souvent dans la langue basque

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souvent dans la langue basque
A PROPOS D'UN TOPONYME BASQUE
Salomé GABUNIA
Le toponyme Urarte et ses variantes phonétiques Uharte et Ugarte est
assez courant au Pays Basque.
Le toponyme Urarte a attiré notre attention par sa ressemblance
frappante avec le nom de l'ancien royaume Urartu. Evidemment, il est tres
probable que cette ressemblance soit tout simplement fortuite, mais les
arguments ci-dessus nous poussent á étudier la question de plus pres. Urarte,
Uharte et Ugarte sont des mots composés, dont la structure est transparente
et le contenu incontestable. Tous les trois signifient «entre les eaux» (ces
termes sont aussi partie du vocabulaire basque moderne désignant «1'ile» ). En
effet, le premier élément de ces toponymes est représenté par une ancienne
racine basque ur («eau ») qui est toujours fréquente dans la langue moderne.
Le second composant «h» arte (parfois sans «h» initial et «e» final) se
traduit en fransais comme «entre».
Les termes «ur» et «arte» subissent en cours de formation des mots
composés mentionnés ci-dessus certaines altérations phonétiques (sauf
Urarte dans lequel les deux éléments sont sans doute représentés en forme
initiale).
D'ailleurs, les mots composés tels que Uharte, se rencontrent assez
souvent dans la langue basque: Uhada, Uhalde, Uhandi, Uhaldika, Uhartz
etc.
En ce qui concerne le premier élément de Ugarte, il contient la consonne
«g» au lieu de «r». La substitution pareille peut étre observée dans les langues
kartvéliennes, mais lá, les consonnes «g» et «r» se substituent devant une
consonne. Par exemple: gz - rz (en géorgien sa-gz-ali - en mégrélien «o - rz
oli »; géorg. «ar(a - gz -no» - mégr. «koda - rz - u»); dg-dirt. (gerg. a - dg - a -Mégr. e -dirt-u) etc.'
1. Am. Chikobava, Dictionnaire
comparé laze - mégrelien-géorgien Tbilissi, 1938, p.
260-261 (en gérogien).
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SALOME GAB( NIA
Les mots «ur» et «arte» font parte de plusieurs toponymes basques, par
exemple: Astura, Hurbide, Ostur, Urbika, Urbion, Urketa, Urepele 2 ; Istilart,
lturriarte, Bidarte, Ikarte etc.
On vient de voir que les mots composée tels que Urarte, Uharte et
Ugarte sont des mots d'origine buque de méne que leurs composants.
Quant au nom Urarte, nous devont constater que ni son origine, ni sa
signification ne sont suffisamment élucidées dans la littérature spéciale.
Le terme Urarte ne se rencontre pas dans les inscriptions urartéennes. 11
est connu seulement d'aprés les sources assyriennes, oú ce mot est mentionné
assez souvent depuis le XIII" siécle avant J. C. (mát U-ru-at-ri) jusqu'ü
l'époque du roi A"ssurnásiriplí (668-633 avant J. C. );3 dans les inscriptions de
í'époque du roi Adadnirári lI (911-830 avant J. C. ) on trouve le terme Uratri4
qui ne doit pas avoir, selon M. G. MélikichviliS , la signification du nom d'un
Etat. Au IX" siécle avant J. C. le terme Urartu s'est établi et i l signifiait déjii
une unité politique bien déterminée- le royaume de Urartu. On trouve dans
la langue urartienne le mot «ururdi» qui se rapproche par sa sonorité du
terme Urartu6. En se basant sur ce fait, M. G. Mélikichvili conclut que la
possibilité de I'or igine urartéenne du terme Urartu est admissible, d'autant plus
que 1'étymologie de ce terme ne trouve pas d'explication dans le monde
sémito -assyrien. Selon lui, «ururdi» peut étre le terme social ou le nom de la
tribu avec taquelle les Assyriens ont eu des relations primitives étendant par
la suite le méme nom sur toutes les autres tribus urartéennes7.
M. B. Piotrovsky, étudiant les sources assyriennes contenant le terme
Urartu, trouve que la question de 1'origine de ce terme reste non - résolue8.
