Le Canada a découvert l`extraordinaire orchestre de jeunes Simon

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Le Canada a découvert l`extraordinaire orchestre de jeunes Simon
Un orchestre vénézuélien nous sensibilise à l'égard du talent canadien - un mot de la part de
Don McKellar
Le Canada a découvert l’extraordinaire orchestre de jeunes Simon Bolivar du Venezuela et est
abasourdi qu’un pays presque inconnu et si pauvre puisse produire l’un des meilleurs
orchestres symphoniques au monde. De plus, cet orchestre incarne le perfectionnement de
jeunes Vénézuéliens réalisant un niveau très élevé d’aptitudes musicales. Tout cela a été
rendu possible grâce à Jose Abreu, qui a reconnu que la musique peut rescaper les jeunes
d’une vie de pauvreté et de difficultés, et qu’elle peut même enrichir tout un pays.
Au lieu de rester abasourdis par cette réalisation remarquable, nous devons plutôt nous
tourner vers le Canada et réaliser que nous avons chez nous la pierre d’assise essentielle pour
desservir nos jeunes et concrétiser le même exploit qu’au Venezuela.
L’Orchestre national des jeunes du Canada, composé de 100 jeunes musiciens et musiciennes,
donne un rendement manifestement comparable à celui de l’orchestre du Venezuela qui, lui,
compte 200 musiciens ou même plus. Toutefois, l’ONJC pourrait doubler, voire tripler, son
ampleur sans pour autant sacrifier son niveau de perfection. Des centaines de jeunes
Canadiens passent en audition chaque année. L'orchestre, à cause d’enjeux de logistique et de
financement, doit fermer la porte à de nombreux jeunes musiciens et musiciennes
extraordinaires.
L’ONJC, au lieu d’être une entreprise exploitée à longueur d’année, se rassemble pendant six
semaines d’été. Pour participer, de nombreux musiciens doivent faire un important sacrifice
financier. Pendant ces six semaines, ils atteignent un niveau d’aptitude musicale de calibre
mondial. Les membres de l’orchestre sont dirigés par de jeunes chefs d’orchestre canadiens
très doués et sont encadrés par un corps enseignant composé d’excellents musiciens de
partout au Canada. En 2010, l’ONJC célébrera son cinquantenaire.
L’ONJC représente bien les douzaines d’excellents orchestres de jeunes se produisant dans les
villes et municipalités partout au Canada. En effet, le Canada a de quoi être fier de ces
centaines d’orchestres, de chœurs et de fanfares communautaires remarquables.
Partout au Canada, une multitude de programmes de musique au niveau scolaire s'efforcent
déjà d’impliquer beaucoup de jeunes. Il suffit de jeter un coup d’œil aux centaines de festivals
musicaux communautaires auxquels prennent part des milliers de jeunes musiciens et
musiciennes, et qui, pourtant, ne suscitent pratiquement pas d’intérêt dans les médias et
auprès du grand public.
Si la société et le système d’éducation rendaient disponible aux jeunes la musique et les
autres arts du spectacle et visuels en échange d’un seul crédit pédagogique pour chaque
année scolaire complète, de la pré-maternelle jusqu’aux dernières années d’école, le Canada
pourrait réaliser largement autant que le modèle vénézuélien. De plus, comme l’a démontré le
Venezuela, les programmes musicaux scolaires dans les collectivités névralgiques peuvent
guider les jeunes vulnérables vers un style de vie différent et emballant.
De nos jours, au Canada, des centaines d’enseignants en musique reçoivent un diplôme
universitaire. Ces enseignants professionnels sont désireux de s’acquitter de leur
responsabilité et de donner aux étudiants une expérience musicale d’excellent calibre dans les
écoles et dans les collectivités.
Toutefois, des centaines d’écoles canadiennes n’ont pas de professeur de musique ou même
de professeurs formés dans le domaine des arts. Ce point devrait être très troublant pour tous
les Canadiens. Le Venezuela n’a probablement pas les ressources que nous avons ici chez
nous, mais le gouvernement du Venezuela sait combler les écarts en fournissant 80 % du
financement nécessaire pour le programme national de formation en musique d’une année
complète.
Au Canada, nous avons la chance de pouvoir compter sur des musiciens professionnels qui
viennent compléter les programmes musicaux dans de nombreuses collectivités et qui
viennent desservir, avec excellence, les jeunes musiciens de la région.
Nous savons tous que les programmes de sport sont considérés comme étant essentiels aux
programmes scolaires. N’oublions pas que la musique et les arts sont tout aussi importants.
Les programmes de musique et d’art peuvent, avec du temps et de bons professeurs, venir à
impliquer jusqu’à 100 % de la population estudiantine d’une école, et venir à faire partie
intégrante de toute la collectivité. C’est en effet le cas pour de nombreux chœurs, fanfares et
orchestres scolaires.
Toutefois, au Canada, l’enseignement des arts est depuis trop longtemps perçu comme
superflu, autant du point de vue académique que du point de vue financier. Les bureaucraties
provinciales et régionales, dans les écoles, n’ont jamais poussé cette facette du cursus. Reste
pourtant que pour les jeunes d’aujourd’hui, les arts et la musique représentent un mode de vie
qui doit être soigné et apprécié à sa juste valeur.
L’infrastructure est déjà en place Canada pour impliquer tous les jeunes Canadiens. Mais pour
que nous puissions réaliser au Canada – un pays riche – ce qui est déjà chose faite au
Venezuela – un pays pauvre -, nous devons avoir un désir de le faire. Comme le Venezuela, le
Canada peut toucher la vie de milliers de jeunes Canadiens et Canadiennes qui vivent dans la
pauvreté et au seuil d’une vie semée de dangers.
Notons également que le programme vénézuélien est entièrement axé sur la musique
« classique », qui représente la pierre d'assise du succès pour tout programme musical
national. Lorsque les jeunes s’impliquent dans cette musique exigeante des points de vue
intellectuel et émotif, tout un monde d’expérience humaine s’ouvre à eux, et ils profitent d’une
occasion de répondre aux exigences adultes de cet art emballant.
Faisons de l’orchestre de jeunes Simon Bolivar du Venezuela un exemple à suivre et une
source d'inspiration, et donnons-lui l’occasion de nous montrer ce que peut faire la musique
pour enrichir la vie d’une jeune société canadienne. Le Venezuela a réussi. Le Canada le peut
également.
Donald McKellar
Professeur émérite
Président fondateur, faculté de l’éducation musicale
Doyen fondateur associé
Don Wright Faculty of Music
University of Western Ontario