et l`imposition des revenus d`intérêts en vertu de l`article 87

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et l`imposition des revenus d`intérêts en vertu de l`article 87
Ce document est à jour en date du 24 janvier 2017.
LES DÉCISIONS SUCCESSION BASTIEN, (2011) CSC 38, ET DUBÉ, (2011) CSC 39, ET L’IMPOSITION DES
REVENUS D’INTÉRÊTS EN VERTU DE L’ARTICLE 87 DE LA LOI SUR LES INDIENS
Voilà deux décisions de la Cour suprême du Canada qui ont fait jaser. Elles ont été toutes les deux
favorables aux contribuables (des Indiens) et elles ont toutes les deux renversé les décisions
défavorables rendues à l’origine par la Cour canadienne de l’impôt et par la Cour d’appel fédérale. Il
semblerait que Konrad Sioui, grand chef de la réserve Wendake a salué les deux jugements comme
étant les plus importants à avoir été prononcés sur les droits fiscaux des premières nations au Canada au
cours des 150 dernières années.
Avant d’aller plus loin dans les faits et les conclusions, commençons par reproduire l’article 87 de la Loi
sur les Indiens :
« Biens exempts de taxation
87. (1) Nonobstant toute autre loi fédérale ou provinciale, mais sous réserve de l’article 83 et de
l’article 5 de la Loi sur la gestion financière et statistique des premières nations, les biens suivants
sont exemptés de taxation :
a) le droit d’un Indien ou d’une bande sur une réserve ou des terres cédées;
b) les biens meubles d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve.
Idem
(2) Nul Indien ou bande n’est assujetti à une taxation concernant la propriété, l’occupation, la
possession ou l’usage d’un bien mentionné aux alinéas (1)a) ou b) ni autrement soumis à une
taxation quant à l’un de ces biens.
Idem
(3) Aucun impôt sur les successions, taxe d’héritage ou droit de succession n’est exigible à la mort
d’un Indien en ce qui concerne un bien de cette nature ou la succession visant un tel bien, si ce
dernier est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d’aucun bien de cette nature en
déterminant le droit payable, en vertu de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89
des Statuts revisés du Canada de 1952, ou l’impôt payable, en vertu de la Loi de l’impôt sur les
biens transmis par décès, chapitre E-9 des Statuts revisés du Canada de 1970, sur d’autres biens
transmis à un Indien ou à l’égard de ces autres biens. »
L’article 87 de la Loi sur les Indiens a fait l’objet de plusieurs analyses des tribunaux dans le passé. Une
des difficultés a toujours été d’établir si un bien personnel d’un Indien se situe à l’intérieur ou à l’extérieur
d’une réserve indienne (afin d’être notamment couvert par l’exemption prévue à l’alinéa 87(1)(b) de la Loi
sur les Indiens visant les « biens meubles » d’un Indien ou d’une bande situés sur une réserve. D’ailleurs,
dans la décision Williams, (1992) 1 RCS 877 (rendue par la Cour suprême du Canada), les juges avaient
conclu à l’exemption fiscale à l’égard de prestations d’assurance-emploi (assurance-chômage à l’époque)
reçues par un Indien en concluant que lesdites prestations étaient des biens personnels situés sur la
réserve et qui étaient la propriété de l’Indien.
À cette fin, la Cour suprême avait développé un test en deux étapes dans l’affaire Williams.
La première étape consiste à déterminer les facteurs pertinents de rattachement du bien à un
emplacement physique, lesquels varient selon le type de bien et la nature de l’imposition. La seconde
étape consiste à effectuer une analyse « téléologique » (c’est-à-dire que toute chose a un but) de ces
facteurs afin de déterminer l’importance à accorder à chacun de ceux-ci.
Dans l’affaire Williams, l’indien habitait la réserve, l’employeur était situé sur la réserve et il avait été payé
sur la réserve. Il y avait donc un rattachement important ou un lien étroit entre le revenu d’emploi sur la
réserve et les éventuelles prestations d’assurance-chômage qui ont découlé de cet emploi antérieur.
www.cqff.com/liens/decl_indien.pdf
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Les décisions Succession Bastien et Dubé
Après ce long préambule, voici les faits dans ces deux affaires.
i)
Succession Bastien
M. Bastien était un indien huron né et décédé dans la réserve de Wendake près de Québec. Au
cours des années 1970 à 1997, M. Bastien a exploité une entreprise de fabrication de mocassins
dans la réserve, entreprise qu’il a subséquemment vendue à ses enfants. Une partie des revenus
provenant de l’exploitation et de la vente de son entreprise a été investie dans des dépôts à
terme offerts par une caisse populaire située sur la réserve Wendake. Ces certificats de dépôt
ont généré des intérêts, lesquels ont été déposés dans un compte d’épargne de cette même
caisse.
ii)
Dubé
M. Dubé est un Indien attikamek qui était membre de la réserve Obedjawan. Toutefois,
contrairement à la situation dans Succession Bastien, M. Dubé n’habitait pas sur la réserve
Obedjawan (il y avait cependant déjà habité dans le passé) et les dépôts à terme qu’il possédait
avaient été placés dans une réserve indienne autre que la sienne puisque la réserve Obedjawan
n’avait pas d’institution financière.
Conclusions de la Cour suprême du Canada
Dans les deux cas, les juges ont conclu en faveur des contribuables à l’effet que l’exemption fiscale
s’appliquait aux revenus d’intérêts (bien qu’il y ait eu 2 juges dissidents sur 7 juges dans l’affaire Dubé).
La Cour suprême a affirmé que pour établir le situs d’un bien personnel aux fins de l’exemption de
l’article 87 de la Loi sur les Indiens, « il n’est pas nécessaire que les biens meubles fassent partie
intégrante de la vie de la réserve ni qu’ils soient bénéfiques pour le mode traditionnel de vie des Indiens
pour être exemptés de taxation. »
En appliquant les critères de rattachement développés dans l’affaire Williams aux présents cas (la caisse
est située sur une réserve, le compte bancaire est situé sur la réserve et l’emplacement des dépôts à
terme est sur la réserve), la Cour suprême a donc donné raison à la Succession Bastien. Notez que la
Cour suprême a refusé d’inclure les activités génératrices de revenus de la caisse populaire permettant
de verser des intérêts comme un critère de rattachement pertinent (bref, que la caisse génère ses
revenus à partir des dépôts des Indiens à l’intérieur ou à l’extérieur de la réserve ne fut pas jugé
pertinent).
Dans l’affaire Dubé, le fait que l’institution financière n’était pas située sur la réserve de M. Dubé et le fait
que la résidence principale de celui-ci n’était pas située sur une réserve constituaient des facteurs de
faible importance selon la Cour, d’autant plus que l’exemption fiscale prévue dans la Loi sur les Indiens
visait les biens meubles d’un Indien situés sur une réserve et non pas les biens meubles d’un Indien
situés dans sa propre réserve.
www.cqff.com/liens/decl_indien.pdf
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