1 LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DU PAYS DOGON
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1 LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DU PAYS DOGON
LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL DU PAYS DOGON: DYNAMIQUES PARTENARIALES ET PERSPECTIVES DE GESTION DURABLE DU SITE Monsieur Lassana CISSE Conservateur du patrimoine 1. Introduction : Le site des Falaises de Bandiagara a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO en 1989 en tant que Bien mixte (culturel et naturel). C’est une superficie de 4000 Km2 qui a été délimitée et dans laquelle sont compris près de trois cent villages regorgeant d’un patrimoine architectural riche et varié. En 1994, une structure de gestion déconcentrée du site fut mise en place pour conserver et mettre en valeur les éléments du patrimoine matériel et immatériel du pays dogon. Il s’agit de la Mission Culturelle de Bandiagara. De sa création à maintenant la Mission Culturelle a initié des programmes et projets visant à contribuer à une conservation durable des valeurs patrimoniales du site classé. Aussi a-t-elle développer une politique de partenariat dynamique dans le cadre de la coopération culturelle bi ou multilatérale. Parmi les actions de coopération et d’intervention, il convient de citer celles mener en collaboration avec : - l’Université Technique de Konstanz (Allemagne): inventaire et documentation de l’architecture traditionnelle dogon (1995 – 1996) - le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO : inventaire et lutte contre le trafic illicite des biens culturels - la coopération culturelle avec les Pays-Bas à travers le Musée National d’Ethnologie de Leiden et l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas au Mali. Cette coopération culturelle avec les Pays-Bas, spécifiquement dense et fructueuse, matérialisée par un Protocole d’accord entre le Musée National d’Ethnologie de Leiden et le Ministère malien de la Culture, a déjà fait des résultats concrets exemplaires dans le domaine de la gestion du patrimoine culturel immobilier, surtout dans la région du delta intérieur du Niger et sur le plateau et la falaise de Bandiagara. Etendu au pays dogon en 2004, le projet de conservation du patrimoine monumental du Mali est le prolongement logique d’activités de ce genre réalisées sur le patrimoine architectural en terre de la célèbre ville de Djenné entre 1996 et 2003. Il a été financé par la coopération néerlandaise représentée au Mali par l’Ambassade du Royaume des Pays-Bas à Bamako. Dans sa phase précédente, il a couvert le site du pays dogon inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO et dont le patrimoine, à l’instar d’autres sites importants du Mali, connaît un dépérissement progressif à cause de certaines mutations socioculturelles importantes. Le projet au pays dogon qui a été mis en œuvre par la Mission Culturelle de Bandiagara, a pris fin en 2006, début 2007. Il visait à contribuer à la conservation et la mise en valeur de certains sites du pays dogon dont le patrimoine architectural exceptionnel se trouve menacé par des facteurs à la fois endogènes et exogènes. Il comporte essentiellement deux volets : - la réhabilitation de l’architecture ancienne de deux localités (sites de Téli et Kani Kombolé) ainsi que l’aménagement d’un grenier préhistorique du couloir de Pégué non loin de l’agglomération de Sangha 1 - la conservation préventive de deux sites villageois dans l’aire culturelle du Pignari ou (Kolun), à savoir Bolimmba et Niongono. Les résultats de ce projet au pays dogon sont très encourageants, vu la forte mobilisation des communautés de site qui ont pleinement participé aux travaux d’entretien et de restauration. 2. Le projet «Renforcement des capacités locales pour une meilleure contribution du secteur de la construction au développement durable du pays dogon » MCB – RADEV – CRATerreENSAG. A la suite de ces différents programmes et pour maintenir la dynamique de politique de préservation du patrimoine immobilier enclenchée, la Mission Culturelle de Bandiagara est en train de mettre en œuvre un autre programme de conservation et de valorisation des cultures constructives sur le site. Initié en étroite collaboration avec l’association française CRATerre – ENSAG (Centre de recherche sur l’architecture de terre – Ecole Nationale d’Architecture de Grenoble), ce projet d’une durée de trois ans, a bénéficié d’un financement de l’Union européenne, dans le cadre de son programme «cofinancement avec les ONG européennes de développement actions dans les pays en développement (PVD)». Il a démarré en mars 2007. La présente communication va présenter essentiellement ce projet dans ses grandes lignes tout en essayant de développer les actions de convergence pour créer une synergie indispensable à la conservation durable des valeurs patrimoniales du site classé. Les Falaises de Bandiagara sont un site exceptionnel où l'homme a su tirer intelligemment et durablement partie d'un environnement hostile qui l'a