Cahier P da Balsa-LArgent

Transcription

Cahier P da Balsa-LArgent
Théâtre de la Balsamine
1 avenue Félix Marchal
1030 Bruxelles
Réservations : 02 735 64 68
Saison 2011-2012
Cahier péda Balsa n°1
L’ARGENT
Stéphane
Arcas
Du 6 au 15 octobre 2011
Contact relations publiques / médiation écoles et associations
Marie-Sophie Zayas
Tél. 02 732 96 18 ou [email protected]
L’Argent
Stéphane Arcas
Du 6 au 15 octobre 2011 à 20h30, relâche le dimanche et le lundi
Amphithéâtre - Durée du spectacle : 1h30/1h40
Aftershow le vendredi 7 octobre 2011, rencontre avec l’équipe artistique
après la représentation.
Mise en scène, écriture : Stéphane Arcas / Assistanat : Cécile Chèvre
Avec : Marie Bos, Nicolas Luçon, Philippe Sangdor, Claude Schmitz
Scénographie et costumes : Marie Szersnovicz
Lumière : Margaret Andersen.
Une production de la Balsamine.
Figure 1: © Stéphane Arcas
1
Where is my mind? Where is my mind?
Where is my mind?
Pixies
2
SOMMAIRE
En bref ................................................................. 4
Stéphane Arcas .......................................................... 5
Les thématiques ......................................................... 7
La mort ........................................................... 7
La vanité ......................................................... 7
La « beat generation » ........................................... 15
Les séries télé .................................................. 16
Le texte ............................................................... 18
Structure ........................................................ 18
Extrait .......................................................... 19
Matière à animer ....................................................... 23
Figure 2: © Stéphane Arcas
3
EN BREF
L’histoire de l’argent est assez simple. C’est une « comédie
cauchemardesque ».
C’est l’histoire de Sky (Nicolas Luçon) dont l’esprit a disparu et
quitté son enveloppe corporelle. Il tente de comprendre ce qui lui arrive,
accompagné d’une infirmière, Lucy (Marie Bos) et de se souvenir de qui il
est et de quelle est sa réalité. L’intrigue se déroule dans une salle
d’autopsie...Sky
est
mort,
ce
qui
explique
son
embarras.
Dans
ce
laboratoire le docteur Diamond. (Claude Schmitz) et Lucy se livrent à une
expérience : le cerveau de monsieur Sky devient le sujet d’une tentative
de communication avec l’esprit des morts.
La question de la Mort s’étend dès lors à un débat plus large, celui de la
réalité du Vivant. Arrive alors, le très attendu directeur de l’institut
médico-légal, la faucheuse en personne (Philippe Sangdor).
Il s’agit donc d’une vanité où les personnages, chacun sous un angle
différent, vont poser la question de la superficialité et de la fugacité de
l’existence. L’exercice prendra des tournures stylistiques différentes
selon qu’on l’aborde par le biais de la science, du romanesque, des
séries TV, du point de vue psychédélique ou tout simplement socio-culturel.
L’expression « comédie cauchemardesque », empruntée à Kubrik (à propos de
son Dr Folamour) correspond assez bien à l’atmosphère du spectacle.
Partir du principe que Sky est mort et situer l’action à un niveau
spirituel permet à Stéphane Arcas d’abstraire le contexte social quotidien
et de mettre au premier plan la question de l’identité.
Autour de la disparition de Sky, chacun des personnages va, littéralement,
se confronter à ses obsessions, à ses fantasmes et à ses angoisses
4
profondes pour tenter d'y créer un ordre. À travers cette introspection,
Stéphane questionne son rapport au monde. Car, si ses personnages se
confrontent à leurs rêves, ceux-ci se révèlent être le reflet des maux qui
stigmatisent notre société contemporaine. L’Argent traite de la difficulté
qu'a l'homme d'aujourd'hui à trouver un équilibre et un accord entre luimême et le monde réel.
Les personnages de la pièce sont des figures types : il y a une base de
théâtre très simple à laquelle s’ajoute une complexité dramaturgique qui
confère un aspect mystérieux. Le spectateur se retrouve face à un objet qui
lui est à la fois totalement familier et complètement étranger.
