Les enseignements du petit séisme de Peille (Alpes
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Les enseignements du petit séisme de Peille (Alpes
C. R. Acad. Sci. Paris, Sciences de la Terre et des planètes / Earth and Planetary Sciences 333 (2001) 105–112 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1251-8050(01)01615-9/FLA Géophysique interne / Internal Geophysics Les enseignements du petit séisme de Peille (Alpes-Maritimes, France) Françoise Courboulexa,∗ , Anne-Marie Duvalb , Anne Deschampsa , Antony Lomaxa, Christophe Larroquea,c a UMR « Géosciences Azur », CNRS–université de Nice, 250, av. Einstein, 06560 Valbonne, France b CETE Méditerranée, 56, bd de Stalingrad, 06300 Nice, France c Laboratoire de sciences de la Terre, université de Reims, CRA, 2, rue Garros, 51100 Reims, France Résumé – Le séisme de Peille (Mw = 3,4) s’est produit le 1er novembre 1999, à 15 km au nord des villes de Nice, Monaco et Menton. Ce petit séisme a été très bien enregistré par 20 stations sismologiques, situées entre 6 et 50 km de l’épicentre. Nous avons utilisé une méthode de localisation non linéaire, qui montre que ce séisme a eu lieu à faible profondeur (3 ± 1,5 km), près du tracé de la faille de Peille–Laghet. De plus, le mécanisme au foyer de ce séisme est cohérent avec le mouvement de décrochement sénestre le long de cette faille. En utilisant une méthode de déconvolution par fonctions de Green empiriques, nous montrons que la rupture a eu lieu sur une portion de la faille d’une longueur inférieure à 600 m. Ce séisme a également produit des effets de site remarquables, caractérisés par une amplification du signal sismique dans certains quartiers de la ville de Nice. 2001 Académie des sciences / Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS risque sismique / aléa sismique / séismes / effets de site / sismotectonique / Alpes / France 1. Introduction Dans les zones où la sismicité est modérée ou faible, les enregistrements de forts séismes sont rares, voire inexistants. Il est ainsi primordial d’extraire le maximum d’informations des séismes de faible magnitude, seuls témoins des mouvements brusques de l’écorce terrestre. Il y a quelques années, l’étude des séismes de faible magnitude était difficile dans le SudEst de la France, à cause de l’insuffisance des réseaux sismologiques. Cette difficulté demeure pour les séismes qui ont lieu en mer, mais, pour les séismes à terre, la région est maintenant bien couverte par les réseaux [1, 7]. Dans l’après-midi du 1er novembre 1999, un séisme de magnitude 3,4 ébranlait l’Est du département des Alpes-Maritimes. Bien que largement ressentie par les habitants de la vallée du Paillon, de la principauté de Monaco et de la ville de Nice, la secousse sismique n’a causé aucun dégât notoire aux constructions. L’intensité maximale relevée dans la zone épicentrale est de V sur l’échelle MSK [4]. Plusieurs raisons expliquent l’abondance et la qualité des données sismologiques disponibles pour le séisme de Peille : (1) ce séisme est localisé à terre et il bénéficie d’une couverture azimutale de stations satisfaisante ; (2) sa magnitude est suffisamment élevée pour que les accéléromètres situés dans les villes de Nice et de Menton se soient déclenchés et pour que le rapport signal sur bruit soit faible ; (3) sa magnitude est suffisamment faible pour éviter les problèmes de saturation régulièrement observés sur les stations à faible dynamique d’enregistrement lors de séismes plus forts. L’étude de ce séisme revêt, de plus, une importance particulière, puisqu’il a eu lieu à 15 km du centre de la ville de Nice, c’est-à-dire dans une zone de forte vulnérabilité. Figure 1. Sismicité de 1980 à 2000 (catalogue BCSF), principales failles reconnues comme actives [13], stations sismologiques permanentes et localisation du séisme de Peille. Figure 1. Seismicity from 1980 to 2000 (BCSF catalogue), main active faults [13], permanent seismological stations and location of the Peille earthquake. 