Mots clés : Interaction cellule matrice, Derme équivalent

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Mots clés : Interaction cellule matrice, Derme équivalent
XVième Congrès Français de Mécanique
Nancy, 3 – 7 Septembre 2001
C O M M U N I C A T I O N 462
C OMPORTEMENT
MECANIQUE DU DERME EQUIVALENT
INFLUENCE DU TEMPS DE CULTURE
:
Elisabeth FERNANDES MORIN (1), Salah RAMTANI (1), Didier GEIGER (1), Bernard COULOMB (2)
(1) Laboratoire de Mécanique Physique, CNRS ESA 7052, Université Paris XII Val de Marne,
61 avenue du Général de Gaulle, 94010 Créteil Cedex, France
(2) Institut de recherche sur la peau INSERM U312, Hôpital Saint Louis,
1 avenue Claude Vellefaux 75475, Paris cedex 10
Résumé :
Durant la fabrication de tissus biologiques de synthèse tels que le derme artificiel, les cellules peuvent
développer des actions mécaniques induisant une réorganisation des fibrilles à l'échelle de l'environnement
cellulaire et du réseau collagénique des tissus. A partir d'observations macroscopiques nous avons mesuré
l'évolution du nombre de cellules par Derme équivalent et du diamètre de l'échantillon, caractéristique de la
manifestation de l'interaction cellule matrice. Par ailleurs, nous avons étudié l'influence du temps de culture sur
la réponse macroscopique du derme équivalent à une sollicitation de compression simple.
Abstract :
During the fabrication of artificial biological tissues, cells can develop mechanical actions inducing fiber
reorganization at the microscale of the cell environment and deformation of the fibers network at the macroscale
of the tissue sample. Based on macroscale observations, we have measured the evolution of the number of cell
per dermal equivalent and of the diameter of the sample, characteristic of the manifestation of cell matrix
interactions. We have also studied the influence of sample maturation on the macroscopic response of dermal
equivalent to a compression.
Mots clés :
Interaction cellule matrice, Derme équivalent, Comportement mécanique
1 Introduction
Le derme équivalent, DE, est le nom du derme humain reconstruit in vitro. En 1979, le
premier tissu à avoir été reconstruit in vitro est le derme par un laboratoire du Massachusetts
Institute of Technology dirigé par E. Bell (Bell et al., 1983 ; Bell et al., 1979). Une des
manifestations macroscopiques de l'interaction entre la cellule et la matrice extracellulaire est
la contraction importante du derme équivalent. En effet, ces auteurs ont observé que les
fibroblastes, dans un petit disque de gel de collagène baignant dans un milieu de culture,
peuvent compacter le gel tout en organisant et en concentrant des fibrilles de collagène. Les
interactions entre cellules et matrice conduisent à un rapprochement des fibrilles de collagène
entraînant la contraction du derme.
L'origine des forces contractiles exercées par les fibroblastes n'est pas complètement
élucidée. En effet, ces forces seraient causées soit par le mouvement des fibroblastes soit par
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la contraction de myofibroblastes, cellules issues de la différentiation de la population de
fibroblastes. En 1981, Harris et al. ont montré que la réorganisation des fibrilles autour des
cellules dispersées dans un gel de collagène reconstitué est une conséquence directe des forces
de traction cellulaire, distinctes d'une simple contraction des cellules (Harris et al., 1981). En
1994, Grinnell a suggéré que les forces de traction exercées par le déplacement des
fibroblastes favorisent la différentiation de ces cellules en myofibroblastes (Grinnell, 1994).
En 1996, Eastwood et al., contredisent cette hypothèse par la mise au point d'un appareil
permettant de mesurer les forces contractiles dès les premières heures. Ils ont montré que
l'adhésion, l'élongation et le mouvement des cellules sont responsables de la contraction de
l'échantillon (Eastwood et al., 1998). Des analyses immunohisto-chimiques indiquent que les
myofibroblastes ne sont pas présents durant cette première phase de contraction.
Des études récentes mettent en évidence le rôle des intégrines, en particulier des intégrines
α1β1 et α2β2, dans l'interaction mécanique entre l'actine du cytosquelette et les fibrilles de
collagène. Les intégrines sont des glycoprotéines faites de deux sous-unités α et ß associées
de façon non-covalente. Elles sont une des voies majeures de la transduction des signaux
venus de la MEC à destination des cellules et de leur machinerie (régulation de l'expression
de leurs gènes).
