Les mâchoires du passé

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Les mâchoires du passé
Les mâchoires du passé
GENCOD : 9782848781310
PASSAGE CHOISI
Extrait du prologue
MICKEY BAUDIGAN ROULAIT EN DIRECTION DE TAHOE. Le boss lui avait fait dire de venir,
à lui et à Willie Dock, des chiens dociles, ils arrivaient.
Mahiatso, le garde du corps, avait transmis la convocation. Baudigan gardait en mémoire le
ton arrogant de l'Asiatique, la façon qu'il avait eue de s'exprimer en faisant bien sentir qu'il
était la voix du patron. La voix de son maître !
On ne plaisantait pas avec Mahiatso ! On ne plaisantait jamais avec Mahiatso. Il se rappelait
le type de Bakersfield, un gros con de cow-boy. Il avait dit «sale Viet, t'es qu'un sale Viet».
Mahiatso l'avait regardé en souriant et puis, toujours en souriant, il était sorti en faisant signe
au type de le suivre. Le Japonais n'avait jamais cessé de sourire. Il avait jeté le gros cow-boy
à terre aussi facilement qu'il l'aurait fait d'une lycéenne. Sans cesser de sourire il avait sorti
son gun et lui avait explosé les rotules. Bang, bang, salut !
L'autre maintenant avait droit aux places pour handicapés, à vie. Tout ça parce qu'il avait bu
un verre de trop et que Mahiatso ne pouvait pas voir les Vietnamiens. Mahiatso n'avait aucun
humour, jamais personne ne plaisantait lorsqu'il était là.
- Le patron veut vous voir aujourd'hui.
- Aujourd'hui ?
- Aujourd'hui. Il a dit : vous et Willie Dock.
C'était plus que la voix, c'était aussi l'accent asiatique de Mahiatso qui l'agaçait. Il avait
toujours l'impression que l'autre se foutait de lui. Peut-être que ce n'était pas qu'une
impression.
L'Asiatique - il ne savait pas s'il était Japonais ou Coréen-, l'Asiatique était très dangereux, il
était le plus dangereux, le plus vicieux de tous les gardes du corps de Livermore. Livermore,
c'était le patron.
Baudigan avait réveillé le gros Dock et ils étaient partis, toutes affaires cessantes, pour
Tahoe.
- Qu'est-ce qui se passe ? avait demandé Dock.
- C'est ton gendre, il a encore déconné.
- Mon gendre ?
- Oui, ton gendre. J'ai appelé la boîte, il s'est fait piquer la recette.
- Comment ça ?
- Comment ça ? comment ça ? mais comme un con ! comment ça ?» Baudigan s'était mis à
taper à coups de poing sur le volant. Il avait regardé Willie Dock. «Comme un gros connard
de bon à rien !»
Willie Dock avait préféré la fermer. Le trajet s'était poursuivi dans un épais silence.
Ils passèrent Sacramento, aperçurent au loin les superstructures des cargos à quai dans le
port. La tension était palpable. Les deux hommes, au-delà de leur colère, avaient peur. Ils
avaient diablement raison d'avoir peur. On - quelqu'un, un fou !-avait volé Livermore. Le vol
avait eu lieu dans leur zone, sous leur responsabilité. Ils allaient voir de très, très près ce que
Livermore entendait par : être responsable.
Ils remontèrent la «80» pendant deux bonnes heures. Ils traversèrent de vastes étendues
herbeuses, puis des hectares et des hectares de plantations d'arbres fruitiers avant de
rentrer dans la forêt et de s'élever vers les sierras. A l'approche du lac, ils prirent à droite vers
Tahoe Vista et arrivèrent devant la grille de la propriété, quatre heures après l'appel de
Livermore. La grille s'ouvrit. Des types leur firent signe d'aller se garer devant la maison, trois
miles plus loin. La propriété était immense. Ils arrêtèrent leur voiture sur une étendue
gravillonnée où étaient déjà stationnées deux autres bagnoles, une Mercedes gris métallisé et
un gros 4x4 noir.
INTERVIEW DÉCALÉE
1) Qui êtes-vous ? !
Je suis né à Tunis en 1949. Rentré en France à l'âge de six mois, j'ai passé mon enfance en
Creuse et vis actuellement en région parisienne. Au niveau professionnel, j'ai un diplôme
d'infirmier, ai exercé quelque temps, puis suis retourné sur les bancs de la fac. Après un
master en psychologie, je suis devenu consultant en entreprise.
Si je devais me définir, je dirais que je suis quelqu'un qui aime changer, vivre des expériences
nouvelles, les comprendre pour s'enrichir.
2) Quel est le thème central de ce livre ?
