Lecture analytique Introduction : Laurent Gaudé est un passionné

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Lecture analytique Introduction : Laurent Gaudé est un passionné
Lecture analytique
Introduction :
Laurent Gaudé est un passionné de théâtre, dramaturge et comédien. Il reçoit le prix Goncourt en 2004 pour son
roman Le Soleil des Scorta.
La mort du roi Tsongor est un roman contemporain qui a reçu le prix Goncourt des lycéens en 2002. Il met en scène
une Antiquité imaginaire et reprend le schéma de la Guerre de Troie. Il retrace l’histoire imaginaire du haïssable et
vénéré roi Tsongor. Après sa mort, sa descendance s’entre-déchire et connaît les souffrances de la guerre, le
fratricide, l’errance et la honte.
Problématique : comment le narrateur parvient-il à présenter à la fois le caractère humain et inhumain de ses
personnages ?
Axe 1 : une scène d’affrontement guerrier
Arg 1 : une épopée moderne
Gaudé reprend les caractéristiques propres à l’épopée.
La troupe des cendrés mené par Sango Kerim s’oppose à la garde spéciale de Tsongor mené par Liboko.
On relève le champ lexical de la bataille, notamment les indications sonores du premier paragraphe : « les cris »,
« les hurlements », « les appels », « les insultes », le « cliquetis » qui s’opposent au « doux murmure des fontaines » l
19 lorsque la paix régnait.
Le combat prend une dimension collective : l 39 « la bataille faisait rage autour de lui » ; l 40 « une fureur profonde
souleva les hommes »,l 41 « ils poussèrent de toute leur force les cendrés » + L’amplification épique, notamment
l’affrontement entre Liboko seul, et les Cendrés, ensemble collectif indéterminé. → grossissement épique.
La prise de la porte de la Chouette est symbolique : elle représente à elle seule toute la ville. Si elle cède, c’est tout le
système de défense qui est mis à mal.
Arg 2 : les guerriers : des monstres sanguinaires
La comparaison des guerriers en monstres sanguinaires est un des éléments qui nourrissent le registre épique. On
retrouve dans cet extrait des guerriers animés d’une « fureur » insatiable ( terme répété aux lignes 23 et 40).
Les Cendrés sont comparés à des ogres ligne 6 puis à des « géants » ligne 9.
Liboko est comparé à un démon : « comme un démon » ( l 19 ), déchaîné aux pouvoirs surhumains. Ses
victimes sont radicalement démembrées sous ses coups : « Il perça des ventres, sectionna des membres . Il
transperça des torses et défigura des hommes. » et nul ne semble pouvoir résister à ses « charges ».
Plus loin c’est Orios qui devient monstrueux : « Un puissant grognement de satisfaction sortit de la poitrine »
l 34. Le terme grognement a une connotation animale. Orios comme Achille incarne l’héroïsme des guerriers
de l’Antiquité qui ne reculent devant rien pour défendre leur honneur. Il est dominé par la fureur et la rage.
Le visage de Liboko est « un cratère de chair », métaphore qui signale la violence du coup.
L’expression de la rage et de la fureur jalonne le texte :
La « rage » illumine le visage de Liboko ligne 15 ; « la bataille faisait rage autour de lui » ligne 40 .
Le champ lexical de la mort parcourt le texte : « les corps gisaient au pied des murailles », « les cendrés
écrasèrent les gardes », « ils tuaient tout sur leur passage », « liboko « éventr[e] les lignes ennemies, « les
ennemis tombaient à la renverse ».
Gaudé reprend le thème du rite funéraire important sous l’Antiquité.
Les Anciens accordaient une grande importance à la cérémonie de sépulture. Elle se déroulait selon un rite
immuable : toilette du défunt, exposition du mort au milieu des lamentations, transport du mort vers la nécropole
puis incinération sur un bûcher ou inhumation et enfin repas funèbre. On plaçait dans la bouche du défunt des
pièces destinées à payer le passeur Charon . Le rituel est indispensable car si on laisse le mort sans honneurs
funèbres, il est condamné à devenir une âme errante qui viendra hanter les vivants. Ici la garde spéciale de Liboko
veut récupérer son corps pour l’ « enterrer avec ses armes auprès de son père » l 43.
Axe 2 : Liboko, un personnage tragique
Arg 1 : Liboko, un personnage tragique
Liboko est un personnage tragique mais pas seulement parce qu’il meurt dans le passage. Il l’est également parce
qu’il est à la fois victime et coupable : en effet il n’est pas seulement celui qui est tué par Orios, il a lui aussi pris part
à l’affrontement et a choisi son camp. Mais son sort est encore plus tragique parce qu’il est resté humain jusqu’au
bout. Alors qu’il reconnaît Sango Kerim, il ne peut se résoudre à le tuer. Malgré la haine qui anime les deux camps,
Liboko reste profondément attaché à son ami. Cela lui coûte la vie.
Arg 2 : le caractère néanmoins humain des personnages
On voit que la notion d’héroïsme varie en fonction des époques et des cultures. Liboko fait preuve de plus
d’humanité et semble moins constant dans ses choix : renonçant à frapper Sango Kerim, il renonce à défendre son
camp contre l’ennemi. Mais sa faculté d’aimer et de pardonner relève d’une autre forme d’héroïsme plus moderne.
L’euphémisme « la vie l’avait déjà quitté » l 33 atténue un temps la violence des combats.
L’humanité de Liboko se manifeste de manière inattendue. L’adverbe « soudain » l 25, l’intervention du passé simple
« il suspendit », l 25, l’accumulation de phrases brèves et nominales à partir de la ligne 25 semblent marquer un
temps d’arrêt. L’action s’interrompt brutalement et le guerrier redevient un homme devant Sango Kerim, jadis son
ami. (« le visage de cet homme ….son ami »). Les bras cessent de frapper (« il ne pouvait se résoudre à frapper » l 30,
les yeux se croisent ( « leurs yeux se croisèrent » l 28), les visages se sourient avec douceur (« il sourit doucement ») l
30 et les larmes, si proprement humaines rejaillissent : Sango Kerim « pleur[e] sur Liboko. La métamorphose des
féroces guerriers en êtres humains contribue au registre pathétique. C’est au moment où de tendres sentiments
renaissent que la barbarie s’acharne : l’amitié est anéantie sous les coups d’Orios. Les héros, soudain fragilisés par le
brusque retour de leurs émotions d’antan, sont vaincus sans pitié et c’est au moment où l’on voit apparaître une
lueur de paix que la guerre s’impose de plus belle. Le lexique hyperbolique de la violence physique et morale est à la
fois source de compassion et de dégoût : Orios « écrasa » le visage de Liboko qui « s’affaissa » puis s’ « effondra » à
genoux.
Conclusion :
Gaudé a emprunté pour ce passage les ressorts des scènes de bataille des récits antiques. Dans les deux extraits, il
s’agit de corps à corps qui se terminent dans le sang. Rien n’est épargné au lecteur des coups et de la souffrance
physique et morale des héros.
Ouverture : passage à rapprocher de Troie de Wolfgang Peterson et L’Iliade ( VIIIème av. J-C.) d’Homère.

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