Petites Affiches - Centre Europèen d`Arbitrage et de Mèdiation

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Petites Affiches - Centre Europèen d`Arbitrage et de Mèdiation
404e année - 6 FEVRIER 2015 - No 27 - 1,60 euro
ACTUALITÉ BIBLIOGRAPHIES ......................................................................... 2
REVUES DES REVUES ................................................................... 3
DOCTRINE DROIT DE L’ARBITRAGE .............................................................. 4
Mauro Rubino-Sammartano
L’Europe est-elle encore sur la crête de la vague
en arbitrage ?
JURISPRUDENCE PROCÉDURE CIVILE ..................................................................... 7
Jean-Grégoire Mahinga
La compétence juridictionnelle dans les contrats
de distribution exclusive : la fin de l’incertitude
(Cass. 1re civ., 19 nov. 2014)
CULTURE À L’AFFICHE................................................................................ 14
François Ménager
Platonov
VENTES PUBLIQUES................................................................... 15
Bertrand Galimard Flavigny
L’ibis momifié
www.petites-affiches.com
ÉDITION
QUOTIDIENNE
DES JOURNAUX
JUDICIAIRES
ASSOCIÉS
[ REPÈRES ]
¶ page 7
La compétence
juridictionnelle dans les
contrats de distribution
exclusive : la fin
de l’incertitude
Jean-Grégoire Mahinga
À partir de la jurisprudence
de la Cour de justice de
l’Union européenne, la Cour
de cassation vient d’admettre que les contrats de distribution sélective constituent
des contrats de fourniture de
services. Il s’ensuit que la
compétence judiciaire en la
matière est déterminée par
l’article 5, § 1er, b) du règlement Bruxelles I. La même
solution est transposable
dans le cadre de l’application de l’article 7, § 1er du
nouveau règlement Bruxelles I bis entré en vigueur depuis le 10 janvier 2015.
Rédaction (16 pages) - Annonces pour les départements 75, 92, 93, 94 (24 pages)
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JOURNAL AGRÉÉ POUR PUBLIER LES ANNONCES LÉGALES DANS LES DÉPARTEMENTS DE PARIS, HAUTS-DE-SEINE, SEINE-SAINT-DENIS, VAL-DE-MARNE
DOCTRINE
DROIT DE
L’ARBITRAGE
L’EUROPE EST-ELLE ENCORE SUR LA CRÊTE DE LA VAGUE
EN ARBITRAGE ?
L’article pose la question de savoir si l’Europe est encore sur la crête en arbitrage. Une comparaison
est faite entre l’arbitrage en Europe, aux États-Unis et en Asie. Vis-à-vis du nombre plus important de
procédures arbitrales aux États-Unis et en Asie, l’Europe, d’après l’auteur, joue un rôle très important
dans la contribution intellectuelle et compte plusieurs arbitres de premier ordre. L’Europe doit quand
même créer une culture plus large de l’arbitrage par le biais de la sensibilisation des citoyens
et par des cours de formation au niveau universitaire.
Le vieux et les nouveaux continents
Le vieux continent a connu des jours meilleurs. Depuis la glorieuse
civilisation grecque, l’Empire romain, Charlemagne, la Renaissance
italienne, la France de Louis XIV et l’épopée de Napoléon, l’importante contribution intellectuelle arabe, l’empire commercial de Venise,
l’hégémonie espagnole, il ne joue plus, depuis longtemps, son rôle
de centre du monde.
Il est légitime alors de s’interroger sur les causes de la fin de son rôle
de centre du monde et sur ses perspectives pour le futur.
La recherche des causes de ce changement est à la fois simple et
difficile.
Simple, si l’on se borne au parallèle entre le passage du temps pour
une personne et le passage du temps pour un pays et à ses conséquences. La vieillesse fait partie de la destinée de l’être humain ainsi
que des pays et ses conséquences sont normalement une réduction
progressive de leurs énergies, jusqu’à la fin de leur cycle.
Le même propos peut être tenu quant à un regroupement de plusieurs pays, tel qu’un continent et donc quant à l’Europe.
Difficile si l’on cherche à aller au-delà de ce parallèle quant à la
vieillesse et l’on s’efforce d’individualiser qu’est-ce qui cause cette
vieillesse, et donc ce qui cause la fin du succès d’un continent, sur
le plan économique, militaire, intellectuel et donc de sa civilisation.
Le besoin d’une analyse plus profonde est causé par le constat que
l’âge d’un pays pourrait ne pas jouer un rôle automatique sur sa
décadence.
En réalité, l’âge d’un pays, et donc même d’un continent, sera normalement la conséquence de la « vieillesse » non d’un seul individu,
ou de plusieurs d’entre eux, même si la population est soumise à
une rotation naturelle et donc l’âge des membres de cette population ne joue pas nécessairement un rôle déterminant.
D’après un avis assez répandu, le bien-être d’un continent contient
en soi l’élément négatif de l’apaisement de son élan.