La langue renforce le réalisme de la pièce, mais tellement d’éléments
renvoient à l’artificialité des rêves (comme les blocages de parole),
qu’on ne peut que s’y laisser perdre.
Les
personnages
passent
de
détails
insignifiants
à
des
réflexions
métaphysiques, peu leur importe, l’essentiel est qu’ils parlent. Ils ont
une nécessité impérieuse de dire leur monde intérieur.
5
STÉPHANE ARCAS
Stéphane Arcas, plasticien - auteur - metteur en scène. Après les BeauxArts, il participe à de nombreuses expositions et réalise entre autres le
Body Count (ci-contre), une installation présentant à même le sol toutes
les
composantes
constituant
un
corps
humain
de
70
kilos
dans
les
proportions idoines. Son œuvre, empreinte de référents culturels variés,
mêle l'art classique à la culture punk. Il se revendique comme «iconoclaste
multimédia».
Il se rapproche du théâtre en participant à des projets en tant que
vidéaste, scénographe et comédien puis il décide de passer lui même à la
mise en scène (La Ferme des Animaux d’Orwell) et par la suite à l'écriture
(Billy the Kid, Bleu Bleu, Antistax 500).
En 2005, il s'installe à Bruxelles, où il rejoint la structure Kwaad Bloed
Vzw au sein de laquelle il produit sa trilogie La Forêt, Le Désert et
L'Argent. En 2010, il crée une performance, co-écrite avec Arnaud Michniak,
intitulée Pas là.
En 2011, il participe en tant que comédien et scénographe dans L'Institut
Benjamenta d'après Robert Walser (mise en scène par Nicolas Luçon), il crée
Scum Manifesto (d'après Valérie Solanas) et met en scène son texte L'Argent
à la Balsamine.
En tant que metteur en scène et plasticien Stéphane Arcas se dit être
souvent confronté à des dilemmes liés aux jargons spécifiques de ces deux
pratiques. Ce projet en tant que création d’une vanité théâtrale, mêlant
donc l’univers plastique à l’univers théâtral est donc pour lui un
challenge assez excitant.
6
Figure 3: © Hichem Dahes, composition pour mouches et bouteilles, portrait de Stéphane Arcas
Figure 4: © Stéphane Arcas
7
LES THÉMATIQUES
∙ L’Argent est un spectacle qui parle de la mort...
Quel rapport avec le titre?
L’argent est un concept que l’homme a créé et qu’il utilise pour donner
une valeur aux choses. Il est un étalon théorique et la monnaie en est son
instrument.
Sur le même principe, pour estimer la valeur de l’existence terrestre,
l’homme se réfère à la Mort. Il s’agit d’un absolu qui va au delà de son
état physique. On ne limite pas l’argent au métal comme on ne limite pas
la mort aux cadavres
On ne peut alors, d’une part, que juger de notre existence en fonction de
ce que l’on présume de la Mort.
Et de la même façon, on ne peut accepter l’idée de notre mortalité qu’en
comparaison avec notre vécu. C’est sur ce tragique dilemme que se bâtit
cette comédie.
∙ La vanité
Dr Diamond: (il balaie l’air de ses mains à cause des mouches, il finit
par en capturer une dans son poing) : Il y a un peintre, un italien, je ne
sais plus lequel. Il devait faire le portrait d’un mécène. Et le jeu des
portraitistes qui faisaient ces commandes, souvent plus par nécessité
financière que par envie, était d’insinuer une vanité dans le tableau.
Lucy: Une vanité ?
Dr Diamond: Une vanité, ma chère, est comment dire… Une représentation
qui figure la présence de la mort… La fugacité et la précarité de notre
présence sur terre. (il broie la mouche et la laisse tomber au sol). Donc,
8
ces peintres, frustrés de se voir imposer un sujet justement si «vaniteux
», se faisaient un point d’honneur de jouer un tour à leur commanditaire.
