L`assurance construction à l`épreuve du temps

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L`assurance construction à l`épreuve du temps
L'ASSURANCE CONSTRUCTION À L’ÉPREUVE DU TEMPS
1978-2003 : LA LOI SPINETTA VINGT-CINQ ANS APRÈS…
Sommaire
Introduction
1
Alain SIONNEAU
Président de la SMABTP
Présentation
3
Bertrand FABRE
Directeur des rédactions, Groupe Moniteur
UN SYSTÈME EN ÉVOLUTION
5
La jurisprudence
5
Hugues PERINET-MARQUET
Professeur à l’université Panthéon-Assas
L’économie
12
Paul SCHWACH
Ministère de l’Equipement, Directeur des affaires économiques et internationales
Première séquence de questions-réponses
18
L’INFLUENCE DE LA LOI
23
Présentation
23
Bertrand FABRE
Directeur des rédactions, Groupe Moniteur
L’influence de la loi sur le secteur de la construction
24
Christian BAFFY
Président de la Fédération Française du Bâtiment
L’influence de la loi sur le secteur de l’expertise
28
Pierre ALLEAUME
Président de la CFEC
L’influence de la loi sur le monde de l’assurance
33
Jacques SZMARAGD
Président de la commission construction de la FFSA
L’influence de la loi en Europe : l’exemple espagnol
Alberto TOLEDANO
Directeur général de la filiale espagnole de la SMABTP.
39
QUELLES EVOLUTIONS ?
DES ESPOIRS OU DES CRAINTES
Table ronde entre acteurs ou partenaires de la construction
43
Seconde séquence de questions-réponses
56
Conclusion
68
Alain SIONNEAU
Président de la SMABTP
Gilles de ROBIEN
Ministre de l’Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’assurance construction à l’épreuve du temps
1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans
après…
Le colloque était animé par Bertrand Fabre, Directeur des rédactions, Groupe Moniteur
Introduction
Alain SIONNEAU
Président de la SMABTP
Je suis heureux de vous accueillir pour cet après-midi de réflexion et de débats. Je tiens tout
particulièrement à remercier Monsieur Paul Schwach, Directeur des affaires économiques et
internationales au Ministère de l’Equipement. Monsieur Schwach a accepté d’intervenir dans le
débat au nom de son ministre Gilles de Robien, qui viendra clôturer nos travaux.
Je remercie également Monsieur Christian Baffy, Président de la Fédération Française du Bâtiment.
Monsieur Baffy donnera le point de vue des entrepreneurs sur le sujet. Je remercie également
Monsieur Bertrand Fabre qui animera les débats. Je tiens aussi à remercier tous les intervenants de
leur participation aux débats.
La responsabilité décennale est une vieille dame que certains font remonter à la plus Haute
Antiquité. Bonne fée pour les uns, oiseau de mauvais augure pour les autres, la loi Spinetta a tenté
de domestiquer cette institution ancienne. Dans quelle mesure cette loi a-t-elle réussi ? Dans quelle
mesure pouvons-nous affirmer que la loi a échoué ?
La loi Spinetta qui fête ses vingt-cinq ans cette année a connu de sérieuses maladies infantiles qui
ont causé bien des soucis. Elle a vécu une adolescence ingrate qui a coûté cher à ses parents
assureurs.
La voilà aujourd’hui, arrivée à l’âge mûr, plus sûre de sa force, plus efficace sans doute, mais
souvent aussi malhabile dans sa façon de résoudre les problèmes qui ne sont pas toujours les siens.
Le Professeur Périnet-Marquet qui est toujours au chevet de cette loi, dans les bons et mauvais
moments, pourra nous exprimer son sentiment.
Le Conseiller Michel Zavaro qui a eu, avec d’autres collègues magistrats, à appliquer le texte
adopté par le législateur, dans un contexte professionnel et technique complexe, pourra sans aucun
doute nous éclairer.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
1
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Tous les praticiens pourront naturellement s’exprimer au cours des débats. Sans anticiper sur la
conclusion ou plutôt pour lancer le débat, je vais vous donner un premier sentiment d’entrepreneur
de longue date, d’assuré de toujours et d’assureur plus récent.
C’est toujours en définitive le client final qui paie le coût de l’assurance. Plus on demande à
l’assurance, plus elle est coûteuse pour le consommateur final. Nous pouvons lui demander
d’assurer une mutualisation du risque entre celui qui a subi un dommage important et ceux qui n’en
ont pas. Nous ne pouvons pas lui demander de venir soigner tous les dommages de moindre
importance qui relèvent de l’entretien ou de pallier les éventuelles insuffisances de la chaîne de la
construction.
Mon vœu d’entrepreneur, d’assuré et d’assureur, c’est de revenir à un système simple qui encourage
la qualité, privilégie la prévention, responsabilise à toutes les étapes. Je souhaite par ailleurs que le
système soit plus efficace et moins coûteux. Sans doute, j’anticipe. Je laisse la place aux débats. Je
voudrais que Monsieur Bertrand Fabre vienne me rejoindre. Mon cher Bertrand, je vous passe le
témoin.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Présentation
Bertrand FABRE
Directeur des rédactions, Groupe Moniteur
Je vous remercie Monsieur le Président Sionneau. Messieurs les présidents, Mesdames et
Messieurs. Soyez remerciés d’être venus aussi nombreux malgré vos nombreuses activités. On
savait que la loi Spinetta était un sujet d’importance et à forte attractivité. Nous ne pensions pas
que cette attractivité était aussi grande.
De nombreux participants sont présents dans des salles voisines, que nous avons sonorisées. Je
m’adresse à eux pour leur dire qu’ils ne sont pas oubliés. Nous prendrons dans la mesure du
possible leurs questions en priorité pour compenser l’absence de participation à laquelle ils
aspiraient.
Je vous rappelle le débat de cet après-midi, non pas que j’imagine que vous ne sachiez pas lire,
puisque vous avez le programme sous les yeux, mais pour que vous puissiez mieux identifier les
deux séquences de questions-réponses. L’expérience nous montre que les participants au débat sont
d’autant plus satisfaits que le miel qu’ils ont récolté procède de réponses à des questions plus que
des exposés magistraux.
Je vous présente le programme.
•
Un système en évolution
En effet, le système évolue sur le plan de la jurisprudence. Vous avez également fait allusion,
Monsieur le Président Sionneau, à une évolution financière. Monsieur le Professeur PérinetMarquet et Monsieur le Directeur Schwach interviendront successivement. A l’issue de ces
deux interventions s’ensuivra une première séquence de questions-réponses.
•
L’influence de la loi
Nous aborderons ensuite l’influence de la loi, dans la mesure où la loi Spinetta a joué un rôle
déterminant sur la construction, l’expertise et l’assurance chez nos voisins européens peut-être,
en tout cas dans le Sud de l’Europe.
•
Table ronde entre acteurs ou partenaires de la construction
Nous organiserons ensuite une table ronde au cours de laquelle interviendront un représentant
de la maîtrise d’ouvrage, un représentant des entreprises, un représentant des assureurs et enfin
un magistrat.
A la suite de ces différentes interventions, nous aurons une nouvelle séquence de questionsréponses qui serviront soit de joint de compression, soit de joint de dilatation en fonction de l’heure
d’arrivée de Monsieur Gilles de Robien, Ministre de l’Equipement.
D’entrée de jeu, une question peut être posée : nous célébrons, aujourd’hui, les vingt-cinq ans de la
loi Spinetta, mais, pour reprendre une problématique chère aux assureurs, quel était le point de
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
départ du délai ? En effet, la loi a été votée le 4 janvier 1978 mais elle n’est entrée en vigueur qu’en
janvier 1979. La solution était, donc, de placer l’anniversaire entre janvier 2003 et janvier 2004.
Il convient, également, de mentionner la modification législative complémentaire intervenue en
1982 et 1983 ayant entraîné le basculement d’un système de gestion en semi-répartition vers un
régime de capitalisation, corrigé notamment par le fond de compensation.
La loi Spinetta est, à ma connaissance, la seule loi qui ne porte ni le nom d’un ministre, ni le nom
d’un parlementaire. En principe, les ministres et les parlementaires s’empressent de donner leur
nom à une loi, comme l’attestent la loi Voynet, la loi Chevènement, la loi Falloux, et la loi Dailly.
Pourquoi la loi porte-t-elle le nom d’Adrien Spinetta ?
Il faut distinguer deux écoles :
•
La première école prétend que la loi est tellement inadaptée qu’aucun homme politique n’a
accepté de lui accoler son nom. Après réflexion, nous nous apercevons que les disciples de cette
école relèvent surtout du monde des juristes qui ont pointé les « bugs ». Au moment des travaux
préparatoires, les juristes, tels que le professeur Saint-Halary (père), ont été frustrés de ne pas
avoir été consultés. Il y a aussi une querelle classique entre les juristes et les ingénieurs. Je suis
toujours étonné que les juristes se passionnent pour la réglementation technique et la
normalisation, alors que les ingénieurs rêvent d’élaborer des contrats-types, voire des lois.
Ainsi, un éminent représentant d’une grande organisation professionnelle s'est un jour écrié,
emporté par son lyrisme : "Messieurs les ingénieurs des Ponts, faites des ponts, pas des lois !".
•
La seconde école met en œuvre une approche globalisante et cohérente inscrite dans le rapport
de la commission que Monsieur Adrien Spinetta avait présidée au milieu des années soixantedix. C’est évidemment la bonne explication.
J’ajouterai encore un élément. Lorsque Monsieur Emmanuel Edou m’a demandé de me replonger
dans ce dossier, j’ai été étonné de retrouver le dossier dans l’état où je l’avais laissé voilà quelques
années. A titre d’illustration, je vous propose deux exemples :
•
La notion de bâtiment était essentielle, puisque l’assurance obligatoire porte sur le bâtiment. Or,
nous ne savons toujours pas, en dehors des magistrats, ce qu’est un bâtiment. La situation se
révèle complexe, puisqu’une sanction pénale est possible en cas de défaut d'assurance
obligatoire.
•
Par ailleurs, je pensais que le fonds de compensation avait disparu. On m’avait expliqué que le
fonds était destiné à financer le passé inconnu. Après tant d’années, il ne s’agit plus de
financement du passé inconnu mais de financement de l’archéologie.
Afin de traiter le premier point relatif au système en évolution, je demanderai au Professeur PérinetMarquet de monter à la tribune. Monsieur Périnet-Marquet évoquera l’évolution juridique,
principalement à travers la jurisprudence. Le Professeur Périnet-Marquet est un civiliste de talent,
comme nous en a envoyé parfois la Faculté de Poitiers, tel le Doyen Jean Carbonnier qui reste un
grand maître. Je vous en prie, Monsieur le Professeur.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Un système en évolution
La jurisprudence
Hugues PERINET-MARQUET
Professeur à l’université Panthéon-Assas (Paris II)
I.
Introduction
Je vous remercie, Monsieur le Président. Nous fêtons les vingt-cinq ans de la loi Spinetta. Vingtcinq ans, ce n’est plus, et de loin, l’âge de la majorité juridique, mais, au regard de l’évolution
sociale, plutôt celui de la majorité économique et de la fin de l’apprentissage du savoir. En
revanche, au regard du temps législatif, vingt-cinq ans constitue une période relativement longue
qui peut voir se succéder plusieurs réformes, comme le montre, par exemple, le droit de
l’urbanisme.
De ce point de vue, la loi Spinetta suscite, d’emblée, des sentiments contradictoires. A
certains égards, elle paraît presque usée par le temps. Mais, simultanément, elle semble, pour
reprendre l’expression de Monsieur Sionneau, tout juste sortie de l’adolescence.
Cette dualité de sentiments se vérifie d’ailleurs lorsque l’on interroge l’ensemble des acteurs et
des praticiens de la loi. Tous s’accordent à reconnaître que le mécanisme actuel présente d’évidents
avantages. Nul n’aurait envie de revenir au système de 1967. Mais, par delà ces éléments
globalement positifs, les opinions sont évidemment fort tranchées. Chacun, en fonction de ses
préoccupations économiques, liste alors, avec raison, tel ou tel défaut plus ou moins grave de la loi
Spinetta. Le bilan ne peut être que subjectif et je n’échapperai pas à cette contrainte en dressant
devant vous l’état de la jurisprudence.
Cependant, avant d’entrer dans la subjectivité, il est bon d’analyser quelques éléments objectifs.
J’ai eu la curiosité de parcourir à nouveau les travaux préparatoires de la loi de 1978. L’exposé des
motifs du projet de loi n° 483, déposé au Sénat en juillet 1977, se révèle assez instructif. Le
Gouvernement visait alors à réparer trois défauts de la législation :
-
arrêter la constante dégradation de la qualité de la construction depuis 1963 ;
essayer de mettre un terme à l’inadaptation de la loi à l’évolution rapide des techniques du
secteur de la construction ;
offrir un règlement des sinistres dans un délai raisonnable.
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Le projet de loi cite des chiffres qu’il faut garder à l’esprit si nous voulons évaluer la portée
actuelle de la loi de 1978. Sous l’empire de la loi de 1967, 75 % des sinistres n’étaient réglés qu’au
bout de huit ans. Pour 25 % d’entre eux, le délai pouvait aller jusqu’à vingt ans. La charge des
sinistres avait doublé de 1969 à 1974. De même, le niveau des primes avait augmenté de façon
exponentielle pour atteindre, selon les formules de garantie, de 28 à 43 fois le niveau de 1952.
Heureux constructeur de 1952 qui payait 43 fois moins cher son assurance qu’en 1977 !
Face à ces dérives, le projet de la loi Spinetta voulait :
-
responsabiliser davantage les intervenants ;
renforcer les actions en faveur de la qualification et de la prévention ;
réduire la charge globale de l’assurance ; à ce titre, le législateur affirmait que le coût de
l’assurance baisserait de 50 %.
Comme de tels objectifs pourraient parfaitement se retrouver en préambule d’une prochaine
réforme, on peut se demander si la loi a vraiment atteint son but. La réponse est, indiscutablement,
positive au regard de la réduction des délais. Elle est beaucoup moins évidente en ce qui concerne la
responsabilisation des intervenants et la réduction de la charge globale de l’assurance. D’après
certains, la faute en reposerait sur la jurisprudence, considérée comme un bouc émissaire des échecs
et des défauts de la loi.
La jurisprudence qui a interprété la loi de 1978 a sans doute versé dans une interprétation
dynamique. Mais cette dernière est le trait commun de toute jurisprudence et n’est pas spécifique à
la loi de 1978. Il paraît faux, en ce sens, d’affirmer que la jurisprudence d’application de la loi
aurait un sens, comme le sens de l’histoire dans la doctrine marxiste, c’est-à-dire une direction fixée
à jamais. En analysant cette jurisprudence, on découvre, en effet, deux périodes jurisprudentielles :
une période extensive et une période restrictive que j’examinerai successivement.
I . LA PERIODE EXTENSIVE
La période d’adolescence de la loi, comprise entre 1978 et 1996, donne lieu à un certain
nombre d’interprétations extensives des juges du fond et de la Cour de cassation. Cependant, toutes
ces extensions ne sont pas à mettre sur le même plan. Certaines sont l’application des principes
généraux du droit civil. D’autres sont, malgré les apparences, respectueuses de la volonté du
législateur. Mais quelques-unes sont de vraies extensions par rapport à l’esprit de la loi. Nous allons
successivement reprendre ces trois points.
A
Extension apparente et respect des principes généraux de la responsabilité civile.
Sont considérées comme extensives certaines jurisprudences relatives à la réparation du
préjudice et à la prise en compte du dommage, autant dans la responsabilité des constructeurs que
dans l’assurance construction. Le juge judiciaire y apparaît bien plus sévère que le juge
administratif. Celui-ci admet qu’il y ait un abattement pour vétusté, alors que le juge judiciaire le
refuse. Il a également été plus souple sur la TVA que le juge judiciaire. L’un et l’autre appliquent
désormais des solutions identiques. Par ailleurs, l’obligation, imposée par la jurisprudence, de
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réparer l’ensemble des préjudices annexes coûte parfois plus cher à l’assureur que la réparation du
dommage à la construction lui-même.
Mais, sur ces différents points, le juge civil n’a pas contrevenu à la loi de 1978. Il s’est
contenté d’appliquer les principes généraux de la responsabilité civile qui imposent qu’un préjudice
soit intégralement réparé. Toute remise en cause de cette jurisprudence supposerait donc une
évolution, peu probable, de ces principes généraux de la responsabilité civile.
B Extension apparente et respect de la volonté du législateur
- Extension des conditions de la décennale
Il est devenu banal, pour les assureurs et les constructeurs, de se plaindre de la jurisprudence
sur la notion d’atteinte à la solidité et d’impropriété de destination. De nombreux exemples
illustrent cette tendance extensive : un parquet qui grince dans une pièce, un écrou qui se desserre et
qui cause une inondation…
Cette inflation est cependant relativement difficile à combattre. Les juges du fond sont, en
effet, souverains en la matière. Par conséquent, les différences d’interprétation des juges, d’un
endroit à l’autre, peuvent se révéler plus choquantes que l’extension en elle-même. Un autre
système pourrait d’ailleurs difficilement être envisageable. Par hypothèse, la question en cause est
de pur fait, ce qui exclut tout contrôle précis de la Cour de cassation.
De plus, sur cette question fort controversée et sensible, la jurisprudence respecte,
contrairement aux apparences, l’esprit de la loi. Sur ce point, les travaux préparatoires se révèlent
éclairants. Avant 1978, la jurisprudence était déjà très extensive, ce qui avait amené le projet de loi
à limiter la responsabilité décennale, en cas d’impropriété de destination, aux seuls dommages
interdisant l’utilisation de l’ouvrage. Or, en première lecture, les sénateurs, souhaitant que la
jurisprudence précédente soit reprise dans la loi, ont refusé la conception restrictive de la loi voulue
et soutenue par le Gouvernement. Nous ne pouvons donc pas reprocher au juge d’appliquer ce que
les parlementaires ont expressément décidé contre la volonté du Gouvernement. Pourtant, Monsieur
Barrot, qui représentait à cette séance le Gouvernement, avait mis en garde contre les graves risques
de dérive du système qui en découleraient.
- Extension de la notion d’ouvrage
La jurisprudence paraît extensive sur une autre notion, celle d’ouvrage, que Monsieur Fabre
a évoquée en début de séance. Viennent à l’esprit les arrêts relatifs aux travaux sur existant, au
ravalement et à certains ouvrages de génie civil. Mais, la lecture des motifs du projet de loi montre
que la décennale était conçue comme concernant autant les travaux neufs que les travaux de
réhabilitation du patrimoine immobilier. Toute la jurisprudence sur les existants est en germe dans
cette phase du texte initial.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
C Véritables innovations
De véritables innovations jurisprudentielles existent cependant, dans lesquelles la Cour de
cassation a pris une certaine liberté avec l’esprit de la loi. Trois exemples apparaissent
particulièrement manifestes.
Le premier concerne la garantie phonique. Dans la loi de 1978, cette dernière faisait l’objet
d’une garantie d’une durée de six mois allongée, par la suite, à un an. Or, la jurisprudence a
marginalisé ce système en revenant à la situation antérieure à 1978 et en appliquant la garantie
décennale lorsque l’impropriété d’isolation phonique porte atteinte à la destination de l’ouvrage.
Elle n’a pas, en ce sens, respecté l’esprit de la loi. En effet, une discussion à l’Assemblée nationale
avait laissé apparaître que le délai de 6 mois était trop court. Les députés n’avaient pas osé opter
pour une durée de dix ans, mais des amendements avaient suggéré une durée de deux ans. Le
Gouvernement s’y était pourtant opposé, avec succès. Selon Monsieur Barrot, une durée de deux
ans risquait de nuire au métier d’entrepreneur. Le Ministre n’imaginait pas, alors, qu’une garantie
de 10 ans prévaudrait.
Le second exemple est relatif à la réception tacite. Celle-ci avait été expressément exclue de
l’article 1792-6 qui mentionne que la réception est un acte juridique. Or, pour des raisons pratiques
et compréhensibles, la jurisprudence est partiellement revenue au système antérieur sans reconduire,
toutefois, la double réception. Elle a finalement consacré la réception tacite dès 1987, à peine dix
ans après le vote de la loi, en contradiction totale avec le premier alinéa de l’article 1792-6.
Enfin, le champ d’application de l’assurance construction ne peut être omis. Tous les juristes
ont en mémoire l’arrêt de 1991 de la première chambre civile de la Cour de cassation qui a
transformé l’interprétation de la loi. Selon le code des assurances, l’assurance s’applique aux
travaux de bâtiment. La première chambre civile a décidé que l’obligation d’assurance concernait
les travaux faisant appel aux techniques de travaux de bâtiment. Elle a ainsi considérablement
étendu le champ d’application du texte, d’autant, qu’en 1996, elle a transposé sa jurisprudence à des
bâtiments industriels. Le décalage est alors manifeste tant avec la lettre de la loi qu'avec la volonté
du législateur car, à la lecture des travaux préparatoires, l’assurance obligatoire visait surtout
l’habitation.
Mais l’autonomie d’interprétation n’a pas toujours été, même dans les premières années
d’application de la loi, dans un sens extensif. Dans l’article 1792-4, le législateur avait prévu un
régime de responsabilité solidaire pour les produits de construction conçus et réalisés pour satisfaire
à des exigences précises. Or, jusqu’à l’année dernière, la Cour de cassation a toujours refusé,
contrairement à la jurisprudence des juges du fond, d’étendre la notion d’EPERS en la limitant à
quelques exemples marginaux comme le plancher chauffant ou la pompe à chaleur notamment.
Même dans les premières années d’interprétation de la loi, la jurisprudence n’avait donc pas un sens
absolu. Cela est d’autant plus vrai depuis quelques années où se manifeste une tendance plus
restrictive.
II. La période restrictive
Un certain changement d’orientation de la jurisprudence se manifeste depuis 1997 sans que,
toutefois, les solutions mentionnées en première partie n’aient été remises en cause. Sa raison d’être
n’est, d’évidence, pas mentionnée par la Cour de cassation. Deux raisons peuvent, cependant, être
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
avancées. La troisième chambre civile s’est peut-être aperçue qu’une attitude trop libérale
encourageait un contentieux abusif et qu’il pouvait être nécessaire de mettre un frein aux velléités
des plaideurs sous peine de voir les juges du fond et la Cour de cassation débordés. Ensuite, l’année
1996 révèle au grand jour la crise de l’assurance construction. Le ministère de l’Equipement se met
à réfléchir à partir de cette date. Des groupes de travail sont constitués. Ces évènements n’ont pu
échapper aux juges qui, par conséquent, ont fait évoluer leurs solutions, autant en matière de
responsabilité décennale que d’assurance construction.