11 existe encore d'autres hypothéses concemant l'origine du terme
Urartu, réfutées plus tard comme tout ii fait dénuées de fondement.
L'étymologie du terme basque Urarte est claire et son sens (entre les
eaux) trouve l'écho dans les renseignements sur les limites géographiques du
royaume de Urartu. Parmis les spécialistes, ii ce gti il parait, il n'y a que de
menues contradictions l á - dessus, Urartu devait occuper le territoire entre les
lacs Van, Ourmie et Sévan et leurs alentours. Donc, on peut supposer que
2. Á comparer: le toponyme géorgien Tzkaltubo (cgal-eau, tb -u en laze-«tiède» ).
3. Ebeling E, Meissner B., Weidner E. F. Die Inschriften der Altassyrichen Kbnige,
Leipzig, 1926, p. 110.
4.
5.
Schroeder O. Keileschrifttexte aus Assyr Historischen Inhaltes, II, Lopzig, 1931, N84.
G. MéWtichvili, Na1ri - Urartu, Tbilissi, 1954 p. 21 (en russe).
6. Méchtchaninof J. J. Chouraa et Ururdan dans les monuments de I'écriture cunéiforme
du bassin du lac van, in: «Travaux de l'Académie des sciences de la Russie, série B. 1924, p. 21-22
(en russe).
7. G. Mélikichvili, Nairi - Urartu, p. 21.
8. Piotrovsky B. B. Le royaume de Van (Urartu), Moscou, 1959, p. 23-33 (en russe).
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A I'KOPOS D 1 N TOPONYME BASO E
Urartu pouvait étre persu par ses habitants et leurs contemporains voisins
comme un pays situé entre des eaux (á comparer: Mésopotamie). D'apri:s
certains points de vue avant le néolithique tardif les Basques ont habité l'Asie
Mineure. Nous sommes loin de penser que cette hypothése soit définitive,
mais si on l'accepte, ilserait tout a fait admissible que le terme basque tirarte
ait persisté pendant des siécles en Asie Mineure et que le nom du royaume
créé ici au deuxiéme millénaire avant notre ére porte son empreinte.
En pareille circonstance la répétition du méme toponyme dans des
différents pays ne doit pas étre difficile a expliquer. II n'est pas exclu que les
Basques aient porté avec eux le nom de Urartu aprés avoir émigré dans un
nouvel endroit (á comparer: les toponymes géorgiens Martkopi, Tabaxméla
sur ]e territoire franjen habité par les Géorgiens). Mais l'autre version est plus
convaincante: les toponymes marquant des positions relatives et ayant une
certaine signification se répétent dans les mémes conditions, dans le nouvel
endroit. A titre d'exemple, on peut citer les toponymes géorgiens exprimant
les conditions identiques dans différents coins de la Géorgie: Xidistavi (tete
de pont) 9 , Xidiskuri (oreille de pont), Tzixisdziri (pied de forteresse),
Axaltzixé (nouvelle forteresse), Axalkalaki (nouvelle ville) etc...
Alors, il est bien probable que le nom de tirarte fin souvent donné par
les Basques aux territoires situés entre les eaux10.
Le toponyme basque Urarte (Uharte ) est si courant qu'il fait méme partie
des autres noms de lieu composés tels que Urartebidea, Urartebidia, Urartekua, Urarteostea", Uharthiri, Uharte-Garazi' Z.
Si l'on admet que l'attribution du terme Urartu au monde basque n'est
pas tout a fait dépourvu de fondement et que ce nom peut avoir quelque
chose de commun avec les toponymes en «ur», dans ce cas lá on pourrait
également révéler les traces de «ur» basque dans la réalité ibéro-caucasienne
méme.
D'aprés la littérature spéciale un essai de pareille recherche a été deja
fait.
Selon N. Marr l'élément «ur» signifiant toute sorte d'eaux: riviére,
source, ruisseau se rencontre dans plusieurs langues. Notamment, il identifie
«hur» basque au «dur» arménien. Etant donné que le sens d'eau est exprimé
en arménien par une variante sibilante des langues Japhetiques ainsi que le
9. Il est á remarquer le toponyme basque Zubiburu - «téte de pont» (Ph. Veyrin, Les
Buques, 1955, p. 206) formé de la méme fason que le terme géorgien donné.