Souvent cachaient-ils dans un coin du tableau une tête de mort… Bref, ce
peintre-là, on l’avait bien mis en garde de ne pas mettre de tête de
mort. Bien évidemment le peintre s’est acharné à trouver un moyen de
contourner l’interdit. Le vêtement du noble pour le portrait était noir.
Ce qu’il a fait c’est juste de peindre une petite mouche noire sur
l’habit noir, un détail quasiment indécelable, que les gens ne
remarquèrent pas sur le moment.
Lucy: (elle considère mentalement le tableau imaginaire) Genre : tu fais
le bellâtre, mon brave, sur ton portrait, mais tu n’es toi aussi qu’un
bout de viande en décomposition.
Dr Diamond: C’est exactement ça: une vanité !
L’Argent, scène 6
Définition :
Le temps et la mort ne cessent de vouloir être captés par les artistes.
Une vanité est une catégorie particulière de nature morte, à haute valeur
symbolique, un genre très pratiqué à l'époque baroque, particulièrement en
Hollande.
Leur titre et leur conception rappellent que tout est vanité. Le message
est de méditer sur l'inutilité des plaisirs du monde face à la mort qui
guette.
Si les objets au Moyen Âge peuvent figurer dans la peinture, c’est parce
qu’ils ont un sens. Dans les vanités, les objets représentés sont tous
symboliques de la fragilité et de la brièveté de la vie, du temps qui
passe, de la mort. Parmi tous ces objets symboliques, le crâne humain,
symbole de la mort, est l'un des plus courants. On retrouve ce memento mori
(souviens-toi que tu vas mourir) dans les symboles des activités humaines :
savoir, science, richesse, plaisirs, beauté… Les vanités dénoncent la
relativité de la connaissance et la vanité du genre humain soumis à la
fuite du temps, à la mort.
9
Les 3 groupes de vanités :
Premier groupe: évoque la vanité des biens terrestres : livres, instruments
scientifiques, art : c'est la vanité du savoir ; argent, bijoux, pièces de
collection, armes, couronnes et sceptres : vanité des richesses et du
pouvoir ; pipes, vin, instrument de musique et jeux: vanité des plaisirs.
Deuxième groupe: évoque le caractère transitoire de la vie humaine :
squelettes, mesure du temps, montres et sabliers, bougies et lampes à
huile, fleurs.
Troisième groupe : contient les éléments qui sont les symboles de la
résurrection et de la vie éternelle : épis de blé, couronnes de lauriers.
Exemples de vanité dans la peinture du 17ème 1 :
Titre : Autoportrait à la vanité
Auteur : Bailly, David (1584-1657)
Lieu de conservation : Leyde, Stedelijk Museum de Lakenhal, Pays-Bas
Date œuvre : 1651
Origine auteur : Pays-Bas
1
Exemples tirés du cours de Thierry Lenain « Interprétation d’œuvres d’art » années académique 2009-2010,
Faculté de philosophie et lettres, ULB (illustrations de l’iconothèque virtuelle de l’ULB).
10
Interprétation:
Cette œuvre est une véritable autocritique de la dynamique picturale. Le
peintre se représente jeune mais portant un portrait de lui âgé (son âge
réel au moment de la réalisation du tableau) : il se rétro-jette dans le
temps de sa propre vie déjà passée. Il se montre tel qu’il était mais
tenant un portrait de celui tel qu’il sera. Cela montre une vie écoulée et
en même temps anticipée.
Objets de vanité typiques qui sont présents dans l’œuvre : fleurs coupées,
sablier, crâne, papiers (dont un qui dépasse dans notre réalité, sur lequel
est écrit un court texte du livre de l’ecclésiaste, source de l’idée de
vanité), montre, verre renversé, œuvres d’art (sculpture, chandelier
sculpté en argent, buste sculpté, trois portraits épinglés au mur et dont
les coins sont légèrement retournés en référence à la dégradation des
choses matérielles, etc.). Jouxtant, le portrait du peintre âgé, celui
d’une jeune femme (épouse, amour de jeunesse, …) représentant la beauté
éphémère. Derrière le verre, sur le mur, un portrait à demi-effacé.
