Parlons CASH : gare aux mirages des pseudo

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Parlons CASH : gare aux mirages des pseudo
Parlons CASH : gare aux mirages des pseudo-placements en biens
divers !
Aujourd’hui Parlons CA$H avec Gilles Pouzin, journaliste du site Deontofi.com,
dans l’émission Ecorama de David Jacquot sur Boursorama, pour évoquer les
précautions à prendre avec les placements en « bien divers ».
Gilles Pouzin, journaliste fondateur du site de la déontologie financière Deontofi.com,
interviewé par David Jacquot dans son émission Ecorama, en direct chaque lundi midi, et
en replay sur Boursorama (liens ci-dessous).
– Depuis quelques années on voit proliférer de nouveaux types de
placements originaux pour investir ses économies en biens divers. C’est
une appellation très vague, alors de quoi s’agit-il ?
– Diamants, timbres, lettres et manuscrits, montres de luxe et bouteilles de vin,
éoliennes ou panneaux solaires, mobile homes ou villas au bout du monde,
holdings nourrices et autres élucubrations exotiques font partie de ce qu’on
appelle des placements « en biens divers », c’est-à-dire qui ne sont ni des
placements financiers, ni vraiment des investissements immobiliers, dans
lesquels beaucoup d’épargnants ont englouti leurs économies.
L’idée n’est pas nouvelle, de tenter la fortune en participant à une aventure
commerciale ou en achetant des biens précieux que l’on espère revendre plus
cher. En 1637, les bulbes de tulipe ont valu jusqu’à vingt fois le salaire annuel
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divers !
des artisans d’Amsterdam, avant de s’écrouler sur les spéculateurs crédules.
La flambée de certaines œuvres d’art élitistes, dans les ventes aux enchères
internationales, suscite aussi des vocations.
– Avec la baisse des taux les épargnants sont sensibles à ces
propositions ? Pourquoi ? Est-ce qu’ils promettent des
rendements fabuleux ?
– La crise a eu un double effet sur les placements financiers et la psychologie des
épargnants. D’un côté, le rendement des placements sans risque est devenu
ridicule à cause de la baisse des taux des banques centrales. De l’autre côté, les
krachs boursiers de 2002 et 2008 ont rendu les épargnants extrêmement
méfiants vis-à-vis des placements dynamiques traditionnels comme les actions.
Selon un sondage Ifop de fin 2013 «quatre Français sur dix (40%)
considèrent ainsi que le vin, l’art ou la forêt sont des placements
relativement peu risqués (contre 10% seulement pour les actions) et un
Français sur trois (33%) considère que placer dans le vin, l’art ou la forêt
est une bonne façon de conserver ses économies (contre 20% pour les
actions) »., Cette perception a pu évoluer avec la hausse de la Bourse ces
derniers mois, mais tout au long de l’année 2014, l’Autorité des marchés
financiers a manifesté plusieurs fois son inquiétude et ses mises en garde aux
épargnants face à la multiplication de ce type de propositions douteuses.
– Les vrais placements sûrs rapportent très peu (1% pour le livre A,
autour de 3% pour l’assurance vie en euros) tandis que les marchands de
rêves font miroiter des gains et rendements « garantis » bien supérieurs.
– C’est vrai, et c’est même la base pour endormir la vigilance des épargnants.
Quand on promet aux gens de gagner de l’argent, beaucoup ont les yeux qui
brillent et perdent leurs réflexes de bon sens. Dans le cas des placements en
biens divers, on vous promet toujours une bonne affaire, en dehors des
sentiers battus, la promesse de faire un bon coup en étant plus malin que les
autres. Dans le cas des placements en lettres et manuscrits, des mobile-homes ou
des panneaux solaires, les vendeurs de ces montages tentent de vous
convaincre que vous pouvez gagner 7 ou 8% sans risque, ce qui est
évidemment faux.
– Mais qu’est-ce qui permet de dire que les gains promis sont illusoires,
pourquoi ?
– Vous savez, il existe en réalité très peu de placements vraiment garantis
sans risque. Et le gendarme de la Bourse a d’ailleurs durci ses règles vis-à-vis
de toutes les promesses de rendement ou de garantie du capital car on s’est
aperçu que beaucoup de placements financiers faisaient des promesses à
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garanties variables, comme on l’a vu dès la décennie 2000 avec le fonds
Bénéfic, Ecureuil Europe ou Doubl’O. Or, le problème des placements en
biens divers est qu’ils échappent aux règles strictes imposées aux
établissements financiers, par l’AMF, ou le gendarme des banques et des
assurances, l’ACPR rattaché à la Banque de France. En général, quand des
épargnants me demandent mon avis sur une proposition d’investissement censée
être l’affaire du siècle, il suffit de décortiquer les documents contractuels
pour voir que les garanties sont illusoires et ne tiennent pas la route.