A En matière de responsabilité des constructeurs
Quatre exemples sont révélateurs de ce changement d’orientation.
Le premier concerne la jurisprudence initiée par l’arrêt du 22 juillet 1998 sur les éléments
d’équipement industriel. La troisième chambre civile y pose une limite claire à l’application des
articles 1792 et suivants, en affirmant que tous les travaux ne relevant pas de la construction
échappent au champ d’application de la responsabilité décennale et, par extension, à l’assurance
obligatoire. Cette jurisprudence, sans doute influencée par le rapport sur le champ d’application de
l’assurance construction remis à la fin 1997, sera sans cesse confirmée. Elle ne fait d’ailleurs
qu’appliquer la volonté initiale du législateur. Lors des travaux préparatoires de la loi, il avait été dit
expressément, dans la première version de l’article 1792, que la décennale ne s’appliquait ni aux
éléments industriels ni aux éléments agricoles.
Le second exemple de jurisprudence plus restrictive concerne la prise de risques. Pour les
constructeurs, cette prise de risques se révèle le moyen le plus facile de sortir de la présomption
quasi irréfragable de responsabilité qui pèse sur eux. Dès que l’obligation de conseil due au maître
d’ouvrage ou à un autre constructeur est remplie, la Cour de cassation considère que le maître
d’ouvrage prend et assume les risques qui lui ont été mentionnés. Aucune responsabilité décennale
ne peut donc être soulevée. Est, là encore, respectée l’une des idées de base de la loi de 1978 qui n’a
jamais voulu faire des constructeurs des garants absolus de tous les errements du maître d’ouvrage.
Le troisième exemple est plus récent et concerne le dommage futur. Un exemple permet
d’apprécier l’enjeu du débat. Un dommage survient sept années après la réception. L’expert analyse
le dommage, en l’occurrence une fissure, et constate qu’il s’agit d’un dommage qui s’aggravera et
portera atteinte à la solidité ou à la destination, sans pouvoir être davantage précis. S’agit-il de
responsabilité décennale ? Deux conceptions sont envisageables entre lesquelles la Cour de
cassation a hésité. Soit admettre que tout dommage apparu dans la période décennale relève de
l’article 1792 même si son aggravation est postérieure au délai de 10 ans dès lors qu’elle est
certaine ; soit affirmer que le dommage doit atteindre une gravité décennale à l’intérieur même du
délai de la garantie décennale.
Cette solution a finalement triomphé dans un arrêt du 29 janvier 2003, confirmé par un autre
arrêt du mois de juin de la même année. Elle se révèle fort importante, puisqu’elle limite le champ
d’application de la garantie décennale dans le temps. Tout dommage qui n’atteint pas une gravité
décennale dans le délai de dix ans après la réception ne fait pas partie des désordres de nature
décennale mais constitue un dommage intermédiaire, non couvert par l’assurance.
Une dernière manifestation de jurisprudence restrictive découle d’un arrêt du 26 février
2003 qui reconnaît la possibilité d’une cause étrangère exonératoire, si la cause du dommage vient
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de l’existant. Il considère que si un dommage, provenant de l’existant, atteint une partie nouvelle et
si la cause est imprévisible au moment des travaux et indécelable, celle-ci exonère l’entrepreneur.
Jusqu’alors, la jurisprudence était peu encline à admettre une exonération à la responsabilité
décennale provenant des existants.
B En matière d’assurance construction
La jurisprudence restrictive s’est aussi manifestée en matière d’assurance construction, bien
qu’elle ne soit pas complètement univoque. A cet égard, je vous citerai encore quatre exemples.
Le premier est cependant antérieur à 1997. La première chambre civile de la Cour de
cassation, qui d’ailleurs ne juge plus de l’assurance construction depuis mai 2003, au bénéfice de la
troisième chambre civile, a toujours décidé que l’assureur construction ne devait pas devenir un
garant d’achèvement. Depuis le début des années 90, la première chambre civile n’a cessé
d’affirmer que l’assureur n’avait pas à indemniser les non-façons, mais seulement les malfaçons
provenant d’un désordre de nature décennale. De même, conformément à la loi, la jurisprudence a
toujours jugé que les dommages immatériels n’étaient pas couverts par l’assurance, contrairement à
l’opinion d’un certain nombre de juges du fond. Point n’est besoin d’insister sur cette jurisprudence
bien connue.
La grande nouveauté depuis 1997 est que le juge se montre fort attentif à l’équilibre
économique du contrat d’assurance, c’est-à-dire à son caractère aléatoire. Sans aléa, la cause du
contrat n’existe pas et le rend nul. Or, cet aléa, et l’équilibre économique qui en découle, obligent
l’assureur à être à même de connaître la réalité de la situation au moment où la prime est fixée.
Toute mauvaise information qui lui est donnée est donc sanctionnée. Depuis 1997, la première
chambre civile applique donc à l’assurance construction les articles L.113-8 (fausse déclaration
faite volontairement conduisant à la nullité du contrat) et L.113-9 (sous-déclaration involontaire du
risque entraînant réduction proportionnelle de l’indemnité) du Code des assurances.
La jurisprudence est allée plus loin, dans son application de l’article L.113-1 du Code des
assurances relatif à la non-indemnisation des conséquences d’une faute intentionnelle. Jusqu’en
2000, la notion de faute intentionnelle était restrictive et n’englobait que les cas où le dommage
avait été voulu, ce qui était très rare. Désormais, comme le soulignent deux arrêts de la troisième
chambre civile du 2 janvier 2002, il suffit, pour que soit mis en œuvre l’article L.113-1, que l’assuré
ait eu une attitude conduisant inéluctablement au dommage, même s’il n’a pas voulu ce dernier. Il
en va ainsi, par exemple, lorsque l’assuré viole délibérément les règles d’urbanisme.
Dans le même ordre d’idée, la jurisprudence sur le secteur d’activités déclaré qui s’est
développée à partir de 1997 est bien connue. Elle conditionne l’indemnisation d’un constructeur par
son assureur de responsabilité obligatoire à une déclaration exacte de l’activité à l’origine du
dommage. Un entrepreneur de menuiserie, assuré pour faire accessoirement de l’étanchéité, ne sera,
ainsi, pas couvert s’il réalise l’étanchéité complète d’une toiture.
Enfin, dernier exemple de jurisprudence restrictive, le juge n’a pas voulu le mélange des
genres sur le plan de la procédure de mise en œuvre de l’assurance construction. Depuis 1997, la
première chambre civile précise que l’assureur doit être saisi conformément au système obligatoire
prévu par les clauses types. Il est par conséquent impossible d’exiger du juge des référés la
nomination d’un expert.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Au regard de ces jurisprudences restrictives, l’arrêt Chirignan du 29 février 2000 constitue
cependant une exception, dans la mesure où il oblige l’assureur à indemniser non seulement les
désordres aux parties nouvelles réalisées mais aussi aux existants. Pourtant, nous savons bien que
ces désordres peuvent entraîner des coûts considérables. Cette solution a fait l’objet de trop
nombreux commentaires pour qu’il soit utile de s’y attarder.
III. Conclusion
Toute systématisation rigide de la jurisprudence est impossible. La jurisprudence est un
système souple de droit vivant que nous ne pouvons ni prévoir ni réguler. Il ne faut pas oublier que
la Cour de cassation est composée d’hommes et que le changement de ces hommes ou l’évolution
des mentalités au sein de la Cour peut faire évoluer la jurisprudence. Par conséquent, la sécurité
juridique d’ordre jurisprudentiel n’est guère possible, puisque la jurisprudence doit rester ce qu’elle
est.
L’application jurisprudentielle de la loi de 1978 fournit cependant une donnée intéressante
pour l’avenir. Dans nombre de cas évoqués plus haut, le juge n’a pas admis aisément de se trouver
désavoué par le législateur et d’abandonner sa jurisprudence. Mieux vaut donc convaincre le juge
que d’essayer de le vaincre.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur le Professeur. Vous avez évoqué la notion d’impropriété à la destination
et y compris la jurisprudence sur les planchers grinçants qui entraîneraient l’impropriété à la
destination.
Vous avez par ailleurs mentionné l’esprit de la loi qui ressort des travaux préparatoires de 1977 et
de la forme littérale de la loi Spinetta. Nos amis espagnols ont su intégrer dans leur loi de novembre
1999 l’esprit de la loi, en se focalisant sur le logement et en évitant d’incorporer certaines rigidités
de la loi Spinetta.
Je tiens à préciser que nous aurons un représentant espagnol. Il ne s’agit pas de Monsieur Tomas
Martin mais de Monsieur Alberto Toledano, Directeur général de la filiale de la SMABTP en
Espagne.
J’ai volontairement omis de préciser, Monsieur le Professeur, que vous avez été la cheville ouvrière
de la commission Périnet-Marquet. Vous étiez d’ailleurs entouré par Catherine Saint-Halary et
Jean-Pierre Karila et vous avez produit, en 1997, un rapport qui propose une délimitation du champ
de l’assurance construction obligatoire, la Direction des affaires économiques et internationales
assurant le secrétariat de cette commission. Le directeur en était alors Claude Martinand.
Aujourd’hui, la fonction est occupée par Monsieur Paul Schwach.
Paul Schwach intervient sur l’évolution économique, depuis un quart de siècle, du système de
l’assurance construction. Je vous remercie, Monsieur le Directeur. Je cède la parole à Monsieur
Schwach.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’économie
Paul SCHWACH
Ministère de l’Equipement, Directeur des affaires économiques et internationales
Je vous remercie Monsieur Bertrand Fabre. Mon intervention vous donnera un aperçu sur les
questions économiques qui sont, me semble-t-il, assez complémentaires aux questions juridiques
qu’a évoquées Monsieur Périnet-Marquet.
I.
L’assurance construction sous le signe d’une double naissance
La première idée tombe sous le sens. Si nous considérons l’assurance construction sur le plan
économique, il faut rappeler qu’elle a eu deux naissances : une naissance juridique en 1978, avec la
loi Spinetta, et une seconde naissance entre 1982 et 1983 au moment du passage d’un régime par
répartition vers un régime par capitalisation.
Pourquoi sommes-nous passés à un système de capitalisation ? Je n’ai pas eu l’opportunité de relire
les travaux préparatoires à cette réforme. En somme, deux idées expliquent les avantages de la
capitalisation au détriment de la répartition.
La première idée est la nature cyclique du sujet du bâtiment. Dans les années 80, de nombreuses
transformations se sont produites, notamment sur le plan du système économique et financier
français. Ce système qui s’est progressivement mis aux normes communautaires et de la
mondialisation a apporté dans notre secteur de nombreux avantages comme des désagréments.
Nous avons des cycles qui existent toujours mais ceux-ci sont plus marqués que dans les années 80
et 90 avec des creux plus conséquents comme des sommets plus élevés. Le caractère cyclique du
bâtiment me paraît justifier l’idée de capitalisation. La répartition consiste à payer les sinistres
d’une année donnée avec les primes versées dans l’année donnée. La capitalisation organise cela
dans le temps.
La deuxième idée est de même fort évidente. Le temps long du risque assuré entre le versement de
la prime et le règlement du sinistre paraît un élément fondamental. Les sinistres apparaissent, nous
l’avons évoqué, en moyenne, au bout de sept ans. En y ajoutant les délais de règlement et de
contentieux parfois, nous constatons qu’en matière de responsabilité décennale la procédure peut se
révéler fort longue malgré la loi Spinetta. Par conséquent, la réforme de 1983 a introduit la
capitalisation.
II. Le passage vers un système différent
Le passage d’un système à l’autre constitue le cœur de mon second point. Comme Monsieur Fabre
l’a souligné, cette évolution a nécessité la mise en place d’un dispositif de transition pour solder le
passé. Il s’agit du fond de compensation de l’assurance construction.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Ce fond a introduit une cotisation additionnelle aux primes versées aux assureurs bien connue des
entreprises et des maîtres d’ouvrage. Les assureurs reversent ensuite la prime au fonds de
compensation chargé de régler les sinistres concernant des chantiers réalisés avant 1983. Depuis
1993, aucun nouveau sinistre ne se règle dans ce cadre-là.
Néanmoins, il reste des contentieux et des affaires non soldées. En 2003, nous arrivons au bout de
cette transition entre les régimes, puisque, dès l’année 2003, la contribution a été divisée par deux à
la demande de Monsieur de Robien. Nous avons une perspective fort crédible et précise pour
abandonner le système probablement à la fin de l’année 2004. Cette perspective est partagée par le
ministère de l’Equipement, le ministère des Finances et par un certain nombre d’acteurs de
l’assurance construction. Cette période transitoire a été bien gérée et maîtrisée. Nous sortons
actuellement de ce système issu de 1983.
III. Etat des lieux sur l’économie du système
Mon troisième point aborde un état des lieux sur l’économie de ce système. Comment le système
fonctionne-t-il et évolue-t-il ? Quelles difficultés rencontrons-nous sur le plan économique ?
Je vous livre un premier chiffre qui pourrait susciter des commentaires. Le secteur du BTP
représente 4,5 % du PIB national. Les primes versées par les entreprises et les maîtres d’ouvrage
dans l’ensemble des cotisations d’assurance relatives aux dommages s’élèvent à 6 % de toutes les
primes assurances dommages.
Le secteur paie davantage de primes que ce qu’il représente réellement dans l’économie du pays. La
différence est-elle si importante ? Est-ce véritablement une préoccupation, si l’on imagine que le
secteur a des responsabilités sans doute plus fortes que d’autres secteurs ? Je vous laisse méditer ce
chiffre.
Un autre chiffre souvent cité par les assureurs illustre également cette importance. Si nous enlevons
les risques chantier, l’assurance des flottes d’entreprise notamment, nous pouvons considérer que le
secteur verse un milliard d’euros par an de primes d’assurance construction. Il faut rapporter cette
donnée aux 115 milliards d’euros de chiffre d’affaires hors taxes. Cela fait 1 % de chiffre d’affaires,
ce qui constitue un ratio relativement fort.
Cependant, il ne faut pas négliger en contrepartie l’effet des primes et analyser ce que nous
obtenons comme protection du consommateur et du maître d’ouvrage. L'importance du ratio est à
apprécier par rapport aux bénéfices que nous pouvons en tirer.
Je souhaite développer un autre aspect en considérant les comptes publiés par la Fédération
Française des Sociétés d’Assurances. Si nous prenons la construction neuve, plus représentative que
les ratios donnés il y a un instant, nous sommes en moyenne à 2,6 % de primes d’assurance
construction par rapport à la valeur de la construction neuve.
Le montant s’est fortement accru au cours de la décennie 90. Au début de la décennie, le ratio
avoisinait 1,5 %. Sur la fin de la décennie 90, une revalorisation assez importante a conduit à un
montant de 2,6 %. Depuis quatre années, le chiffre se stabilise. Voilà donc la dépense des
entreprises et des maîtres d’ouvrage.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
En face de cela, nous avons un système protecteur pour le consommateur, le constructeur et le
maître d’ouvrage. Quels que soient les débats, je n’entends pas beaucoup de voix s’élever contre ce
système. Certes, l’assurance coûte cher avant l’accident, mais peu de personnes remettent en cause
l’esprit de la loi de 1978. Pourtant, nous le reconnaissons, nous avons un système spécifique en
Europe. Cela peut rester une interrogation dans les prochaines années.
Pour comprendre les hausses récentes, j’ai dû interroger les entreprises, les assureurs. L’explication
la plus courante est que la mise en place du système a pris du temps. Les premières années de
l’assurance construction en système par capitalisation ont à l’évidence été marquées par une
mauvaise appréciation du risque, notamment en matière de dommages-ouvrage.
Sur ce point, les assureurs imaginaient que la dommages-ouvrage consistait à avancer la réparation
et récupéraient leurs fonds. En fait, il s’est avéré que les assureurs ne percevaient que la moitié de la
somme avancée. Il y a eu, là, sous-estimation du risque.
Cependant, sur le plan financier et économique, nous apercevons un second élément qui explique
l’augmentation des primes. Un enjeu fondamental d’ordre économique se pose aujourd’hui au
système d’assurance construction. Nous avons échangé la fluctuation des cycles du BTP contre la
fluctuation des cycles du marché boursier. La capitalisation suppose des fonds placés.
L’équilibre du régime de l’assurance construction repose fortement sur la rentabilité des placements
financiers. Ce système-là connaît des variations. Nous avons observé des conjonctures favorables
dans les années précédentes, mais aussi de mauvaises conjonctures. Il faudra vérifier si la manière
dont le système fonctionne permet d’absorber le choc éventuel et résorber les aléas des rendements
financiers qui se révèlent aujourd’hui un des facteurs essentiels de l’équilibre de l’assurance
construction.
Nous observons une certaine concentration du marché de l’assurance construction. La moitié du
marché est détenue par six entreprises. Mais là encore contrairement au discours souvent entendu,
le monolithisme n’est pas dominant. Des mutuelles et un certain nombre de sociétés jouent encore
leur rôle.
Il y a également de nouveaux entrants avec des heurs et des malheurs. Parfois, des entreprises
pénètrent le marché avec une mauvaise appréciation du risque ou une politique commerciale
aventureuse. En définitive, le système n’est pas fermé même s’il se révèle spécifique. Pourquoi ne
pourrais-je pas m’assurer au Lloyd’s, dans la mesure où le nombre des assureurs français est
réduit ? J’ai le sentiment que le marché fonctionne quand même.
Les compagnies ont perdu, au cours de certaines périodes, d’importantes sommes. L’assurance
construction a été d’une certaine manière « épongée » par d’autres secteurs de l’assurance.
Cependant, la bonne conjoncture financière, notamment la hausse des tarifs, a remis les comptes à
flots à la fin des années 90. Néanmoins, en 2002, un déficit technique apparaît, mais limité.
Après avoir passé en revue tous les éléments économiques et financiers, je souhaite évoquer la
question de la sinistralité qui paraît être à la base des questions économiques. Si nous observons une
baisse des sinistres, le coût et les besoins en assurance seront réduits. Nous avons le souci de relier
cette question-là à la prévention des désordres et à la promotion de la qualité.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
IV. La sinistralité
Un sinistre se déclare assez tard avec un recul de sept années en moyenne. Il est difficile d’avoir un
recul complet sur les événements. Aujourd’hui, la situation actuelle fait apparaître chaque année
300 000 sinistres déclarés. Le chiffre se stabilise depuis un certain nombre d’années malgré les
fluctuations du BTP.
Nous avons peut-être aujourd’hui des sinistres correspondant à une période creuse du BTP. Je reste
cependant prudent sur le pronostic des années à venir. Nous avons quand même une situation qui
paraît stable. Près de la moitié des sinistres déclarés sont sans suite. Ces dossiers ouverts qui
occasionnent des frais en matière d’expertise posent d’autres problèmes.
Nous avons aussi le sentiment qu’il n’y a pas eu dans le passé récent de grands sinistres
systémiques, par exemple un matériau de construction qui s’avère inadapté au bout de cinq années.
Je pense que notre dispositif global de qualité des produits, de la construction et de formation
remplit ces objectifs. Néanmoins, 80 % des sinistres apparaissent comme relevant de trois types de
désordre :
•
•
•
l’étanchéité à l’eau ;
la stabilité, les fissures ;
la sécurité d’utilisation.
Cela montre qu’il pourrait y avoir, en concentrant l’effort de prévention des désordres et de
recherche de qualité, des résultats intéressants sans frais considérables.
Dans le contexte de prévention des désordres et de promotion de la qualité, je souligne évidemment
le rôle majeur que joue l’Agence Qualité Construction. Il s’agit d’un lieu neutre qui rassemble tous
les partenaires et des bases de données d’information importantes. L’Agence a pu développer une
politique d’information et de diffusion avec des moyens limités. L’Agence Qualité Construction
était jusqu’alors financée par le fond de compensation d’assurance construction.
Nous avons le souci de pérenniser les activités de l’agence, à un moment où le fond va disparaître.
L’Etat souhaite que les partenaires au sein de l’agence puissent prendre le relais, non plus sur une
base législative obligatoire mais sur une base conventionnelle.
Nous proposerons de réunir prochainement les partenaires du monde professionnel, notamment les
assureurs, afin de mettre au point une convention. La convention aura principalement pour but de
définir les moyens permettant de pérenniser l'Agence Qualité Construction.
V.
Réponses sur différents points
Pour conclure, je souhaite répondre aux questions que certains d’entre vous nous adressent. Quatre
questions sont en cours de traitement. Nous espérons y répondre dans les meilleurs délais. Enfin,
deux questions concernent une problématique plus récente qui débouchera peut-être sur un prochain
rapport d’un professeur. Les quatre questions en cours de traitement concernent les points suivants.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
•
La suppression du fond de compensation d’assurance construction programmé fin 2004 prévue
dans une loi de finances. Pour des raisons techniques, la suppression du fond ne figurera pas
dans le projet de loi de finances 2004. Nous travaillons avec la Direction du Trésor pour
l’inscrire dans une loi de finances rectificative dont les travaux préparatoires sont déjà en cours.
•
La pérennisation de l’AQC constitue le second élément. J’inviterai prochainement les
partenaires, comme le soulignera plus tard, Monsieur le Ministre, à une rencontre afin de monter
le dispositif ensemble.
•
La réforme du champ de l’assurance construction obligatoire apparaît comme le troisième
aspect de notre questionnement, comme l’a évoqué le Professeur Périnet-Marquet.
•
La sous-traitance est le dernier sujet évoqué par la commission technique de l’assurance
construction.
Je ne développerai pas ces deux derniers points bien connus, puisqu’ils ont fait l’objet de nombreux
travaux, de rapports et de réunions. Sur ce plan, les points de vue sont consensuels. J’ai découvert
ces sujets à mon arrivée à la Direction des affaires économiques et internationales. Lors de la
dernière réunion de la commission technique de l’assurance construction, j’ai actualisé l’ensemble
des données.
Notre objectif est de trouver un vecteur législatif pour porter cette réforme, même si j’ai noté des
consignes de prudence par rapport à la jurisprudence. Je crois que certains éléments ne peuvent être
fixés que par le législateur, ne serait-ce que pour remédier à des imprécisions et à des « bugs » de la
loi de 1978.