Registre de la vanité et registre du discours méta-pictural : l’artiste
tient encore son appuie-main, comme s’il venait de terminer ce tableau.
On retrouve l’ambivalence symbolique de l’art, qui est vanité, peut
permettre de faire prendre conscience de la vanité et donc ne plus être si
vain. Le négatif et le positif se renvoient l’un à l’autre.
11
Titre : Nature morte à la vanité
Auteur : Claesz, Pieter (c. 1597-1661)
Lieu de conservation : Collection privée, États-Unis
Date œuvre : 1623
Origine auteur : Pays-Bas
Interprétation:
Peinture truffée de symboles de vanité : crâne, coquillages exotiques vides
(objets de collection), coupe d’argent renversée, bougie en train de
s’éteindre, violon (vie-morceau de musique qui va vite s’arrêter), fumée
qui prend naissance aux cordes du violon (métaphore de la musique comme
objet impalpable).
12
Titre: Miroir - vanité
Auteur: Anonyme
Lieu de conservation: Boston, Museum of Fine Arts, États-Unis
Date œuvre: XVIIe siècle
Interprétation:
Mi-tableau,
mi-miroir.
Le
spectateur
peut
s’observer
au-dessus
des
symboles de la vanité : crâne, bougie éteinte, coquille, portrait,... Il
réalise alors que son image n’est que l’antichambre du néant.
13
Titre: Vanité
Auteur: Adriaenssen, Hendrick
Lieu de conservation: Gand, Museum voor Schone Kunsten, Belgique
Date œuvre: milieu XVIIe siècle
Description: Vanité, Trompe-l’œil
Interprétation:
Le thème de la vanité entretient d’étroites relations aves celui du trompe
l’œil : les choses ne sont pas toujours ce qu’elles semblent être.
Crâne, fleurs fanées, pipe et tabac, bougie en train de s’éteindre, bulle
de savon (qui semble être la synthèse de tout ce néant). Niche comme
trompe-l’œil de la limite esthétique du tableau.
La Vanité, ce concept de questionnement autour de la représentation de la
mort est omniprésent dans les créations tant plastiques que théâtrales de
Stéphane. Selon lui, il n’y a rien d’original en soi à dire cela, car
cette problématique est inhérente à la condition humaine. Un des thèmes
centraux
de
son
travail
est
la
Vanité.
Un
des
thèmes
centraux
de
l’histoire de l’humanité est la Vanité. L’humanité rit et pleure,
14
probablement depuis son origine, en compagnie de la Mort. Pour lui, l’art
ne cesse de se questionner sur cette proximité constante et effrayante, sur
ce que Freud qualifiait d’ «inquiétante étrangeté», la peur incluse dans
cette chose familière et effrayante à la fois.
Une vanité théâtrale :
Dans ce projet, Stéphane Arcas crée une véritable vanité théâtrale en
s’inspirant de l’univers des vanités picturales. Il évoque la mort du
début à la fin. Une des particularités de la vanité qu’il interroge est
justement la notion d’évocation.
Comment évoquer la mort avec un langage de vivants? Comment rendre présente
à l’esprit la mort qui justement est le paroxysme de l’absence? Comment
mettre des images sur ce mot indéfinissable? Indéfinissable, mais qu’on
tente de définir... en vain.
Stéphane Arcas souligne l’aspect pictural inclus dans le texte. Il y a de
nombreuses descriptions de paysages sombres, d’architectures inquiétantes,
de paysages maritimes. Il y a même entre autres des allusions au vide
interstellaire, à la couleur noire et au rapport de l’ombre à la matière.
Cette omniprésence d’éléments de vanités plastiques livrés par la parole
des
comédiens
est
au
cœur
même
de
sa
recherche
et
de
ses
enjeux
artistiques. Elle participe à insinuer la notion de perte et de disparition
qui occupera par la suite le centre des débats.
