 1999). Cette diversité de sens est directement liée aux histoires de l’éducation de ces différents pays et donc aux choix faits à différentes époques. Les regroupements que nous évoquions sont significatifs des sphères d’influences ou des patrimoines culturels. De cet ensemble de travaux, nous pouvons dégager quelques grands courants qui permettent de situer les choix faits en matière d’éducation technologiques. Il serait illusoire de croire que ces modèles sont strictement représentatifs des curriculums proposés et encore moins des pratiques enseignantes sur le terrain. Chaque curriculum est un mélange de ces différents courants ; il n’y a pas de ligne dure de l’éducation technologique, les curriculums sont plutôt des consensus mous. (i) 1er courant : la fabrication d’ouvrages avec une distinction très nette entre, d’une part, les ouvrages à usage décoratif ou domestique et, d’autre part, les ouvrages de type industriel. Les premiers s’inscrivent clairement dans une tradition artisanale voire familiale alors que les seconds insistent sur la planification et la préparation des processus industriels. Les activités des élèves sont essentiellement centrées sur la fabrication ; ce point de vue est exclusif de tous les autres, notamment de celui de l’utilisateur qui est pratiquement absent ; l’obtention d’un produit acceptable selon des critères esthétiques, voire artistiques constitue le principal objectif de cet enseignement. (ii) 2nd courant : la confrontation de l’élève à des objets techniques qui va de l’utilisation d’outillages familiers (en Europe, les matériels de bricolage) à la manipulation d’objet High Tech tel la micro-informatique, par exemple. Ce courant vise à familiariser les élèves avec les objets de leur environnement, que celui-ci soit domestique et quotidien ou supposé tel dans un futur proche. Les activités des élèves sont essentiellement centrées sur la manipulation d’objets, de matériels. Leur exploration doit développer chez eux la compréhension environnementale. On trouve souvent une forte ambiguïté dans ces activités 2 C’est cette idée d’articulation intime dans une catégorie d’objets particuliers, entre des références aux technologies modernes et aux artisanats traditionnels, entre high-tech et travaux manuels, que retranscrit le terme finlandais de « Sloyd » entre sciences et technologie ; la marge est très floue et la technologie ne serait qu’une forme de science appliquée voire une simple application des sciences. (iii) 3ème courant : le monde du travail et son organisation sociale, notamment l’évolution des emplois et les besoins nouveaux de qualification professionnelles qui se fondent sur des compétences générales telles que la coopération, le travail en équipe, la flexibilité, l’adaptabilité, l’esprit d’innovation. Ce courant s’inscrit dans une démarche très explicite d’intégration sociale qui passe par une intégration professionnelle des jeunes après l ‘école. Les activités privilégient le développement des comportements liés aux compétences générales d’exercice d’un métier (adaptabilité, flexibilité, travail en équipe, coopération, etc.). Il faut que le travail des élèves soit organisé de façon à simuler les comportements de travailleurs du futur. (iv) 4ème courant : le mode d’existence des objets technique comme manifestation de l’interaction sociale humaine. Le recours à des références empruntées à l’ingénierie, à la vie des produits, aux sciences humaines et sociales tend à développer une démystification du monde technologique. Des activités d’analyse des processus de conception – développement d’un objet, d’utilisation d’outils sémantiques (empruntés par exemple à l’approche systémique, l’analyse fonctionnelle, l’organisation économique des entreprises, etc.) ont pour objectif d’inscrire les objets techniques comme faits sociaux devant être étudiés en tant que tels. Nous pouvons clairement repérer au travers de cette grille d’analyse les pressions sociales qui s’exercent sur l’école, d’une part, et, d’autre part, la réponse que peut constituer un tel enseignement. Notamment, on voit très bien ce souci d’établir des liens, des ponts entre les traditions socioculturelles et ce monde de demain dont on ne sait pas réellement de quoi il sera fait. Souvent, et le Chili ne déroge pas réellement à cette règle, l’enseignement de la technologie à l’école obligatoire est présenté comme une évolution d’une éducation manuelle et technique qui est, elle-même, une forme évoluée de travaux manuels et de techniques professionnelles. Cinq facteurs sont largement utilisés pour légitimer cette évolution : (i) L’éducation technologique rend bien mieux compte de la modernité que les activités manuelles. Il y a évolution de l’univers familier du domestique à l’univers plus ou moins familier du high-tech. Les objets modernes s’opposent ainsi aux objets traditionnels