Accompagner - Le Centre Spatial Guyanais

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Accompagner - Le Centre Spatial Guyanais
La question de l'impact
des activités spatiales
sur l'économie guyanaise
revient de façon récurrente dans
les conversations lorsque celles-ci
concernent le spatial en Guyane.
Info ou intox, nous constatons
que de nombreuses informations
se propagent ainsi au fil des discussions,
jusqu'à s'apparenter à de véritables
rumeurs sans fondement. Nous avons
donc décidé de poser quelques-unes
des questions qui semblent les plus
sujettes à discussion, au directeur
du Cnes/CSG et président de l’UEBS
(Union des Entreprises de la Base
Spatiale), Joël Barre. Réponses.
© 2009 A CERCUEIL
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Propos recueillis par
Sarah Druet-lamy
Latitude 5 : Tout d’abord, quel est
l’impact des activités spatiales sur
l’emploi en Guyane ? Et va-t-il croître
dans les années à venir ?
Joël Barre : Directement, le CSG emploie
aujourd’hui près de 1500 salariés
permanents, un chiffre en croissance
de 10% depuis ces trois dernières années.
A ce chiffre, il faut ajouter les salariés
employés provisoirement sur les chantiers
Soyuz et Vega qui, au plus haut de leur pic
d’activité en 2007-2008 ont drainé jusqu’à
600 salariés supplémentaires. Et en
fonction des campagnes, 100 à 200 salariés
interviennent pour des missions de courte
durée. En ce qui concerne les emplois
temporaires induits par les activités
de chantier, ils vont logiquement décroître
à court terme, une fois Soyuz et Vega
rentrés en phase d’exploitation. Les
emplois pérennes, quant à eux, pourraient
continuer à augmenter très légèrement
dans les années à venir ou tout au moins
se stabiliser. Tout dépendra de l’évolution
des cadences d’Ariane 5 et de la montée
en puissance de Soyuz et Vega.
Actuellement, l’INSEE estime le nombre
d’emplois induits par nos activités
à environ 9 000, soit 15% de la population
active guyanaise. A noter qu’on retrouve
le même ratio de 15% si on s’intéresse
à l’activité économique du spatial évaluée
en terme de Produit Intérieur Brut.
La part de l’emploi local progresse
Sur les 1500 salariés permanents que
compte la base spatiale, près de 75%
des salariés relèvent du statut local.
Chez les ingénieurs et cadres,
la proportion d’emplois locaux est de 45%
alors qu’elle était seulement de 30%
en 2005. Une forte progression à porter
au crédit d’une politique volontariste
en faveur de l’embauche locale. Ainsi,
au CNES, sur 150 cadres et employés,
90 sont des locaux. Sur les trois dernières
années, une trentaine d’ingénieurs
et cadres relevant de ce statut ont
d’ailleurs été embauchés.
Joël Barre, Directeur du CNES / Centre Spatial Guyanais.
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© 2010 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG - L BOYER
De l’Espace pour la Guyane
L 5 : À ce propos, il est parfois dit que les taxes payées par
le spatial ne sont pas à la hauteur de son poids
économique en Guyane. Qu'en est-il ?
J. B : Il faut tout d'abord rappeler quelques chiffres : au total, selon
l’INSEE, la contribution de l’activité spatiale représente entre
35 et 40% de la recette totale générée par l'octroi de mer.
Car si l’exonération de cet impôt ne concerne que les matériels
lanceurs et satellites destinés à être envoyés par Arianespace dans
l’espace (Cf. encadré), hors de ce cadre, les entreprises de la base
s’acquittent toutes de cette taxe. Par ailleurs, concernant la taxe
professionnelle, on évalue les recettes perçues à 10 millions
d’euros par an, soit 20% de l’apport total de cette taxe en Guyane,
un pourcentage homogène avec celui du poids du spatial dans
le PIB. La taxe d’habitation, acquittée par les salariés de la base,
est quant à elle évaluée à 1,2 millions d’euros. Néanmoins,
il est vrai que l’activité spatiale est pour partie soumise à un
régime fiscal spécial. En tant qu’organisme intergouvernemental,
l’Agence Spatiale Européenne (ESA) est exonérée d’impôts
en Guyane comme sur l’ensemble de ses pays membres. A l’image
des autres établissements publics de recherche, le CNES
est exonéré de la taxe professionnelle en Guyane comme
en métropole - ce qui ne l’empêche évidemment pas de payer
d'autres impôts directs locaux tels que les impôts fonciers et
des taxes indirectes comme l’octroi de mer. On voit donc que
malgré un régime fiscal spécifique, notre apport financier est
au moins comparable à notre poids économique.