Ces intégrines semblent avoir des fonctions différentes bien qu'elles se lient à des
séquences similaires (et peut-être identiques) de la chaîne α1 de la molécule de collagène de
type I (Kupper, 1995). D'après Kupper, lorsque les fibroblastes sont en suspension dans une
solution de collagène de type I, ils peuvent remodeler et entraîner une contraction des gels en
exerçant une force au niveau de l'interaction entre l'intégrine α2β1 et la fibrille de collagène,
(Kupper, 1995). Par ailleurs, les tensions générées par les filaments d'actine du cytosquelette
influencent l'assemblage et l'organisation de la matrice extracellulaire et à son tour,
l'organisation de la matrice extracellulaire affecte le comportement de la cellule
(Schoenwaelder et Burridge, 1999).
Pour caractériser l'interaction cellule-matrice extracellulaire, nous avons procédé à
l'observation du phénomène de contraction ainsi qu'à la détermination de l'évolution du
nombre de cellules par Derme Équivalent. Par ailleurs, nous avons étudié l'influence du temps
de culture sur la réponse macroscopique du derme équivalent à une sollicitation mécanique.
2 Matériels et méthodes
Le milieu utilisé est le Milieu Essentiel Minimum de Eagle avec sels de Earle's (EMEM),
auquel est ajouté : des acides aminés non essentiels et du NaHCo3 pour constituer ce que l'on
appelle : le EMEM 1X. Le sérum de veau fœtal est par la suite ajouté dans le milieu de culture
pour faciliter la croissance des cellules et le fungizone et les antibiotiques sont introduits pour
prévenir contre d'éventuelles contaminations. Pour reconstituer ce tissu, les fibroblastes
provenant de cultures en monocouche venant d'atteindre la confluence (après le 6ème ou le 7ème
passage), sont mélangés avec du collagène et du milieu de culture. Le mélange est versé dans
une boîte de Pétri puis placé dans l'étuve à 37°C en présence de 5% de CO2 et en atmosphère
humide. L'augmentation de la température et la neutralisation du collagène permettent la
gélification du derme en quelques minutes. Le derme, ainsi gélifié, est décollé du bord de la
boîte de Pétri pour favoriser sa contraction isotrope. Les fibroblastes s'allongent et étendent
leur prolongement cytoplasmique. Par la suite, le derme se contracte et le milieu de culture est
progressivement expulsé du gel.
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Figure 1 : Photo d'un derme équivalent
Le banc expérimental, destiné à effectuer des tests de compression, permet de travailler à
vitesse de déplacement imposée par un moteur pas à pas dont la course est de ± 5 mm. La
compression se fait entre deux plateaux de Plexiglas, l'échantillon cylindrique étant posé sur
le plateau inférieur et baignant dans du milieu de culture. Le plateau supérieur est relié à un
capteur de force, de capacité 20 N. On impose à l'échantillon un déplacement uniaxial vertical
de compression constant jusqu'à une déformation totale de 25% à une vitesse de déplacement
v1 égale à 0.2 mm.s-1.
3 Résultats
3.1 Évolution du nombre de cellules et du diamètre
Les mesures du nombre de cellules, n, pour 2 dermes équivalents et du diamètre de
l'échantillon ont été réalisées à l'institut de recherche sur la peau sur des dermes équivalents
dont la concentration initiale en cellules, n0, choisie est : 1.5 105 et 15 105 cellules/ DE (Figure
2 et Figure 3).
n/n0
1.6
1.4
1.2
1
0.8
0.6
(A)
(B)
0.4
0.2
0
0
2
4
6
8
10
Temps (jours)
12
14
16
Figure 2 : Évolution du nombre de cellules pour deux concentrations initiales en cellules
différentes (n0 est le nombre initial de cellule (A) : 1.5 105 et (B) : 15 105 cellules/DE).
On remarque que le nombre de cellules diminue rapidement durant les premières 24
heures, la diminution étant d'autant plus importante que la concentration initiale en cellules est
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grande. Au delà, le nombre de cellules augmente et redevient égal (B) ou supérieur (A) au
nombre de cellules initial.