A ce sujet, nous avions un vecteur possible qui était la loi « habitat pour tous », sur laquelle le
Ministre travaille actuellement. Cette loi a également de nombreux objectifs. Cependant, une
hypothèse d’ordonnance paraît aujourd’hui légitime. Le Gouvernement a annoncé un deuxième
train d’ordonnances après le premier train qui a fait l’objet d’une habilitation par le Parlement
l’année dernière.
Il est proposé un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre un deuxième train
d’ordonnances qui comprendra notamment des sujets importants dans l’équipement, l’habitat et le
transport. Au cœur du projet de loi, nous pourrions introduire des éléments bien circonscrits d’une
réforme du champ de l’assurance construction, afin, notamment, d’en sortir les équipements
industriels, les dommages sur existants, et de clarifier et sécuriser le régime de responsabilité des
sous-traitants. Voilà les sujets en cours de procédure.
Deux autres questions doivent être également posées.
•
La première question tient à cœur aux professions de la maîtrise d’œuvre, de l’ingénierie, de
l’architecture et du contrôle technique. L’enjeu central relève de la responsabilité de ces acteurs
in solidum qui porte sur l’ensemble de l’ouvrage, alors que leur rémunération ne porte que sur
une partie marginale de l’ouvrage. Nous observons donc un fort décalage et des difficultés que
ressentent de nombreuses professions. Il s’agit d’un enjeu difficile. Nous sommes prêts à en
débattre.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
•
La deuxième question est également assez nouvelle et ouverte. En effet, les assureurs
s’interrogent sur la possibilité de donner au système des éléments de liberté contractuelle malgré
le cadre de la loi. Nous pourrions en ce sens étudier certains éléments. Mais j’évoque cela avec
beaucoup de prudence et de précaution. Nous sommes à votre entière écoute. Il s’agit d’un long
débat, si j’en juge par les autres sujets qui ont fait l’objet d’un premier constat en 1997 et qui
n’aboutiront finalement qu'en 2004.
Pour conclure, je souhaite répondre à la question qui nous réunit aujourd’hui : « Où en est
l’assurance construction après un quart de siècle ? ». A mon sens, cet outil a fonctionné
correctement jusqu’alors et a trouvé un rythme de croisière. Certes, l’assurance construction connaît
encore des incertitudes, mais pourra encore être utile, si elle réussit à s’adapter. En tout cas, nous
œuvrons dans cette perspective. Je vous remercie de votre attention.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Première séquence de questions-réponses
La première séance de questions-réponses est animée par Monsieur Bertrand Fabre.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur le Directeur. Vous avez esquissé le débat du rapport entre la conjoncture
et la sinistralité. Je pense personnellement que la conjoncture a toujours un mauvais effet sur la
qualité des travaux. Si la conjoncture est haute, les promoteurs notamment accélèrent les travaux en
imposant des délais déraisonnables. Par contre, si la conjoncture est déprimée, les entreprises
multiplient les prix aberrants.
Nous arrivons à la première séquence des questions-réponses. Je ferai deux observations liminaires.
Il faut que la question soit une vraie question, même si elle peut être précédée d’un bref exposé des
motifs. Par ailleurs, avant chaque intervention, vous devez vous présenter et préciser votre secteur
d’activité. En effet, chaque profession a des préoccupations différentes. Le point de vue diffère
selon le métier de chacun, que vous soyez banquier, maître d’ouvrage, assureur ou ingénieur.
Nous commençons la séquence des questions-réponses. La première question posée par Monsieur
Derrien de la Fédération de Normandie Rouen-Dieppe s’adresse à Monsieur Paul Schwach. Quelles
orientations pour la responsabilité des sous-traitants ? Il est vrai, Monsieur le Directeur, vous avez
abordé ce point sans l’approfondir pour des raisons de temps.
Paul SCHWACH
Nous avons travaillé et débattu de ce texte en commission technique, comme je l’ai indiqué dans
mon intervention. Le texte est prêt à être diffusé et transmis. L’idée générale est d’harmoniser le
régime des sous-traitants avec le régime des autres constructeurs, sans pour autant les soumettre
formellement au régime obligatoire d’assurance construction.
L’objectif est d’avoir une durée de responsabilité précise. Aujourd’hui, faute d’avoir cet élément, la
responsabilité générale des sous-traitants est souvent recherchée. Il s’agit donc d’une durée de trente
ans qui s’impose à leur responsabilité. Le premier but est d’harmoniser la durée. La seconde idée est
de donner un point de départ clair et sûr de la garantie, c’est-à-dire de revenir sur la notion de
réception.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur Paul Schwach. En effet, nous avons un régime particulier pour les soustraitants aux termes duquel, à la limite, les sous-traitants qui sont intervenus sur le chantier de
Notre-Dame de Paris pourraient être recherchés. Nous avons, en effet, une garantie trentenaire à
compter de la manifestation du désordre et de ce fait, à la lettre, si une faute est démontrée, leurs
ayants droit pourraient être poursuivis plusieurs siècles après !
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
La deuxième question, posée par Monsieur Rousselan dont nous ignorons l’activité professionnelle,
s’adresse à Monsieur le Directeur Paul Schwach. La police « dommages-ouvrage » au cœur de la loi
Spinetta est aujourd’hui en crise. Il est difficile de trouver un assureur notamment pour la
construction d’habitations. L’illégalité de la franchise est probablement une cause lourde. Envisaget-on de restaurer la franchise pour l’assurance dommages-ouvrage par ordonnance ? Cette question
relève du domaine technique.
Paul SCHWACH
La question soulève de nombreuses interrogations. J’ai abordé ce sujet très elliptiquement vers la
fin de mon intervention.
Pouvons-nous affirmer que l’assurance dommages est en crise ? Comme vous l’avez souligné au
début des années 90, l’assurance dommages a connu des débuts difficiles, dans la mesure où celle-ci
était manifestement sous-évaluée. Les assureurs ne partagent peut-être pas mon point de vue,
puisqu’ils sont encore déficitaires.
Cependant, l’assurance dommages remplit son rôle de protection du maître d’ouvrage. Après
examen et analyse, il est possible d’introduire à nouveau des éléments de liberté contractuelle. Il
faut analyser si nous pouvons éviter à moindre frais de sérieuses difficultés. Cette problématique
ressemble à celle de la Sécurité sociale, notamment sur le plan du ticket modérateur. Nous pouvons
faire du progrès dans ce sens.
Pour conclure, je répondrai négativement à la question posée. Il n’est pas prévu que cela soit intégré
dans une ordonnance. Ce n’est pas un sujet suffisamment étudié, pour que nous finalisions le projet.
Néanmoins, il n’est pas à exclure une réflexion plus aboutie sur ce sujet.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur le Directeur. J’aborde une question relative aux sous-traitants posée par
Madame le Professeur Anne d’Hauteville qui enseigne le droit et notamment l’assurance
construction à la Faculté de Montpellier. La question s’adresse à Monsieur le Professeur PérinetMarquet. Sur le plan économique et juridique, faut-il maintenir les sous-traitants à l’extérieur du
système légal obligatoire ?
Hugues PERINET-MARQUET
Un auteur (M. Malinvaud) évoquait la notion de misérabilisme juridique à propos de
l’exclusion des sous-traitants du champ d’application de la responsabilité des constructeurs et de
l’assurance construction. Il existe cependant des difficultés juridiques pour les y faire entrer. Il ne
faut pas oublier deux aspects.
Le premier concerne la responsabilité du sous-traitant vis-à-vis de l’entrepreneur principal,
avec lequel il est lié par contrat. Pouvons-nous en faire un élément faisant partie intégrante de la
garantie décennale ? Oui, mais seulement en modifiant les termes de l’article 1792 qui organise une
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
responsabilité à l’égard du maître d’ouvrage. Or, l’entrepreneur principal n’est pas le maître
d’ouvrage. Pouvons-nous par ailleurs raccourcir le délai ? Rien, a priori ne s’y oppose. J’en profite
par ailleurs pour signaler que la question du délai ne concerne pas uniquement l’assurance
construction et les sous-traitants. Le rapport de la Cour de cassation pour 2001 est favorable à un
raccourcissement de tous les délais contractuels à dix ans, sauf en matière d’usucapion. En optant
pour un délai de dix ans, nous allons vers une conception moderne. En effet, au regard de
l’accélération économique, un délai de trente ans n’a plus vraiment de sens. Il faut naturellement
raccourcir le délai et changer l’esprit.
Si nous analysons la responsabilité du sous-traitant vis-à-vis du maître d’ouvrage, la
responsabilité est délictuelle. Par conséquent, comment pouvons-nous passer de la responsabilité
délictuelle à la responsabilité décennale ? De toute évidence, le législateur peut agir à sa guise mais
il lui est difficile de transformer une responsabilité délictuelle en décennale, donc en contractuelle.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur le Professeur. En effet, la distinction entre la responsabilité délictuelle et
la responsabilité contractuelle se révèle assez complexe. En somme, en matière de responsabilité
délictuelle, la faute doit être prouvée, alors qu’en matière de responsabilité contractuelle, le constat
de non-exécution de l’obligation équivaut au constat de la faute.
La question suivante posée par Monsieur Dominique Ardant qui fait partie d’une société de
courtage s’adresse à Monsieur Paul Schwach. 50 % des sinistres restés sans suite coûtent cher en
expertise et en gestion. Il s’agit souvent de sinistres de faible montant. Pourquoi n’envisagerionsnous pas une franchise pour les petits sinistres en assurance dommages-ouvrage ?
Paul SCHWACH
Je pense avoir répondu sur le fond. Je discutais dernièrement de ce sujet avec Monsieur Emmanuel
Edou. Il est vrai que la mise en jeu de la police « dommages-ouvrage » remplace parfois le service
après-vente de l’entreprise qui n’a justement pas de relation avec le client. L’entreprise pourrait
alors réparer un certain nombre de défauts. Il faut en ce sens faire un effort de réflexion
professionnelle avec l’ensemble des acteurs.
Bertrand FABRE
Nous évoquions il y a un instant, avec un représentant des entreprises, l’augmentation en nombre
des contrats globaux qui comprennent la construction et l’entretien. Il est bien évident que si nous
devons entretenir l’ouvrage que l’on a construit, nous construirons des ouvrages faciles à entretenir.
Nous pouvons encore prendre une question. Monsieur, je vous en prie, posez votre question !
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
André FACUNDO
Je fais partie de la société d’ingénierie Beterem Ingéniérie. Je souhaite d’abord poser une question
polémique qui n’appelle aucune réponse : pourquoi les maîtres d’œuvres n’ont-ils pas été invités
autour de la table ?
Ma seconde question concerne en fait le bilan de la loi Spinetta. J’introduis ma question par une
brève présentation. Le bilan doit être effectivement mitigé. Il faut rappeler que la loi Spinetta a été à
l’époque introduite pour régler les problèmes du moment. En fait, le système qui en a découlé est de
nature curative. Dans ce système, la prévention avait été énoncée mais restait un vœu pieux. En tant
que société d’ingénierie, notre situation financière actuelle est fort délicate en raison du coût de
l’assurance construction.
Je décrirais ainsi le mécanisme de spirale. Nous construisons, les sinistres surviennent. Puis
l’assureur paie et augmente la tarification. Les tarifs pèsent alors sur notre compte d’exploitation.
Cette spirale nuit à la qualité et augmente par conséquent la sinistralité. Comment pourrait-on
introduire, dans ces processus, de la prévention ? Je souligne les travaux de l’AQC que je ne remets
pas en cause, encore faudrait-il que ces travaux soient l’objet d’une large diffusion, y compris sur le
plan des organismes de formation professionnelle.
A mon sens, il faut aller au-delà. Il faut introduire la qualité au niveau de tous les générateurs de
risques, c’est-à-dire en amont. L’assurance ne tient pas vraiment compte des risques actuels. En
somme, le bâtiment génère lui-même des risques en fonction de sa situation. Naturellement, les
risques sont différents.
Bertrand FABRE
Pouvez-vous préciser votre question ?
André FACUNDO
Comment pourrions-nous introduire dans le processus de l’assurance construction des éléments qui
tiendraient véritablement compte du risque ? Comment est-il par ailleurs possible d’avoir une prime
à la qualité ?
Bertrand FABRE
Souhaitez-vous répondre Monsieur le Président Alain Sionneau ?
Alain SIONNEAU
J’ignore si ma réponse sera satisfaisante. En tout cas, votre intervention renvoie au point suivant : la
non-dissociation entre les qualités de maître d’ouvrage.
En somme, la loi Spinetta a considéré le maître d’ouvrage dans sa globalité, sans tenir compte qu’il
puisse être maître d’ouvrage particulier ou professionnel. Nous pourrions poursuivre les
propositions énoncées de Monsieur Paul Schwach.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Nous ne pouvons nier qu’il existe des maîtres d'ouvrage occasionnels. Cet assuré-là doit être
fortement protégé, peut-être davantage qu’aujourd’hui. D’un autre côté, certains maîtres d’ouvrages
professionnels, connaissant parfaitement les techniques de construction, maîtrisent également la
technique de l’appel d’offre et privilégient systématiquement le moins-disant. De ce fait, ils
prennent, en toute connaissance de cause, un certain nombre de risques qu’ils n’assument pas
ensuite.
Grâce à l’assurance, nous constatons même des enrichissements sans cause. Il est alors réalisé, a
posteriori et sur le compte de l’assureur et in fine des assurés, des travaux qui auraient été
nécessaires mais qui n’ont pas pu être mis en œuvre pour des raisons budgétaires. Nous pourrions
réfléchir plus longuement sur ce point.
D’ailleurs, une autre question découle de ce constat. Est-il indispensable d’avoir une assurance de
dix ans qui soit totalement automatique ? Il serait peut-être possible de mettre en place une
assurance à double détente qui porte sur une durée de dix ans mais avec une première détente à cinq
ans, et une prolongation de cinq nouvelles années tenant compte de l’exécution de travaux
d’entretien.
Pour ma part, je serais partisan d’un tel système mais, nous pourrions peut-être trouver des
solutions intermédiaires qui ne déstabilisent pas complètement le mécanisme de la loi Spinetta, qui,
en fin de compte, a bien fonctionné.
Je développerai ensuite un second point. Comme l’atteste l’engagement des professionnels du
bâtiment, il faut développer des objectifs de prévention. A ce titre-là, la SMABTP s’est pour
l’instant investie dans un processus d’expérimentation auprès de nombreuses entreprises volontaires
ou identifiées par les salariés de la SMABTP, afin de mener à bien une démarche qualité.
Dans ce cadre, nous procédons d’abord par une démarche de « diagnostic » à laquelle succèdera une
démarche « qualité ». La mission est prise en charge par la Fondation Excellence SMA présidée par
Jean Domange. D’ici quelques mois, nous aurons des éléments à soumettre, non seulement à la
SMABTP mais à l’ensemble des assureurs construction de France, afin de progresser dans cette
réflexion.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur le Président. Vous évoquez la nécessité de diffuser plus largement les
travaux de l’Agence Qualité Construction. Je partage ce point de vue. Le Moniteur le fait avec
l’appui de la Fondation Excellence SMA en diffusant soixante et une fiches qui ont rencontré un vif
succès d’après le témoignage de nombreux lecteurs. Je m’engage à diffuser tous les travaux de
qualité de l’Agence Qualité Construction. D’après l’étude FCA Cadres, nous sommes un bon
vecteur de diffusion puisque nous sommes lus chaque semaine par 483 000 lecteurs cadres.
En effet, il ne s’agit pas de remettre en cause une loi qui permet au système de fonctionner
correctement depuis un quart de siècle. Au contraire, il faut améliorer le système autant que
possible. Comme l’a souligné Monsieur Périnet-Marquet, nous avons observé des évolutions
jurisprudentielles variables en fonction des tribunaux et des magistrats. Monsieur le Directeur nous
a promis des ordonnances et des lois sur la franchise.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’influence de la loi
Présentation
Bertrand FABRE
Directeur des rédactions, Groupe Moniteur
Nous n’imaginons pas qu’une telle loi n’ait pas pu avoir une influence profonde sur son quadruple
champ d’application :
•
•
•
•
la construction ;
le monde de l’expertise ;
l’assurance ;
la France et son voisinage européen immédiat.
Nous écouterons tout d’abord une intervention sur l’influence de la loi sur le secteur de la
construction par Monsieur Christian Baffy, Président de la Fédération Française du Bâtiment. Pierre
Alleaume, Président de la Compagnie Française des Experts Construction, nous entretiendra sur le
domaine de l’expertise. Monsieur Jacques Szmaragd, Président du Comité Assurance de la
Fédération Française des Sociétés d’Assurances, abordera la question relativement au monde de
l’assurance.
Enfin, pour élargir le débat à l’Europe, Monsieur Alberto Toledano, Directeur général d’ASEFA,
évoquera l’expérience espagnole
Nous écoutons tout d’abord le Président Baffy.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’influence de la loi sur le secteur de la construction
Christian BAFFY
Président de la Fédération Française du Bâtiment
Je vous remercie Monsieur Fabre. Monsieur le Président, cher Alain, je souhaite te remercier de
m’avoir invité pour parler de l’influence de la loi Spinetta sur le secteur de la construction. Je vous
remercie de laisser la parole à la FFB. A cette occasion, je voudrais évoquer tout l’attachement de la
Fédération Française du Bâtiment à la SMABTP.
I.
Une "longue vallée de larmes"
Si nous nous interrogeons sur l’influence d’une loi, il importe de se remémorer le contexte, dans
lequel elle fut votée. Le contexte a déjà été évoqué par les deux intervenants précédents. La loi
Spinetta relevait davantage de la nécessité que du hasard.
Vous le savez, le précédent système s’enlisait dans la recherche préalable des responsabilités et
favorisait l’éclosion de procédures longues et coûteuses. Il y avait une distorsion grave entre la
protection juridique affichée et la protection réelle. En un mot, selon Spinetta lui-même, le système
était tourné vers la recherche prioritaire des responsabilités avant toute réparation, reléguant au
second plan la préoccupation de l’usager.
Le système mis en place en 1978 avec l’obligation d’assurance accompagnée d’un mécanisme à
double détente, présentait au regard de ces éléments d’indéniables vertus. Il a permis une meilleure
protection du maître d’ouvrage, une réduction des délais avec une diminution des contentieux
judiciaires au profit de règlements amiables.
Pour autant, force est de constater que l’histoire de cette loi s’apparente aujourd’hui à une longue
vallée de larmes. La vertu a beaucoup de vices qui comme le diable se cachent malheureusement
dans les détails. Ainsi, comment pouvons-nous ignorer dans le domaine de la construction la cause
du dommage en cas de sinistre ? Sans être exhaustif, je voudrais mentionner les points suivants, au
passif de la loi.
Les difficultés furent d’abord financières, comme l’a évoqué Monsieur le Directeur Paul Schwach.
Avec le recul, chacun appréciera à sa juste valeur le réalisme de l’objectif qui était de faire baisser
le coût de l’assurance construction. Pour mettre fin à un déséquilibre économique latent, les
assureurs ont pratiqué une douloureuse mais nécessaire politique de redressement tarifaire depuis
1995. J’observe que les hausses se poursuivent et que les assureurs continuent à s’interroger sur
l’équilibre de la branche. Or, chacun le comprendra, la fuite en avant, à l’infini, n’a finalement pas
de sens.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
II. La responsabilisation des acteurs
Notre second point concerne la responsabilisation des acteurs. L’un des fondements de la loi
s’apparente encore malheureusement à un vœu pieux. Il s’agit là d’un des plus gros défauts du
dispositif. Il n’est pas rare de constater dix ans après la réception des travaux une entreprise
condamnée à réparer des désordres sans aucun abattement de vétusté ou d’entretien. Comment
pouvons-nous admettre une telle ignorance de l’usure liée au temps ?
La cartographie du système, en d’autres termes ses frontières, a connu de grandes dérives sous les
effets de la jurisprudence. Les dérives se traduisent par une prise en charge de sinistres ignorés
quelques années auparavant. Il est vrai, la complexité du système et le flou de nombreuses notions
ouvrent de larges boulevards que les juges n’ont pas manqué d’emprunter. J’évoque à ce titre le
caractère indéfiniment extensif de l’impropriété à la destination.
Le régime de responsabilité des sous-traitants, plus pénalisant, constitue une autre parfaite
illustration de cette complexité qui frise l’absurdité, comme vous l’avez indiqué Monsieur Fabre.
En effet, sur le fondement de plusieurs régimes juridiques, il est possible de se retrouver poursuivi
pour une durée allant au-delà de la période décennale. En résumé, si le pouvoir du juge croît avec
l’obscurité de la loi, il ne faut pas s’étonner qu’en ce domaine, le juge ait davantage pris le pouvoir.
Certes, il ne suffit pas d’incriminer tel ou tel, mais il faut que chacun balaie devant sa porte. On
peut nous reprocher à nous constructeurs d’être à l’origine d’une sinistralité qui ne baisse pas mais
qui globalement représente 1 % environ du chiffre d’affaires du secteur.
La sinistralité intrinsèque existe de plus pour de multiples raisons. Aucun indicateur ne permet de
quantifier la réalité du phénomène et son éventuelle progression. Elle ne saurait toutefois, à elle
seule, expliquer l’ensemble des dérives du système. Le fonctionnement global du dispositif
gagnerait bien évidemment à être corrigé. Mais je voudrais évoquer à ce sujet deux grands axes ou
pistes. L’une vient d’être évoquée à l’instant par Monsieur Alain Sionneau.
L’extension du champ de la décennale se comprend dans un monde où la recherche de la sécurité
et/ou les pressions consuméristes conduisent en cas de difficulté à prendre l’argent où il est. Vous
savez tous que l’argent se trouve naturellement chez les assureurs.
Nous nous étions presque réjouis qu’un projet de loi consensuel sur la définition du champ de
l’assurance construction ait pu être rédigé. En septembre 2000, après cinq ou six années de travaux,
Le Moniteur du bâtiment et des travaux publics pouvait titrer en parlant de la réforme : « Cette foisci, plus aucun doute, c’est pour bientôt ». On le voit en matière d’assurance la procédure est longue.
