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Témoins du Passé de Tain-l'Hermitage1 PAR LE BARON LUCIEN BOREL DU BEZ EPOQUE ROMAINE Taurobole, autel pour sacrifier au culte de Cybèle, mère des Dieux. Le fidèle qui désirait se sanctifier se plaçait dans une fosse. Un plancher à claire-voie supportait l'autel de pierre sur lequel était immolé le taureau dont le sang purifiait en l’aspergeant le fidèle. L'autel taurobolique de Tain a été érigé en 184 pour la conservation de l'empereur Commode. Le nom de ce prince a été effacé après sa mort tragique en 192. Placé aujourd'hui sur la place qui porte son nom, ce monument avait été érigé dans un temple dont la chapelle Saint-Christophe, élevée en 1864, occupe l'emplacement. Elle est inscrite à l'inventaire supplémentaire Monuments Historiques. De nombreuses monnaies et débris de poteries romaines, des fragments de mosaïques, des inscriptions ont été recueillis sur la colline de l’Hermitage et attestent que contrairement à la légende du prétendu chevalier de Stérimberg, forgée au XVIIè siècle, les vignes ont été cultivées dès l'époque gallo-romaine. En 1723, le Père Arsène Mayer, ermite qui desservait la Chapelle de Saint-Christophe, vendit à des anglais le précieux autel tauroboliques. Les consuls de Tain s'opposent à cette tractation et pour en prévenir le retour, firent placer le taurobole près de la place du port (place de l'ancienne passerelle). Pour le sanctifier, ils le firent servir de piédestal à une colonne surmontée d'une croix, brisée à la révolution. Cette colonne, prise à tort pour une colonne antique, a été retrouvée il y a quelques années et placée sur un des murs de l'ancien musée Max de la Sizeranne, transformé aujourd'hui en école dans le parc de l'hôtel du Chayla. De l'époque romaine subsiste encore au pied de la colline de l'Hermitage les traces de la voie romaine, au-dessous du pavillon appelé le pavillon Bergier et parfois la maison du diable. MOYEN-AGE La fin des invasions et le renouveau qui caractérise la fin du Xè siècle et les deux siècles suivants nous montrent que le vicus gallo-romain est descendu dans la plaine, sillonnée des multiples bras du Rhône. Un prieuré dépendant de la célèbre abbaye de Cluny et la puissante famille allodiale des Tournon se partagent la seigneurie de Tain. De l'église reconstruite en 1338, qui servit longtemps de sépulture aux Tournon et vît bénir le mariage du futur Charles V en 1350, il ne nous reste qu'une gravure qui nous autorise à penser que la nef et le portail étaient de style roman et une nef collatérale celle de gauche, gothique. Par contre des plans anciens et des restes encore visibles nous permettent de nous faire une idée des remparts qui permirent à la ville de connaître une sécurité qui en permit le développement. La Bâtie qui les commandait occupait l'emplacement de la maison de Mademoiselle Coindre : un plan dressé en 1812 indique que son angle sud-est était flanqué d'une tourelle circulaire. Elle s'appuyait sur une porte qui en a retenu le nom et mériterait d'être restaurée par la municipalité qui en est aujourd'hui propriétaire. Nous connaissons la date de reconstruction de ces remparts (1365). Ils furent alors continués le long du Rhône : il fallait protéger le port de 1 Ce texte est la copie d’un article de journal paru sur deux éditions les 4 et 12 mars 1972. De quel journal s’agit-il ? Les scan des 4 coupures de presse ont été transmis par Antoine Du Boys Tain, qui, avec celui de Tournon avait succédé au port romain de Saint-Jean-de-Muzols. D'autre part, ils protégeaient la ville des inondations. La ville va se développer dans un quadrilatère parallèle au Rhône, délimité : au sud, par le fleuve ; au nord, par le rempart percé en son milieu par la porte de l'horloge ou du Jacquemart, desservant l'Hermitage par le chemin des Tulipes ; à l'est, par le chemin se dirigeant sur romans ; la porte de la