Une enquête policière sur fond de culture basque. Une recherche dans un univers que le
héros ne maîtrise pas, ne connaît pas, une autre langue, un autre monde, un environnement
rural que le citadin a du mal à décoder. Quelques dialogues sont en basque, pour certains je
propose la version française en annexe, pour d'autres il y a seulement la version basque, pas
seulement pour faire couleur locale, pour faire percevoir au lecteur la perplexité de
l'enquêteur.
3) Si vous deviez mettre en avant une phrase de ce livre, laquelle choisiriez-vous ?
Le coup de fusil explosa plus brutalement qu'un coup de tonnerre. Je me figeai gardant
toutefois le bâton à la main.
Quelqu'un cria :
- Zer gertatzen da hor ? (Qu'est-ce que c'est que ce bordel ?)
- Que dites-vous ? demandai-je.
4) Si ce livre était une musique, quelle serait-elle ?
Une balade Irlandaise, dans le genre de «Fairytale of new York» pour l'ambiance, le climat.
Un rythme enlevé et décalé comme les chansons cajuns popularisées par Zachary Richard et
son accordéon diatonique, ces ritournelles où on a l'impression de comprendre les paroles
sans avoir accès au contexte qui en a guidé l'écriture.
5) Qu'aimeriez-vous partager avec vos lecteurs en priorité ?
L'intrigue bien entendu, mais surtout les hésitations du narrateur, son questionnement, et son
étonnement en découvrant le pays basque en Amérique.
6) Avez-vous des rituels d'écrivain ? (Choix du lieu, de l'horaire, d'une musique de fond) ?
Écrire est une activité contraignante comme n'importe qu'elle activité professionnelle.
Probablement que les contraintes suscitent, aident la création. Je bloque des plages de
temps, des semaines uniquement consacrées à ça. Pendant ces périodes, écriture entre 8h
et 13h, ensuite repas, pause, balade et retour devant le clavier vers 18h.
Churchill a dit :»L'écriture est une aventure. Au début c'est un jeu, puis c'est une amante,
ensuite c'est un maître et ça devient un tyran.» Pour le moment j'en suis à la phase amante.
La maitresse que l'on retrouve sans cesse avec plaisir, à qui l'on pardonne les caprices et les
exigences pour le bonheur qu'elle donne.
7) Comment vous vient l'inspiration ?
Elle prend ses racines dans l'histoire, dans l'actualité, dans des riens du tout du quotidien, un
rêve, une sensation, une image, une odeur... Les histoires arrivent les unes après les autres,
parfois en même temps, elles se font, se défont, se mélangent. Lorsque l'une est prête je me
laisse guider, un peu comme si je me mettais à son service, à celui des personnages...
8) Comment l'écriture est-elle entrée dans votre vie ? Vous êtes-vous dit enfant ou
adolescent «un jour j'écrirai des livres» ?
J'ai toujours cherché à écrire le fruit de mes rêveries. Des chansons, des haïkus, des
scénarios de jeux de rôle, des exercices pédagogiques (pour le boulot), des histoires
inventées pour endormir mes enfants. En 1987 j'ai participé à un ouvrage sur le discours
politique «Je vous ai compris» publié chez Armand Colin.
Le thriller est probablement arrivé comme un prolongement naturel des scénarios de jeux de
rôle. La construction en est très proche.
9) Vous souvenez-vous de vos premiers chocs littéraires (en tant que lecteur) ?
Difficile de les nommer tous, spontanément je dirai Jules Verne, Conan Doyle, Jack London,
Fenimore Cooper pour les grands anciens puis Robert Merle, Graham Green, Pierre Boule,
Dennis Lehane, Lawrence Block, James Lee Burke, pour les plus récents. J'ajouterai une
place pour Hergé et une autre pour François Bourgeon.
10) Savez-vous à quoi servent les écrivains ? !
Mon premier roman, «Méfie-toi d'Assia» est arrivé en final du prix intramuros de Cognac. Le
jury de ce prix, créé en 2005 dans le cadre du Salon "POLAR & CO" de Cognac est composé
de détenus d'établissements pénitenciers du Poitou-Charentes (Bédenac, Niort, Rochefort,
Saintes, Angoulême et St-Martin-de-Ré).
J'ai donc, dans le cadre de ce prix, rencontré plusieurs groupes de détenus dans les
bibliothèques des prisons. Je ne sais pas si leur vision de l'écrivain est la bonne, je ne sais
pas si elle est universelle. Nos textes en tout cas représentent la seule évasion permise, la
moins chère, la plus simple... lire s'est s'évader, aller ailleurs, dans un autre univers, se
permettre d'aspirer à un autre quotidien.
Si être écrivain sert à ça, si c'est être le moins cher des rêves autorisés, c'est déjà pas mal...
11) Quelle place tiennent les librairies dans votre vie ?
Les librairies sont des lieux à la bonne odeur de papier, de joyeuse organisation anarchique,
des lieux de convivialité, d'échange, des endroits dans lesquels on s'échappe du quotidien.
Elles sont le prolongement du texte... un lieu de rencontre.
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