Il faut cependant davantage faire preuve de clarté et de précision. En effet, chaque fois qu’un juriste
interprète l’article 1792, l’assureur, donc l’entrepreneur, paie. Ceci est d’autant plus dommageable
que l’appréciation du risque pour dix ans se fonde sur l’état de droit à l’origine. Après quatre
années, la question posée n’est pas de savoir si nous devons redéfinir le champ de l’assurance
construction, mais si nous allons le faire. Nous souhaitons également que puisse être rapidement
mise en œuvre la mesure relative au cas particulier des sous-traitants. Là encore, l’intervention du
Ministre sera sûrement apaisante. Cependant, la prudence m’amène à affirmer que seuls les faits
permettront de juger.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
III. Réforme de l’assurance construction
Nous passons maintenant au point suivant relatif à la réforme de l’assurance construction, y compris
le chantier évoqué de la définition de son champ d'application qui n’est pas une fin en soi. Il faut
s’interroger sur le but et les objectifs d’une telle réforme. Notre Fédération ne peut que placer au
centre de ses ambitions la qualité de la construction. En d’autres termes, le régime actuel de
l’assurance construction influe-t-il positivement ou négativement sur cette ambition ?
Là encore, tout n’est ni blanc, ni noir. Bien des facteurs expliquent à la fois les niveaux et les
évolutions en matière de sinistralité. Les innovations par exemple peuvent nous créer, à nous
entrepreneurs, un certain nombre de soucis.
L’assurance construction constitue un élément parmi d’autres. Mais force est de reconnaître que le
régime actuel de l’assurance construction ne semble guère être un élément de progrès décisif vers la
qualité. Chacun le reconnaît la sinistralité reste trop élevée dans l’absolu mais aussi de manière
relative.
De fait, les exigences des clients progressent. Là, il s’agit du bon côté du consumérisme. Cela n’est
pas spécifique au bâtiment. Les clients n’acceptent plus aucune imperfection. J’observerai, au
passage, que la jurisprudence traduit aussi l’évolution des mœurs. C’est pourquoi il faut à la fois
élever le niveau des prestations et réduire la sinistralité globale. Atteindre ces objectifs est vraiment
une exigence de progrès qui demande des efforts et de l’imagination.
Pour y parvenir, il faut d’abord développer les politiques de prévention. La prévention consiste à
s’attaquer aux causes. Pour cela, il faut réfléchir d’une manière plus approfondie à l’architecture
d’ensemble pour en réduire les effets pervers. L’action de l’AQC participe à cet objectif de
réduction des désordres et d’amélioration des pratiques.
Elle repose notamment sur deux commissions : la Commission de prévention produit (C2P) et la
Commission prévention construction (CPC).
La FFB milite d’ailleurs, en accord avec son Président Yves Le Sellin, pour un recentrage des
actions de l’AQC, afin d’en accroître encore plus l’efficacité. La Fédération milite aussi pour que
nous allions bien plus loin.
En 2001, la Fédération Française du Bâtiment, sous la présidence d’Alain Sionneau, s’est même
fixé un objectif ambitieux. J’espère pouvoir le réaliser, cher Alain. L’objectif est de faire diminuer
la sinistralité de 30 % en six ans, c’est-à-dire à l’horizon 2007. Pour ce faire, elle se mobilise avec
les unions et les syndicats de métier sur différents fronts :
•
recherches professionnelles sur des sinistralités constatées afin de les comprendre et de mieux
les prévenir ;
•
renforcement des efforts de formation tant initiale que continue ;
•
adaptation permanente des normes DTU qui définissent des spécifications de mise en œuvre des
produits de construction .
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Pour réussir, il est nécessaire de bien développer au sein des entreprises des démarches qualité. Il
vaut mieux diffuser les règles de l’art et améliorer le savoir-faire des professionnels. A cette fin, il
est notamment envisagé de créer des guides fortement illustrés rappelant par métier ce que tout
compagnon doit savoir sur un chantier pour exercer son métier.
Il faut dans le même temps que les assureurs intègrent mieux dans la fixation de leurs primes la
qualité des entrepreneurs et des maîtres d’ouvrage, ainsi que l’ensemble des intervenants de la
filière. C’est un sujet délicat. Mais c’est se voiler la face que d’ignorer ou de feindre d’ignorer les
écarts de performance et les ravages des prix anormalement bas.
Les maîtres d’ouvrage ne doivent pas par ailleurs se sentir déresponsabilisés par un système
d’assurance qui s’apparente en fait à un système de Sécurité sociale. A contrario, les maîtres
d’ouvrage doivent être responsabilisés. Ils doivent assumer les conséquences de leur choix afin
d’éviter les comportements où chacun reporte sur la mutualité des autres le surcoût de la nonqualité.
Comme Monsieur Alain Sionneau l’a évoqué précédemment, il faut également s’interroger au
regard des pratiques européennes sur la nécessaire distinction ou non entre les maîtres d’ouvrage
occasionnels qui ont besoin eux de protection forte et les maîtres d’ouvrage professionnels.
Bien informés des problèmes techniques et juridiques, ceux-ci disposent aujourd’hui d’une
véritable rente de situation dans le dispositif actuel. Ces derniers, mieux responsabilisés dans
l’intérêt de tous, devraient alors choisir le meilleur rapport qualité-prix et développer des politiques
d’entretien adaptées. Je pourrais naturellement continuer à égrener dans un long exposé technique
les actions à poursuivre. Je pourrais notamment évoquer le système de bonus malus, les avantages
et les inconvénients de l’obligation, préalable à toute construction, de l’étude de sol. Je pourrais
aussi citer l’introduction d’une franchise en matière de dommages-ouvrage.
Je voudrais tout au contraire me concentrer sur la nature des remèdes adéquats à mettre en œuvre.
La réforme de 1978 a résolu de façon satisfaisante la question de la réparation. La prochaine
réforme de 2006, dans la continuité de celle de 2004, doit se révéler aussi efficace à réduire les
sinistres.
IV. Conclusion
Pour conclure, je voudrais affirmer qu’il n’est pas interdit de rêver à un régime d’assurance
construction qui s’inscrirait dans une spirale vertueuse au lieu de cultiver certains vices. Je vous
remercie vivement de votre attention.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Président Baffy. Nous avons bien saisi votre affirmation liminaire du fort
attachement de la FFB à la SMABTP. Est-ce à dire que certains auraient un attachement moindre ?
Le deuxième domaine d’influence de la loi Spinetta est le monde de l’expertise. Parmi les points
positifs de la loi, surtout si nous la comparons à l’ancien système, nous pouvons mentionner la
réduction des délais d’indemnisation des sinistres. A cet égard, l’organisation de délai court et
impératif des opérations d’expertise a assurément joué un rôle important. Je cède la parole à
Monsieur Alleaume.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’influence de la loi sur le secteur de l’expertise
Pierre ALLEAUME
Président de la CFEC
1° INTRODUCTION
Je tiens à remercier Monsieur le Président Alain Sionneau et la SMABTP pour l’organisation de
cette journée dont le succès démontre à mon sens son utilité.
Pour ma part, je fais partie de la Compagnie Française des Experts Construction. Nous sommes une
organisation syndicale plus modeste et moins importante que la FFB ou la FFSA, mais qui est
importante dans son domaine de compétences et d’intervention.
Dans le cadre des premiers exposés, j’ai entendu à plusieurs reprises l’emploi du terme
« archéologie ».
Il s’agit là d’une curiosité, dans la mesure où je souhaitais commencer mon exposé en vous
indiquant que nous pouvions distinguer trois grandes périodes dans le secteur de l’expertise
construction, et que je qualifierai de « préhistorique » la première de ces périodes.
2° PERIODE :
AVANT LA LOI SPINETTA
Avant la loi du 4 janvier 1978 ( Loi Spinetta )
Il s’agit d’un simple rappel.
Le champ d’activité des experts intervenant sur des sinistres de la construction était essentiellement
celui de la responsabilité civile décennale des constructeurs (Police RCD), avec ponctuellement le
cas de sinistres traités dans le cadre de police Maître d’Ouvrage.
Ce simple rappel est intéressant si l’on se souvient qu’à cette époque, le terme
« d’expert construction»
était peu utilisé pour caractériser le professionnel travaillant sur de tels dossiers.
Les « experts construction » se rencontraient alors au sein des cabinets d’expertise « Dommages »
ou spécialisés en R.C. et qui recevaient des missions de sinistre sur des polices de R.C.D.
A cette époque, on pouvait déjà néanmoins identifier 2 « corps » d’experts constitués par des
assureurs pour traiter spécifiquement de ce type de dossier.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Il s’agissait :
-
des experts du GECO et
des experts de la SMABTP.
L’activité et les méthodes de travail n’étaient alors pas fondamentalement différentes de celles des
experts intervenant pour le compte des compagnies d’assurance.
Ce rappel était nécessaire pour montrer qu’avant la loi Spinetta, l’expert « construction » n’était
finalement identifié que par sa spécialité au sein de l’ensemble de la profession d’expert et non par
sa spécificité.
3° PERIODE :
LA LOI DU 4 JANVIER 1978
et ses textes d’application ( décrets et arrêtés du 17/11/1978 – les clauses types )
Du point de vue de l’activité d’expert, la loi Spinetta apporte 3 grandes nouveautés :
-
d’abord, elle crée une nouvelle forme d’expertise : l’expertise dommages-ouvrage ;
ensuite, elle organise ce nouveau type d’expertise, en précisant les modalités et le contenu de la
mission d’expertise et du rôle de l’expert ;
enfin, elle donne une reconnaissance officielle à l’expert.
En effet, les clauses types applicables aux contrats d’assurance dommages (annexe II à l’article
A.241 – 1) indiquent :
« les dommages sont constatés, décrits et évalués par les soins d’une personne »
« physique ou morale, désignée par l’assureur et ci-après dénommé " L’Expert " ».
Je ne reviendrai pas sur les questions connues de tous des différentes phases de l’expertise
dommages-ouvrage, des documents (rapports d’expertise préliminaire et rapport d’expertise) en
découlant, des obligations respectives de l’assuré et de l’assureur et, particulièrement pour ce
dernier, de l’obligation de respect des délais.
Je voudrais, en revanche, rappeler brièvement les difficultés pratiques de l’application du dispositif.
Dans les premières années d’application de la loi (jusqu ’en 1983), le déroulement de l’expertise
dommages-ouvrage était ralenti par la nécessité du respect du « contradictoire » à l’égard de tous les
intervenants concernés par un sinistre c’est-à-dire, non seulement à l’égard des constructeurs
intéressés par le sinistre mais également à l’égard de leurs assureurs respectifs, en RCD ou en RCP.
Les réunions d’expertise, pour des sinistres souvent de faibles enjeux financiers, réunissaient alors
plusieurs experts ;
-
l’expert dommages-ouvrage ;
les experts respectifs des assureurs RC dont l’assuré pouvait être intéressé par le sinistre.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Il en résultait souvent que le principe du contradictoire se transformait en contradiction de
principes (!) sans que la mauvaise volonté de l’un ou de l’autre puisse être avancée dans tous les
cas.
En outre, les délais de désignation des experts désignés par les assureurs RC conduisaient souvent à
ce qu’ils interviennent alors que l’expertise dommages-ouvrage était commencée, voire sur le point
de s’achever.
Ce dispositif était coûteux et peu satisfaisant en regard de l’un des objectifs essentiels de la réforme,
c’est-à-dire la réduction des délais d’indemnisation des bénéficiaires.
4° PERIODE : LA CONVENTION DE REGLEMENT ASSURANCE CONSTRUCTION
Les assureurs pratiquant le risque construction ont élaboré une convention dite :
« Convention de Règlement Assurance Construction »
applicable au 1er janvier 1983 , dont le but était d’améliorer l’efficacité de l’assurance construction.
Cette convention apporte une grande nouveauté dans la pratique de l’expertise construction dans la
mesure où elle instaure une expertise conduite par un
expert unique
ou plus exactement par un
expert pour compte commun
de l’assureur dommages-ouvrage et des assureurs de responsabilité.
Saisi d’une déclaration de sinistre par un bénéficiaire de garantie dommages-ouvrage, l’assureur
dommages-ouvrage procède, tant pour son propre compte que pour celui des assureurs de
responsabilité, à la désignation d’un expert choisi parmi ceux recommandés par les assureurs
signataires de la convention et figurant sur une liste après avoir répondu à des conditions fixées par
des règles de qualification.
Ainsi et en laissant de côté les limites financières de coût de sinistre en deçà et au-delà desquelles la
convention ne s’applique plus, l’expert construction conduit seul l’expertise prévue et organisée par
les clauses types et intervient pour compte commun de l’assureur dommages-ouvrage et des
assureurs de responsabilité des constructeurs concernés par le sinistre.
Le rôle de l’expert dans le règlement de sinistre d’après la loi Spinetta était déjà un rôle « pivot ».
Son rôle, avec la convention de règlement, est devenu un rôle central.
Le rôle est parfois même élargi ; je fais allusion aux formules type délégation de gestion.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
La loi du 4 janvier 1978 et la pratique formalisée par la convention ont conduit naturellement à une
évolution du « profil » de l’expert construction, de son activité et de ses caractéristiques
professionnelles.
5° PERIODE : L’EXPERT CONSTRUCTION AUJOURD’HUI
a) C’est un expert « sélectionné »
Si les conditions d’accès à la profession sont légalement libres, les conditions d’inscription
sur la liste CRAC sont rigoureuses.
Les experts construction postulant à cette inscription et donc à la qualification d’expert
CRAC doivent répondre aux conditions suivantes :
•
•
•
•
•
avoir au minimum 30 ans et au plus 58 ans l’année de la demande de qualification ;
posséder un diplôme d’architecte ou d’ingénieur du bâtiment ;
avoir une expérience technique dans le bâtiment d’au moins 5 ans dont une partie sur
chantier ;
avoir pratiqué l’expertise construction les 2 années précédant la demande d’inscription ;
avoir réalisé pendant ces 2 années au moins 20 missions RCD ou DO sous ticket
modérateur dont au minimum 10 missions RCD.
Si le postulant satisfait à ces conditions, il est admis à passer l’examen de qualification qui
comporte un écrit portant sur des cas pratiques et un oral.
Les candidats ayant subi l’examen avec succès bénéficient de la qualification et sont inscrits
sur la liste CRAC.
Cette liste est révisée tous les 2 ans, la réinscription étant conditionnée à la justification
d’avoir accompli un nombre minimum de missions d’expertise convention sur 2 ans.
Ainsi, depuis 20 ans, il s’est formé un « corps » d’experts construction qui est la
conséquence de l’embryon de statut que lui donnait la loi Spinetta.
Le rôle central de l’expert dans le règlement des sinistres construction a modifié en
profondeur les caractéristiques de l’expert construction.
b) C’est désormais un professionnel formé de façon permanente
Les acquis et les savoirs d’un jour ne sont plus ceux du lendemain et les experts construction
complètent constamment leur formation, individuellement ou collectivement par leurs
organisations syndicales au premier rang desquelles la Compagnie Française des Experts
Construction que j’ai l’honneur de présider.
c) C’est un professionnel soumis à une déontologie…
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
…qui lui impose, comme qualités, outre sa compétence et sa technicité :
•
•
•
•
•
l’objectivité ;
l’indépendance ;
la rigueur intellectuelle ;
le sens du dialogue et de l’écoute et de la diplomatie ;
la pédagogie.
La profession s’est organisée collectivement par la création de la CFEC en 1990.
d) C’est un professionnel de l’expertise construction
qui se préoccupe également de prévention et de qualité et j’évoquerai sur ce point le rôle de
l’expert construction dans la prévention des risques de la construction soit par la collecte et
la remontée d’informations sur la pathologie du bâtiment que les experts assurent pour le
compte de l’AQC, soit par des travaux que la CFEC mène par ses représentants au sein de
l’AQC.
Ce rôle de prévention peut également être exercé dans le cadre des initiatives prises par
certains groupes d’assurance (SMABTP).
EN CONCLUSION
Les « experts construction» ont la conscience d’appartenir à un véritable corps, avec les
devoirs et obligations qui en découlent, corps qui a pu se constituer grâce à la loi Spinetta et
à la convention de règlement.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur Pierre Alleaume. Vous avez éprouvé le besoin d’expliciter le sigle de
votre organisme. Mais nous le connaissions déjà. Vous avez peut-être moins d’adhérents que la
FFB. Cependant, vos activités sont bien connues et votre rôle reste indispensable dans l’assurance
construction. Nous passons au troisième intervenant, Monsieur Jacques Szmaragd.
La loi sur l’assurance a-t-elle eu une influence majeure sur l’assurance ? Je vous présente Monsieur
Jacques Szmaragd, Président du comité assurance construction de la Fédération Française des
Sociétés d’Assurances.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’influence de la loi sur le monde de l’assurance
Jacques SZMARAGD
Président de la commission construction de la FFSA
Introduction
Monsieur Fabre, vous me tendez une perche qui nous permettrait, si je vous répondais
négativement, de gagner du temps. Je répondrai néanmoins de manière positive en essayant de vous
en expliquer les raisons.
Les deux branches constituant l’assurance décennale - la responsabilité civile et la dommagesouvrage - sont marginales en termes de chiffres d’affaires. Elles ne représentent qu’un encaissement
de 1,3 milliard d’euros en 2001 (un milliard pour la RC et 300 millions pour la DO) face à un total
de 36 milliards d’euros pour l’ensemble des assurances de biens et de responsabilité.
Nous constatons parallèlement que cette activité engendre un foisonnement intellectuel
considérable. La lecture des recueils de jurisprudence et l’examen de la liste des colloques organisés
autour de l’assurance démontrent que l’assurance construction mobilise entre un tiers et la moitié de
l’activité créative que nous consacrons à notre métier.
Ce paradoxe apparent résulte des incertitudes qui enveloppent l’assurance construction. Comme
tous les professionnels dont le hasard constitue la base de l’activité, nous avons besoin de disposer
de statistiques fiables et homogènes pour bâtir des modèles actuariels et justifier par des calculs
savants nos décisions bonnes ou mauvaises.
I. Les incertitudes autour de la loi Spinetta
Les intervenants précédents ont déjà insisté sur les imprécisions et les évolutions erratiques des lois
de 1978 et de 1983. En fait, tous les éléments constituant le cadre d’exercice de ces lois sont flous, à
un degré plus ou moins important.
•
•
L’élément le moins incertain (avec quelques réserves) est la durée de la garantie. En ce
domaine, les assureurs du risque construction sont mieux placés que leurs collègues qui
pratiquent l’assurance de responsabilité civile pour laquelle une incertitude forte existe en ce
qui concerne le domaine temporel de la garantie.
En revanche, nous ignorons quels montants de couverture sont accordés par nos polices qui,
selon une jurisprudence constante en matière d’assurances obligatoires, ne peuvent prévoir de
plafond. Certes, dans la majorité des cas et pour des raisons évidentes, notre engagement ne
saurait excéder la valeur des ouvrages.
Malheureusement, cette règle sécurisante ne s’applique pas aux sinistres sériels dont la
perspective hante nos cauchemars d’autant plus qu’avec raison, nos réassureurs se refusent à
les couvrir pour des montants illimités.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Ajoutons que les sinistres sériels de nature décennale ne peuvent en pratique résulter que de
désordres causés par un produit considéré comme un EPERS, catégorie certes prévue par la
réglementation mais avec des règles d’application incertaines et connues de facto après un
éventuel sinistre.
Le ciel nous a épargné depuis 1983 la survenance d’un évènement grave de cette nature. Nous
en avons conclu qu’il n’y avait pas lieu d’en tenir compte dans l’établissement de nos tarifs et
nous risquons fort d’avoir à payer un jour le prix de cette négligence.
•
Le projet législatif dont M. le Directeur Schwach a fait état tout à l’heure vise à atténuer les
incertitudes sur le périmètre même de la loi de 1978. Nous ne connaissons en effet pas avec
précision ni les ouvrages ni les professionnels qu’il nous est fait obligation de couvrir.
Pour les premiers, autour d’un noyau incontestable de constructeurs, règne une zone floue
constituée d’intervenants à l’acte de construire dont le rôle technique (fabricants et négociants
de produits, géologues…..) ou le statut contractuel (sous-traitants….) rend l’assujettissement à
l’obligation d’assurance incertain.
En ce qui concerne les ouvrages, il convient de rappeler que le projet de circulaire
administrative de 1974 visant à en dresser une liste a été annulé en son temps par la juridiction
administrative. L’état actuel de la jurisprudence rappelé par le Professeur Périnet-Marquet est
peu satisfaisant et les assureurs souhaitent que le lumineux rapport rédigé par ce dernier en
1997 puisse constituer pour l’avenir la base d’appréciation retenue par la future loi et par les
juges chargés de l’appliquer.
•
Enfin, je me contenterai de mentionner que la notion d’impropriété à la destination, même si
les tribunaux n’en ont pas fait un usage excessivement étendu, implique, par son énoncé
même, une imprécision fondamentale.
Au cours des vingt-cinq dernières années, l’évolution jurisprudentielle n’a pas été, en termes
de coût pour nos sinistres, considérable et nous serions d’ailleurs bien en peine de l’évaluer.
Néanmoins, nous demandons à être rassurés par la fixation d’un cadre général dont
l’interprétation future puisse être prévisible.
II. Les méthodes de gestion de l’assurance
Le deuxième élément que je souhaite évoquer concerne les règles de gestion issues pour
l’essentiel de la loi de 1983. Elles comportent, selon moi, deux aspects fortement contraignants
pour les assureurs.
1. La durée des opérations
Si la garantie elle-même est bien décennale – mais dix ans après la réception signifie en
moyenne 12 ans après l’ouverture du chantier et la perception de la prime – la durée de
règlement des sinistres porte à vingt-cinq ans environ le délai nécessaire pour clôturer les
dossiers relatifs à une année d’assurance.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
34
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
La conséquence évidente de cet allongement considérable des périodes d’observation est que
les assureurs ne disposent jamais de statistiques récentes pour évaluer les risques couverts et
adapter leurs tarifs et leurs clauses d’assurance.
C’est ainsi que, pour déterminer les conditions de souscription pour l’exercice à venir, soit
2004, nous ne disposons d’aucune donnée fiable relative aux années postérieures à 1997 et
encore, ces dernières sont-elles fragmentaires et peut-être biaisées car relatives aux seuls
désordres déclarés au début de la période de garantie.
Entre temps, et aucun modèle mathématique ne peut pallier ces incertitudes, la situation
économique a changé les procédés contractifs et les produits incorporés aux ouvrages se sont
modifiés et la jurisprudence a évolué.
Dans cet environnement technique non maîtrisé, avec des données lacunaires, et nous le
verrons plus loin, sans aucune connaissance de l’avenir économique, il nous appartient de
fixer aujourd’hui la prime qui doit nous permettre de couvrir, pendant un quart de siècle au
moins, un risque complexe.