10. Le toponyme géorgien Tzkaltachoua est porteur du méme sens que Urarte basque et
est formé de la méme fason que le terme basque: cgalta-«les eaux», "sua-«entre»».
11. Geranio López de Guereñu. Toponimia Alavesa in: «Anuario de Eusko-Folklore». San
Sebastián, t. 28, 1979, p. 270.
12. Pierre Lhande S. J. Dictionnaire Buque-FranSais, París, 1926.
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basque en utilise la variante spirante «hur»13. N. Marr compare le mot
géorgien cacgali (ca-«le ciel», cgali-«1'eau») au mot buque uri-kar-i, qui a la
méme signification que le mot géorgien - «pauvre», et qui contient «ur»
(«1'eau» en basque) 14 . II est ii noter que le «r» de «urikari» (avec un accent)
est un «r» fort, tandis que celui de «ur» est faible. Le degré de l'intensité du
son «r» porte en basque une fonction distinctive. C'est pourquoi le «ur» de
«uŕikari» est autre que le «ur» signifiant l'eau. Dans le méme ouvrage N.
Marr compare «lurzj» géorgien au mot basque «urdin» qui a la méme
signification (bleu). Ailleurs, M. Marr trouve que «ura» géorgien (le cheval)
se rapproche d'une certaine maniere de la riviére15.
L'étymologie de la nomination de riviére «Jori» (en Géorgie) faite par N.
Marr mérite une attention particuliére. Ce mot est lié avec «or» avar 16 et
«hur» buque'''. Un autre savant géorgien M. J. Djavakhichvili a été intéressé
par la méme question et par suite de recherches il a conclu que les mots tels
que «Jori» géorgien et «or» avare doivent avoir la méme origine. Selon lui
«or» signifiait autrefois en avar «le ruisseau» (en avar les noms de plusieurs
riviéres se terminent par «or» )18.
Il est ii noter qui en Géorgie le suffixe hydronymique «ur» est le plus
répandu, quoiqu'il soit bien possible qu'il n'éüt aucun rapport avec la notion
le «l'eau».
Il a été révélé par N. Marr. qu'un manuscrit cunéiforme contenait en lui
un segment urartéen «e-uri»; ce demier comprend l'élément «ur» signifiant
selon N. Marr l'eau et d'autres notions ayant le méme champ sémantique19,
par exemple «cgaloba» géorgien, «uŕikari» basque (cgal équivalent ii «ur» «l'eau») etc.20
Le champ sémantique de l'élement «ur» a été enrichi par les recherches
faites en Djavakhéti 21 par M. N. Bérdzénichvili; il analyse le toponyme
13. N. Marr, La parole de la minorité nationale bretonne en rapport avec les langues de
l'Afro - eurasie. Oeuvres choisies, 1937, t. IV, p. 219 (en russe).
14. N. Marr, á propos des dérivés sémantiques du «ciel », Oeuvres choisies, 1936, T. II, p.
148 (en russe).
15. N. Marr, La langue chinoise et la paléontobgie du discours, Oeuvres choisies, T. IV,
1937, p. 108-109 (en russe).
16. Une des langues ibéro - caucasiennes.
17. N. Marr, Les peuplades de la région de Volga et les endroits voisins d'aprés leurs noms
de tribu vus sous l'angle de la théorie Japhétique, Oeuvres choisies, T. IV, 1837, p. 305 (en
russe).
18. J. Djavakhichvili, Les problémes historico-ethnologiques concemant Géorgie, Caucase
et Proche Orient, Tbilissi, 1950, p. 53 (en gé orgien).
19. N. Marr, Le voyage á travers la Svanétie (été 1911 et 1912) in: «L'orient chrétien », T.
II, I série, 1913 (en russe).
20. N. Marr, L'origine des termes «livre» et «lettre» vue sous 1'angle de la théorie
Japhétique. Oeuvres choisies, T. III, 1934, p. 223 (en russe).
21. Une province au sud de la Géorgie.
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Varevani et le déchiffre de la maniere suivante: urevani <hur -e-vani. M.