ou communs. (ii) Le passage du domestique au high-tech s’accompagne d’un autre changement de référence depuis les activités ménagères jusqu’au « fabricant » d’objets modernes. (iii) À défaut de pouvoir fabriquer des objets qui souffrent la comparaison avec ceux du commerce, on réalise des objets dont la seule fonction est de vérifier (voire de mettre en application) des principes ou des lois scientifiques éprouvées par ailleurs. (iv) L’éducation technologique est présentée comme une discipline outil dans laquelle les autres vont venir puiser des nécessaires exemplifications, il y a un déplacement du rapport entre concret et abstrait vers des rapports concepts – outils. (v) La diversité des métiers, l’évolution des professions, le développement de l’égalité des chances d’accès sont autant de facteurs qui nécessitent d’informer les élèves sur les possibilités d’orientation, de choix qui s’ouvrent devant eux et l’éducation technologique peut éclairer ces choix. Cette évolution est nécessairement présentée de manière positive, comme une réconciliation entre le geste et la pensée, entre l’outil et le symbole. La modernité devient une référence incontournable dans cet effort positiviste. Pour ses partisans, cette continuité s’inscrit dans une linéarité historique forte, les changements évoqués ne sont que des réajustements conjoncturels du système éducatif (Amigues, Ginestié, Johsua, 1995). On peut noter, par exemple, que pratiquement tous les curriculums commencent par quelque chose du style « vivre dans une société hautement technologique… ». Alors que le positivisme scientifique est largement remis en cause dans l’enseignement des sciences, il semblerait que l’éducation technologique veuille prendre cette place d’une école qui s’ouvre sur « un progrès qui fait rage et un futur qui ne manque pas d’avenir 3 ». Les références à l’artisanal, voire à l’artistique, d’un côté, et, de l’autre, celles faites à la modernité, sont l’exemple le plus flagrant de tenir cette ligne évolutionniste d’une éducation technologique héritière des travaux manuels. Certes, plusieurs points permettent d’abonder dans ce sens. Ce sont souvent les enseignants de travaux manuels qui assurent l’enseignement de la technologie, du moins dans une phase de transitions qui s’étale souvent sur une dizaine d’années avec des confusions de genres peux propices à la distinction. Par ailleurs, l’introduction de la technologie ne modifie pas radicalement le regard des acteurs du système éducatif, parents, élèves, enseignants des autres disciplines, administratifs. On voit bien nos difficultés à trancher entre des activités manuelles qu’on pressent désuètes et des manipulations d’outils ou d’appareils High Tech dont on n’est pas vraiment sûr ni de leur pérennité ni de leur intérêt. C’est cette ambiguïté que l’on peut relever par exemple en Grande Bretagne. La discipline Design and Technology Education s’est substituée au Design and Craft, tout en conservant des références explicites à des activités domestiques au travers des domaines Food and Textile mais également à une dimension artistique au travers du développement de la créativité. L’éducation manuelle s’appuie sur la maîtrise par le geste de l’environnement familier et domestique de l’élève. Les contenus, les savoirs, les activités tendent à développer un rapport intime avec le quotidien. Cette approche prend appui sur 3 Cette expression est empruntée à Philippe Meyer dans sa chronique « matutinale » sur France Inter. des éléments sociaux, notamment la division sociale des tâches, la répartition des rôles. Ce rapport au quotidien, au familier induit une visée éducative particulière au sens où l’éducation manuelle contribue à l’éducation sociale et familiale. En revanche, il y a intérêt à dépasser cette phase de transition et à entendre l’enseignement de la technologie comme une réelle éducation technologique. Cela suppose rentrer dans une logique de rupture avec l’éducation manuelle par une délimitation des contours de cette discipline scolaire pour laquelle il s’agit de former un nouveau corps d’enseignants (Ginestié, 1999a). Considérer la technologie comme une contribution à l’éducation suppose de définir quelques préalables pour en circonscrire le champ. En effet, si nous considérons que la technologie est un discours sur la technique (interprétation étymologique), le champ d’investigation est très large et aucune discipline scolaire actuelle n’échappe à cette vision extensive (technique arithmétique, poétique, littéraire, historique, linguistique, etc.). La limitation communément admise réduit ce champ d’investigation au monde des objets artificiels ou, pour être plus exact, au monde des produits qui résultent d’une intentionnalité humaine dans un but marchand à l’exclusion des productions artistiques. Cette vision réductionniste ne va pas de soi a priori