2. Contexte géodynamique La Côte d’Azur a connu dans le passé de nombreux séismes, dont deux au moins ont causé d’importantes destructions (le séisme de Roquebillière de 1564 et le séisme ligure de 1887). Actuellement, on enregistre une activité sismique relativement importante pour une région de l’Europe de l’Ouest, avec en moyenne un séisme de magnitude supérieure à 4,5 tous les cinq ans et une microsismicité quotidienne (figure 1). La déformation active dans les Alpes est communément interprétée comme la conséquence de la convergence actuelle entre les plaques Afrique et Eurasie (6,2 ± 0,5 mm·an−1 suivant la direction N163 ± 9◦ à la longitude des Alpes occidentales, d’après DeMets et al. [8]). Cependant, de façon plus précise, la cinématique de la déformation actuelle est mal connue, en particulier à cause des structures tectoniques héritées de l’histoire alpine et du faible taux de déformation. Néanmoins, des indices morphotectoniques [5, 6, 9, 12, 13, 16] et sismotectoniques [1, 15] témoignent d’une déformation actuelle significative à la jonction Alpes–Bassin ligure. Une campagne récente de mesures géodésiques a permis de mettre en évidence un raccourcissement de l’ordre de 2 à 4 mm·an−1 , suivant une direction nord–sud entre le massif du Mercantour et la côte méditerranéenne, durant les 50 dernières années [3]. Le séisme de Peille est une preuve supplémentaire de l’activité de cette zone. 3. Étude du séisme de Peille 3.1. Les données Les majorité des 20 stations sismologiques utilisées dans cette étude appartient aux quatre réseaux permanents opérant dans les Alpes-Maritimes (figure 1) : six stations du Réseau accélérométrique permanent (RAP), cinq stations courte-période du Réseau national de surveillance sismique (ReNaSS), trois stations du réseau large bande régional (TGRS) et une station du laboratoire de géophysique du CEA (LDG). Quatre stations du CETE Méditerranée, installées temporairement dans la ville de Nice, ont aussi été utilisées, ainsi qu’une station appartenant à la principauté de Monaco. Le réseau pédagogique Aster implanté dans cinq collèges du département a également bien enregistré ce séisme, mais les données n’ont pas servi à cette étude. 3.2. Localisation : un cas test Une attention toute particulière a été portée à la localisation de ce séisme, puisqu’il se situe à l’intérieur du réseau de stations sismologiques permanentes du département des Alpes-Maritimes. Sa localisation sera ainsi une des meilleures que l’on puisse obtenir avec les seuls réseaux actuels. que 500 m constitue l’erreur absolue de localisation de ce séisme, puisque les tests réalisés avec trois modèles de vitesse pris dans la bibliographie nous donnent des localisations plus dispersées. L’erreur statistique sur chacun des résultats est peu différente, mais la dispersion des localisations obtenues permet d’évaluer une erreur plus réaliste de 2 à 3 km (figure 2). La précision sur la profondeur est plus difficile à obtenir. Elle est principalement contrainte par la station REVF, la plus proche de l’hypocentre (figure 3). La profondeur la plus probable d’après le programme NonLinLoc est d’environ 3 km (±1,5 km) ; il s’agit par conséquent d’un séisme superficiel, ce qui explique qu’il ait été aussi fortement ressenti. 3.3. Paramètres de la source Figure 2. Tracé de la faille de Peille–Laghet, épicentre et mécanisme au foyer du séisme de Peille. L’ellipse représente l’erreur réaliste sur la localisation. Figure 2. Trace of the Peille–Laghet fault, epicentre and focal mechanism of the Peille earthquake. The ellipse represents the realistic error on the localisation. Nous avons réalisé des tests sur plusieurs modèles de vitesse et différents logiciels de localisation, et avons choisi de présenter les meilleurs résultats dans cet article. Ces résultats sont obtenus avec le modèle de vitesse proposé par Bertil [2] pour cette zone et le programme de localisation non linéaire NonLinLoc développé par Lomax [14]. Cette méthode est basée sur un balayage systématique ou aléatoire (de type Monte-Carlo) de l’espace des solutions possibles. Elle permet d’obtenir la meilleure localisation possible avec un modèle de vitesse donné, en évitant les minima secondaires de l’inversion linéaire. De plus, cette méthode fournit une estimation performante de l’erreur. La meilleure solution place l’événement à une latitude de 43,805◦ N et une longitude de 7,362◦ E, c’est-à-dire dans la commune de Blausasc, à une dizaine de kilomètres au nord de Nice (figure 2). Dans