aussi longtemps préservé des agressions extérieures. Cette intelligence de l’exploitation de l’espace, ce rationalisme dans l’utilisation des ressources se lit dans l’architecture et l’aménagement du territoire et créent une harmonie toute particulière qui attire des touristes venus du monde entier. De plus en plus, cette dynamique touristique contribue à l’économie locale, mais de nombreux projets de développements récents, et notamment ceux qui ont des composantes de construction d’infrastructure tendent à détruire les valeurs culturelles et paysagères. A terme, le potentiel touristique pourrait être complètement détruit. Le projet se propose donc de maintenir l’important potentiel touristique du pays en proposant des modèles de construction qui valorisent mieux les cultures constructives locales et qui s’intègrent en continuité avec l’harmonie de l’existant. Ce projet se justifie par le fait qu’il vise effectivement la réduction de la pauvreté au travers du renforcement des capacités d’institutions et ONGs maliennes, mais aussi et surtout en proposant : - des solutions techniques permettant une réelle amélioration des conditions de vie (amélioration de l’habitat) des populations - des solutions techniques proches de celles déjà maîtrisées par les populations locales et qui seront donc facilement acquises par les professionnels du bâtiment, les tacherons et autres bâtisseurs, et qui permettent de mettre en valeur ces savoirs et savoir-faire locaux ; ce qui permet de redonner fierté et confiance en ses capacités propres. 2 - des solutions techniques qui valorisent l’utilisation des matériaux locaux, et qui, peu onéreux, voire disponibles gratuitement, permettent des réalisations d’ampleur à moindre coût. 2.1. Objectifs du projet : Le projet vise le lancement d’un processus permettant à terme de sauvegarder l’identité et les valeurs paysagères exceptionnelles du pays dogon et donc de conserver intact son énorme potentiel de développement touristique et économique. Le tourisme en pays dogon est un tourisme dit culturel qui, le plus souvent, se développe dans une perspective de développement local durable, ce qui permet d’envisager d’importantes retombées économiques pour une large frange des populations locales et par ricochet une amélioration de leurs conditions de vie. Le tourisme est une alternative viable au problème de manque de disponibilité de terres cultivables. Il permet aussi le développement des productions artisanales qui permettent déjà a beaucoup de personnes de ce métier de subvenir à leurs besoins sans qu’il n’y ait trop de pression sur l’environnement. 2.1.1. Objectifs globaux: Objectifs globaux : - Contribuer à l'amélioration des conditions de vie des populations et des communautés du site classé du pays dogon ; - Contribuer à la sauvegarde de l'harmonie du paysage culturel et à sa valorisation au profit du développement local 2.1.2. Objectif spécifique: - Renforcer les capacités de la Mission Culturelle de Bandiagara et de l'ONG RADEVMali pour leur permettre de bien orienter les initiatives des autres acteurs vers une mise en valeur des cultures constructives et paysagères de la Falaise de Bandiagara qui présentent un fort potentiel pour le développement local. Les groupes cibles du projet sont le personnel de la MCB et de RADEV, les décideurs, les élus locaux, les services techniques municipaux, les services déconcentrés de l’Etat, les professionnels du bâtiment les prescripteurs, la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage publique et privée. Les bénéficiaires finaux du projet sont les habitants du site classé 2.2. Principales activités du projet : Elles s’articulent autour de programmes de formations, séminaires et ateliers, campagne d’information et de sensibilisation, développement et édition de documents techniques et méthodologiques, site Internet 2.2.1. Activités d’inventaire des cultures constructives Cette activité correspond à un travail de documentation et d'enquêtes complémentaires concernant les cultures constructives, l'architecture, l'urbanisme et les pratiques de construction courantes du pays dogon. Un important travail documentaire a été réalisé sur l'architecture et l'urbanisation locale, il s'agit d'en faire une synthèse utilisable et de la compléter pour avoir une base de connaissance partagée qui soit utile au travail d'encadrement et d'accompagnement des projets de construction. Un accent particulier sera mis sur les 3 matériaux locaux afin de faire des recommandations sur l'exploitation des ressources naturelles et leur utilisation rationnelle et durable. 2.2.2. Elaboration d'un cahier de prescriptions techniques Cette activité va déboucher sur la rédaction d'un cahier de prescriptions techniques destiné aux constructeurs, à leurs clients et donneurs d'ordres pour leur permettre de connaître et respecter les bonnes pratiques en matière d'utilisation des matériaux locaux pour la construction, la conservation et l'aménagement de l'espace en pays dogon. Ce travail sera effectué par le personnel expatrié de CRATerre, le personnel de la Mission Culturelle et de l’ONG RADEV avec le soutien de missions d'expertise sur place. Cette activité va bénéficier d'autres activités mises en place par le projet et l'apport des groupes cibles concernés. 