Monsieur Christophe BARBIER Directeur de la rédaction de l
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Monsieur Christophe BARBIER Directeur de la rédaction de l
Monsieur Christophe BARBIER Directeur de la rédaction de l’Express 29 rue de Châteaudun 75009 Paris Paris, le 14 décembre 2011 Le Barbier des vanités Qui est le plus vaniteux de nous deux Monsieur Barbier? Monsieur Barbier, vous nous donnez ce matin dans l’Express une bien belle leçon de démocratie. Aux Français qui pensaient qu’eux seuls, par le suffrage universel direct, pouvaient choisir l’homme politique le plus à même de les représenter à la Présidence de la République, vous expliquez, en toute simplicité et avec une grande humilité, qu’ils se trompent. La légitimité d’un candidat à l’élection présidentielle ne viendrait plus du peuple, que l’on ne juge sans doute pas assez au fait des affaires du monde pour être en capacité de décider seul, mais des sondeurs et de quelque observateurs reconnus, acteurs intouchables de cette belle société parisienne bienpensante qui aime tant jouer les faiseurs de rois. Tous ces beaux esprits qui avaient choisi Balladur, Jospin, Ségolène Royal et accablé de leur mépris leurs concurrents. Tous ces beaux esprits qui avaient confisqué la démocratie avant que le débat et la campagne des primaires socialistes n’amènent les Français à les contredire. Peuple de France, dormez tranquille, vaquez à vos occupations, le temps venu, les leaders d’opinion vous diront ce qu’il convient de penser, et pour qui vous devez voter. A vous, Monsieur Barbier, qui vous octroyez cet inestimable pouvoir de distribuer bons et mauvais points, je ne disputerai jamais le droit d’analyser et de critiquer les idées que je défends, où même de les trouver « grotesques », pour reprendre le mot que vous employez. En revanche Monsieur Barbier, je vous dispute le droit d’expliquer à vos lecteurs que le seul sentiment qui me guide est celui de la vanité. Je me bats pour porter un projet pour la France, pour lancer des idées nouvelles pour sortir de la crise, pour offrir une autre vision de l’économie, de l’Europe, de l’éducation. Je me bats pour que le centre droit, famille politique qui est la mienne, puisse proposer aux Français ses valeurs d’ouverture et d’humanisme. Hervé Morin 2012 84 rue de Grenelle 75 007 Paris Quelle idée vous faites-vous de la démocratie pour oser dire que des candidats à l’élection présidentielle sont « grotesques », simplement parce qu’ils ne sont pas adoubés par le dernier baromètre Ifop ou le dernier sondage Sofres ? Quelle idée vous faites-vous de la démocratie pour penser que vous pouvez décider à la place des Français ? Au lieu de nous donner des leçons de votre confortable bureau installé au cœur du milieu parisien bien-pensant, respectez nos institutions et les électeurs ! Ce n’est pas à vous, ni aux sondeurs, de choisir, c’est aux électeurs ! Et pour que les Français puissent le faire, encore faudrait-il que le monde des médias dont vous faites partie accepte de leur donner des informations objectives sur les projets politiques qui leur sont proposés, plutôt que de clouer au pilori ceux qu’ils n’estiment pas dignes de faire partie de leur monde. Un conservatisme intellectuel bien curieux venant du directeur de l’Express, du successeur de Jean-Jacques Servan-Schreiber et de Françoise Giroud. Permettez-moi de vous dire que vous faites donc fausse route. La vanité, si j’en crois sa définition dans le dictionnaire, est la satisfaction de soi-même, le sentiment d’orgueil. Vous n’imaginez pas à quel point un candidat à l’élection présidentielle se remet en question chaque jour. Vous n’imaginez pas à quel point il faut avoir des convictions fortes pour oser les défendre et oser affronter ces faiseurs de rois qui ont pour seule occupation de vous juger sans même prendre le temps de se pencher sur ce que vous proposez. Contrairement à ce que vous pensez, ce n’est pas la vanité qui me guide. Mais la force de mes convictions. Maintes fois dans ma vie politique, j’ai lu dans le regard des autres le mépris et la condescendance. Je l’ai lu aussi ce matin sous votre plume. Je ne peux m’empêcher de penser que vous êtes satisfait de vous-même aujourd’hui. Et je ne peux m’empêcher de me demander qui est le plus vaniteux de nous deux. Hervé MORIN Hervé Morin 2012 84 rue de Grenelle 75 007 Paris