Bâtie sur cette face dessert à la fois cette voie et celle arrivant de Valence et la Roche-de-Glun ; à l'ouest, la porte du port aboutît à celui-ci, le dessert ainsi que la route conduisant à Vienne et à Lyon, la route royale. Des fossés contournent la portion des remparts non protégée par le Rhône : ils sont alimentés par le fleuve et aussi par le ruisseau descendant du chemin des Tulipes. La route royale à l'intérieur de l’enceinte prend d'abord le nom de rue de la Bâtie ; elle contourne le cimetière de l'église, se dirige sur l'ouest sous le vocable « grande rue ». Les quais n'existent pas sauf celui qui dessert l'école (actuel quai Scoly), lui-même enclos dans le rempart qui borde le Rhône. La rue die la Bâtie est celte des auberges ; la Grande Rue celle des échoppes et du commerce, la charte de 1309 favorise la vente du vin local et sera à l'origine d'une renommée méritée. Nous avons peine à comprendre comment avant 1740 les carrosses royaux ont pu parcourir la rue encore intacte et qui devrait être préservée de la Bâtie et la portion subsistante de la « grande Rue » condamnée à brève échéance par les plans d'urbanisme projetés. La rue de l'Hermitage, qui part du Rhône au midi pour gagner au nord la porte du Jacquemart conserve aux numéros 5 et 7 le plus ancien édifice civil de Taîn, l'ancien Grenier à sel. Une tourelle, inscrite à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, date, si l'on compare les marques de tâcherons de son premier étage et celles de la maison-forte de Conflans à Channos, de la fin du XVè siècle. Elle a été surélevée en 1602, date inscrite sur une cheminée qui conserve encore les armoiries du Grenier à sel autrefois visibles sur la porte du numéro 5. Du XVIè siècle date le joyau du vieux Tain ; l'hôtel ou maison des Courbis : l'un d'eux, Sébastien, décédé peu avant le 4 mai 1596, était marinier, au port de Tain : nous dirions aujourd'hui armateur. Il n'est plus possible de pénétrer dans la cour de ce logis, édifié en pierre molasse qui se boursouffle et se désagrège. Souhaitons du moins que la porte pleine, fasse place à une ouverture à claire-voie. Elle laissera entrevoir un décor de rêve singulièrement évocateur et qui a autrefois souvent tenté l'objectif des photographes d'art : un vieux puits, une tourelle d'escalier et, traversant la rue des Courbis, un pont reliant le logis de l'armateur à celui, daté de 1611, qui fut plus tard, l'hôtel des marquis d'Urre. Du XVIè siècle également date la porte cloutée de l'ancien hôtel de Lafont, Jaquemet de SaintGeorges, Cordoue et Florans, dont je reparlerai ultérieurement. Face à l'église, l'hôtel de Gros de Confions, qui s'appuie à l'angle de la Grande Rue sur un soubassement qui pourrait être du XVè siècle, est un bon spécimen de l'architecture du début du XVII siècle. II n'a plus ses trumeaux, disparus lorsqu'il fut aménagé en hôpital en 1914, mais conserve une belle rampe en fer forgé. Occupé tout récemment par la Gendarmerie, il est menacé de démolition prochaine, quoique en bon état d'entretien. La fortune des de Gros s'était réalisée avant que la création du canal du Midi (1666-1681) livré seulement à l'exploitation en 1720 modifia complètement le commerce des vins de l'Hermitage, comme nous le verrons tout à l'heure. Jusqu'à cette date, il se dirigeait, par le Rhône et la Saône vers Chalonsur-Saône par l'intermédiaire des de Gros ou Degros. La création en 1740 de la nouvelle route royale (actuelle route nationale n° 7) devait modifier complètement la ville de Tain. Elle se substitua à la Grande Rue et à la rue de la Bâtie. L'épidémie de peste de 1728 avait été la dernière, ce qui permît de démolir le rempart du côté du fleuve, voie navigable de plus en plus importante et utilisée. Les vieux hôtels de la Grande Rue prirent jour sur le Rhône et le plan de 1812 indique encore les escaliers qui permettaient d'y accéder et des terrasses qui