BONNE NUIT LES PETITS

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BONNE NUIT LES PETITS
BONNE NUIT LES PETITS
par ERIC AFERGAN
texte écrit dans le cadre de la soirée matière à réplique du 2 juillet 2016
d’après l 'œuvre de Pierre Roques :
trois personnages :
MATHILDE
ARTHUR
RENÉ
Phrase imposées par le public :
Pelote, pelote toi le basque .
Ce soir, moules marinières pour tous le monde.
A la notre! emporté par la vague.
Voulez vous danser?
Le garde chasse gardait la chasse d'eau.
Les didascalie en bleu sont lues par l 'auteur.
BONNE NUIT LES PETITS
personnages :
MATHILDE CREVARD:
ARTHUR PISTON:
RENÉ LAGLOIRE :
grande actrice et professeur de théâtre ;
petit acteur son ancien élève et ancien mari,
Producteur amical
une salle d 'attente ou Mathilde et Arthur attendent un RDV professionnel, ils ne
s 'attendaient pas à se voir....
MATHILDE : Salut...
ARTHUR :
Salut.
un temps
MATHILDE(nerveuse) :
Ecoute, mon agent m 'avais prévenue que tu serais là, j 'ai insisté pour refuser la
proposition, mais la visibilité est trop importante, alors je m 'y suis préparé...
je te demande de rester professionnel et de faire abstraction de ce qui nous a lié
autrefois.
ARTHUR :
Ne t 'inquiètes pas Mathilde je resterais sage promis. Je compte bien avoir le rôle moi
aussi.
Ne soit pas si froide, ça ne te va pas et puis la nervosité commence par te faire rougir
les oreilles et on connaît tout les deux la suite...
MATHILDE : Tais-toi ! Ne parles de ça à personne..tu entend ? Personne !
Ça peut ruiner ma carrière et si tu compte t 'en servir pour me faire un sinistre
chantage je t 'envoie au tribunal pour harcèlement ...Tu sais que j 'en suis capable..
ARTHUR :
Oui ça pour le savoir je le sais, je n 'ai pas envie de revoir ton armada d 'avocat, je les
ai assez vu et ils hantent encore mes pires cauchemars une véritable armée funèbre...
je me souviens encore de leur cri de guerre à la fin du procès « A la notre, emporté
par la vague » et ils riaient..ils riaient …..
tu m 'as mis au fond du trou Mathilde tu m 'as tout pris même Agamemnon.
MATHILDE : J 'y étais attaché...
ARTHUR :
Mais quand même c'était mon lapin nain je l'avais depuis mes études..., je me suis
retrouvé tout seul sans appart, sans argent et tes sbires se sont même débrouillés
pour me prendre mes sous vêtements..
Ah... la justice...
MATHILDE : C'est moi qui choisissait tes sous vêtements aux yeux de la loi c'est une propriété
intellectuelle, tout comme le reste...
ARTHUR :
Ouais ben pour le coup tu m 'a laissé vraiment à poil..
c 'était à la limite du sadisme.
MATHILDE : Dis toi bien que j 'aurais pu aller beaucoup plus loin Arthur beaucoup plus
loin....
ARTHUR :
Excuses moi de me montrer discourtois mais je ne vois pas comment cela aurait pu
être pire...
MATHILDE : Tiens toi tranquille et tu n 'auras pas à le savoir.
Si pendant l'entretien tu fais une allusion qui me mettrait en position défavorable,
une remarque, un mauvais jeux de mot, des information intimes, bref si tu me fais de
l'ombre quelque soit l 'art ou la manière... tu connaîtras le courroux de Mathilde
Crevard.
ARTHUR :
Arrête avec ton langage et ton armée de bâtonniers on se croirait dans une tragédie
grecque, et puis je vois pas pourquoi je te ferais de l 'ombre ,il y a deux rôles ….Moi
ça ne ne me dérange pas de te revoir et encore moins de travailler avec toi...
MATHILDE : Et ben moi si ça me dérange …..sauf si nous devons tourner un remake de basic
instinct.
ARTHUR :
Oh ben comme tu y vas toi..rien que ça...on vient juste de divorcer et tu veux tourner
un scène sans culotte devant ton ex mari..t'es sur que tout va bien ?
MATHILDE : Imbécile, je parlais juste de la première scène : celle ou elle poignarde à plusieurs
reprises avec l’énergie d'une succube et la précision d'un horloger, le corps d'un
homme en extase, sans sourciller ni éprouver du remord ou de la crainte, mais juste
du plaisir et le sentiment d 'avoir sauvé le monde d 'une inquiétante calamité.
Un temps
ARTHUR :
T 'es sur qu 'elle pensait à tout ça, la suite du film nous a montré qu 'elle était quand
même un peu désaxée, paranoïaque à tendance schizophrène...
MATHILDE : Je n'en sais rien, je ne me souviens que de cette scène , depuis peu elle me revient
très souvent en mémoire...
ARTHUR :
Ah je vois … apparement tu m'en veux encore ….m' avoir dépouillé de ma
fortune ,de tout mes bien et d 'Agamemnon ne te suffit pas ...tu rêves en plus de me
voir disparaître....
Mais tu ne peux pas m 'éliminer je suis encore là..toujours vivant
MATHILDE : Oui en effet mais je peux encore te détruire si tu ne te tiens pas à carreaux...
ARTHUR :
Ah ! Mathilde Crevard et sa toute puissance.... On m 'avait prévenu dans le milieu,
« Mathilde la beauté incarnée, un corps de rêve l'icône d 'une génération une
enseignante hors pair mais attention c 'est une harpie doublée d'une manticore elle va
te bouffer tout cru méfie toi.... »
Je pensais pouvoir te changer, mais j'ai malheureusement surestimé mon pouvoir de
séduction...