Pour mesurer l’impact économique des incertitudes tarifaires, il convient de rappeler l’histoire
combien tourmentée du Fonds de compensation de l’assurance construction qui aura eu à son
terme à régler des sinistres pour un coût environ 5 fois supérieur à ce qui était prévu à
l’origine.
Je passerai rapidement sur quelques autres conséquences de la durée de gestion de nos
opérations comme la nécessité pour les assureurs de disposer d’une solvabilité importante et
pérenne ainsi que des réassureurs fidèles. Il convient de remercier tout particulièrement ceux
d’entre eux qui ont accompagné depuis l’origine le marché français à travers les bonnes – et
les mauvaises – fortunes.
2. Le mode de gestion en capitalisation
Cette particularité réglementaire a deux conséquences qui tendent l’une et l’autre à réduire le
nombre d’assureurs intéressés par cette activité.
•
L’assurance décennale est conçue pour fonctionner à l’instar de l’assurance vie, à cette
différence, non insignifiante, que l’on ignore la table de mortalité – les lois de survenance
et de règlement des sinistres – et le taux d’intérêt – en l’occurrence le coût de réparation
des désordres.
Pour faire face à cette situation inconfortable, nous devons disposer des importants
revenus financiers produits par le placement des primes encaissées. Malheureusement
l’évaluation de ces derniers est tout aussi délicate dans la mesure où aucun expert ne peut
prévoir, même grossièrement, l’évolution des taux d’intérêt et des marchés financiers audelà de quelques mois.
Quelques chiffres sont à graver dans nos esprits ; pour un chiffre d’affaires constant de
100, un assureur construction constitue, à l’équilibre, un montant de provisions de 1000.
Par conséquent, un écart – en plus ou en moins – de un point sur le rendement des actifs
représentatifs entraînera une variation de 10 (10 % du chiffre d’affaires) de son résultat
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
35
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
final. La probabilité d’enregistrer en fin de cycle une surprise (bonne ou mauvaise)
d’ampleur considérable est grande, plus grande sans doute que dans aucune autre activité
humaine de nature non strictement spéculative.
Il convient de mentionner à ce propos que nous avons bénéficié depuis 1983 d’une chance
historiquement inouïe en constatant des taux de rendement réels (en sus de l’inflation
constatée dans le domaine de la construction) constamment positifs et même constamment
supérieurs à ceux qui avaient servi à bâtir nos tarifs (soit 2 % au-dessus de l’inflation).
Sans ce hasard providentiel, les pertes techniques considérables que nous avons subies
eussent été bien plus désastreuses encore.
J’ajouterai qu’il n’existe aucun moyen de couverture réaliste – par instruments financiers
ou réassurance – susceptible de couvrir le risque de traverser un jour, hélas statistiquement
certain, une conjoncture financière inversée.
•
La deuxième conséquence de la gestion en capitalisation concerne les fonds propres. Sans
entrer dans les détails fastidieux de la détermination des besoins en capital engendrés par
la création d’une activité d’assurance décennale, il est certain que la raréfaction de la
concurrence, que déplorait tout à l’heure M. Schwach, résulte directement de cette
nécessité.
De toute évidence, l’assurance construction ne constitue pas, pour un assureur généraliste,
le meilleur emploi pour ses fonds propres d’autant plus que les profits éventuels, aléatoires
par nature, n’apparaissent pas avant 7 ans au moins, situation qui risque d’impatienter bon
nombre d’actionnaires.
Il n’est par ailleurs pas innocent de rappeler qu’une proportion importante des défaillances
d’entreprise d’assurance survenues au cours des dernières années trouve son origine dans
une pratique inconsidérée, et sans ressources capitalistiques adéquates, de l’assurance
décennale.
En conclusion, j’illustrerai mes propos au moyen d’un graphique qui indique les résultats
largement déficitaires de l’assurance décennale depuis 1983.
ASSURANCE CONSTRUCTION
EVOLUTION DU RESULTAT TECHNIQUE (ETATS C1)
(en millions d'euros)
1000
800
600
400
200
228
-20
92
0
-41
-200
-62
-25
-44
-55
107
-106
-53
-237
-99
-239
-400
-234
-600
-237
-391
-419
-435
-800
-842
-1000
1983
1984
1985
1986
1987
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
1988
1989
1990
1991
1992
1993
1994
1995
1996
1997
1998
1999
2000
2001
2002
36
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Les augmentations de tarifs pratiquées entre 1994 et 1998, et qui d’ailleurs ne font que
ramener le niveau des primes à ce qu’il était en 1983, semblent nous ramener lentement à
l’équilibre.
Néanmoins, nous vivons dans une situation pire que celle de Damoclès, avec deux épées
suspendues sur nos têtes :
o la possibilité d’un sinistre sériel ;
o le risque d’aggravation de la situation économique et de baisse des revenus
financiers réels.
III – L’activité de la FFSA en matière d’assurance construction
Pour les mêmes raisons que celles évoquées en introduction, la Fédération Française des
Sociétés d’Assurances accorde à l’assurance construction une place démesurée. Au sein de la
direction des assurances de biens et de responsabilité existent quatre comités de branche, deux
généraux (les risques d’entreprises et les risques de particuliers) et deux spécialisés pour les
risques agricoles et les risques de la construction.
Malgré son objet en apparence restreint, ce dernier ne chôme pas et je tiens à remercier ses
membres ainsi que les personnels de la FFSA, qui en assurent le fonctionnement, pour le
travail accompli au cours des derniers mois où une actualité brûlante nous a amenés à
multiplier les réunions.
Il faut aussi souligner que le domaine de l’assurance construction permet de réaliser une
coopération exemplaire avec l’autre fédération professionnelle, le Groupement des Entreprises
Mutuelles d’Assurance.
Le temps m’étant compté, je me bornerai à énumérer les quatre domaines dans lesquels la
FFSA, en liaison avec le GEMA, fait porter ses interventions.
•
Elle participe, à l’initiative des pouvoirs publics, aux travaux visant à l’évolution
législative et réglementaire de l’assurance construction. Nous avons eu ainsi à contribuer,
par une concertation directe avec les professionnels intéressés, à surmonter les obstacles à
l’adoption par consensus unanime de la réforme que nous a présentée M. Schwach,
notamment en ce qui concerne la création d’une garantie des dommages sur existants ainsi
que l’alignement sur la durée générale du régime de responsabilité des sous-traitants.
•
Il nous est revenu, au cours de la période écoulée, de mettre en place, sous la sollicitation
amicale des pouvoirs publics, des solutions spécifiques pour pallier des défaillances
d’entreprise.
•
Notre comité est en relation constante avec les professionnels afin d’améliorer les
garanties proposées ainsi que la connaissance générale des risques couverts.
Ces actions concernent également le domaine de la prévention qui, en matière d’assurance
construction, dispose également de mécanismes spécifiques faisant intervenir de manière
institutionnelle l’Agence Qualité Construction dont nous pensons, comme M. Schwach,
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
37
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
que l’indispensable rôle futur doit s’appuyer sur une redéfinition des missions et des règles
de fonctionnement.
•
Enfin, pour permettre au système complexe mis en place par la loi de 1978 de
fonctionner sans engendrer de coûts de fonctionnement trop élevés, nous avons mis en
place et fait évoluer des conventions dont les principales concernent le mode d’exercice
des recours de l’assurance dommages-ouvrage à l'égard des assurances de responsabilité
et les relations avec les experts.
Les propositions d’évolution de la loi seront certainement évoquées lors de la troisième table
ronde. J’en resterai donc là, en passant la parole à M. Toledano qui va nous exposer les
solutions originales instituées par la loi espagnole.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur Jacques Szmaragd. Par le passé, la SMABTP a organisé un colloque
dont le thème était la question suivante : la loi Spinetta est-elle exportable ? A l’époque, certains en
doutaient, d’autres non. Désormais, la preuve est faite que cette loi est relativement exportable. En
effet, la loi Spinetta a été exportée en 1999 en Espagne.
Certes la loi Spinetta a vingt-cinq ans, mais il ne faut pas oublier que les articles fondamentaux en
matière de responsabilité des constructeurs sont inscrits depuis l’origine dans le Code civil qui date
de 1804. Le Code civil reste à ce titre un chef-d’œuvre politique et juridique. Bien entendu, ce Code
s’est exporté en Espagne, au Portugal et en Belgique grâce aux armées de Napoléon.
Ainsi, le Code civil ayant influé sur la législation de la responsabilité en Espagne et dans d’autres
pays, il est assez naturel que la loi Spinetta soit à son tour exportée. De surcroît, Monsieur Alberto
Toledano, vous venez d’un pays où la conjoncture est moins récessive qu’en France. Vous avez des
taux de croissance qui nous font frémir d’envie. Monsieur Alberto Toledano, vous êtes le Directeur
général de la filiale espagnole de la SMABTP. Je vous cède la parole.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
38
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’influence de la loi en Europe : l’exemple espagnol
Alberto TOLEDANO
Directeur général d’ASEFA - filiale espagnole de la SMABTP.
Je vous remercie Monsieur Fabre. Bonjour Mesdames et Messieurs. Je tiens tout d’abord à
remercier Monsieur le Président Alain Sionneau et Monsieur le Directeur général Emmanuel Edou
de m’offrir l’opportunité de vous expliquer en un quart d’heure notre système de responsabilité et
de garantie dans le domaine de la construction en Espagne.
Je commencerai par une brève présentation de la société que j’ai l’honneur de représenter, ce qui
permet d’illustrer le contexte dans lequel nous intervenons. Je détaillerai ensuite les aspects
essentiels de la nouvelle législation espagnole en matière de responsabilité et d’assurance
construction, applicable depuis le 6 mai 2000 après une loi du 5 novembre 1999, connue sous le
nom de LOE. Enfin, je terminerai mon exposé par une rapide comparaison des principales
caractéristiques du système espagnol par rapport au système français.
I.
Présentation d’ASEFA
ASEFA est une société exclusivement spécialisée dans le secteur de la construction qui appartient
au groupe français SMABTP. Le siège se situe à Madrid. Son encaissement s’est élevé, pour
l’année 2002, à 75 millions d’euros. Nous espérons dépasser la barre des 110 millions d’euros en
2003. Nous disposons de dix-sept bureaux répartis sur l’ensemble du territoire espagnol avec un
effectif global de deux cent quarante personnes.
Comme je l’ai précisé, nous intervenons exclusivement dans le domaine des assurances de la
construction : TRC, responsabilité civile, garantie décennale, caution de logement et caution de
marché. Cependant l’assurance décennale constitue notre produit principal. Pour vous donner un
ordre d’idées de notre représentativité en Espagne, notre production en matière d’assurance
décennale représente 45 % des 160 millions d’euros de primes générées par le marché espagnol
dans ce domaine.
Il est également important de souligner que l’Espagne prévoit la mise en chantier de 600 000
logements neufs en 2003. Ce chiffre dépassera largement les records historiques et équivaut au
cumul des mises en chantier de la France et de l’Allemagne réunies, alors que l’Espagne n’a que 40
millions d’habitants, contre 83 millions en Allemagne et 60 millions en France. Ceci donne une
idée de la vitalité du secteur de la construction en Espagne à l’heure actuelle.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
39
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
II. La législation espagnole
Jusqu’à la promulgation de la LOE, la responsabilité des constructeurs était régie par le Code civil
datant du XIXe siècle et en particulier par son article 1591 relatif à la ruine des bâtiments. Bien que
ces dispositions n’aient concerné, dans leur rédaction d’origine, que les architectes et les
entrepreneurs, la jurisprudence avait étendu la responsabilité à tous les participants dans le
processus constructif.
Par ailleurs, en l’absence de toute obligation d’assurance, seulement 10% des bâtiments étaient
assurés.
Le nouveau régime de responsabilité institué par la LOE comporte trois niveaux, correspondant à
trois délais courant à compter de la réception de l’ouvrage :
•
une responsabilité de l’entrepreneur, d’une durée d’un an, pour les désordres matériels
consécutifs à un défaut d’exécution ;
•
une responsabilité de trois ans pour tous les intervenants, pour les désordres matériels affectant
l’habitabilité de l’ouvrage, notamment en matière d’étanchéité ou d’isolation acoustique et
thermique ;
•
une responsabilité de dix ans pour tous les intervenants, pour les désordres matériels atteignant
les éléments structurels et affectant directement la résistance mécanique ou la stabilité de la
construction.
Parallèlement à la réforme du régime de responsabilité, la LOE prévoit deux solutions alternatives
afin de couvrir ces responsabilités :
•
•
la caution ;
ou l’assurance.
ü La responsabilité d’un an peut être garantie, soit par une assurance de dommages ou une
caution souscrite par l’entrepreneur, soit par une retenue de garantie de 5 % effectuée par le
maître d’ouvrage.
ü La responsabilité de trois ans relève d’une assurance ou d’une caution, souscrite par le
maître d’ouvrage au bénéfice des propriétaires successifs avec un montant de garantie
minimum de 30 % du coût total des travaux, honoraires inclus.
ü Enfin, la responsabilité décennale relève d’une assurance ou d’une caution, souscrite par le
maître d’ouvrage au bénéfice des propriétaires successifs avec un montant de garantie de
100 % du coût global de construction, honoraires inclus.
Les franchises ne peuvent être supérieures à 1 % du montant de la garantie.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
40
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Pour l’instant, la souscription de ces garanties n’est obligatoire que pour la responsabilité décennale
et pour les seules constructions à usage d’habitation. La LOE prévoit, cependant, la possibilité de
décrets ultérieurs pour étendre cette obligation aux autres responsabilités.
A ma connaissance, aucune caution de dix ans n’a, à ce jour, été délivrée, seul le recours à
l’assurance ayant été utilisé pour satisfaire à cette obligation.
Comme je viens de le préciser, l’obligation d’assurance n’est applicable qu’aux bâtiments à usage
principal d’habitation et à l’origine cette obligation s’appliquait à tout ce secteur. Cependant, depuis
le 1er janvier 2003, cette obligation ne s’applique plus aux opérations de réhabilitation, ni à la
construction de maisons individuelles pour usage propre par les propriétaires. Toutefois, en cas de
revente, les maisons doivent obligatoirement être assurées.
Le contrôle du respect de cette obligation d’assurance se fait par le biais de l’impossibilité d’inscrire
une construction non assurée au registre de la propriété. En effet, lorsque le maître d’ouvrage
termine son chantier, il doit établir devant un notaire un titre de fin de chantier qui doit ensuite être
enregistré au registre de la propriété. C’est, à ce moment-là, que la preuve de l’assurance doit être
fournie au notaire par le maître d’ouvrage.
En Espagne, pour satisfaire à cette obligation d’assurance décennale, nous délivrons une police
d’assurance, de durée ferme de dix ans, chantier par chantier, souscrite par le maître d’ouvrage qui
couvre, au minimum, comme l’impose la loi, la solidité et la stabilité de l’immeuble. Cependant,
nous pouvons, à titre exceptionnel apporter d’autres garanties.
III. Comparaison entre le système espagnol et le système français
Nous pouvons constater bien des différences entre la France et l’Espagne.
Il n’existe pas, par exemple, de police d’abonnement en Espagne.
Par ailleurs, alors qu’en France, l’obligation d’assurance pèse sur l’ensemble des constructeurs, en
Espagne, seul le maître d’ouvrage doit s’assurer.
De même, alors qu’en France l’obligation d’assurance s’applique également à l’impropriété à la
destination, elle ne concerne, en Espagne, que la résistance mécanique et la stabilité de l’ouvrage.
En effet, au terme d’un travail de dix années en collaboration avec l’administration espagnole, il a
été pris en considération que si nous devions assurer l’impropriété à la destination en Espagne,
l’impact serait considérable sur l’inflation compte tenu du poids de la construction dans le PIB
national.
Naturellement, il est possible de tout assurer. Il s’agit uniquement d’une question de prix et si un
taux de 5 % du coût de construction ne vous effraie pas, vous pouvez obtenir une couverture de
l’impropriété à la destination.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
41
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Le but de la législation espagnole est de protéger l’acquéreur d’un logement contre les désordres
importants et non pour des faits accessoires tels que la fuite d’un robinet. Par conséquent, nous ne
couvrons en Espagne que les graves défauts et ce avec une franchise importante, ce qui évite les
déclarations intempestives que vous avez en France et qui sont sources de frais de gestion et
d’expertise.
Par ailleurs, en Espagne, nous exigeons, pour tout chantier, un contrôle technique sans lequel il
n’est pas possible de souscrire une assurance décennale. Nous considérons, en effet, que s’il n’y
avait pas l’intervention d’un organisme de contrôle technique, le tarif serait sensiblement plus élevé
et, de ce fait, pour que le prix de l’assurance décennale soit le moins élevé possible, le secret de
l’Espagne consiste à mettre en avant les organismes techniques qui sont fort bien implantés en
Espagne depuis de longues années.
En Espagne, ce sont, d’ailleurs, les compagnies d’assurance qui agréent elles-mêmes les contrôleurs
techniques alors qu’en France, cet agrément est le fait de l’administration.
Bertrand FABRE
Je vous remercie vivement, Monsieur Alberto Toledano. Cet exposé fut fort riche en exemples. En
effet, le système espagnol a su prendre les éléments les plus positifs dans le dispositif français. A la
suite des différentes interventions, nous sommes dans les délais impartis. Nous pouvons à présent
engager le débat. Je souhaite remercier les conférenciers de leur intervention.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
42
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Quelles évolutions ?
Des espoirs ou des craintes
Table ronde entre acteurs ou partenaires de la construction
Participaient à cette table ronde :
•
•
•
•
un entrepreneur : Max Roche – Directeur financier du Groupe Eiffage ;
un magistrat : Michel Zavaro – Magistrat à la cour d’appel de Paris ; maître de conférence
associé à l'université de Toulon et du Var ;
un maître d’ouvrage : Régis Piette – Directeur juridique – Nexity – George V ;
un assureur : Emmanuel Edou – Directeur général de la SMABTP.
La table ronde est animée par Monsieur Bertrand Fabre.
Bertrand FABRE
Dans la table ronde, nous tenterons d’être moins disciplinés. J’appelle à la tribune un maître
d’ouvrage, Monsieur Piette, qui est par ailleurs juriste, puisqu’il occupe la fonction de Directeur
juridique au sein de Nexity-George V. J’invite également un entrepreneur à nous rejoindre,
Monsieur Max Roche, Directeur financier du Groupe Eiffage. Nous avons aussi fait appel à un
assureur, Monsieur Emmanuel Edou, Directeur général de cette maison et enfin à un magistrat,
Monsieur Zavaro, qui, après avoir présidé une chambre à la cour d’appel d’Aix-en-Provence,
préside désormais une chambre à la cour d’appel de Paris.
Nous nous orienterons ensuite vers une seconde séquence de questions-réponses qui sera
interrompue par l’arrivée du ministre de l’Equipement, Monsieur Gilles de Robien. Je cède la
parole à Monsieur Régis Piette.
Régis PIETTE
Je vous remercie Monsieur Fabre. J’essaierai de faire preuve de concision. Je tiens également à
remercier le Président et le Directeur général de la SMABTP de m’avoir invité. En tant que maître
d’ouvrage, je dirais que la tâche est ardue. En effet, au cours des communications en ce début
d'après-midi, j’ai entendu dire que le maître d’ouvrage s’enrichissait sans cause sur le dos de
l’assureur. J’ai aussi appris que les entreprises comptaient sur la solidarité du maître d’ouvrage pour
participer à la prévention de la sinistralité.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
43
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
A mon sens, le promoteur a aujourd'hui deux préoccupations essentielles :
•
•
le recours contre le permis de construire ;
la mise en place de la police dommages-ouvrage et sa gestion.
Contrairement aux propos exprimés cet après-midi, je pense que le marché reste fort étroit. Je me
demande s’il existe encore un marché en matière de dommages-ouvrage. Pour ma part, je trouve le
phénomène inquiétant. Dans les publications, nous disposons de listes d’assureurs, alors qu'en
réalité, certains assureurs pratiquent des taux repoussoirs.
Bertrand FABRE
Vous vous demandez effectivement, s’il existe encore un marché. Je crois que les intervenants
pourraient y répondre. Y a-t-il un marché, Monsieur Max Roche ?
Max ROCHE
Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour répondre à cette question.
Bertrand FABRE
Vous avez été maître d’ouvrage, puisque votre première fonction à la sortie de Polytechnique a été
la Direction du Service Constructeur de l’Education Nationale.
Max ROCHE
A l’époque, j’étais mon propre assureur.
Emmanuel EDOU
Il faut bien comprendre la philosophie de la dommages-ouvrage. La dommages-ouvrage constitue
une sorte de libre-service qui dispose uniquement d’une caisse à l’entrée. En effet, sur le plan des
dommages-ouvrage, que nous est-il demandé, à nous, assureurs ?
Il nous est demandé d’assurer un risque incertain à partir d’une prime définie à l’avance. Si nous
avons un maître d’ouvrage sérieux et efficace qui remplit un certain nombre de conditions sur sa
façon de gérer son service après-vente, celui-ci trouvera toujours un assureur. Bien évidemment, ce
sera plus facile pour un maître d’ouvrage locatif qui restera ensuite le contact de l’assureur pour
l’intégralité de la durée de la vie de l’immeuble. Si le maître d’ouvrage est un promoteur qui vend
des logements en accession à la propriété, l’assureur se retrouvera face à une multitude de
copropriétaires, qui lui demanderont souvent de suppléer les insuffisances de l'opération de
promotion. C'est évidemment très coûteux.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
44
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Il est vrai, alors, que l’assureur, qui supporte en somme l’addition de toutes les insuffisances
éventuelles en amont, essaie de mettre en place un certain nombre de conditions permettant d'en
limiter le coût.
Bertrand FABRE
Je vous remercie. Vous pouvez poursuivre, Monsieur Piette.
Régis PIETTE
Je ne serais pas excessif en affirmant que l’assurance dommages est en crise, comme une question
l’a souligné cet après-midi. Il s’agit d’un réel sujet pour les maîtres d’ouvrage. Mais, qu’entendonsnous par maître d’ouvrage ? Nous cédons des immeubles en qualité de maître d'ouvrage initial et les
acquéreurs devenus maîtres d’ouvrage au second degré vont piloter et maîtriser les déclarations
d’assurances.