Sur la Figure 3, nous avons représenté la déformation  D(t )
− 1 en fonction du temps,
D
0


où D0 et D(t) sont respectivement le diamètre initial et le diamètre à l'instant t.
Temps (jours)
0
0
2
4
6
8
10
12
14
16
-0.2
(A)
(B)
-0.4
-0.6
-0.8
-1
(D(t)/D0-1)
Figure 3 : Evolution de la déformation pour deux concentrations initiales en cellules
((A) : 1.5 105 et (B) : 15 105 cellules/DE).
Nous notons deux phases dans le processus de contraction, durant les premières 24 heures,
le taux de déformation est très important puis la cinétique de déformation est plus lente. De
plus, l'amplitude de la contraction est d'autant plus grande que le nombre initial de cellules est
important et quel que soit le nombre de cellules initial, la réduction du diamètre est de l'ordre
de 80%.
3.2 Compression uniaxiale
Nous avons représenté sur la Figure 4, l'évolution de la contrainte en fonction du
déformation selon l'axe de compression dans le cas où le nombre de cellules par DE est de
2.105.
Contrainte (Pa)
600
500
j10-v3
j20-v3
400
300
200
100
0
0
0.05
0.1
1−λz
0.15
0.2
0.25
Figure 4 : Contrainte – déformation à 10 et 20 jours après la réalisation des Dermes
Équivalents.
Nous pouvons noter que pour des déformations inférieures à 12%, l'influence du temps de
culture sur la réponse des dermes équivalents ne se fait pas sentir alors qu'au delà les niveaux
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de contraintes, pour une déformation de 25%, sont 1.5 fois plus importants à j10 qu'à j20.
Nous mettons en évidence l'influence du temps de culture sur la réponse macroscopique du
derme équivalent à une sollicitation mécanique de compression. L'une des explications de la
diminution de la contrainte entre j10 et j20, pourrait être, qu'au delà de 12%, on a rompu un
certain nombre de contacts entre les cellules et la matrice extracellulaire, conduisant à un
assouplissement du derme vivant. Nous avons pu constater sur la figure 2 que le nombre de
cellules étant plus important au bout de 20 jours de culture, par conséquent la diminution du
module élastique global est plus nette pour ce temps de culture.
4 Discussion et conclusion
Nous avons présenté une manifestation macroscopique de l'activité cellulaire en terme de
prolifération et sur le plan de la cinématique par la déformation de notre échantillon. Par
ailleurs, différents dispositifs expérimentaux ont été mis en place afin de quantifier les efforts
de traction exercés par les fibroblastes sur la matrice extracellulaire (Delvoye et al., 1991,
Kolodney et Wisolmerski, 1992). Cependant, il apparaît très clairement que ces
méthodologies ne nous permettent pas d'accéder à des informations telles que la répartition
des contraintes locales du matériau ou bien de la contrainte d'interaction cellule-matrice
extracellulaire.
Sur la base de résultats expérimentaux, un modèle, basé sur la théorie proposée par
Murray et Oster, pourrait permettre de prédire la contraction de la matrice de collagène en
introduisant un paramètre relatif à l'interaction entre les cellules et la matrice extracellulaire
(Murray et Oster, 1984). Nous avons appliqué ce modèle à la contraction d'un lattis de
collagène peuplé de fibroblastes et les résultats ont permis d'obtenir l'évolution des contraintes
au cours du temps (Fernandes et al., 1999).
Enfin, nous avons montré que la réponse à une sollicitation mécanique du Derme
Équivalent évolue selon le temps de maturation de celui-ci. A la vitesse de déplacement
choisie dans cette étude et au delà de 12% de déformation, les contraintes sont plus faibles 20
jours après la réalisation du Derme Équivalent. Ce résultat est probablement due à une
réorganisation du matériau au cours de la compression.
On montre dans cette étude que la réponse macroscopique à une sollicitation mécanique
du derme équivalent pourrait être reliée à la manifestation de l'activité cellulaire en terme de
prolifération et sur le plan de la cinématique par la contraction de notre échantillon.
Références
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collagen lattices by human fibroblasts of different proliferative potential in vitro, Proc. Natl.
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E. Fernandes, S. Ramtani, B. Coulomb, L. Dubertret, C. Lebreton, C. Oddou, D. Geiger
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