15
∙ La Beat Generation
J’aime les écrits et la culture issue de la beat génération, la culture
« Sex Drug and Rock and Roll ». Ces auteurs sous influence ont eu un
rapport sans complexe aux principes fondamentaux, ils n’ont pas hésité à
se substituer à Dieu et à rechercher les limites de l’univers par le biais
des expériences extrêmes, illicites et dangereuses.
Stéphane Arcas
La « beat generation » en deux mots ...
Il s’agit d’un mouvement littéraire et culturel américain qui a regroupé
durant les années 1950-1960 des jeunes, des écrivains tels qu’A. Ginsberg,
J. Kerouac (Sur la route, 1957) ou encore W. Burroughs mais aussi des
artistes peintres de l'Action Painting et un poète-éditeur L. Ferlinghetti.
Le sens du mot « beat » est incertain, il peut signifier « battu »,
« vaincu » ou « battement » en référence au jazz. Ces jeunes écrivain,
regroupés à San Fransisco dans les années 50 se firent connaître sous ce
terme.
Figure 5: A partir de la gauche: Jack Kerouac, Allen Ginsberg, Peter Orlovsky, Lafcadio Orlovsky et
Gregory Corso en 1956. http://www.pbs.org/wnet/americannovel/timeline/images/beatgeneration.jpg
16
Ces artistes étaient connus pour leur sens de la révolte lié à une
tradition libertaire et individualiste remontant au 19e siècle américain. A
cette époque, l’injustice de certaines lois suscita de violentes critiques
notamment de la part d’Henry Thoreau, précurseur du mouvement. Cet
écrivain appelait à la « désobéissance civile » et condamnait le code
matérialiste du pays.
La « beat generation » se nourrit des écrits de William Blake, Artaud,
Michaux (pour l’Europe) mais aussi de l’influence d’Aldous Huxley qui a
fait découvrir la pensée orientale et l’usage des hallucinogènes2.
Dans cette analyse du rapport vie/mort, j’ai laissé libre cours à un
certain élan fantasque inspiré de celui des théories artistiques de la
« beat generation » et autres mouvements psychédéliques. Je parle de
débordements et de permissivité outrancière dans l’affirmation d’une
logique qui, une fois l’enthousiasme rhétorique retombé (tel l’effet
d’un hallucinogène) semble déconcertante.
Stéphane Arcas
Stéphane Arcas s’inspire entre autre d’Albert Hofman (inventeur du LSD)
et d’Aldous Huxley pour certains passages comme les expériences du labo.
Son écriture est également influencée par William Burroughs et Philip K.
Dick.
Figure 6: Aldous Huxley, http://s11.allstarpics.net/images/orig/7/a/7a8c72qetqjxa7cq.jpg
2
Sur base de l’encyclopédie Larousse en ligne, consultée le 20 septembre 2011.
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Beat_generation/107994.
17
∙ Les séries télé
Sont paradoxalement présentes des allusions plutôt directes à des séries
télévisées américaines de la nouvelle génération. Car elles aussi utilisent
ce genre de paraboles et de questionnement métaphysique.
Et même si on doit reconnaître qu’il y a une amélioration dans ce
qu’elles nous proposent en terme de qualité de scénarios et de thématique,
il n’en demeure pas moins qu’elles restent pour la plupart des objets
stéréotypés. La mise en évidence et l’exagération de certaines des
théories scientifiques et métaphysiques utilisées dans ces séries, en plus
du comique qu’elles créent, évoquent un certain point de vue kitch du
rapport qu’entretient le public télévisuel au réel et par extension à la
mort (le temps qu’on tue).
Stéphane Arcas.
C’est avec beaucoup d’ironie qu’Arcas utilise les clichés de vulgarisation
scientifique et de référence
utilisés dans ces séries très à la mode telles que :
« Fringe », « Les Experts », « Dexter ». Cette référence aux kitch de ces séries
télé est pour lui également un parallèle avec l’idée du temps que l’on tue et
donc encore un symbole de vanité.
Dr. Diamond: J'ai déjà utilisé cette technique pour extraire des informations d'un
corps. Mais on ne peut le faire que s'ils ne sont pas morts depuis plus de 24
jours.