Pourquoi n’y a-t-il pas autant d’opérateurs d'assurance sur le marché ? Je comprends tout à fait la
position du Professeur Périnet-Marquet. Les déviations de la jurisprudence constituent à mon sens
l’arbre qui cache la forêt. Si nous nous référons au droit commun des obligations, je ne suis pas
étonné par cette déviation, dans laquelle les magistrats de la Cour de la cassation se sont engouffrés
de façon extensive. Je crois que le sujet n’est pas là.
Le vrai sujet est en fait dans l’application de la police « dommages-ouvrage ». Je constate une forme
de déresponsabilisation due à la mise en place de la convention de règlement de l’assurance
construction. Cette convention sans recours pour les petits sinistres entraîne une
déresponsabilisation des entreprises en matière de prévention et de développement de la nonqualité. L’assureur constate alors que le rapport S/P mentionne un certain nombre de sinistres
entrant dans le champ d'application de la "CRAC". Nous procédons à des statistiques fort fiables
dans le groupe et je considère que nous sommes des maîtres d’ouvrage responsables.
Du point de vue statistique, nous nous apercevons que 50 à 60 % des déclarations de sinistres nous
concernant ne donnent pas lieu à l'application des garanties mais génèrent des coûts fort importants.
La tranche de sinistre supérieure qui donne lieu à garantie de l'assurance D.O. s’élève à 20 %, mais
elle est sans recours contre les entreprises.
.
Enfin, nous avons les sinistres d’une plus grande ampleur qui, eux, donnent lieu à un recours. Sur
ce dernier point, je remercie la police « dommages-ouvrage » qui nous est d’un grand secours,
puisqu’elle permet de maîtriser notre risque dans le temps.
Bertrand FABRE
Les consommateurs français ne sont pas des spécialistes de la décennale et il est possible que
certains utilisateurs fassent des déclarations intempestives. Nous ne pouvons pas leur demander si le
sinistre déclaré répond à l’impropriété à la destination.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
45
L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Régis PIETTE
Nous constatons qu’il existe des pratiques complètement hémorragiques en habitat individuel. En
effet, aucun contrôle n’est effectué pour savoir si l’acquéreur qui bénéficie de l’indemnité a fait
réaliser les travaux. Le système de l’indemnisation sans expertise va aussi dans le sens d’une
déresponsabilisation. En définitive, il suffit d’envoyer une lettre recommandée pour percevoir une
indemnité. Il s’agit là d’une dérive.
La question des assurés sociaux rejoint cette problématique. Les personnes qui souhaitent acquérir
un logement bénéficient d’une assurance dont le coût est inclus dans le prix du logement.
Cependant, il n’existe pas en matière de dommages-ouvrage de solidarité avec les générations
futures. Nous observons donc un vrai problème de gestion de la convention de règlement de
l’assurance construction. Pourquoi ne trouverions-nous pas un système de compensation légale ?
L’application de la convention plombe littéralement nos résultats et en conséquence, nous avons des
taux qui fluctuent à la hausse.
Bertrand FABRE
Je ne voudrais pas dévoiler les solutions. Monsieur Emmanuel Edou nous apportera plus tard des
éléments de réponse. Au-delà de ses fonctions actuelles, Monsieur Max Roche a l’avantage d’avoir
occupé tous les postes possibles dans la filière construction et même d'avoir fait partie du cabinet
d’un précédent ministre de l’Equipement.
Comment jugez-vous cette loi ? En tant qu’entrepreneur, y a-t-il une application extensible
possible ?
Max ROCHE
Comme l’a souligné Monsieur Paul Schwach, cette loi a été bien conçue et garde toute sa
cohérence. En régime de croisière, elle fonctionne. Cependant, il n’existe pas de régime de croisière
dans notre métier car nous sommes dans une activité cyclique marquée par des évolutions fort
contrastées.
Si un dispositif n’a pas de système d’auto-régulation, il a tendance à dériver. Or, cette loi n’a pas
vraiment de dispositif de régulation. En effet, le Professeur Périnet-Marquet a souligné que la
jurisprudence ne constitue pas un dispositif de régulation. Il s’agit d’un système peu ou prou
aléatoire d’évolution du contexte légal. Si une régulation n’est pas possible sur le plan juridique, il
faut chercher des régulations économiques.
C’est pourquoi il faut introduire des systèmes économiques de régulation tels que les franchises, des
systèmes qui mobilisent et motivent les acteurs économiquement et financièrement. Je suis entré
dans mon groupe en 1986. A ce titre, j’ai constaté que le développement des franchises dans la
décennale pour les grands groupes de BTP a eu un impact vertueux sur la qualité de nos
constructions. Cela nous oblige au fond à nous remettre en question.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Dans mon groupe, nous dépensons plus d’argent en service après-vente qu’en primes d’assurance.
Cela signifie que nous avons transformé une partie du coût de l’assurance en un service à nos
clients. Il est vrai nous devons alors réfléchir à la qualité de notre construction, puisque nous
supportons une partie importante des coûts du fait de la franchise.
Vis-à-vis de nos clients, cela nous apporte un argument supplémentaire en matière commerciale. Ce
poste de coût et de charge se transforme en un investissement commercial pour nos clients. Dans ce
domaine, l’effet reste vertueux. La réflexion doit être développée du côté de la police dommagesouvrage. A mon sens, d’autres sujets sont plus complexes. J’ai bien suivi le rapport du Professeur
Périnet-Marquet en 1997 et le travail accompli sur cette base. Nous avions cru que nous étions
arrivés au but en 2000 sur la réforme du champ de l’assurance construction. Ce n'est qu'après quatre
nouvelles années que nous devrions y parvenir, selon les propos de Paul Schwach.
Les questions résiduelles les plus importantes restent l’entretien des bâtiments et la mobilisation des
maîtres d’ouvrage et des utilisateurs à cet effet. Etant donné la complexité du sujet, il faut se poser
cette question dès aujourd’hui, sachant que la recherche d'une solution consensuelle nécessitera du
temps et de la réflexion.
En tant qu’ancien maître d’ouvrage, il y a vingt-cinq ans de cela, il nous arrivait de procéder à un
recours balai la 9e année, afin de traiter un certain nombre de désordres. Pour éviter ces
comportements dont je reconnais le caractère anti-économique, il faut trouver une incitation pour
convaincre les maîtres d’ouvrages et les utilisateurs de mieux entretenir leur bâtiment.
Bertrand FABRE
Il existe, me semble-t-il, une solution pour promouvoir l’entretien. L’entretien se révèle
naturellement fondamental, dans la mesure où la garantie décennale peut être engagée. En effet, au
bout de neuf ans, il est difficile de déceler la cause d’un sinistre. S’agit-il d’un désordre originel du
constructeur ou d’un défaut d’entretien ? A ce stade-là, le problème est difficile à évaluer.
La solution ne consiste-t-elle pas à prévoir des contrats globaux, dans lesquels l’entreprise prend en
charge contractuellement la construction et l’entretien de l’ouvrage pendant un certain nombre
d’années ?
Max ROCHE
J’en suis convaincu.
Bertrand FABRE
Dans un hebdomadaire du BTP, j’ai lu votre déclaration récente, dans laquelle il est affirmé qu’il
faut régler la question des sous-traitants. En effet, les sous-traitants peuvent être poursuivis après
leur contribution. J’ai évoqué sur le mode du paradoxe l’entreprise des tailleurs de pierre de la
cathédrale de Paris.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Monsieur Max Roche, vous appartenez à une entreprise qui n’a pas la réputation de se trouver en
position de sous-traitant. Prônez-vous la solution de la situation de sous-traitants par générosité ou
par intérêt général du système de la filière ?
Max ROCHE
Il s’agit naturellement de l’intérêt général de la filière. L’entrepreneur général travaille en
collaboration avec des sous-traitants. Son intérêt bien compris est que ceux-ci disposent d'une
protection satisfaisante, pour qu’ils ne soient pas en situation de fragilité par rapport aux questions
de la garantie et de l’assurance.
Je suis convaincu qu’en affirmant cela je travaille dans l’intérêt de mon entreprise et dans l’intérêt
de la profession d’une façon générale.
Bertrand FABRE
Une solution a été esquissée par Monsieur le Professeur Périnet-Marquet. La Cour de cassation
l’affirme définitivement aujourd’hui. La guillotine tombe au bout de dix ans, quel que soit le type
de responsabilité délictuelle, quasi délictuelle, contractuelle, présumée, pas présumée notamment.
S’agit-il d’une solution idéale ?
Régis PIETTE
Ce serait assurément un progrès. De toute évidence, il faut uniformiser les délais de prescription.
Néanmoins, cela ne règlera pas le problème.
Bertrand FABRE
Je vous en prie, Monsieur Edou.
Emmanuel EDOU
La durée de dix ans me semble la solution adéquate. Nous menons, actuellement, des travaux de
réflexion avec la FFSA sur les dispositions relatives à l’application dans le temps des garanties de
responsabilité à la suite de la loi sur la sécurité financière votée au cours de l’été dernier . Nous
pensons qu’un délai de dix ans se révèle la solution appropriée pour la construction comme pour les
sous-traitants.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Bertrand FABRE
Monsieur le Président de chambre de la cour d’appel de Paris, si vous continuez votre ascension
professionnelle, vous occuperez une fonction à la Cour de cassation. Quand vous ferez partie de la
troisième chambre civile, insisterez-vous pour que cette mesure soit mise en place ?
Michel ZAVARO
La Cour de cassation est déjà intervenue sur ce point, en réduisant à dix ans la responsabilité
contractuelle de droit commun des constructeurs. La Cour de cassation a souhaité que la mesure soit
appliquée aussi bien à l’entrepreneur pour sa responsabilité résiduelle qu’au sous-traitant pour sa
responsabilité contractuelle de droit commun.
Comment pourrait-elle appliquer sans texte la mesure à la responsabilité délictuelle ? Elle devrait,
pour ce faire, passer outre un certain nombre de principes qu’il est difficile d’occulter pour le
moment.
Bertrand FABRE
Comme l’a souligné Jacques Szmaragd, la loi sur l’assurance construction se révèle fort complexe.
Cela représente 2 % du chiffre d’affaires de l’assurance mais 50 % de son énergie intellectuelle !
Comme l’a souligné Monsieur le Professeur Périnet-Marquet, les magistrats ont eu connaissance
des travaux préparatoires de la loi Spinetta en 1977. Ainsi, cette loi se révèle consumériste, dans la
mesure où son objectif est de protéger prioritairement les consommateurs, c’est-à-dire les maîtres
d’ouvrage non professionnels.
Or, si l’on examine la loi en détail, il n’est pas mentionné ce distinguo à la différence de toutes les
autres grandes lois consuméristes, notamment sur le crédit. Les magistrats peuvent-ils introduire ce
distinguo ?
Michel ZAVARO
Les magistrats ont interprété le texte dans son ensemble. L’interprétation a évolué dans le temps.
Monsieur le Professeur Périnet-Marquet est déjà intervenu sur la question et y a en partie répondu.
Il est certain que l'application de la théorie de l’acceptation du risque comme fait exonératoire de la
responsabilité des constructeurs va dans le sens que vous indiquez.
Bertrand FABRE
Une des voies de progrès esquissée par Monsieur Emmanuel Edou dans une déclaration à un
hebdomadaire consiste à affirmer que la garantie décennale ne serait de mise sur la base d’une
présomption de responsabilité que pendant les cinq premières années de cette garantie. En effet, la
présomption de responsabilité signifie que peu importe que l’entrepreneur n’ait commis aucune
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
faute, seule la cause étrangère étant exonératoire. Il s’agit là d’un procédé consumériste. Mais le
défaut d’entretien peut avoir une influence néfaste sur la stabilité de l’ouvrage au bout de cinq
années.
A défaut de ramener à cinq ans la garantie décennale, ne faudrait-il pas aménager la loi ? Ne seraitil, par exemple, pas possible de maintenir le principe d’une présomption de responsabilité pendant
les cinq premières années puis, entre la cinquième et la dixième année, la responsabilité serait basée
sur la faute prouvée. N’existe-t-il pas une voie médiane qui serait la présomption de faute ?
Michel ZAVARO
Je suis assez hostile à ce principe, dans la mesure où cette possibilité complique le système déjà
difficile à saisir. Pour ma part, je souhaite soulever deux questions.
La première question porte sur la responsabilité du constructeur. La seconde question relève de la
gestion des sinistres et de l’assurance. Il est vrai Monsieur Spinetta était un personnage hors du
commun. En effet, il a été mandaté pour étudier la gestion des sinistres. La lenteur de gestion des
sinistres posait à l’époque un certain nombre de problèmes sociaux que le gouvernement ne pouvait
laisser perdurer.
Sur cette base, Monsieur Spinetta a considéré que les deux problèmes posés par la responsabilité et
l'assurance pouvaient être liés. A mon sens, il a eu tort d’adopter cette perspective. Monsieur
Spinetta est parvenu à convaincre le législateur que les deux questions étaient liées. Dans l’exposé
des motifs que vous avez évoqué, Monsieur le Professeur Périnet-Marquet, Monsieur Spinetta a
réussi à faire passer un certain nombre de réflexions qui ne faisait pas initialement partie de sa
mission.
Il faudra prochainement revenir à une dissociation du problème. A mon sens, il subsiste deux
problèmes :
•
•
la responsabilité ;
la gestion des sinistres.
En matière de responsabilité, le législateur a estimé, dans des conditions mal définies par l’étude
des travaux préparatoires du Code civil, qu’il fallait protéger le maître d’ouvrage qui faisait
construire un édifice à forfait. De là découle la responsabilité décennale. Nous ne sommes ensuite
jamais revenus au droit commun.
Nous sommes partis d’un système de protection du maître d’ouvrage qui se justifiait dans la mesure
où les responsabilités objectives n’étaient guère développées. La responsabilité en 1804 était
essentiellement liée à la faute. Par conséquent, nous avons estimé nécessaire de mettre en place un
système de protection objectif limité. Puis le cours des événements a évolué, notamment sur le plan
de la responsabilité de droit commun.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Aujourd’hui, la responsabilité de droit commun ne relève plus vraiment de la faute. A côté de la
responsabilité pour faute, nous avons le domaine des responsabilités objectives qui se révèlent fort
importantes.
La conséquence est que la décennale ne constitue plus à l’heure actuelle une mesure de protection
du maître d’ouvrage. Il s’agit d’une mesure de protection pour le constructeur. Evidemment, après
avoir entendu une plaidoirie de trois heures sur la situation guère enviable des constructeurs face à
leur responsabilité, mes propos peuvent relever de la provocation.
Pourtant, il s’agit d’une réalité tangible. Nous avons une réflexion analogue dans le droit de la
vente. Nous constatons que les dispositions particulières de la vente prises pour protéger
l’acquéreur sont devenues des freins à la responsabilité des vendeurs. En définitive, la mise en place
de mesures protectrices empêche le secteur protégé de bénéficier de l’évolution générale du droit
commun qui opte pour une plus grande attention à l’égard des consommateurs.
En somme, la réforme nécessaire est de supprimer tous les éléments qui suivent l’article 1792. Je ne
laisserais figurer que l’affirmation de la responsabilité des constructeurs que je ne définirais pas.
Dans l’article 2270, je mentionnerais que la responsabilité se prescrit par dix ans et qu'il est
impossible de raccourcir ce délai, si l’action met en cause l’habitabilité de l’immeuble.
En définitive, de quoi s’agit-il ? J’aborde mon second point. Il est question de protéger l’acquéreur
d’un bien immobilier qui utilise celui-ci comme logement.
La loi de 1978 a été, me semble-t-il, votée par les rares représentants du corps électoral présents à
cette séance. Tous les députés étaient parvenus à un accord. En effet, il était inadmissible que 25 %
des sinistres soient gérés en plus de vingt ans.
A partir de là, Spinetta a développé un système efficace et difficilement contestable. Certes, le
système n’est pas novateur, puisqu’il s’appuie sur l’existant, c’est-à-dire sur la police maître de
l’ouvrage. Mais il fait preuve d’une certaine originalité dans son organisation générale. Cependant,
le système a généré un ensemble d’effets pervers et de coûts importants.
Le premier des effets pervers est le fait de faire supporter au maître d’ouvrage plus de la moitié du
prix des malfaçons qui affectent la construction. Quel est actuellement le grand perdant de
l’assurance construction ? C’est le maître de l’ouvrage, dans la mesure où la police « dommagesouvrage » se révèle fort onéreuse et supporte la moitié du coût de la gestion des sinistres qui
affectent les constructions.
Bertrand FABRE
Monsieur Edou, les piliers du temple se sont ébranlés. Nous cèderons la parole au maître d‘ouvrage
qui consacre, paraît-il, d’importantes sommes aux assurances et au constructeur qui se révèle en fait
un consommateur.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Emmanuel EDOU
Je souhaite tout d’abord éclaircir un point. Nous autres assureurs, nous sommes là pour protéger à la
fois l’acquéreur, le maître d’ouvrage et le constructeur. Comme je l’ai souligné, nous présentons
l’addition en fonction des besoins et des demandes du client. Si l’assurance se révèle trop onéreuse,
nous sommes prêts à réduire le coût avec son accord en adaptant les conditions de l'assurance et les
garanties assorties. Nous avons évoqué la convention de règlement de l'assurance construction.
Nous avons signé la convention, car nous estimons que les petits sinistres peuvent être réglés de
façon forfaitaire. Il faut bien comprendre que les deux tiers des sinistres sont inférieurs à 1 500
euros, et ces sinistres représentent 10 % environ du coût total des sinistres. Si nous n'avions pas de
convention entre assureurs et si nous devions envoyer un expert pour chaque sinistre, le coût
augmenterait considérablement.
Nous essayons de simplifier la procédure, notamment avec des règlements par téléphone. Nous
faisons notre devoir pour alléger les coûts.
Il est vrai, la loi Spinetta est globalement bien reçue. Cependant, chacun des partenaires paraît
insatisfait. Monsieur le Président Zavaro affirme que le système protège davantage l’entrepreneur
que le maître d'ouvrage.
De toute façon, seul le client paie au final. Si le client final trouve la procédure trop onéreuse, il faut
donner davantage de latitude à la liberté contractuelle.
A ce titre, il faut bien prendre en considération les propos de Monsieur Alberto Toledano, Directeur
général d’ASEFA. Les Espagnols ont adopté une garantie décennale uniquement axée sur la solidité
et la stabilité avec une habitabilité limitée à trois ans.
En France, pour l'habitabilité nous pourrions opter pour une durée de cinq ans de présomption de
responsabilité pour le constructeur, tandis que stabilité et solidité resteraient à dix ans.
Un tel système permettrait de diminuer le coût.
Nous assurons une mutualisation. La mutualisation est un système qui fonctionne correctement pour
les dommages importants. Mais pour les dommages de moindre importance, l'assurance n'est pas
adaptée. Il est préférable et bien moins coûteux d’avoir recours au service après-vente du
promoteur. Nexity est un promoteur qui sur ce point-là se révèle tout à fait exemplaire.
Bertrand FABRE
Monsieur Roche, vous sentez-vous surprotégé par la loi Spinetta ?
Max ROCHE
Non.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Régis PIETTE
Pour ma part, la liberté contractuelle consiste à négocier des franchises et supprimer des garanties,
en sachant que le maître d’ouvrage reste garant à l'égard des acquéreurs. Il suffit d’examiner la
jurisprudence sur les dommages intermédiaires au titre de laquelle il y a une sorte de présomption
de responsabilité pour le vendeur d’immeuble à construire qui doit, de son propre chef, prouver la
faute des entreprises. Je trouve le système complètement inique.
Bertrand FABRE
Nous naviguons entre deux extrêmes. La vie se déroule entre deux fléaux : le désordre et ….
l'organisation. En effet, nous avons deux systèmes antagonistes.
D’une part, la liberté contractuelle totale va bien au-delà des propos de Monsieur Emmanuel Edou,
alors que nous options plutôt pour la liberté d’organiser la profession dans un cadre réglementé.
D’autre part, nous avons la tradition législative française. Déjà au 19e siècle, il était dit qu’entre le
fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. Nous pouvons le constater avec
la loi Borloo sur le désendettement. Cette loi comporte sûrement des défauts mais reste fort
intéressante sur le principe juridique et social.
En matière d’ingénierie, il devait y avoir initialement des conventions collectives négociées entre
les organisations professionnelles et ensuite mises en musique soit par un décret soit par une loi
conformément à la constitution de 1958. L’accord historique et exemplaire sur la formation
professionnelle renoue avec une tradition d’une trentaine d’années, à l’époque où il était question de
mettre en place la Nouvelle Société. En somme, la loi est moins là pour contraindre que pour aider à
mettre en œuvre des accords librement négociés et conclus entre les organisations professionnelles.
N’existe-t-il pas une voie médiane possible ? Certaines organisations professionnelles ne
pourraient-elles pas inscrire dans des conventions les pratiques professionnelles sans remettre en
cause l’obligation ni opter pour une dérégulation massive ? Quel est votre point de vue à ce sujet,
Monsieur Edou ?
Emmanuel EDOU
Si nous avions une liberté d’assurance totale, nous retomberions dans un régime de responsabilité
civile classique. Il faudrait alors recréer une jurisprudence et attendre un certain temps pour
parvenir à un équilibre. Ce n'est pas réaliste.
Sans abandonner l'obligation d’assurance, nous pourrions avoir, me semble-t-il, davantage de
champs de négociation et de liberté. Pour ma part, je ne suis pas favorable aux clauses-types et
pense qu'il serait plus efficace de pouvoir négocier.
Par exemple, en matière d’assurance automobile, nous avons des discussions beaucoup plus
concrètes avec les assurés. Nos actions de prévention peuvent être menées dans un cadre
pluriannuel de façon plus continue et avec des résultats plus significatifs.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
En matière d’assurance construction, nous sommes davantage liés par la police dommages-ouvrage
que par la garantie décennale. Dans mon idée, il faut laisser la possibilité de créer de nouvelles
marges de négociation et desserrer la contrainte réglementaire.
Bertrand FABRE
Je vous en prie, Monsieur Zavaro.
Michel ZAVARO
Je me demandais en vous écoutant qui avait lancé l’idée de liberté totale en matière d’assurance.
J’ai eu le sentiment que vous aviez déduit de ma charge contre l’article 1792 que j’étais partisan
d’une dérégulation totale. Il s’agit d’une conclusion qui provient du fait que vous ne distinguez pas
la responsabilité de l’assurance. Pour être clair, je suis entièrement partisan de la suppression de la
décennale pour un seul système de responsabilité qui s’étalerait sur une durée de dix ans.