si l’on se réfère à Deforge (1995) ou à Gabus (1975). En effet, comment par exemple qualifier le dernier disque compact de Maria Carrey ou de n’importe quel musicien actuel qui connaît un succès planétaire ? En tant qu’œuvre artistique, elle échappe au champ d’investigation de l’enseignement de la technologie. Pourtant, sa diffusion à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires suppose une logique de production industrielle et de distribution commerciale qui relève bien des objets manipulés dans l’éducation technologique. De la même manière le succès d’un produit industriel, et donc sa production en grande quantité, est souvent largement dû au design de cet objet. Les designers, comme les concepteurs de campagnes publicitaires, ont tendance à revendiquer le titre de créatifs artistiques, titre que nul ne conteste à Maria Carey. Pourtant, l’histoire actuelle nous apprend que la production de succès mondial de la musique est avant tout pensé comme l’élaboration d’un produit marketing pour lequel les choix artistiques ne sont que les conséquences des définitions de la clientèle cible, des catégories socioprofessionnelles et des vecteurs de pénétration du produit sur le marché. Il n’est pas aussi simple de définir des limites. Un des postulats possibles pour circonscrire le champ de l’éducation technologique serait de la limiter au monde des objets techniques, à leur mode d’existence et aux organisations sociales dans lesquelles ils existent. De fait, ce postulat privilégie le rapport d’une éducation technologique au monde matériel sans que ce rapport soit orienté fortement dans une direction ou une autre. En effet, cet abord peut être envisagé selon différentes perspectives qui ne renvoient pas toutes à des références communément admises pour ce type d’enseignement. La sociologie, l’économie, l’ergonomie deviennent des signifiants possibles pour l’éclairer. Nous voyons là toute l’ambiguïté de cette conception de l’enseignement de la technologie qui vise à la compréhension du monde des objets techniques et des rapports que nous entretenons avec eux. Pour lever cette ambiguïté, il faut spécifier la contribution apportée par l’éducation technologique à l’éducation générale des citoyens tout au long de la scolarité obligatoire des élèves. Nous nous plaçons ici résolument dans une perspective d’une école moderne qui affirme, au travers de l’école pour tous et de l’égalité des chances de tous, des valeurs humanistes et démocratiques. Dans ce but, nous pouvons définir cinq points essentiels que l’éducation technologique devrait prendre en charge (Ginestié, 1997, 1998b) : (i) L’utilisateur d’appareils. l’utilisation d’objets techniques prend une grande place dans notre vie quotidienne et leur sophistication croissante induit constamment de nouveaux rapports homme – appareil dans un mélange de banalisation et de mystification. De ce point de vue, l’éducation technologique peut ainsi contribuer à développer des attitudes ouvertes et positives quant au bon usage des objets techniques en donnant du sens et en mettant de la raison dans leur usage (Fourez, 1994). Ce sont des compétences d’analyse de fonctionnement d’appareils existants qui sont visées, elles reposent sur des savoirs liés aux outils d’analyse fonctionnelle. (ii) L’acheteur de produits. La diversification des marques, des modèles, des gammes de produits ne clarifie pas outre mesure l’achat d’un objet technique4 quel qu’il soit. La dynamique marchande, martelée à force de messages publicitaires, tend à légitimer notre besoin de satisfaire nos envies sans considération de prix. Elle est particulièrement significative des pressions sociales et culturelles auxquelles chacun est soumis dans son rapport à la trilogie besoin – envie – coût. C’est ainsi que l’on peut entendre les multiples déclinaisons de produits qui répondent tous au même usage mais en prenant en compte des symboles d’identification fort différents (Lebahar, 1994) ; ces derniers sont les moteurs de décision d’achat qui font opter très précisément pour tel produit et non pour tel autre. L’éducation technologique peut ainsi contribuer à tempérer ces comportements émotifs en ajoutant un peu de rationalité dans les choix d’acheteurs. Les savoirs liés à ce niveau d’approche reposent, d’une part, sur les liens entre valeur et fonction (notamment ceux que l’on trouve dans des outils tels que ceux de l’analyse de la valeur) et, d’autre part, sur la sémiologie des objets (notamment telle qu’elle est abordée dans les outils du design industriel ou dans ceux du merchandising). 