Bérdzénichvili a aussi analysé les noms de lieu «hur» et «çunda» existant
également en Djavakhéti. Le savant considere que le second -«çunda», a paru
plus tard que le «hur»: «hur» a été remplacé par «çunda». Or, avant l'arrivée
de ce groupe ethnique, qui utilisait le suffixe «da» dans les noms géographi
ques, le Djavakhéti était habité par un autre groupe ethnique qui se servait
par contre, du suffixe «ur» dont on retrouve les traces méme aujourd'hui 22.
M. J. Djavakhichvili divise le nom du royaume Urartu en «ur» et «artu».
Quant au mot «ur-kachdim» qu'on trouve dans la Genése, il pense avec les
autre savants que le premier segment de ce mot «Ur» est le nom d'un petit
hameau se trouvant au bord de l'Euphrate, au sud de Babylonne– Mouguiéri
24. précédemment se nommait «Uru». Quant au second segment «Kachqui
ur»
dim»,
il signifie selon M. Djavakhichvili «karti» (Kachdim-kasdir-kartir).
Donc «Ur-kachdim» peut étre déchiffré ainsi: les karti de Urartu (les
Géorgiens de Urartu)23.
N. Marr attribue Urartu á Ararat et le divise en «Urar» et «tu» sans
» 24.
porter attention á «w.
l'élément
«
Nous avons essayé de rassembler les données de la langue dont l'analyse
nous permet d'affirmer que 1'élément «ur» conservé dans la réalité ibérocaucasienne peut avoir un certain rapport avec «ur» de Urartu et «hur» du
basque.
Donc, nous pouvons supposer que le rapport entre Urartu et le mot
basque Urarte (Ugarte, Uharte) peut être argumenté ainsi: 1) Ces mots
basques s'identifient avec le terme Urartu du point de vue phonétique. 2)
L'histoire et l'étymologie du mot Urartu en urartéen est vague, tandis que
celles des mots basques sont tout ii fait claires. 3) Urarte est un toponyme
marquant une position relative. La fréquence d'un tel toponyme est naturelle.
4) La situation géographique de Urartu est plus au moins conforme á ]a notion
du toponyme basque. 5) L'élément initial de cette racine- «ur» n'est pas
inconnu pour la réalité ibéro-caucasienne non plus.
RESUMEN
En el País Vasco se encuentra bastante frecuentemente el topónimo Urarte y sus
variaciones fonéticas Uharte y Ugarte. El topónimo Urarte ha llamado nuestra
22. N. Bérdzénichvili, Certaines questions de l'histoire de la Géorgie, Tbilissi, livre I,
1964, p. 164 (en géorgien).
23. J. Djavakhichvili, L'histoire de la nation géorgienne, livre I, Tbilissi, 1951, p. 402 (en
géorgien).
24. N. Marr, La légende écrite à propos de la fondation de Kiev en Russie et de Kuara en
Arménie. Certains apersus sur les écritures cunéiformes Japhétiques. in: «Bulletin de 1'Académie
de la Russie», T. III, N. 11, 12, 1924, p. 264 (en russe).
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atención por su parecido evidente con el nombre del antiguo Estado de Urartu.
Evidentemente, es muy probable que ese parecido sea simplemente casual pero
algunos argumentos nos impulsan a estudiar la cuestión de cerca.
Urarte, Uharte y Ugarte son las palabras compuestas con una estructura
transparente y con la composición incontestable («ur» agua, «arte»-entre: «entre
aguas»). Esas palabras compuestas, como sus elementos, son palabras de origen vasco
(«ur» es una de las más antiguas raíces vascas).
En cuanto al término Urartu, ni su origen, ni su significación no están suficientemente claros en la literatura especial.
Pensamos que la relación entre Urartu y los topónimos vascos Urarte, Ugarte y
Uharte puede ser argumentada de la manera siguiente:
1) Esas palabras vascas se identifican fonéticamente con el término Urartu.
2) La historia y la etimología de la palabra Urartu no es clara en la lengua
urartiana, mientras que las de las palabras vascas son diáfanas.
3) Urarte es un topónimo que marca una posición geográfica. La frecuencia de
tal topónimo es natural.
4) La situación geográfica de Urartu es más o menos conforme con la noción del
topónimo vasco.
5) Elemento inicial de Urartu y Urarte, (Ugarte, Uharte), «ur» no es desconocido para la realidad ibero-caucásica.
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