A partir de là, nous devons prendre position sur l'assurance obligatoire. Pour ma part, je n’envisage
aucunement de vous laisser la liberté de choisir votre contrat d’assurance, que vous soyez maître de
l’ouvrage professionnel, assureur ou entrepreneur.
Je pense que votre contrat assurance minimum doit couvrir les risques qui affectent l’habitabilité de
l’immeuble. Peu m’importe les autres risques, parce que la Cour de cassation les a déjà
sérieusement entamés avec les éléments d’équipements industriels. Par ailleurs, la Cour de
cassation a fait voler en éclats l’opération de construction et mis certains marchés en dehors du
champ de l’assurance obligatoire.
A partir de ce constat, je pense qu’il faut sauver certains éléments dans le cadre de l’assurance
obligatoire, c’est-à-dire la protection du consommateur et non celle du maître d’ouvrage. Il faut
inscrire cette protection dans le cadre d’une loi purement consumériste qui viserait à protéger par
une assurance obligatoire, le consommateur. Il n’y a aucune raison que l’assurance obligatoire passe
par l’assurance dommages-ouvrage. Je préférerais que l’assurance soit payée par l’entrepreneur
principal ou de gros œuvre, en d’autres termes, que l’entrepreneur donne à son assureur la charge de
la gestion des sinistres.
Je ne vois aucun inconvénient à ce que l’entrepreneur et l’assureur mettent sur pied un système de
service après-vente si l'entrepreneur ne peut pas l'assurer tout seul.
Bertrand FABRE
Dans le prochain colloque, nous commencerons par la table ronde et terminerons par des exposés
magistraux. Je vous en prie Monsieur Roche.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Max ROCHE
Nous aurons mis six années pour aboutir à une modeste évolution qui ne peut pas satisfaire tous les
acteurs. Il faut se donner des objectifs pratiques pour la future décennie en matière d’assurance
construction. Pour ma part, je suis d'accord pour dire qu'un des sujets importants pour l’avenir est la
police dommages-ouvrage. Il faut y ajouter une franchise qui permettrait de responsabiliser les
maîtres d’ouvrage et les propriétaires. Il est aussi indispensable de mettre en chantier un dispositif
réellement incitatif à l'entretien des bâtiments. Monsieur Emmanuel Edou a fait une proposition qui
mérite de lancer le débat sur la question de la responsabilisation des maîtres d’ouvrage et des
occupants propriétaires sur l’entretien.
Sur ces deux sujets-là, nous devons agir. Cela ne semble pas en incohérence avec les objectifs
fondamentaux de la loi. Il me semble que nous avons devant nous un programme de travail de
quelques années.
Bertrand FABRE
Nous avons beaucoup évoqué la notion de prévention. Il faut empêcher l’entreprise de commettre
des erreurs sur le chantier. N’existe-t-il pas une voie plus forte pour interdire les entreprises
contrevenantes ? Il s’agit de la problématique de l’accès à la profession. Nous pouvons rester dans
la situation actuelle avec un filtrage faible. Il est possible d’opter pour un filtrage plus fort.
Cependant, nous avons déjà la question du remplacement des chefs d’entreprise dans les prochaines
années. Comment envisagez-vous cette question ? Je vous en prie, Monsieur Emmanuel Edou.
Emmanuel EDOU
Il est vrai que l'assureur ne peut pas refuser d'assurer un constructeur, aussi médiocre soit-il. Nous
pouvons refuser un constructeur une fois. Si un de nos confrères le refuse également, nous nous
retrouverons devant le Bureau central de tarification avec obligation d'assurer à un tarif fixé par le
BCT.
Voilà une des limites de la liberté contractuelle, et qui coûte cher !
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Seconde séquence de questions-réponses
La seconde séquence de questions-réponses est animée par Monsieur Bertrand Fabre.
Bertrand FABRE
Nous passons à une question de Monsieur Gérard Laurent, Président de la commission d’assurance
de la FFB.
Gérard LAURENT
Il ressortirait de vos propos, Monsieur Bertrand Fabre, que la solution soit le METP. Par ailleurs,
j’ai entendu au cours des débats que l’entrepreneur général est identique à l’entreprise de gros
œuvre. Alors le second œuvre, que devient-il ? Sommes-nous des personnes irresponsables ?
Estimez-vous que nous sommes incapables de traiter la question de la sinistralité ?
Bertrand FABRE
Je ne me suis pas prononcé en faveur du METP, puisqu’une ordonnance est en fait en cours de
préparation. Nous passons à une question de l’ingénierie. Je cède la parole à Monsieur Yann
Leblais, Président de Syntec.
Yann LEBLAIS
Tout d’abord, nous ne sommes pas invités à la tribune. Par ailleurs, vous avez mentionné qu’il faut
faire de la prévention. J’ai cru comprendre que la maîtrise d’œuvre, quelle que soit sa composante,
était un des acteurs dans la chaîne de la construction qui pouvaient prévenir. Or, nous avons évoqué
le contrôle technique qui vient ensuite. Nous avons cité les experts que les Anglais nomment
parfois chez nous les nécrophages. Je me pose donc des questions sur le fonctionnement.
Pour parvenir à un véritable équilibre, il faut avoir un marché. Sur le plan de la maîtrise d’œuvre,
nous avons un "duopole" sur certains aspects de la couverture d’assurance. Il n’existe par
conséquent pas de marché. Il a été souligné qu’il n’y a pas de système de sélection.
Au contraire, il existe véritablement une procédure de sélection qui consiste à avoir un droit de vie
ou de mort sur l’entreprise. En effet, si l’entreprise n’est pas assurée, elle cesse de travailler. C’est
sans doute moins vrai aujourd’hui pour les grands cabinets. Nous recevons tous en septembre nos
lettres de résiliation. De nombreux ingénieurs-conseils fort compétents pourraient participer à la
prévention. Mais ces ingénieurs ne peuvent plus exercer faute d’assurance.
Je ne focaliserai que sur ce secteur-là. Je vous entends affirmer que vous êtes tous prêts à ouvrir une
discussion sur ce point. Vous avez la possibilité de nous y inviter également.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Bertrand FABRE
Cela pourrait être un des sujets des secondes tables rondes du congrès salon Maîtrise d’œuvre 2004.
Régis PIETTE
Je voudrais rebondir sur votre intervention. Au stade de la souscription, le maître d’ouvrage
rencontre de nombreuses difficultés. En effet, les attestations d’assurance sont hiératiques en
fonction des assureurs. Nous pourrions peut-être trouver un standard. Il nous est demandé des
attestations nominatives d’entreprise avec des plafonds de garantie et une abrogation de la règle
proportionnelle.
En tant que maître d’ouvrage, nous sommes amenés à construire dans certaines régions en France.
Nous nous apercevons que nous ne pouvons prendre des entreprises locales, ces dernières ne
pouvant obtenir de leurs assureurs les attestations exigées par l'assureur dommages-ouvrage. De ce
fait, nous sommes obligés de nous adresser aux grandes entreprises du BTP. Je considère qu’il
s’agit d’une atteinte à la liberté d’entreprendre. Il s’agit d’une atteinte à des droits fondamentaux.
Bertrand FABRE
Je vous en prie, Monsieur Edou.
Emmanuel EDOU
Je suis conscient de la difficulté de s’assurer pour certaines personnes. Nous autres assureurs, nous
aimons assurer. Si vous pouvez me dire quel sera le coût sur la décennie à venir de votre
responsabilité professionnelle, notamment pour les concepteurs et les bureaux de contrôle, nous
vous assurons immédiatement.
Cependant, nous ignorons la somme que vous nous coûterez parce que nous ne savons pas comment
jugeront les tribunaux dans cinq ou dix ans. Nous ne savons pas si les primes demandées couvriront
ces coûts-là. Pourquoi voulez-vous que les sociétaires actuels, c’est-à-dire les entreprises participant
à la mutualité, viennent au secours d’une profession qui serait déficitaire ? Où la solution se trouvet-elle ?
En tant que citoyen, je suis catastrophé de constater l’évolution de la jurisprudence sur la
responsabilité. J’évoquerai l’exemple des médecins mais je pense que le phénomène est vrai pour
toutes les professions. Autrefois, les médecins avaient une responsabilité pour faute et il fallait
vraiment qu'il y ait une faute. D’ailleurs, quand un patient se fait soigner par un médecin, il ne
verserait pas la moitié de ses revenus à une caisse en cas de guérison. En échange, si le médecin
donnait à son patient un traitement inapproprié, le médecin n’était pas considéré comme
responsable s'il n'y avait pas faute professionnelle. Désormais, il est demandé au médecin non
seulement de guérir son patient sans lui demander de participation en cas de succès, mais aussi
d’assurer sa responsabilité en cas de problème.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Par définition, un assureur ne peut assurer cette catégorie de risque. L’indemnité demandée au
médecin n’est pas en cohérence avec ses revenus annuels. Même si l'assureur prenait 10 % des
revenus annuels du médecin, il aurait beaucoup de difficultés pour équilibrer son risque. La base
assurable est insuffisante. Il faudrait parvenir à créer une mutualité plus large, par exemple en
mutualisant le système avec d’autres professions.
Pour notre part, nous assurons des concepteurs, mais pourtant, il nous est difficile d’étendre notre
rôle dans ce domaine qui n'est pas notre vocation principale. Nous le regrettons.
Il ne faudrait pas que l’on nous reproche cela, dans la mesure où l’assureur ne fait que traduire un
phénomène de mise en cause de responsabilité. Les médecins protestent sur le système en place
pourtant, l’an passé, la SMABTP est allée au secours des médecins, puisque nous avons une
participation dans le pool d’assurance mis en place par la FFSA pour offrir une assurance à ceux qui
n'en avaient pas.
Nous avons véritablement un système général de la responsabilité qui n’est plus assurable en
France. La faute n’en incombe pas aux assureurs.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur Emmanuel Edou. Nous passons à une question posée par Monsieur
Durand de la société d’ingénierie INGEROP bien connue de Monsieur Yann Leblais. La question
s’adresse à la FFSA. Quelles pistes peuvent être envisagées pour les maîtres d’œuvre ? Il faut
recentrer un instant les problèmes sur le cas particulier de la maîtrise d’œuvre. Comme l’a souligné
Monsieur Emmanuel Edou, une des particularités est la responsabilité large sur une assiette de
facturation étroite de l’assurance. Je vous en prie Monsieur Jacques Szmaragd.
Jacques SZMARAGD
Le cas des maîtres d’œuvre se révèle un cas particulier de l’obligation d’assurance décennale. Que
pouvons-nous en dire ? Il s’agit de professionnels qui se trouvent souvent soumis à une assiette
assurable relativement faible pour un régime de responsabilité assez lourd. Des raisons juridiques
peuvent expliquer cette lourdeur, notamment pour les architectes soumis à une obligation
d’assurance plus large que l’obligation résultant de 1792 et de la loi Spinetta. L’ordonnance de
1941 amène cette profession à être responsable pour une durée longue.
Pour cette profession, Monsieur Edou a évoqué le souhait de la FFSA d'obtenir un alignement par
voie législative de tous les régimes de responsabilité. En définitive, il faut ramener le régime de
responsabilité des architectes et des maîtres d’œuvre à un droit commun. Par ailleurs, ces
professions subissent la conséquence de leur statut juridique. Un architecte, au-delà de sa police
d’assurance, peut être condamné sur ses biens propres pour les dommages qu’il a commis comme
pour des dommages commis par d’autres intervenants au titre de la responsabilité solidaire.
A mon sens, deux chantiers sont à explorer. Il faut, d’une part, opter pour un alignement du régime
de responsabilité de l’ensemble des intervenants. Dans cette logique, il serait nécessaire de réviser
les barèmes de responsabilité résultant de la convention CRAC qui défavorise, paraît-il, certaines
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
professions. Il faut, d’autre part, revoir le régime juridique de certaines professions, notamment les
conséquences du passage dans un héritage de sinistres impayés.
Bertrand FABRE
Monsieur Yann Leblais, souhaitez-vous ajouter d’autres éléments ? Manifestez-vous un certain
désaccord sur les pistes possibles de solutions ?
Yann LEBLAIS
A l’étranger, en particulier aux Etats-Unis, il existe une certaine proportionnalité entre la prestation
fournie et la responsabilité. Je ne contredis pas nécessairement la réponse des assureurs. A mon
sens, je pose une question beaucoup plus large. La question aborde en effet la responsabilité
globale.
Depuis quinze ans, il est affirmé que le problème est tellement complexe qu’il est inattaquable. La
chaîne de la construction peut devenir à l’avenir un sujet de société, sauf à supposer que la maîtrise
d’œuvre disparaisse dans l’ensemble des dispositions éventuelles prises par le Gouvernement.
Monsieur Paul Schwach me rassure sur un point, dans la mesure où il a souligné que la question
pouvait se poser.
Bertrand FABRE
Avez-vous évoqué ce point avec Monsieur Gilles de Robien ? Nous passons à une question
adressée à Monsieur Alberto Toledano. Nous avons mis un certain temps à évoquer la question des
maîtres d’œuvre et de l’ingénierie. La question est posée par Monsieur Mousselon du CREA.
L’impact en terme de prévention du contrôleur technique est probablement fonction des honoraires
attribués. La question est de nature factuelle. Il est par conséquent difficile d’y répondre. Quel est le
montant des honoraires du contrôleur espagnol pour une mission relative à la solidité ?
Alberto TOLEDANO
Pour la mission de contrôle décennal, le montant s’élève à environ 0,40 % du coût de construction
de l’immeuble auquel il faut ajouter les frais.
Bertrand FABRE
Le statut du contrôleur technique est-il analogue au statut en vigueur en France ? Je tiens à
souligner que son statut en France le rattache directement au maître d’ouvrage, c’est-à-dire que le
contrôleur technique est exclu de toute mission de conception.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Alberto TOLEDANO
L’organisme de contrôle technique doit être absolument indépendant du maître d’ouvrage et de
l’assureur. Nous avons fixé ces règles.
Bertrand FABRE
Nous abordons une autre question qui s’adresse plutôt à Monsieur Emmanuel Edou. La
qualification est-elle encore, après tant d’années, un élément important de sélection des assurés et
de tarification ?
Emmanuel EDOU
La qualification constitue un élément fort important, lorsque nous dialoguons avec un nouvel
assuré. Cela fait, d'ailleurs, partie d’une approche plus complète. Dans le cas des entreprises
artisanales en création, nous prenons en considération la formation du créateur d’entreprise, ses
expériences professionnelles et son activité. Si un créateur souhaite exercer trop d'activités
différentes, nous ne pouvons pas prendre en compte sa candidature. Si, au contraire, le futur chef
d’entreprise se focalise sur un cœur de métier, nous pouvons l’assurer.
Pour les entreprises, qui ont une durée de vie plus longue, nous analysons la sinistralité passée.
Nous avons d'ailleurs un système de bonus malus qui s’appelle un coefficient de réductionmajoration des cotisations. La cotisation peut varier de façon importante en fonction de la
sinistralité passée de l’entreprise.
Par conséquent, la qualification, la sinistralité de l’entreprise et la formation constituent les
paramètres fondamentaux pour dialoguer avec l’entreprise et fixer le tarif adéquat.
Bertrand FABRE
Certains esprits définissent la qualification comme un élément central. Il existe par ailleurs des
niveaux de qualifications par degré de complexité.
En effet, le consommateur privilégie principalement la qualité de l’ouvrage final et du service. Dans
le cas des maisons individuelles, nous nous orientons vers une perspective analogue. Cette
évolution va-t-elle dans le bon sens aux yeux des assureurs ?
Emmanuel EDOU
J’ouvre le débat. L’élément fondamental est que toute la chaîne fonctionne correctement. Nous ne
pouvons pas demander à l’assureur de compenser une maîtrise d’œuvre et une conception qui
auraient été sous-payées, ainsi qu’un service après-vente inexistant et une absence d’entretien par
l’utilisateur. Or, on demande souvent tout cela à l’assureur qui doit alors mettre un emplâtre sur un
système inefficace en amont.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Tous les efforts qui consistent à disposer d’une chaîne de construction adéquate sont utiles pour
l’assureur. Sur ce point-là, le rôle du maître d’ouvrage se révèle fondamental, puisqu’il choisit les
entreprises avec lesquelles il souhaite collaborer. De notre côté, nous avons un travail administratif
assez lourd que nous devons chercher à alléger pour diminuer les coûts. Il est vrai, nous devons
progresser sur de nombreuses tâches de gestion répétitives, par exemple l’obtention des certificats.
Bertrand FABRE
Quel est votre point de vue, Monsieur Régis Piette, sur la qualification d’une entreprise qui
évoluerait progressivement vers un service, voire un produit immobilier, par exemple la maison
individuelle sur catalogue ?
Régis PIETTE
Je ne peux évoquer le cas de la maison individuelle, puisque nous ne faisons pas ce produit. Nous
faisons plutôt de l’habitat groupé.
Notre groupe reste fort sensible à la qualité. Bien sûr, nous avons progressé sur différents points.
Nous procédons à des sondages permanents avec nos acquéreurs lors des livraisons. Nous avons par
conséquent des remontées d’information, notamment la question des levées de réserve, l’accueil et
les délais.
Nous travaillons en interne sur la base de l'analyse de notre sinistralité. La réunion périodique d’un
comité ad hoc permet d’analyser l’ensemble des sinistres et d’émettre des recommandations.
Vis-à-vis de nos clients, le commerce et le relationnel client sont venus au secours du juriste. En
effet, à partir du contrat préliminaire jusqu’à la livraison, nous remettons quatre fascicules, dans
lesquels les obligations d’entretien sont stipulées. Nous avons mis en place un service après-vente
qui dure deux années à compter de la réception.
La première année est constituée par la garantie de parfait achèvement. Par conséquent, nous
déboursons à fonds perdus. Cela figure également dans les actes authentiques de vente. Néanmoins,
nous ne pouvons pas contractualiser l’ensemble du dispositif. Nous avons pris ce parti pour faire
évoluer les mentalités des acquéreurs. Nous travaillons donc régulièrement avec les gestionnaires
d’immeuble. Nous leur demandons de filtrer les déclarations et de s’adresser à nos services. Il s’agit
d’une démarche qui vise à changer la mentalité et la culture des acquéreurs. Cela constitue un vaste
pari.
Bertrand FABRE
Pourrais-je, Monsieur Max Roche, obtenir le point de vue de l’entrepreneur sur la volonté de
compléter la qualification professionnelle de métier par une option de service et de produit ? Vous
avez à ce titre des produits logement. Cependant, cela vous semble-t-il une évolution possible du
marché ?
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Max ROCHE
Sur ce point, je rejoindrai Monsieur Régis Piette. Au sein de notre entreprise, nous disposons de
sous-traitants. Nous avons développé à cet égard un référentiel des sous-traitants, afin de mesurer la
qualité de ces entrepreneurs en fonction de leur compétence et de leur sinistralité antérieure. Nous
gérons en effet nous-mêmes une importante part de notre sinistralité à travers les franchises. Il s’agit
là d’une tâche difficile qui s’étend sur de nombreux chantiers et implantations. Depuis plusieurs
années, nous nous efforçons de mesurer la qualité de nos sous-traitants sur la durée de la garantie.
Nous mobilisons et sensibilisons les conducteurs de travaux sur cette question. Aujourd’hui, cela
constitue un poste de dépense primordial au sein de notre groupe. Nous avons à cœur de maîtriser à
terme les dépenses de service après-vente.
Bertrand FABRE
Je vous remercie Monsieur Max Roche. Nous passons à une question posée par Monsieur José
Ibanez qui exerce la profession d’avocat au sein du cabinet Lefèvre-Pelletier & Associés. Cette
question s’adresse à Monsieur Régis Piette. N’estimez-vous pas que l’équilibre du système légal
passe par un débat social sur le niveau de protection que l’on souhaite accorder au consommateur ?
Nous revenons sans cesse à ce débat politique.
Régis PIETTE
Je suis en contradiction avec vos propos. Au sein de notre groupe, notre équipe juridique qui fait du
montage de programme reste obnubilée par des textes réglementaires spécifiques au domaine
d’activité, notamment le décret sur la loi de 1967 et le contrat préliminaire.
Pour ma part, je ne me fais plus aucune illusion. Dans le domaine social, par exemple la
jurisprudence en matière de faute inexcusable et de maladie professionnelle, l’air du temps,
démontre que le droit commun vient au secours du consommateur. Nous gérons tous des
procédures. J’établis des pronostics sur les jugements. Parfois, un texte devrait être appliqué mais
un autre fondement juridique entre alors en ligne de compte.
Faut-il mettre en place un texte en faveur du consommateur ? A mon sens, il existe un arsenal
juridique et une démarche des tribunaux qui visent à satisfaire le consommateur.
Bertrand FABRE
Vous avez déjà évoqué ce point, Monsieur Zavaro. Vous avez même replacé la problématique de la
responsabilité objective dans une perspective philosophique et politique. En effet, la responsabilité
objective a été développée fortement après les lois « Badinter ». Par conséquent, certains ressentent
cela comme une dérive jurisprudentielle, en somme une jurisprudence extensive. En fait, selon elle,
tout dommage devrait être indemnisé.
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Michel ZAVARO
Le droit commun de la responsabilité suffit largement. D’une façon générale, je n’ai pas le
sentiment que le régime actuel soit au-delà du droit commun. A mon sens, le régime actuel est
plutôt en deçà. Je fais allusion ici aux éléments d’équipements dissociables. Vous avez des
carrelages fendus à changer. Cela se prescrit par deux ans à compter de la réception, dans la mesure
où il s’agit d’un élément d’équipement dissociable. A ce moment-là, nous considérerons qu’il y a
une atteinte à la destination. En effet, cela compromet la destination de l’immeuble, parce qu’il
n’est pas logique de ne pas pouvoir marcher sur un plancher sans se blesser.
Il faut bien distinguer la responsabilité de l’assurance. Il faut mettre en place des mécanismes qui
pourront vraisemblablement être moins lourds et plus justes que le système actuel. Je ne pense pas
que nous puissions faire fonctionner le système sans les mécanismes de garantie.
En effet, le poids de l’acquisition de la propriété immobilière devient de plus en plus lourd. Nous
sommes actuellement en train de dépasser les crédits à vingt ans. Dans certains pays, il est possible
d’emprunter des sommes importantes sur une durée de soixante-dix ans pour se porter acquéreur
d’un bien d’habitation.