4 Il n’est pour s’en persuader que de regarder le nombre de magazines qui, dans des domaines très divers et tout aussi variés, proposent, pour l’essentiel, des guides d’achat, des comparatifs de produits, etc. (iii) L’usager de systèmes. Nos systèmes d’organisation sociale établissent des liens très étroits avec des réseaux de systèmes techniques de plus en plus développés autour des usagers ; ces systèmes influencent très fortement nos activités et l’évolution de notre environnement. L’usage d’un objet technique ne peut se réduire à sa simple utilisation mais doit être entendu dans une perspective plus globale d’interactions fortes entre la production des objets techniques, l’évolution de notre environnement et les modifications du contexte social5. De fait, nos actes d’usager s’inscrivent dans ce fonctionnement systémique auquel une éducation technologique pourrait donner une plus grande lisibilité. Les notions de flux (de matières, d’énergies, d’informations), d’interactions et de rétroactions, de processus de transformations (dans leurs dimensions irréversibles ou non), d’évolutions (entropie, stabilité, développement) sont quelques-uns des éléments des savoirs en jeu ici. (iv) L’acteur social dans le système de production. L’homme occupe une place active dans l’organisation sociale non seulement en raison de son rôle de consommateur mais également par son travail et la contribution sociale qu’il fournit. L’alternance d’un rôle de consommateur et de producteur repose sur une mise en scène d’un cycle simpliste6 dans lequel travail = salaire = pouvoir d’achat = consommation de produits. Cette équation est largement répandue comme modèle explicatif du développement de nos sociétés modernes occidentales7 (qui ne saurait être entendu qu’en termes d’accroissement). Ce modèle est, bien évidemment, culturellement et historiquement marqué. Sa principale force réside dans cette apparence d’universalisme8 martelée avec la même force que les messages publicitaires des produits à commercialiser, et même si d’autres modèles ont existé ou existent, réellement ou théoriquement. Actuellement, nous pouvons voir que l’exclusion d’une part non négligeable de la population du monde du travail crée une exclusion sociale dont les tensions introduisent des points de rupture dans nos écoles, entraînant, sous des formes diverses selon les pays, les cultures et les systèmes politiques, des formes d’exclusion scolaire. L’évolution sociale n’est jamais neutre ou a-conflictuelle. Par ailleurs, ces inscriptions consuméristes relancent le débat spiritualité – matérialisme qui n’est pas neuf en soi. Ces décalages sont sources de conflits, ils provoquent d’importantes ruptures 5 Par exemple, le développement de l’automobile est lié à des choix d’aménagement du territoire et a complètement modifié les rapports ville – campagne, citadin - villageois. 6 Cette présentation réduite est une simplification qui n’a été adoptée que pour la clarté de la discussion. 7 Les discussions politiques actuelles sur la relance de la croissance, l’emploi, la consommation des ménages, etc., témoignent de l’importance de cette relation dans notre équilibre social et économique. La mondialisation de l’économie de marché et la généralisation de la concurrence sont des références me de plus en plus dominantes en cette fin de XX siècle. 8 Par exemple, A. Minc avance la thèse que l’économie de marché n’est pas une élaboration sociale mais plutôt une composante de la nature sociale humaine. sociales mais ils sont un moteur essentiel d’évolution sociale ; laquelle évolution9 n’est jamais «un long fleuve tranquille» ! L’éducation technologique peut contribuer à accroître la lisibilité de ces évolutions en clarifiant certaines relations entre les hommes et le monde des objets techniques qu’ils produisent. Les concepts en jeu ici relèvent, d’une part, des modes d’organisation sociale du travail (et donc également de division sociale du travail) et, d’autre part, des notions d’économie (qui ne seraient pas limitées à une économie particulière telle que l’économie d’entreprise mais pourrait prendre plusieurs postures comme l’économie des ménages, l’économie d’entreprise, l’économie locale, etc.). (v) Le citoyen dans la Cité. L’accès au savoir pour tous est un enjeu important des démocraties contemporaines notamment afin de permettre à tout un chacun d’exercer une part du contrôle démocratique de l’évolution sociale. Or, l’évolution technologique, corollaire de celle des sociétés, est très souvent présentée comme affaire de spécialistes œuvrant au bien commun. Cette approche par le bien commun dans la vie de la Cité se fonde pour partie sur un contrôle démocratique de l’évolution qui est, actuellement, largement confié à quelques poignées de spécialistes, d’experts10. De fait, accorder le contrôle à des commissions d’experts revient à aggraver la fracture dans la Cité au nom de ceux qui savent versus ceux qui ne savent pas. Les comités d’éthiques sont, par exemple, très largement significatifs de cette prise de pouvoir par le savoir et font apparaître les limites à l’exercice de la démocratie ; l’égal accès au savoir pour