le cas du séisme de Peille, l’incertitude sur le pointé est estimée inférieure à 0,02 s pour l’onde P et 0,2 s pour l’onde S. Le programme NonLinLoc donne une erreur statistique sur la localisation de 500 m environ, avec le modèle de vitesse utilisé. La forme elliptique de cette erreur (figure 2) est due à la répartition de stations, qui est meilleure dans la direction nord–sud que dans la direction est–ouest. Il serait néanmoins erroné de considérer Le mécanisme au foyer de ce séisme a pu être calculé avec les polarités des ondes P sur 19 stations. La solution obtenue avec un hypocentre à 3 km de profondeur correspond à un mécanisme en décrochement (figure 2). Il est important de noter que ce mécanisme au foyer est bien contraint pour un modèle de vitesse donné, mais qu’il varie de façon significative si l’on change le modèle de vitesse et la profondeur du foyer. Nous présentons la solution la plus représentative des différentes déterminations que nous avons effectuées. L’un des plans nodaux est orienté nord-nord-est et correspond à un mouvement sénestre sur la faille, l’autre présente un azimut ouest-nord-ouest et correspond à un mouvement dextre. Les quatre répliques enregistrées sont de faible magnitude, leurs enregistrements sont bruités sur plusieurs stations et ne permettent pas une localisation fiable, qui pourrait lever l’ambiguïté sur le plan de faille. Les arguments géologiques locaux ne sont pas non plus décisifs dans le choix du plan de faille actif. Il faut néanmoins noter que ce séisme a eu lieu à quelques kilomètres seulement de l’accident Peille–Laghet, de même orientation (figure 2), dont le mouvement sénestre récent est clairement identifié sur le terrain par l’analyse microtectonique réalisée sur des brèches plio-quaternaires [16]. Cette faille pourrait donc être potentiellement responsable du séisme de Peille. Néanmoins, d’autres manifestations de l’activité actuelle de cette faille sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse. Le moment sismique de ce séisme, obtenu en moyennant sur les stations bien calibrées la valeur du spectre en déplacement de l’onde P, est de 1,25·1014 N·m, ce qui équivaut à une magnitude d’énergie Mw = 3,4. Cette valeur est comparable aux magnitudes locales déterminées par les réseaux ReNaSS (Ml = 3,3) et LDG (Ml = 3,4). 5. Conclusions Le petit séisme de Peille, très bien enregistré par les réseaux sismologiques, montre tout d’abord que les efforts réalisés par les différents partenaires des réseaux RAP, TGRS et ReNaSS apportent des informations fondamentales pour l’étude de l’aléa sismique local et régional. Cette étude a montré que : – le séisme de Peille a eu lieu dans la commune de Blausasc, près du tracé en surface de la faille de Peille–Laghet, à une profondeur de 1,5 à 4,5 km ; – la magnitude d’énergie de ce séisme est égale à 3,4 ; – la rupture sur le plan de faille a duré 0,1 s, ce qui implique que la taille de la portion de faille activée par ce séisme est inférieure à 600 m ; – le mécanisme au foyer indique un mouvement décrochant compatible avec une réactivation de la faille de Peille–Laghet selon un mouvement sénestre ; – ce séisme met en évidence des effets de site importants en certains points de la ville de Nice. Cette étude montre que l’on peut extraire des informations riches d’un petit séisme, à condition qu’il ◦ soit enregistré sans saturation par des stations proches, bien réparties en azimut. Dans le but de mieux connaître la microsismicité de cette zone à forte vulnérabilité proche des villes de Nice, Menton et Monaco, un réseau temporaire de 20 stations sismologiques à grande sensibilité a été installé d’octobre 2000 à avril 2001. Nous espérons, grâce à ces données supplémentaires, pouvoir mieux identifier les failles actives de cette région et ainsi définir plus précisément le potentiel sismogène de la zone. Références [1] Béthoux N., Fréchet J., Guyoton F., Thouvenot F., Cattaneo M., Eva C., Nicolas M., Granet M., A closing Ligurian sea?, Pageoph. 139 (1992) 179–194. [2] Bertil D., Béthoux N., Campillo M., Massinon, B., Modeling crustal phases in southeast France for focal depth determination, Earth Planet. Sci. Lett. 95 (1989) 341–358. 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