Bertrand FABRE
La qualité d’une construction relève surtout des compétences professionnelles des hommes et des
femmes. Nous passons maintenant à une question posée par un entrepreneur de la ville de Reims.
La signature de l’accord professionnel sur la formation peut-elle être un moteur pour améliorer la
qualité de la construction ? Pour ma part, j’estime que la qualité dépend des compétences de
chacun. Bref, l’investissement en terme de formation tout au long de la carrière permet de maintenir
les compétences en fonction de l’évolution technologique. La formation va bien entendu dans le
sens de la qualité de l’ouvrage. Qui souhaite répondre à cette question ?
Je cède la parole à Monsieur Claude Vaillant qui exerce la profession d’avocat.
Claude VAILLANT
Au cours de cet après-midi, nous avons débattu sur l’application de la loi Spinetta. Je constate à
l’heure actuelle que la loi crée une insécurité pour l’assureur et le promoteur. Monsieur Edou a été
particulièrement objectif sur ce sujet.
En tant qu’avocat, je continue à plaider les limites que la jurisprudence ne doit pas franchir. Il faut
souligner que la jurisprudence est allée au-delà de la loi en suivant la voie du consumérisme. Il
s’agit là d’une tendance générale du droit en matière d’assurance .
Au niveau européen, il faudra trouver un système commun qui puisse permettre une certaine
communication et correspondre à la mobilité des entreprises. J’adresserai une question à Monsieur
Edou. Dans le projet de réforme, ne pourrions-nous pas établir un système plus strict de définition
du contenu de l’assurance construction dans le cadre de la protection du consommateur ? Je fais
allusion au système espagnol qui paraît prometteur sur ce plan-là.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Comme nous l’avons évoqué pour les contrats automobiles, notamment la garantie de
remboursement à l’état neuf, le système permettrait d’améliorer la base de garantie non discutable
grâce à d’éventuelles options. Il faudrait naturellement réfléchir sur le financement des options.
L’acquéreur et l’entreprise participeraient-ils au financement ? N’aurions-nous pas intérêt à partir
d’un système de contrat clairement compréhensible par chaque interlocuteur et applicable de façon
plus stricte par les magistrats ?
Bertrand FABRE
Je cède la parole à Monsieur Emmanuel Edou.
Emmanuel EDOU
Il existe un piège dans lequel nous pouvons tomber. Est-il possible de réduire les garanties offertes
par les contrats d’assurance ? En effet, si nous réduisons ces garanties, les assurés auront un déficit
dans leur couverture d’assurance. Il faut aussi protéger le consommateur qui n’est pas forcément
averti. Nous avons des professionnels qui n’ont pas une connaissance approfondie dans le domaine
de l’assurance. Les professionnels souhaitent savoir qu’ils sont bien et complètement assurés.
C’est probablement là cependant que nous pouvons trouver une liberté contractuelle. La solution de
la franchise, pour un particulier qui se porte acquéreur d'une maison individuelle et qui prend la
première tranche de 1.500 Euros de travaux à sa charge, permettrait de diminuer sérieusement les
cotisations.
En revanche, si nous protégeons un entrepreneur ou un concepteur uniquement pour certains
éléments, nous risquons de rencontrer des difficultés en cas de sinistre, en fonction de ce que peut
imputer la jurisprudence à l'assuré.
Bertrand FABRE
Je vous fais part d’une question fort intéressante. La question est relative à la prise en compte de
l’innovation technologique en matière de produits ou d’utilisation nouvelle de produits anciens.
L’assurance intègre-t-elle bien cette problématique ? Cela n’entrave-t-il pas cette évolution du
progrès technique ?
La question posée par une collaboratrice de la SMABTP, Madame Sophie Corbaux-Tourde,
s’adresse à Monsieur Schwach et Monsieur Zavaro. Monsieur Max Roche pourra également y
répondre.
"Monsieur Paul Schwach a indiqué qu’il n’y avait plus de sinistre systémique. Son affirmation
m’interpelle. N’est-ce pas le symptôme d’une activité guère innovante ? Est-ce au contraire la
manifestation d’une activité mieux encadrée ? Une réflexion est-elle menée par les pouvoirs publics
pour accompagner les entreprises créatrices, sans faire supporter l’ensemble des risques aux
assureurs ? "
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Nous avons évoqué la qualité des hommes et l’importance de la formation. De là découle la qualité
de l’ouvrage. Il ne faut pas oublier que construire un ouvrage consiste à mettre en œuvre des
produits et des matériaux. Au regard de la décomposition du coût de la construction, nous avons
une tranche de 50 % de main-d’œuvre et une autre tranche de 50 % de produits.
Par conséquent, l’innovation sociale et technologique ainsi que la formation se révèlent
fondamentales. Monsieur Edou, avez-vous eu des sinistres sériels ?
Emmanuel EDOU
Nous avons eu d’importants sinistres sériels par le passé. A l’heure actuelle, les sinistres restent de
moindre importance.
Bertrand FABRE
Je vous en prie, Monsieur Schwach.
Paul SCHWACH
Je me garderai de porter des jugements de valeur sur l’innovation. Je souhaite apporter un élément
au débat. Une directive européenne organise la libre circulation des produits de la construction.
Dans un certain nombre de cas, nous savons que la libre circulation limite la capacité à contrôler la
qualité.
La Commission européenne reste précise sur l’obligation de faire circuler les produits. Nous avons
souvent des débats avec la Commission sur la qualité. Il s’agit là d’une préoccupation majeure. Les
organismes identificateurs, la normalisation et le CSTB en France permettent de gérer la situation.
En aval, nous avons un travail d’information à fournir sur les DTU, notamment le renouvellement
sur le plan des produits de construction. En somme, l’ensemble des acteurs doit être informé. Voilà
un éclairage complémentaire.
Bertrand FABRE
Je souhaite ajouter un commentaire personnel sur les produits de construction. Vous avez évoqué la
directive sur la libre circulation des produits. Le dispositif reste fort complexe à mettre en place.
Si les ouvrages immobiliers ne circulent pas en Europe, les produits le peuvent. Il y a toujours une
exception au principe : le temple d’Abu Simbel a circulé. Les flux de produits de construction
circulent en volume important selon les statistiques de la douane. Par exemple, les industriels
français exportent en Europe, avec succès, certains produits, notamment des chaudières et des
appareils sanitaires. Alors que le solde de la balance se révèle déficitaire sur certains produits tels
que les revêtements de sol et les carrelages.
Avez-vous, Monsieur Max Roche, le sentiment dans votre vie d’entrepreneur d’avoir été gêné par
l'assurance pour proposer à vos clients des produits nouveaux et des usages nouveaux de produits
traditionnels dans vos constructions ?
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Max ROCHE
Oui, le phénomène est déjà arrivé. Dans ce domaine-là, l’assurance a la vertu de se poser les
questions fondamentales et d’obliger l’ensemble des partenaires de la construction, le maître
d’ouvrage, l’entrepreneur, le maître d’œuvre, à se concerter mutuellement sur les risques pris.
Certes, l’innovation est un moteur. Nous sommes toujours ravis par l’application de produits
innovants. Mais il faut rester prudent.
Dans notre métier, un ouvrage est construit pour la durée. Il est par conséquent légitime de se poser
la question de la pérennité. Dans notre vie professionnelle, nous avons quand même eu d’importants
sinistres sériels. Cependant, le nombre de sinistres sériels a tendance à diminuer fortement.
Bertrand FABRE
Nous sommes avertis de l'arrivée imminente de Monsieur le Ministre Gilles de Robien. Nous
passons à une question juridique qui s’adresse à Monsieur Michel Zavaro. Nous n’avons jamais tant
évoqué la jurisprudence. N’est-ce pas finalement la preuve que la loi reste imparfaite et imprécise ?
Michel ZAVARO
En aucun cas, la loi ne reste imprécise. Tout texte de loi doit évoluer et être interprété. Je suis
d'ailleurs étonné de constater que le juge fait tant de misères au maître d’ouvrage et aux
constructeurs et, sur le plan des désordres sériels, la Cour de cassation a été fort indulgente à votre
égard.
Bertrand FABRE
Nous passons à une question de la salle.
André FACUNDO
Je fais partie du cabinet d’études Syntec Ingénierie. Je souhaite poser une question à Monsieur
Emmanuel Edou. Au sujet des polices uniques de chantier, comment pouvons-nous expliquer leur
échec relatif ? Pourrions-nous modifier la PUC en vue d’une meilleure évolution vers la
prévention ? La solution consisterait à personnifier l’assurance par chantiers en mettant en place un
contrôleur technique à la charge de l’assureur.
Je souhaite intervenir sur un autre point. Pour prolonger les propos de Yann Leblais au sujet de la
concertation, je tiens à évoquer une excellente initiative de 1996 de la Direction des affaires
économiques et internationales qui a fait l’objet d’une parution dans le Moniteur en date du 6
décembre 1996. L’initiative comprenait des propositions intéressantes qui dénonçaient les limites
de la loi Spinetta. Pour pallier les défauts, des évolutions de la loi étaient également proposées.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Emmanuel EDOU
La police unique de chantier est adaptée à certaines formes de chantier et, par exemple, peut
fonctionner sur des opérations de grande ampleur. Cependant, nous constatons, au quotidien, que,
en définitive, les différents acteurs de la construction préfèrent opter pour des polices permanentes.
Quant au contrôle technique, je souhaite souligner un point. En Espagne, l’assurance ne joue pas
dès la mise en route du chantier, contrairement à la France. Dans le cas espagnol, l’assuré paie un
acompte. Une fois le bâtiment contrôlé techniquement au moment de la livraison, la personne est
assurée dans son intégralité, mais pas avant.
Bertrand FABRE
Au moment de l’entrée du Ministre dans la salle, je souhaite que nous débattions de l’harmonisation
européenne de l’assurance construction. De par sa formation politique, Gilles de Robien reste un
Européen convaincu. Je me souviens m’être penché sur le droit comparé. Nous constatons qu’il
existe des délais de garantie fort variables, plus courts ou plus longs. Néanmoins, comme l’a
souligné fort justement Monsieur Michel Zavaro, le délai de garantie n’a pas de sens en soi, si l'on
ne précise pas aussi le contenu de la garantie.
Certes, les constructions ne circulent pas. Pourtant, des entreprises prennent des chantiers à
l’étranger grâce à l’acquisition de filiales ou en groupement. Par exemple, nous avons récemment
visité vos implantations en Pologne. Est-il nécessaire d’harmoniser les règles du jeu dans l’Europe
actuelle a fortiori élargie, puisque vous devez faire face à un nombre important de régimes
d’assurance et de responsabilité post-réception présents dans les Etats membres de l’Union
européenne ?
Max ROCHE
Au risque d’être iconoclaste, je tiens à signaler qu’il est déjà difficile de faire évoluer la
réglementation française. Je préfère par conséquent disposer de systèmes différents dans plusieurs
Etats. Il paraît difficile d’unifier les systèmes.
Bertrand FABRE
Nous voyons le bon sens des entreprises. L’Europe ne se pose pas la question de la complexité du
système. Comme la jurisprudence Nicolo l'a précisé, le droit communautaire a une valeur
hiérarchique supérieure aux règles françaises et nous nous retrouvons avec de nombreuses
modifications. Par exemple, nous nous sommes interrogés sur le fait de savoir si les coordonnateurs
santé-sécurité font partie d’une catégorie nouvelle de constructeurs au sens de la loi Spinetta.
Mais Monsieur le Ministre Gilles de Robien va faire son entrée. Je vous remercie.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
Conclusion
Alain SIONNEAU
Président de la SMABTP
Monsieur le Ministre, permettez-moi de vous dire au nom de tous les participants de ce colloque
combien nous sommes heureux de vous accueillir ce soir pour la clôture de nos travaux. Notre
colloque a rencontré un succès d’affluence qui a dépassé toutes nos espérances, ce qui prouve que le
sujet est d’importance pour toutes les professions qui participent à l’acte de construire. Ce qui
montre aussi que l’annonce de votre venue a créé beaucoup d’attentes.
Vous avez devant vous des architectes, des bureaux d’études, de nombreux entrepreneurs, des
assureurs bien sûr et des experts, des magistrats qui ont la lourde tâche d’appliquer la loi et des
avocats. Tous ont donné leur point de vue et leurs propositions. Vous connaissez nos souhaits. Nous
sommes parvenus à un accord il y a déjà plus de deux ans entre toutes les parties prenantes sur un
ensemble de dispositions permettant de clarifier la loi. Nous avons hâte que le législateur à votre
initiative puisse adopter le projet de loi qui en découle.
Par ailleurs, le fond de compensation de l’assurance construction arrive au bout de sa mission. Vous
avez déjà accepté avec votre collègue, Ministre de l’économie, d’alléger de moitié la taxe
correspondante en 2003. Nous tenons à vous en remercier à nouveau. Il reste à fixer la deuxième et
dernière étape que nous espérons la plus proche possible.
Au-delà, l’assurance construction reste un système qui doit vivre et évoluer au bénéfice de la filière
en protégeant ceux qui doivent l’être, en récompensant la qualité, en optimisant tous les circuits.
Les propositions évoquées aujourd’hui vont donc servir de base, je le souhaite, à de futures
propositions de notre part.
Je vous remercie encore Monsieur le Ministre d’être parmi nous et je vous cède volontiers la parole.
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Clôture du colloque
Monsieur Gilles de Robien
Ministre de l'Équipement, des Transports,
du Logement, du Tourisme et de la Mer
Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,
C’est avec grand plaisir que je réponds à votre invitation de venir clôturer le colloque que vous avez
organisé à l’occasion de ce 25e anniversaire de la loi de 1978 sur l’assurance construction.
Merci, Monsieur le Président, de me donner l’occasion de m’adresser aux assureurs, aux chefs
d’entreprises du bâtiment, aux maîtres d’ouvrage, aux maîtres d’œuvre et bien sûr aux juristes et
aux experts sur un domaine qui, sous des aspects apparemment très techniques et spécialisés, n’en
est pas moins très important pour l’équilibre économique de votre secteur mais également pour la
qualité de la construction à laquelle sont de plus en plus attachés nos concitoyens.
Comme l’indique le titre de votre colloque, la loi sur l’assurance construction a maintenant 25 ans.
Elle a fait depuis 1978 l’objet de quelques modifications peu nombreuses mais parfois importantes,
par exemple le passage en 1983 d’un régime de gestion en répartition à un régime de gestion par
capitalisation.
Des adaptations sont encore nécessaires, non pas pour bouleverser le régime actuel, mais pour
mieux préciser certaines dispositions du Code civil ou du Code des assurances et lever certaines
incertitudes juridiques, qui sont préjudiciables aussi bien pour la bonne application du droit que
pour l’équilibre économique de l’assurance construction.
Ces adaptations ont fait l’objet d’une réflexion initiée par mon ministère en 1996 à la demande des
professionnels (constructeurs et assureurs) pour améliorer le fonctionnement du système de
responsabilité et d’assurance construction.
Si certaines propositions ont été concrétisées, d’autres n’ont pas abouti en particulier celles sur le
champ de l’obligation d’assurance.
En effet, si la responsabilité décennale vaut pour l’ensemble de la construction, c’est-à-dire pour les
ouvrages de bâtiment et de génie civil, l’obligation d’assurance est quant à elle limitée par la loi au
seul domaine du bâtiment, à l’exclusion du génie civil. Or, en l’absence de définition par
le
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législateur de la notion de bâtiment, la jurisprudence a été amenée à interpréter extensivement la loi
et à élargir son champ d’application.
De même en ce qui concerne l’obligation d’assurance pour les ouvrages existants faisant l’objet de
travaux neufs et pouvant de ce fait être victimes de sinistres.
Après une longue concertation, un consensus s’est établi sur les modifications législatives à
apporter.
C’est pourquoi, j’ai décidé de proposer au Gouvernement de reprendre ces dispositions très
attendues par vos professions dans un prochain projet de texte législatif qui pourrait être le projet de
loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit par ordonnance dans les domaines de
l’urbanisme, de l’habitat et de la construction.
Sur le fond, le texte reprendrait tout d’abord le projet de définition du champ de l’assurance
obligatoire des risques de la construction, en précisant expressément les ouvrages qui en sont
exclus, notamment les ouvrages de génie civil et les ouvrages existants.
Mais le projet comprendrait d’autres dispositions nouvelles, qui reprennent des propositions
longuement discutées, notamment au sein du comité technique de l’assurance construction et qui
sont désormais consensuelles.
Il s’agit d’abord de garantir aux sous-traitants une prescription des obligations d’assurance
identique à celle des autres intervenants à la construction, mesure très attendue des petites
entreprises et des artisans.
Il s’agit ensuite de déterminer les modalités d’assurance facultative des dommages à des ouvrages
existants par suite de travaux nouveaux. Cette disposition est destinée à garantir aux maîtres
d’ouvrage la possibilité de souscrire une assurance volontaire pour couvrir ce risque. Le projet
prévoit en effet qu’une convention entre maîtres d’ouvrage et assureurs détermine les modalités
d’assurance de ces dommages qui n’entrent pas dans le champ de l’assurance obligatoire.
Je sais que ce projet d’adaptation des dispositions législatives sur l’assurance construction répond à
une attente forte de vos professions. Malgré un calendrier législatif surchargé, je m’attacherai à ce
qu’il soit adopté en 2004.
Voilà pour les aspects plutôt juridiques. Mais - votre colloque en est l’illustration - la loi a
également une influence forte sur l’économie du secteur de la construction et des différentes
professions qui le composent.
L’équilibre - ou le déséquilibre - financier du régime d’assurance construction et ses conséquences
sur le niveau des cotisations et donc sur les coûts de la construction sont souvent évoqués. Votre
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
colloque a consacré une bonne partie de ses réflexions à l’amélioration de la chaîne des coûts de
construction. Je n’y reviendrai pas.
Permettez-moi d’évoquer tout particulièrement la prévention des désordres qui est un élément
majeur de l’équilibre économique de l’assurance construction et qui est un facteur déterminant de la
diminution des coûts de la construction.
Dans ce domaine, je tiens à évoquer deux actions importantes et concrètes que je veux mener avec
votre concours actif.
La première concerne le financement des actions de prévention que mène l’Agence pour la
prévention des désordres et l’amélioration de la qualité de la construction (AQC).
Il est en effet primordial d’instaurer pour l’avenir un financement pérenne des actions menées par
l’Agence dont la vocation en matière d’information, d’expertise ou de prévention des sinistres est,
plus que jamais, d’actualité.
Il est de l’intérêt de l’ensemble des professions du bâtiment et notamment des assureurs que les
actions de prévention de l’Agence concourent à une amélioration de la qualité de la construction et
à une réduction des sinistres, grâce aux conseils, aux alertes et à la documentation technique qu’elle
met à la disposition des acteurs de la construction.
Son fonctionnement aujourd’hui est largement assuré par une subvention du Fonds de
compensation de l’assurance construction (le FCAC). Or vous savez que la contribution obligatoire
des assurés qui alimente ce fonds a été, à ma demande, divisée par deux en 2003. Comme vous le
souhaitez tous, la suppression de cette contribution devrait être effective à la fin de l'année 2004. A
cette date, les ressources du fonds seront suffisantes pour couvrir l’indemnisation des sinistres
relevant de l’ancienne gestion en répartition d’avant 1983.
Il est donc primordial de trouver un financement de l’AQC qui se substitue à celui du fonds de
compensation à compter de 2005. Il pourrait prendre la forme d’une contribution volontaire des
assurés dont le principe, le montant et les modalités de gestion seraient arrêtés dans une convention
quinquennale signée par l’Etat et par l’ensemble des organisations professionnelles concernées par
l’assurance construction : maîtres d’ouvrages et consommateurs, entreprises de construction et
maîtres d’œuvre, assureurs).
J’adresserai prochainement aux organisations un courrier pour les inviter à participer au groupe de
travail, qui sera animé par la Direction des affaires économiques et internationales et qui devrait
permettre d’aboutir à un consensus sur un projet de convention, d’ici à la fin de l’année, si possible.
Colloque SMABTP du 14 octobre 2003
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L'assurance construction à l'épreuve du temps - 1978-2003 : la loi Spinetta vingt-cinq ans après
L’objectif principal recherché est bien de maintenir, voire renforcer l’implication et la
responsabilisation des nombreuses professions intervenant dans l’acte de construire, dans les
actions de prévention menées par l’Agence, ce qui ne pourra que favoriser le nécessaire équilibre
entre les intérêts parfois divergents des assureurs et des assurés. Je compte vivement encore une fois
sur votre concours pour aboutir rapidement et apporter ainsi la preuve qu’un système conventionnel
peut prendre avantageusement la suite d’une contribution de nature fiscale.
La seconde action que je voudrais souligner devant vous a également trait à la qualité de la
construction. Il s’agit du programme d’accompagnement de la mise en œuvre de la directive
européenne dite « produits de la construction », qui consacre l’intégration des normes européennes
de construction dans les normes françaises.
Ce programme a été établi dans ses grands principes en concertation avec les professionnels et j’ai
obtenu, avec le concours de mon collègue de l’économie et des finances et le soutien des
organisations professionnelles, qu’il soit financé à hauteur de 9 M € par le fonds de compensation
de l’assurance construction.
Il s’agit d’un programme spécifique qui s’étendra sur trois ans et dont l’objectif est de créer les
conditions favorables au passage aux normes harmonisées européennes de construction et de limiter
la sinistralité qui pourrait en résulter et qui viendrait peser sur les coûts de la construction et les
coûts d’assurance.
Le CSTB assurera la gestion de ce programme et des crédits y afférents sous le contrôle d’un comité
de pilotage associant administration et professionnels et tiendra une comptabilité séparée de l’usage
des fonds.
J'invite toutes les organisations professionnelles concernées à s'asseoir autour d'une table pour que
nous définissions ensemble de façon pratique ce que nous ferons et comment nous le ferons. Il y a
désormais urgence et je nous fixe la fin de l'année pour avoir élaboré dans le détail les modalités
pratiques de mise en œuvre de ce plan pour l'Europe.
Qu’il s’agisse de ce programme exceptionnel ou des actions que l’Agence Qualité Construction doit
continuer de mener, je compte sur vous pour que les résultats soient à la hauteur des enjeux. C'est
vraiment l'avenir de vos professions que nous préparons aujourd'hui ensemble.
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Colloque SMABTP du 14 octobre 2003 http://www.smabtp.fr

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