2.2.3. Organisation de modules de formation courts pour les professionnels du bâtiment et la maîtrise d'ouvrage Ces modules de formation-initiation courts, d'une journée visent à donner les bases d'informations concernant : - les matériaux et techniques de construction et de conservation, - les techniques traditionnelles et les matériaux locaux, - l'utilisation raisonnée et dosée des matériaux contemporains dans les projets de construction sur le site, - l'architecture, l'urbanisme et l'environnement en pays dogon. Ces modules sont destinés aux professionnels du bâtiment, aux maîtres d'œuvre et d'ouvrage, et à toutes autres personnes concernées. Chaque module est développé avec le partenaire concerné (Mission Culturelle et/ou RADEV) qui d'année en année en assure une responsabilité plus importante jusqu'à gérer seul ce genre d'activité. Des formateurs extérieurs seront recherchés parmi les groupes cibles de l'activité. 2.2.4. Organisation d'un chantier-formation par an Les chantiers formation sont l’activité centrale du projet et de sa démarche. Elle permet de former et renforcer les compétences directement sur chantier, de manière très pratique permettant un accès direct aux savoirs pour les corps de métiers et professionnels qui ne sont pas en mesure de lire correctement les informations techniques et réciproquement pour les autres professionnels de cerner les savoirs "non documentés" dont sont détenteurs les artisans et professionnels locaux. Le chantier-formation est un lieu privilégié de confrontation des savoirs vernaculaires et scientifiques, et permet de ce fait de les mettre en phase pour le bénéfice de tous. Il permet aussi de pouvoir tester/affiner différentes solutions techniques de rendre visible et promouvoir le projet et sa démarche. Cette activité va permettre de constituer un pôle de compétence opérationnel qui pourra être utilisé par la maîtrise d'œuvre et la maîtrise d'ouvrage. Une base de données sera tenue à jour par les partenaires du projet pour orienter les demandeurs et porteurs de projets sur les gens qualifiés. En plus de ces chantiers formation, les personnes qui auront été impliquées pourront continuer à renforcer leurs propres capacités sur d'autres chantiers et dans le cadre de formations complémentaires ou d'assistance qui pourra être apportées sur place par les architectes et autres professionnels du bâtiment. 2.2.5. Organisation d'un atelier de renforcement des capacités et formation pour la maîtrise d'œuvre 4 Cet atelier à destination de la maîtrise d'œuvre, plus particulièrement architectes, techniciens du bâtiment et ingénieurs, a pour objectif de renforcer les capacités et compétences de ces acteurs du cadre bâti. L'atelier se veut participatif pour permettre à tous de contribuer à l'élaboration des connaissances et de mieux se les approprier. Cet exercice permettra aussi d'identifier les problèmes et potentiels posés par l'utilisation des matériaux et leur capacité à répondre à la demande sociale. 2.2.6. : Élaboration d'un guide technique sur les matériaux locaux, les méthodes et techniques de construction, l'architecture, l'environnement et le patrimoine culturel dogon Ce guide à destination de la maîtrise d'œuvre et des porteurs de projets a pour objectif de faciliter et accompagner le développement de projet utilisant les matériaux locaux en pays dogon. C'est un guide constitué de fiches descriptives sur les matériaux locaux, les complémentarités avec les matériaux modernes, les techniques de construction, les typologies architecturales, les principes d'urbanisation et d'intégration au paysage culturel spécifique des Falaises de Bandiagara. Il est conçu comme une aide aux techniciens et à tout ceux qui sont amenés à concevoir ou construire en pays dogon. 2.3. Autres activités du projet 2.3.1. Campagne de sensibilisation Cette activité est destinée à rendre visible le projet au grand public, plus particulièrement les populations, les élus et les collectivités locales du pays dogon en utilisant les médias classiques. Un dépliant et un dossier de presse seront préparés pour être diffusés au cours du projet. Activité 2.3.2 : Séminaires d’information en direction des groupes cibles Il s’agit de l’organisation de séminaires organisés annuellement avec une sélection de parties prenantes (parmi les plus influente du pays dogon) et qui permettront de débattre, toit d’abord sur les grandes orientations de l’action puis sur les résultats qui seront acquis au fur et à mesure de son avancement. Activité 2.3.3. : Création d'un site Internet donnant des informations régulières sur le projet et son évolution Création d'un site Internet sur l’action avec des informations de base sur ses orientations. Le site sera régulièrement enrichi avec les résultats obtenus. 