Lucy: Ouais, parce qu'après 24 jours, ils sont vraiment morts.
Sky: C’est pour ça que vous voudriez que le directeur passe prochainement… (il
réfléchit) Vous pourriez accéder à mes souvenirs ? Je pourrai savoir ce qu’il
m’est arrivé ?
Lucy: Si ton cerveau n'a pas été trop endommagé, oui.
Dr. Diamond: Bien sûr il vous faut une sonde électromagnétique placée à la base de
votre cortex et vous immergé dans un réservoir. De plus, vous devez être fortement
drogué.
L’Argent, scène 5
18
LE TEXTE
∙ Structure
Les scènes se succèdent comme des tableaux. Et on peut analyser la
structure de l’Argent ainsi: Un rêve à l’intérieur d’un rêve, lui même à
l’intérieur d’un rêve, etc.,...Ce mécanisme remet donc systématiquement
en question le statut de la narration. Une scène en chasse une autre,
balayant ainsi la relative réalité qu’avait installée la précédente.
Qu’il
s’agisse
d’un
univers
de
séries,
de
roman
noir,
d’œuvre
psychélique, de documentaire, on ne sait pas vraiment et la vérité reste
dans le non- dit. C’est d’ailleurs ce non-dit que le texte cherche à
mettre en lumière. Ce jeu d’alternance entre les formes de jeu et de
narration est un facteur de doute. Ce même doute inhérent à la thématique
du texte.
Les coups de téléphone...
Les personnages reçoivent des coups de téléphone. Il s’agit de parenthèses
intemporelles qui donnent la parole à d’hypothétiques fantômes.
Ces scènes viennent briser la chronologie de l’histoire pour renforcer le
trouble et donner au récit une structure plus floue comme celle d’un rêve.
Figure 7: © Stéphane Arcas
19
∙ Extrait
SCÈNE 5
(Sky, il a la marque d’un découpage rouge sur son front, il est assis sur
la table, un bocal contenant son cerveau sur les genoux et le Dr. Diamond
et Lucy sont autour de lui, on prend une discussion en cours)
Dr. Diamond: En 72 pendant la guerre du Vietnam, la Division biochimique de
la Défense travaillait sur une contagion léprotique pour éventuellement
l'utiliser contre les Vietcongs. Accidentellement, ils ont généré une
molécule altérée de l’Argent et ce produit est un dérivé de ce travail.
Sky: Mais c’est une arme chimique, non ?
Dr. Diamond: Ce qui affecte la préparation est une réaction chimique - oui
- aux ingrédients bruts du laboratoire mais pas la maladie finale. Ce qui
veut dire qu'on peut synthétiser un remède.
Sky: Qui sert à quoi ?
Dr. Diamond: Il réduit considérablement le taux de cristallisation, la
dégradation cellulaire...
Sky: Combien de temps ?
Dr. Diamond: 24 jours. Mais au-delà un cerveau ne peut plus s'oxygéner seul
bien longtemps…Je suis vraiment désolé... de ne pouvoir vous proposer une
solution moins dangereuse.
Sky: Que voulez-vous dire ?
Lucy: Quoi ? Il ne vous en a pas parlé avant?
Sky: Non. De quoi ?
Dr. Diamond: Vraiment… Je ne vous ai rien dit ? Il me semblait…
Lucy: Quoi que tu croies avoir dit, tu ne lui as pas dit.
Dr. Diamond:(à Sky) Ce que je vous propose c’est de participer à un
système de transfert synaptique.
Sky: quoi ? (à Lucy) Qu’est ce que c’est au juste ?
Lucy: Un état… Comment dire ?... de rêve partagé.
Sky: Comment ça "un état de rêve partagé" ?
20
Dr. Diamond: Le cerveau humain génère des champs électriques quantifiables.
J'ai émis l'hypothèse en 1976 qu'il est possible de synchroniser les champs
de deux esprits distincts pour permettre le partage d'informations à
travers un état d'inconscience.
Lucy: Comme une ficelle entre deux boîtes de conserve.
Dr. Diamond: Vous savez ce que ça a de génial ?