tous demeure une exigence d’idéal pour la démocratie. De ce point de vue, la contribution de l’éducation technologique en tant qu’organisatrice de significations sur l’évolution technique paraît incontournable. Il ne s’agit certainement pas de donner à chacun les connaissances d’un utopique encyclopédisme technologique mais bien de donner les savoirs nécessaires à l’exercice d’un contrôle en termes de compréhension des enjeux et des risques. Ces cinq points constituent une base afin de discuter de cette éducation technologique en qualifiant de manière significative la rupture avec les différentes formes d’éducation manuelle que nous connaissions jusqu’à présent. Ce débat existe déjà dans l’interprétation de la structure de la discipline. Trois positions me semblent coexister actuellement. La première, nous l’avons déjà évoquée, s’inscrit dans la délimitation de l’enseignement de la technologie en regard des sciences (la technologie est ce que ne sont pas les sciences) qui procède d’une logique de distinction. La seconde s’articule autour de la logique de production industrielle tel que ce domaine c’est défini dans les sciences et techniques industrielles. 9 On se référera à ce sujet, par exemple, à l’évolution actuelle des technologies de la communication et aux bouleversements sociaux qu’elle engendre. 10 Les débats sur tout ce qui touche la natalité (fécondation in vitro, dépistage génétique, etc.) sont largement significatifs de ces débats de spécialistes. Dans cette perspective, les rapports sociaux, culturels, économiques n’apparaissent que comme des contraintes à cette production industrielle. La troisième pose l’économie d’entreprise comme moteur essentiel d’une logique du sens de la vie d’un produit ; lequel produit n’est qu’un artefact pédagogique illustrant cette logique. La première position permet de comprendre la logique d’élaboration d’épistémologies scolaires qui fondent les disciplines enseignées à l’école. Ces disciplines ne recouvrent généralement que très partiellement, voire pas du tout, les disciplines universitaires. À titre d’exemple, c’est cette distance que l’on peut noter entre la mathématique du mathématicien et l’enseignement des mathématiques du professeur de mathématiques ou celle que l’on relève dans les apprentissages de la langue maternelle et les recherches sur la littérature dans une langue donnée. Les seconde et troisième positions permettent de comprendre certaines logiques curriculaires mises en œuvre en éducation technologique. En effet, la seconde position maintien une articulation très forte entre concevoir, fabriquer et utiliser un objet technique au travers de méthodes, d’outils et de langages qui permettent de rationaliser et de formaliser des rapports à l’objet. C’est cette position qui fonde une éducation technologique qui s’appuie sur du concret, qui n’est pas seulement un discours sur. En même temps, cette articulation prise dans cette perspective, appauvrie l’éducation technologique en la réduisant à l’utilisation et la mise en œuvre de ces outils, de ces méthodes et surtout en excluant les rapports sociaux que nous évoquions plus haut. La troisième position, en intégrant la logique économique, permet de re-tresser ces liens sociaux entre une logique industrielle, qui dans sa forme scolaire a été asocialisée, et une logique sociale qui est inscrite dans une perspective économique (Ginestié, 1999b). On le voit, il n’est pas aisé de trouver un équilibre dans une éducation technologique qui oscille entre l’élaboration de discours sur la technique, notamment dans ses dimensions sociales et humaines, et la mise en œuvre de ces techniques, notamment dans des perspectives de maîtrise des gestes pour produire. Ce sont ces paris que porte en soi l’éducation technologique et les choix qui sont faits font pencher la balance d’un côté ou de l’autre. Ce sont aussi ces questions qui se discutent ici et là, par exemple lors du colloque « le projet en éducation technologique » en novembre 99 à Marseille (Ginestié, 2000). 1 BIBLIOGRAPHIE Amigues R., Ginestié J., Johsua S. (1995). L’enseignement de la technologie et les recherches en didactique. Didaskalia, n° 3, pp. 34-51. Benson C. (1996). In-service training for primary design and Technology – is it working? In J. Smith, Report of IDATER Conference, Loughborough, Loughborough University editions. Blandow D., Dyrenfurth M. (1992a). Technological literacy, competence and innovation in human resource development. Erfurt, WOCATE editions. Blandow D., Dyrenfurth M. (1995). HRD, Innovative and integrative thinking of education for life. In Langer, Metzing, Wahl, Technology education, innovation and management. Berlin, Springer editions, pp. 75-81. Borge G. (1999). Technology education: the sloyd tradition of Uno Cygnaeus in the modern world. 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