Un régime fiscal d'octroi de mer très “spatial”
L'exonération d'octroi de mer sur les matériels lanceur et satellites
s'explique pour trois raisons principales :
Juridiquement toute appropriation de l'espace extra
atmosphérique par proclamation de souveraineté est interdite.
Or, le pouvoir de lever des impôts étant une manifestation évidente
de souveraineté, la France a décidé d'assimiler toute livraison
dans l'espace à une exportation et, par là, de l'exonérer d'octroi
de mer.
Historiquement, dans la mesure où, dans le cadre de l'ESA,
les partenaires européens de la France financent la moitié des
infrastructures, programmes et frais fixes d'exploitation du CSG,
la France s'est engagée à leur appliquer un régime fiscal adapté.
Economiquement enfin, eu égard au contexte très concurrentiel
dans lequel elle évolue, la société Arianespace ne dégage pas
de marge de profit susceptible d'être taxée.
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© 2007 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG
© 2007 ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG
Si emblématiques de la Guyane, les maisons créoles du centre de Cayenne
ont été réhabilitées grâce à la contribution du CNES/CSG…
Le Cnes soutient le CMCK depuis sa fondation. Le récent mammographe
acquis par l’hôpital a été financé en partie par le Cnes.
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L 5 : Au-delà de cet impact financier et économique
de l’activité spatiale, le CNES encourage activement
la diversification de l’économie guyanaise hors spatial.
Par quel biais?
J. B : L’économie guyanaise n’a pas vocation à reposer uniquement
sur le spatial. A ce titre, nous considérons qu’il est légitime
de contribuer à sa diversification. Créée il y a tout juste dix ans,
la Mission Guyane du CNES/CSG participe à cette dynamique.
Elle gère notamment notre contribution de 27 millions d’euros
au Contrat de Plan Etat Région et aux Programmes Opérationnels
de l’Union Européenne. Avec une priorité : soutenir des projets
créateurs d’emplois. Sur la période 2000-2006, ce dispositif
a permis de créer 1 500 emplois pérennes, l’équivalent
de la population active de la base spatiale. A mi-chemin
de la période 2007-2013, ce sont 1 000 emplois supplémentaires
qui ont été créés, ce dont on ne peut que se féliciter.
Au travers des conventions signées avec 16 des 22 communes
de Guyane, nous apportons aussi un soutien financier à des actions
diverses dans le domaine associatif et culturel : rénovation
des maisons créoles de Cayenne, soutien à la Biennale
de Matoury…
Lors de la crise haïtienne, le PSMA a su pleinement démontrer son efficacité.
L’investissement du CNES/CSG ne passe-t-il pas aussi par
une assistance technique à la mise en place de
technologies spatiales au service des citoyens guyanais?
J. B : C’est en effet un volet important de notre action. Savez-vous
par exemple que, grâce à notre action, la Guyane est pionnière
en matière de télémédecine ? Aujourd’hui, 12 sites enclavés
de Guyane sont équipés de centres de santé où des patients
peuvent obtenir un diagnostic à distance grâce à la transmission
de données par satellite. Toujours en terme de télémédecine,
le Poste de Secours Médical Avancé, développé pour apporter
les premiers secours en cas de catastrophe, a pu récemment faire
preuve de son efficacité lors du séisme d’Haïti. De son côté,
la Recherche en matière d’observation de l’environnement
amazonien a bénéficié, en 2005, de l’implantation sur la colline
de Montabo de la station SEAS qui est aujourd’hui une
des stations de réception d’images de la Terre les plus utilisées.
Enfin, le CNES/CSG s’engage pour permettre aux communes
enclavées d’avoir accès aux technologies de l’Information et de
la Communication. Non seulement nous participons à hauteur
de 25% au financement du haut débit jusque dans les sites les plus
isolés, mais nous apportons régulièrement aux collectivités
territoriales l’aide en ingénierie dont elles ont besoin pour mener
à bien ce projet d’ampleur.
Un socle solide pour l’économie
En matière d’aménagement du territoire et de développement
des infrastructures, le CNES/CSG entend ajouter sa pierre à l’édifice.