Si on partage cet avis, le succès a en soi la prémisse d’une inversion
de tendance destinée à affecter, d’un côté, le plan matériel et donc
les résultats sur le plan économique et même militaire et, de l’autre,
le côté intellectuel et au-dessus de cela, l’élan spirituel, en un mot la
civilisation de ce continent.
Si l’on estime donc que l’affaiblissement progressif du succès d’un
pays est la conséquence de son succès, cette conclusion ne doit
s’appliquer nécessairement à un continent, du moment où l’affaiblissement d’un des pays de ce continent peut être contemporaine
au succès d’un autre de ces pays. Par exemple, la fin de l’empire
4 - Petites affiches - 6 FEVRIER 2015 - NO 27
romain est contemporaine aux progrès des Goths, des Wisigoths,
des Huns, des Lombards, et d’autres regroupements allemands en
général, qui, à leur tour, après des siècles de progrès, ont cédé la
place à Charlemagne. L’affaiblissement de l’Europe continentale au
XVIIIe siècle a, également, été accompagné par le succès de l’Angleterre.
La décadence d’un continent semble donc être un phénomène plus
complexe. Elle devrait se vérifier seulement au moment où tous les
pays qui en font partie ne jouissent plus de l’élan et donc des succès
que nous avons évoqués.
En revenant à notre temps, les États-Unis sont rapidement devenus
vers la moitié du XXe siècle une étoile montante et l’Asie joue un
rôle plus important de jour en jour.
En même temps, la mondialisation connecte maintenant de très nombreux endroits de notre planète, provoquant en même temps une
remarquable confusion.
En un mot, nous croyons que l’Europe a considérablement réduit
son rôle sur le plan international à partir du moment où elle a perdu
la foi dans des idéaux et est devenue la victime du matérialisme et
l’objectif d’une égalité à tout prix qui, au lieu d’élever ceux qui
étaient moins en haut, a baissé le niveau général.
À ce point-ci, il convient d’abandonner ces réflexions sociologiques
assez sommaires et d’entrer dans le vif de la question posée par le
titre de cet article, et de se poser la question en particulier quant à
l’arbitrage.
Il est légitime de se demander si l’Europe est en forme dans le
domaine d’arbitrage.
La recherche d’une réponse à cette question impose de se demander si l’Europe est toujours un réservoir d’intelligence même si elle
doit surmonter une crise générale ainsi que la difficulté d’unifier les
attitudes assez différentes de ses divers États.
Avant de proposer une réponse à cette question, procédons à une
analyse de ses différents aspects.
Certains d’entre nous peuvent avoir l’illusion que l’arbitrage est parfait, en se basant sur l’avis de Leibniz selon lequel « nous vivons
dans le meilleur monde possible ».
Sans manquer au respect dû au philosophe, il est suggéré que l’arbitrage est — comme la majorité des « productions » d’origine humaine — très loin de la perfection.
Imperfection qu’il convient de voir de façon positive car elle prouve
que nous avons l’occasion de faire encore beaucoup dans cette
direction.
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Créer une culture de l’arbitrage
Si le succès est conçu comme la réalisation, par une structure efficace, d’un but fortement voulu, le succès d’un pays — et encore
plus d’un continent — dans certain domaine, sera difficilement le
produit de quelque anachorète qui vivent sur une autre planète
vis-à-vis des intérêts du reste de la société.
Afin de développer l’arbitrage, il faut en connaître les bases et pour
ce faire, il faut tout d’abord se poser la question de savoir si l’arbitrage est suffisamment connu en Europe.
La réponse est nécessairement nuancée.
Les grandes entreprises, qui disposent de juristes d’entreprise bien
informés, connaissent l’arbitrage surtout pour leurs différends internationaux.
Quelques moyennes entreprises peuvent le connaître pour des raisons spécifiques, parce qu’il fait partie de son bagage culturel.
Les petites entreprises et les personnes privées connaissent certes le
mot arbitrage mais elles en ont une idée très vague.
L’Europe de l’Est est de plus en plus impliquée, mais elle n’a pas
encore utilisé son potentiel.
L’Europe du Sud, la Méditerranée et le Moyen-Orient
La zone de la Méditerranée et du Moyen-Orient est devenue un
intérêt majeur de l’Europe du Sud. La Cour européenne d’arbitrage
est active dans cette région depuis longtemps.
Chaque centre a tendance à avancer par lui-même et il y a très peu
de coopération entre eux.
Les centres d’arbitrage des États-Unis et de la Chine
L’association américaine d’arbitrage et les centres d’arbitrage chinois
(le pluriel est en effet depuis quelques temps approprié) peuvent
être considérés comme plus actifs que l’Europe dans son ensemble
(à l’exception de la CCI qui a, et a toujours eu, une place particulière
sur la scène internationale).
Un pourcentage très modeste de la société moderne connaît donc
les avantages de l’arbitrage (lorsqu’il est correctement administré).
Ceci vaut non seulement pour les arbitrages commerciaux internationaux, mais aussi pour les procédures arbitrales de droit interne
pour lesquelles il est encore moins utilisé.
Les centres américains et chinois gèrent — pour des raisons différentes — un très grand nombre de procédures arbitrales.