regardaient le fleuve qui ne fut endigué qu'au milieu du XIXè siècle lors de la construction du pont de 1840. En partant de la porte du port, les demeuras du chevalier d'Urre ; des Lamociens de Piguieu (celle-ci flanquée d'une tour hexagonale appartenant peut-être aux anciens remparts); des Jacquemet de Saint Georges furent rebâties et s'ornèrent de fers forgés, en partie conservés, et de trumeaux trop souvent disparus. La maison du 14 de la Grand'Rue, rénovée en 1782 par Jean Joseph Misery, date de la même période quoique très remaniée, comme l'hôtel Jourdan (depuis Niblat de la Bretonnnière, Hue de la Blanche et Monier de la Sizeranne). Frappée d'une servitude d'alignement au n° 11 rue de l'Hermitage (n° 7 en 1812) la gracieuse porte de style régence de sa façade garde une imposte en fer forgé, surmontée d'un masque souriant, et, à l'intérieur un escalier monumental avec rampe de fer forgé et dans la salle à manger une jolie fontaine. Peut-être Charles Jourdan, maire de Tain y-a-t-il reçu le lieutenant Bonaparte lors de l'installation difficile du curé constitutionnel (septembre 1791). Si nous revenons sur le quai Scoly, nous retrouvons le bel hôtel de la famille Bergier, reconstruit sous le Directoire, bien conservé. Il occupe l'emplacement de celui qui accueillit la marquise de Sévigne naufragé du Rhône (1672). La grille qui borde le balcon de la porte d'entrée est peut-être un remploi de la construction qui abritait la célèbre épistolière. En dehors des remparts de la ville trois belles habitations semblent avoir été réédifiées ou modifiées en 1740, si l'on en juge par leur allure. Situées au pied du coteau elles en escaladaient une partie et l'exploitation du vignoble avait enrichi leurs possesseurs et permis leurs construction La « Maison Gallier » à l'entrée de la ville, en venant de Lyon, une longue construction composite, en partie du XVIIè siècle comme en témoigne une imposte en fer forgé aux initiales des Barbier, éteints chez les Gallier, auxquels ceux-ci ont été substitués et qui ont abandonné leurs armes primitives par suite de cette substitution. A la demeure primitive, accolée à celle des Mure que nous retrouverons bientôt, ils ont joint une maison entière sous le règne de Louis XVI qui conserve une délicieuse cheminée d'angle en faïence de Moustiers dans la partie actuellement possédée par M. Térence Gray. Celle encore habitée par M. Dufresne de Gallier a gardé partie de son décor, restaurée vers 1900, et son mobilier d'origine et de ses portraits. Elle peut encore donner une idée des intérieurs locaux aux XVIIè siècle et XVIIIè. Par contre la maison « Mure » encore intacte il y a peu d'années, restaurée et remeublée sous Napoléon III par les Monter de la Sizeranne, qui contenait un des plus beaux escaliers d'époque Louis XV de la vallée du Rhône, et qui était justement classée, a été rasée après déclassement par l'administration des Ponts et Chaussées pour supprimer une courbe de la route 7, dont la suppression a déjà provoqué trois accidents graves. A l'intersection de l'actuelle avenue de la Gare, de la route 7 et de la route de Romans, l'hôtel de la famille de Loche, construit d'un seul jet comme la maison Mure, abritait une remarquable alcôve due à Frachisse, menuisier de Tain et auteur de celle exécutée pour Monseigneur Milon évoque de Valence, anéantie dans le récent incendie du Musée de Valence. Cette décoration était relevée par de belles cheminées et de précieux trumeaux, par des portraits et des tapisseries heureusement gardés par la famille le Gambert de Loche, mais répartis, y compris la belle alcôve transportée au château de Charly (Rhône) dans diverses demeures, hors de Tain. Le 24 septembre 1789, la ville, mettait en vente ce qui restait des remparts et des fossés qui les entouraient : elle prit une nouvelle extension. Ainsi se bâtirent les maisons placées à droite en direction de Valence, et celles