C'est sur les erreurs que l 'on forge l 'épée de vérité... on ne m 'y reprendra pas..
Un temps
ARTHUR :
Quelque part je devrais te remercier...
Un temps
MATHILDE : Me remercier mais pourquoi ? Tu fais dans l 'ironie maintenant c'est vraiment
pathétique....
ARTHUR :
Non c 'est vrai je devrais te remercier,en fait tu m 'as fais grandir,...
bercé d 'illusions que j 'étais...
D'un autre coté en me mariant avec toi, j'avais quand même une grosse intuition que
ça allait virer en eau de boudin pour moi, un peu comme sauter à l 'élastique sans
élastique, tu vois, ...on sent bien qu 'on va vivre quelque chose d 'exceptionnel mais
qu'il y a quelque chose qui va pas...
MATHILDE : Alors pourquoi as tu continué inconscient ? Tu m 'aurais aussi évité trois années
perdues..
ARTHUR :
Il fallait que je vive cette histoire ou j 'aurais été pétri de regrets et de remords pour
le restant de mes jours....
MATHILDE : J'ai moi aussi été sotte en me laissant bercer par tes charmes, un ancien élève qui me
déclare sa flamme c'est touchant..
L'amour est la seule véritable faiblesse....j 'ai été mièvre....
Heureusement cet état n'est toujours que passager chez moi et je reprend très vite le
dessus.
La porte du bureau s 'ouvre et le producteur apparaît.
RENÉ :
Ah Mathilde, Arthur merci de vous être rendu disponible pour l 'entretien, je vous
en prie entrez, et asseyez vous .
ARTHUR :
Salut René...
MATHILDE : Mais avec grand plaisir René, quel joie de te revoir ! tu as bonne mine!vraiment
bonne mine, tu sors de thalasso ?
ARTHUR(à Mathilde):N'en fait pas trop cocotte, ça pourrait se retourner contre toi.
RENÉ:
Ah bon, tu trouves que j 'ai bonne mine je suis épuisé en ce moment j 'ai des
commandes de plus en plus insignifiantes à n'en plus finir : publicité..., clip pour
adolescents prépubères, video de promotion pour ménagères.
Il est loin le temps ou on travaillait par plaisir, maintenant c'est par contrainte
qu'on fait des films...
Je suis fatigué...
Et les acteurs m' agacent, leur ego m 'étouffe...
MATHILDE : Ah, moi je suis tout à fait d'accord avec toi, je te suis complètement, je trouve que tu
as parfaitement raison et je sais de quoi je parle...
ARTHUR :
Oui les temps sont durs René, nous aussi pour bouffer on est obligé de se plier en
quatre, mon dernier contrat a été un véritable cauchemar, une profonde humiliation.
J' ai tourné dans un remake franchouillard de « Body guard » ça s 'appelait « le garde
chasse gardait la chasse d'eau », pendant l'occupation allemande un garde chasse
tombe amoureux d'une plombière de la résistance, il la protège et veut s'enfuir avec
jusqu'au bout du monde...
Seulement la plombière a établi un lien très fort avec sa première chasse d 'eau, celle
de son enfance, elle meure d'indigestion en se cassant la figure dans les escaliers du
QG de la résistance et le garde chasse garde la chasse d'eau en souvenir....
Je faisais un soldat allemand...
quel enfer...
MATHILDE :Ça me dit quelque chose ce film, ah oui ça y est je m'en souviens quelle calamité
cette histoire...c'était donc toi dans la fameuse scène ou les soldats allemands
martyrisent la chasse d 'eau et la torturent en essayant de la noyer, c'était d'un
ridicule....
RENÉ :
Ben voilà ou nous en sommes aujourd'hui, on file du pognon pour des abrutissantes
et décérébrantes productions, ce réalisateur n 'en est pas à son coup d'essai, on lui
doit aussi « Les bretons se cachent pour vomir » , « La grande Chatouille », ou « Le
con, la truite et l 'océan »....
ARTHUR :
Que des chefs d 'œuvre...
RENÉ:
Je me demande si il a conscience de ce qu'il fait....
MATHILDE : Oh vous exagérez un peu, il y avait beaucoup d 'émotion dans « le con la truite et l
'océan », j'ai versé une larme quand la truite retrouve son océan; elle était tellement
heureuse qu'elle meurt en extase...
ARTHUR :
Non elle meurt parce que c'est un poisson d 'eau douce, et que celui qui l'a mise dans
l'océan est un con …. comme celui qui à écrit l 'histoire d'ailleurs..
MATHILDE : Ça dépend de quelle point de vue tu regardes l'histoire, moi je suis dans l 'émotion, je
ne cherche pas à tout rationaliser comme toi, et j 'ai été très touchée par
l'interprétation de cette truite je me demande ce qu'elle est devenue d 'ailleurs.
RENÉ :
Ben après la dernière scène il n'ont pas pu la réanimer, il l' ont honorée en carpaccio
pour l 'Elysée, puis son squelette est parti pour Hollywood au « Fish Celibrity
Museum ». Elle repose maintenant aux cotés de Flipper, Willy, Wanda quelques
piranhas et du squale de Spielberg.....
Quand je pense qu'il y a des gens qui payent pour se prosterner devant des arêtes ça
me donne la nausée.
MATHILDE : Ou plutôt le mal de mer.... dans ce cas....plutôt que la nausée.
RENÉ:
Bon on va peut être arrêter cette discussion, ce soir j'invite ma femme à manger des
fruits de mer j'ai pas envie de me dégoûter en parlant de cadavres de poissons
célèbres...
MATHILDE: Ah formidable ! Alors ce soir, moules marinières pour tout le monde, quelle
chance....

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