L’Europe doit donc acquérir une culture beaucoup plus large de
l’arbitrage.
Il serait inapproprié de se poser la question et, plus encore, de
prétendre pouvoir affirmer que l’Europe a ou non les meilleurs arbitres.
Formation et communication
Pour former des personnes à l’arbitrage, il faut l’enseigner dans toutes les universités (car ce n’est pas encore très répandu), organiser
des cours pour les professionnels du contentieux, et d’une manière
générale, identifier la meilleur façon de le faire connaître clairement
et de manière adéquate aux profanes.
Être meilleur pour la plupart des gens signifie avoir plus de succès
que les autres.
Ce programme ambitieux n’est actuellement ni général, ni unifié.
Cette tâche est laissée à un nombre limité d’universitaires et aux
centres d’arbitrage. L’Union européenne intervient de temps en temps
mais, pour le moment, elle est plus focalisée sur la médiation.
Centres d’arbitrage – Europe centrale, orientale
et occidentale
L’administration de l’arbitrage, mais aussi la tâche de créer une culture de l’arbitrage sont généralement connues pour être essentiellement entre les mains des centres d’arbitrage.
Les arbitres européens et les autres arbitres
Le succès devrait être mesuré sur la base du but que l’on s’est fixé.
Pour certains, le succès se mesure par l’argent que l’arbitre est capable de gagner. Pour d’autres, le succès signifie être très reconnu
dans la communauté de l’arbitrage. Pour d’autres, il suffit de satisfaire sa propre vanité.
Pour d’autres encore, cela signifie contribuer à réaliser l’objectif de
l’arbitrage, d’être au service des usagers, vivre les défis de l’arbitrage
et être capable d’en chercher toujours des améliorations, en d’autres
termes, d’opérer au-delà de son propre intérêt personnel.
Chacun peut alors croire avoir du succès, sur la base de sa réussite
vis-à-vis de son propre objectif, quel que soit le niveau de celui-ci.
Je n’oserais dire que les meilleurs arbitres, dans un ou l’autre de ces
sens, ont été ou sont Européens.
Les plus anciens centres d’arbitrage en Europe sont la CCI à Paris,
le Chartered Istitute of Arbitration à Londres, l’Institut de Stockholm,
la London Court of International Arbitration et la Cour européenne
d’arbitrage à Strasbourg.
Mentionner tous les arbitres de premier ordre pourrait être long.
Hans Smit et Rusty Parker, simplement pour donner quelques exemples, sont pour nous du même niveau de Pierre Lalive et de Pierre
Mayer.
Au cours des dernières décennies, beaucoup d’autres centres ont vu
le jour.
Nous nous bornerons donc à suggérer que de nombreux arbitres
européens sont excellents.
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Petites affiches - 6 FEVRIER 2015 - No 27 - 5
D OCTRINE
DROIT DE L’ARBITRAGE
Contribution intellectuelle au développement
de l’arbitrage
Un domaine où la contribution de l’Europe semble très importante
est sa participation active au débat intellectuel qui passe par les
manuels scolaires, les articles, les décisions judiciaires, les sentences
et les débats.
Les aspects négatifs du pre-trial discovery (c’est-à-dire l’obligation
de communication complète des pièces préalablement à la tenue
du procès) et de la quantité souvent énorme des pièces en question
ont été fortement soulignés en Europe.
Plusieurs autres questions importantes ont été soulevées en Europe
concernant l’arbitrage.
Parmi elles, on peut citer la règle Kompetenz-Kompetenz, les règles matérielles de droit international privé à appliquer à l’arbitrage
international, et en particulier à sa convention d’arbitrage, une notion de l’arbitrage international (en fonction d’un critère de procédure), une analyse détaillée des différents aspects du rôle des arbitres nommés par les parties, le rappel aux arbitres que leur rôle est
de servir et non d’être admirés, ni de percevoir des honoraires les
plus élevés possible ou de rédiger la décision arbitrale comme un
exercice intellectuel brillant qui impose l’admiration.
6 - Petites affiches - 6 FEVRIER 2015 - NO 27
La nécessité d’un engagement exprès de l’arbitre envers les parties
a été exprimée.
L’obligation de l’arbitre de prendre dûment en compte l’avis des
parties sur plusieurs questions, par exemple, s’il est permis aux parties et à leur conseil de s’entretenir avec les témoins et même de les
préparer, a été soulignée.
La nécessité d’identifier des solutions pour éviter ou réduire ces
problèmes a également été largement débattue en Europe.
La contribution européenne à tous ces thèmes est — nous nous
permettons de le souligner — de tout premier ordre.
Conclusion
À la fin de cette étude assez sommaire, et en guise de conclusion,
nous croyons que l’on peut dire que si l’Europe n’est pas en tête en
termes du nombre de procédures d’arbitrage, elle est en première
ligne dans ce débat intellectuel sur l’arbitrage et elle dispose d’un
grand nombre de bons arbitres.
Mauro RUBINO-SAMMARTANO
Président de la Cour européenne d’arbitrage
Chartered arbitrator
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