A ce titre, une politique de cession de terrain et de biens immobiliers
est menée depuis des années. Ce sont quelques 30% de ses terrains
qui ont ainsi été rétrocédés aux collectivités locales et aux
particuliers, notamment au profit de la construction de logements
sociaux. Dans la même optique, il poursuit sa participation
au développement d’infrastructures ou de structures médicosociales
comme le Centre Medico-Chirurgical de Kourou (CMCK). Cette
participation est également particulièrement attentive en matière
d’infrastructures touristiques. Et pour cause. Partenaire du Comité
du Tourisme de la Guyane, acteur majeur de l’activité touristique,
le CNES/CSG entend fournir un effort d’aménagement particulier des
sites dont il a la charge (Cf. Latitude 5 n°87). Une implication sans
faille qui devrait servir la progression d’un axe de développement
non négligeable de l’économie guyanaise.
© ESA-CNES-ARIANESPACE / Optique Video du CSG
Située sur la colline de Montabo, sur le site du CSG, la station de réception
SEAS est devenue un outil de suivi incontournable de l’environnement
amazonien.
L’UEBS, moteur de formation
Le Cnes n’est pas, loin s’en faut, seul à s’investir pour soutenir
le développement de la Guyane. Les entreprises de l’Union
des Employeurs de la Base Spatiale (UEBS) mettent elles aussi
en place des initiatives innovantes, notamment dans le domaine
de la formation. Actives hors base, ces entités ne se contentent
pas d’oeuvrer pour une meilleure gestion des compétences de leur
personnel local ; elles s’emploient à développer le potentiel de
la jeunesse guyanaise au travers d’une formation de nature à
le valoriser. Par-delà les dons de matériel informatique dans
les établissements scolaires consentis par une entreprise comme
Astrium, la collaboration étroite des entreprises avec l’IUT de Kourou
(Cf. Latitude 5 n° 84) et leur intérêt pour l’orientation et la formation
professionnelle ne se dément pas. Gageons à ce titre que
le partenariat public-privé signé récemment entre le restaurant
Paradisier de Sodexo et la section hôtellerie du lycée Elie Castor saura
faire des émules !
LATITUDE 5 / N°88 / AVRIL 2010 /
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L 5 : La question de la
formation des jeunes et
de l’accompagnement est
également essentielle…
J. B : Evidemment. La jeunesse,
c’est la première richesse de la
Guyane. Et quelle richesse ! Mais
encore faut-il former ces jeunes
et les accompagner vers l’emploi.
Sur cette question, nous agissons
dans le cadre d’une collaboration
étroite avec l’instance compétente
qu’est le rectorat. Le CNES/CSG
va donc reconduire en 2010 avec
le nouveau recteur la convention
de partenariat signée en 2006
pour une meilleure sensibilisation
à la culture scientifique. Nous
poursuivrons également notre
politique de dotation d’élèves
guyanais en bourses d’étude
destinées à favoriser la poursuite
d’études supérieures en métropole
ou en Guyane.
Par ailleurs, dans l’objectif de
favoriser l’accès au premier emploi, Le Cnes/CSG apporte une contribution annuelle aux grands évènements culturels qui rythment la vie guyanaise.
Ici, le carnaval.
nous avons récemment relancé
le dispositif dit de pépiniéristes qui consiste à accueillir des jeunes Dans ce cadre, de nouveaux projets pourraient également être
pour une première expérience professionnelle.
soutenus. Je pense notamment à l’implantation d’une base avancée
d’entraînement à destination des sportifs de haut niveau. En outre,
Récemment, le président du CNES, Yannick d’Escatha, je souhaite étendre le dispositif de partenariat avec les communes
a déclaré qu’il souhaitait “ faire plus” pour le à celles de l’Est Guyanais. Mais au-delà, il est important
développement de la Guyane. Comment faire plus de continuer à travailler sur le transfert de compétences, l’apport
et mieux ?
d’expertise pour insuffler une dynamique de professionnalisation
J. B : Concernant les actions de la Mission Guyane, nous devons et progresser sur des dossiers complexes tels que la réduction
faire le bilan avec nos partenaires de l’Etat et de la Région de la fracture numérique ou la mise en place d’une cartographie
des trois dernières années pour voir comment attribuer numérique de la Guyane. L’utilisation, aujourd’hui du GPS,
les ressources encore disponibles, réfléchir aussi à la manière et, demain, du système de navigation par satellite européen Galileo
de réduire les procédures pour accélérer l’engagement des projets.
passe par là ! 4

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