Lucy: (pour elle) C'est que c'est complètement taré.
Sky: Vous dites que même en « étant mort », vous me ramèneriez dans un état
proche de « comme dans le coma » et là je pourrais, en me connectant à deux
autres sujets, communiquer avec vous dans le monde des vivants.
Dr. Diamond: Effectivement on pourrait l’expliquer comme ça… Ce n'est pas
une science exacte.
Lucy: Ce n'est même pas de la science.
(Silence)
Sky: Vous l'avez déjà fait ?
Dr.
Diamond:
J'ai
déjà
utilisé
cette
technique
pour
extraire
des
informations d'un corps. Mais on ne peut le faire que s'ils ne sont pas
morts depuis plus de 24 jours.
Lucy: Ouais, parce qu'après 24 jours, ils sont vraiment morts.
Sky:
C’est
pour
ça
que
vous
voudriez
que
le
directeur
passe
prochainement… (Il réfléchit) Vous pourriez accéder à mes souvenirs ? Je
pourrai savoir ce qu’il m’est arrivé ?
Lucy: Si ton cerveau n'a pas été trop endommagé, oui.
Dr. Diamond: Bien sûr il vous faut une sonde électromagnétique placée à la
base de votre cortex et vous immergez dans un réservoir. De plus, vous
devez être fortement drogué.
Sky: Quel genre de drogues ?
Dr. Diamond: Un mélange de kétamine, neurotine et diéthylamide de l'acide
lysergique. Ce dernier c'est du LSD ceci dit en passant -De l'acide- Ca
prend quelques heures à préparer et on peut y aller. (Il se saisit du bocal
avec le cerveau d’entre les mains de Sky et va le déposer à côté des deux
autres cerveaux). Je... je voulais dire avant de faire ça à quel point
21
j'apprécie ce que vous faites. Il y a tant de choses que vous perdez dans
un endroit comme ça. On perd la confiance des autres. C'est étrange à quel
point c'est important quand on ne l'a plus de voir des gens comme vous. (À
Lucy) J'aurais besoin de ton aide pour synthétiser le LSD, si ça te va.
Lucy: (ironique) Oui, bien sûr, pas de problème. Ca va être marrant ! (à
Sky) Je résume. (En désignant le Dr. Diamond) Cet homme désespéré qui
cherche la gloire scientifique à tout prix veut t’injecter une overdose de
drogue, planter un pic de métal rouillé dans ton cerveau, et te plonger
dans un réservoir rempli d’un cocktail de drogue… Et tu acceptes ?
Sky: Non, je ne le veux pas. Je ne préfèrerais pas. Mais comme je suis mort
vous ne me le demandez pas vraiment vous le faites. Tout simplement. Comme
ça. Sans me demander mon avis, vous le faites parce que cette conversation
n’est que métaphorique. C’est une vue de l’esprit en quelque sorte.
Genre
le
scénario
mental
de
l’un
d’entre
vous
qui
interroge
sa
déontologie.
Lucy: Autant dire que ton cerveau il est mal barre.
(NOIR)
22
MATIÈRE À ANIMER
Nous proposons des animations théoriques et/ou pratiques afin de mieux
appréhender les formes théâtrales. Ces animations peuvent avoir lieu à la
Balsamine mais nous pouvons venir à vous ! Ces activités sont généralement
préparatoires au spectacle mais peuvent également se dérouler après la
vision du spectacle.
∙ Animation théorique:
Présentation du travail de Stéphane Arcas, de son rapport au théâtre et aux
arts plastiques. Présentation du texte « L’Argent » et des thématiques
qu’il
aborde
telles
que
la
vanité,
la
mort
et
le
temps
comme
« valorisants » de la vie, etc.
∙ Animation pratique:
Qu’est-ce que la vanité et comment la représenter? Découverte d’exemples
puisés
dans
l’histoire
de
l’art.
Qu’est-ce
que
ces
œuvres
nous
racontent ? Comment représenter la vanité de nos jours : quelles serait les
symboles ?
Figure 8: © Stéphane Arcas
23

Documents pareils