au levant, de la rue du Rhône, dont encore actuellement une partie des anciens remparts constitue l'un des murs. Le bel hôtel bâti sous Louis Philippe par la famille Roy et appartenant actuellement à Madame Calmonsen constitue le meilleur échantillon. Dès le début du XIXè siècle la route 7 se construisit en direction; de Valence : 1a famille Macker, originaire de Délémont, en Suisse, construisit la maison longtemps habitée par la famille Jaboulet Vercherre, actuellement étude de Me Sorrel. Face au Rhône, dont le quai sud, s'arrêtait à l'actuelle résidence des religieuses garde-malades le chalet de la famille Monier de la Sizeranne, longtemps habité par leurs parents, les du Boys. Au retour de l’émigration le représentant de la famille de Mure de Garcin de Larnage, après son mariage avec Mademoiselle Monier (1807) fit bâtir un charmant pavillon, surélevé vers 1840 et flanqué de deux ailes de style Louis XIII. Il va abriter la nouvelle mairie de Tain en 1972. Dans le parc, en1840 également, à la suite d'un vœu, Mme de Larnage née Monier fit construire une chapelle de style gothique troubadour, d'abord dédiée à Sainte Philomène, puis à Notre Dame de la Salette. Le grand remède contre l'épilepsie, distribué dès le XVIIè siècle par la famille Mure de Larnage y fut donné avant la construction, sous Napoléon III de l'asile de La Teppe. Une orangeraie séparée par la construction du nouveau pont, a été édifiée en 1829 par la famille Mizery dont l'habitation urbaine, en 1811, portait le numéro 36 de la Grand'Rue (actuellement n° 14). Plus tard les Odouard, du Mas de Massas, et Garnier des Hîères, héritiers des Mizery y élevèrent une demeure réédifiée en 1883 dans le style Louis XVI, par Madame Cartairade, où fut bénie le 2 février 1887, par l'évêque clé Valence, 1e mariage de sa fille, Anna, avec le lieutenant Borel du Bez, L'habitation était alors à pic sur le Rhône, d'où le nom de château de Petite Rive. Depuis 1943, c'est la clinique de 1'Hermitage, maintenant séparée du fleuve par une belle promenade, qui aboutit à la piscine et au camping municipal, très belle réalisation de la municipalité actuelle (novembre 1971). Au XIXè siècle, Tain fut un centre pour un noyau de familles aristocratiques. La propriété (aujourd'hui 24, rue de l'Hermitage) des Calvet, maintenant fixés à Bordeaux, bien que morcelée, conserve dans ses grandes lignes un peu de l'aspect des demeures anglaises avec lesquelles leur important commerce de vins les avaient familiarisés. Un charmant pavillon construit à la fin du XVIIIèsiècle par l'abbé Dumas (ci devant du Mas de Massas) curé constitutionnel de Tain en faisait partie. En face, la Cîboise, aujourd'hui à la famille Chapoutier, a été aménagée sous le second empire et a appartenu à la baronne de Séréville née la Sizeranne. Au sommet de la colline de l'Hermitage, le charmant pavillon de Chante - Alouette existait déjà en 1833, bâti par les Monier de la Sizeranne. Le Grenier à Sel Tain-l'Hermitage, ce 25 novembre 1971. BARON LUCIEN BOREL DU BEZ Il est regrettable que les dernières municipalités, à l'exception de Monsieur Pinard, n'aient pas compris que les demeures anciennes de Tain, dont un trop grand nombre ont été sacrifiées, et dont celles qui subsistent sont condamnées par le plan actuel d'urbanisme, sont les titres de noblesses nécessaires et tangibles d'un cru français de renommée mondiale. La dispersion des tableaux du musée Max de la Sizeranne, remplacé par une salle d'école, contrairement aux engagements moraux pris à l'égard de la famille du Cheyla a privé Tain d'une offre touristique certaine. En dehors de sa valeur picturale, intéressant l'histoire de l'école impressionniste, il constituait un irremplaçable document : la Côte Méditerranéenne il y a un siècle. Aujourd'hui, il serait facile de le remettre en place, et de signaler son intérêt aux voyageurs qui circulent sur la route nationale n° 7.