3. Quelques résultats concrets escomptés du projet Au terme du projet : - La Mission Culturelle de Bandiagara serait compétente et efficace pour jouer son rôle d'aide à la maîtrise d'ouvrage et à la maîtrise d'œuvre, de conseil et d'appui, ainsi que de supervision et contrôle en matière de mise en valeur du patrimoine culturel (architecture, urbanisme et environnement) du site classé. Le personnel technique de la Mission a été formé (4 personnes). La Mission Culturelle de Bandiagara a à sa disposition un Cahier de recommandations techniques et un Manuel d’évaluation et de contrôle des projets de construction. L’ONG RADEV serait largement sensibilisée à la nécessaire question de la préservation des qualités culturelles et paysagères du pays dogon et prendrait très sérieusement cet aspect en compte dans son travail d’aide à la maîtrise d’ouvrage, ainsi que dans son travail de mise en relation entre collectivités locales et bailleurs de fonds. Son personnel technique (3 personnes) aurait été formé et les consultants (10) auxquels elle fait régulièrement appel ont été sensibilisés. 5 La Mission Culturelle et RADEV disposent aussi d’un document technique qui les soutient dans leur activité d’aide à la maîtrise d’ouvrage: Outil d’aide à la décision pour les maîtres d’ouvrage, services techniques, bureaux de contrôle et prescripteurs. La maîtrise d'ouvrage (notamment publique), les services techniques déconcentrés de l'Etat, les bureaux de contrôles et les prescripteurs ont pris l’habitude de collaborer avec la MCB et RADEV et contribuent au respect et à la mise en valeur du patrimoine culturel et du paysage naturel classé Au moins 3 entreprises de taille moyenne, 30 artisans maçons et 30 assistants maçons maîtrisent des techniques améliorées de construction traditionnelle, leur permettant de répondre à la demande sociale d'amélioration de l'habitat et à la nécessité de bien intégrer les nouvelles réalisations dans le site inscrit sur la Liste du Patrimoine Mondial. Une vingtaine de solutions techniques nouvelles sont à disposition des professionnels. Elles permettent de répondre aux principaux besoins d’amélioration de l’habitat exprimés par les populations locales. Ces solutions techniques auront fait l’objet de la production d’un «Inventaire des pratiques courantes en matière de construction et de conservation du patrimoine bâti» et d’un «Guide de construction en matériaux locaux et techniques améliorées». Dans le cadre de l’action proposée, 5 constructions pilotes seront réalisées, sous forme de chantiers formation. Elles serviront de modèles et de bâtiments témoins. Dans le même temps, des conseils et un suivi auront été fournis à au moins 5 maîtres d’ouvrage pour qu’ils puissent réaliser leurs projet dans l’esprit proposé par l’action. Dans ce cadre, 4 architectes auront été sensibilisés, conseillés, et formés à la conception de bâtiments devant être construits en matériaux locaux. Les parties prenantes locales (les élus, les responsables des services déconcentrés, les responsables du Cercle, les acteurs de développement) seront sensibilisées aux enjeux locaux et nationaux de la conservation et de la valorisation de leur patrimoine culturel et paysager et auront le réflexe de faire appel aux compétences existantes en la matière. Une plaquette présentant les grandes lignes de l’action et mettant en valeur la démarche adoptée aura été distribuée pour servir de rappel et de guide aux maîtres d’ouvrage. 4. Conclusions et perspectives de gestion du patrimoine bâti sur le site classé du pays dogon La dynamique actuelle de gestion du patrimoine physique conduite par la Mission Culturelle de Bandiagara nécessité la mise en synergie d’actions d’envergure initiées dans le cadre du partenariat enclenché depuis plus de dix ans. Le programme de conservation de l’architecture monumental du Mali de la coopération culturelle néerlandaise (Ambassade et Musée National d’Ethnologie de Leiden) constitue le socle sur lequel doivent reposer toutes les actions de conservation, de réhabilitation et de mise en valeur du patrimoine immobilier du site. Il convient dorénavant de voir comment intégrer toutes les actions de préservation et de conservation dans les programmes globaux de développement local, sur le site malien qui est touché par l’activité touristique. 6 Beaucoup d’efforts restent à faire pour renforcer et consolider les premiers acquis concrets de sauvegarde du patrimoine culturel immobilier du pays dogon. Aussi la concertation, la coopération et la collaboration des différents intervenants nous paraissent-elles indispensables pour asseoir une politique harmonieuse de protection du patrimoine bâti et sa mise en valeur notamment dans le cadre du développement touristique qui connaît un accroissement progressif d’année. Il s’agit de montrer que le patrimoine culturel en général et les sites monuments en particulier peuvent constituer un puissant levier pour le développement des communautés de site, surtout dans le cadre de la politique de décentralisation au Mali. 7