Dans le meilleur des cas, car bien souvent toutes ces promesses sont orales ou
sur de vagues courriels mais sans promesses contractuelles.
– Les garanties n’ont donc aucune valeur, pourquoi ?
– Quand on est face à un placement bidon, il y a plusieurs vulnérabilités à
ausculter. Premièrement, quelle est la promesse ? Bien souvent il n’y en a pas.
Prenons le cas de placements en lettres et manuscrits d’Aristophil. Des
épargnants croyaient qu’on leur promettait un gain, par oral peut-être, mais
par écrit il n’y avait aucune garantie, enfin aucune garantie concrète de
réalisation de la pseudo-promesse à laquelle ils croyaient. Il y avait une belle
liste écrite de 7 garanties, mais aucune ne garantissant de récupérer son
argent ou le rendement rêvé. Pour ce qui concerne ce fameux rendement,
certains épargnants croyaient pouvoir gagner 8,5% par an car leur contrat
prévoyait une « promesse de vente » à un prix « ne pouvant être inférieur au prix
d’achat majoré de 8,5% par an », mais une promesse de vente de l’épargnant
n’est absolument pas une promesse de rachat du vendeur. En clair,
l’épargnant promet qu’il acceptera de revendre son placement plus cher. Mais si
personne ne veut le racheter, il ne récupère ni son rendement ni son
argent.
– Les épargnants sont donc bien moins protégés qu’avec les produits
d’épargne classique, pourquoi ?
– Une première vague d’escroqueries et de scandales liés à ces
investissements bidon avait nécessité une législation spécifique pour
protéger les épargnants. L’article L 550-1 du Code monétaire et financier
prévoyait ainsi de soumettre ces montages à la supervision du gendarme
boursier « lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la gestion
ou lorsque le contrat offre une faculté de reprise ou d’échange et la
revalorisation du capital investi », obligeant les intermédiaires en biens
divers à avoir un agrément de l’AMF et à respecter des obligations
d’information claire et non trompeuse. Mais on l’a vu, cette réglementation
est facile à contourner puisqu’il suffit de ne rien promettre du tout, au moins
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contractuellement, pour y échapper. Même si on tient un discours laissant croire
que c’est un placement sérieux.
– Et aujourd’hui, est-ce que les épargnants sont mieux protégés ?
– Oui et non. En théorie la réglementation est plus protectrice. le gendarme
boursier a plaidé sa cause en haut lieu et obtenu une modification de l’article
L550-1 du Code monétaire et financier, discrètement insérée dans le projet de loi
Hamon. Grâce à la nouvelle rédaction de cet article sur les intermédiaires en
biens divers, l’AMF dispose maintenant de nouveaux pouvoirs afin d’assurer la
protection des consommateurs tentés par ces « produits alternatifs », pour
reprendre le terme pudique utilisé par l’AMF pour désigner ces arnaques.
Depuis le 17 mars 2014, le nouvel article L 550-1 du Code monétaire et
financier vise deux types d’intermédiaire en biens divers. Premièrement :
« Toute personne qui, directement ou indirectement, par voie de
communication à caractère promotionnel ou de démarchage, propose à
titre habituel à un ou plusieurs clients ou clients potentiels de souscrire des
rentes viagères ou d’acquérir des droits sur des biens mobiliers ou
immobiliers lorsque les acquéreurs n’en assurent pas eux-mêmes la
gestion ou lorsque le contrat leur offre une faculté de reprise ou
d’échange et la revalorisation du capital investi ». Deuxièmement : « Est
également un intermédiaire en biens divers toute personne qui propose à un ou
plusieurs clients ou clients potentiels d’acquérir des droits sur un ou plusieurs
biens en mettant en avant la possibilité d’un rendement financier direct
ou indirect ou ayant un effet économique similaire ». Ils ne sont plus
soumis à un agrément préalable de l’AMF, ni même susceptible d’être poursuivis
par sa Commission des sanctions.
En pratique, rien ne remplace le bon sens et la vigilance. On voit encore trop
d’épargnants se faire avoir par des arnaques faciles à identifier si on prend la
peine de s’informer et de vérifier les pièges éventuels auprès de sources
d’informations sérieuses et fiables comme Deontofi.com.
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