MichelGeistdoerferPetitBleu2013
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13 Le Petit Bleu • Jeudi 7 novembre 2013 Maire ‘rad-soc’, Michel Geistdoerfer a modernisé Dinan et protégé son patrimoine de 1929 à 1940 Il fit basculer la ville à Gauche Michel Geistdoerfer (1883-1964) est l’unique maire de gauche que Dinan a connu jusqu’à présent. Il a profondément marqué la ville, avant-guerre, en protégeant un patrimoine devenu son principal atout économique aujourd’hui. U ne rue porte son nom mais ce n’est pas pour cette raison que le souvenir de l’homme est si présent à Dinan. Michel Geistdoerfer, élu à deux reprises, fut l’artisan de la sauvegarde des remparts, le fondateur d’un journal, l’un des rares députés qui ne vota pas les pleins pouvoirs à Pétain (il n’était pas présent à Vichy). Ses engagements politiques, ses prises de positions, son acharnement à racheter des propriétés pour la protection du patrimoine ont déclenché des passions, voire des haines à son égard. Manifestement, Michel Geistdoerfer reconnu pour ses talents d’administrateur mais aussi qualifié de personnage « irascible » (1), ne laissait personne indifférent. Il eut aussi ses laudateurs, tel le député Marcel Hamon, qui lui tresse une couronne de lauriers dans une plaquette intitulée ‘Michel Geistdoerfer, un vrai républicain’. L’homme aurait pu être ministre selon lui, mais il était trop intègre pour cela. « Lors de la formation du ministère Chautemps, on le chercha en vain pour lui confier le portefeuille de la Marine marchande… Il était en Bretagne », écrit Jean Jolly (Dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940). Conseiller général, député, maire C’est en 1927, année où il crée l’hebdomadaire le Républicain de Dinan, que Geistdoerfer commence sa carrière politique : son beau-frère, François Rames, Collection famille Geistdœrfer. conseiller général de Dinan-Est, vient de décéder. Il se présente et est élu dans un climat très violent : « En 1927, j’ai été menacé de mort pendant des mois. Je devais être tué comme un chien si je me rendais à telle ou telle réunion politique. Si j’étais élu au conseil général je devais être abattu le soir même à coup de revolver. Ces tristes sires n’ont pas encore compris à quel point je méprise tout ce qui vient d’eux… Plus ils m’attaqueront, plus ils me trouveront dressé contre eux pour le bien de ma ville et le service de mon idéal », écrira-t-il dans son journal trois ans plus tard. 1929, les municipales sont aussi sous tension mais il emporte la mairie de Dinan avec 17 colistiers sur 24, sous l’étiquette radical-socialiste. La ville profondément de Droite jusqu’à présent a donc basculé à Gauche. L’année précédente, il gagne aussi son siège à l’Assemblée nationale, le voici député-maire. Un parcours sans faute… et un peu cumulard, mais à l’époque, ça ne choquait personne ! 1935, Michel Geistdoerfer et sa liste sont bril- lamment réélus. Et il exercera trois mandats de député. « Le salopard de Dinan » Son action de maire, jusqu’en 1940, fut marquée par la « création d’un réseau d’égouts, la mise en régie du premier aéroport civil de Bretagne, la construction de nombreux bâtiments publics et d’habitations à bon marché ». Michel Geistdoerfer, c’est aussi, bien sûr la rénovation et la préservation du vieux Dinan (Lire plus Dinan, marquée de son empreinte L es deux mandats exercés par Geisdoerfer de 1929 à 1940 ont été marqués par « le dégagement des remparts et du donjon de la Duchesse Anne, la remise en état des tours et des portes ». On peut également citer le transfert de l’hôtel Kératry (menacé de destruction à Lanvallon), reconstruit dans la rue de l’Horloge, etc. Autres créations : la construction d’un réseau d’égouts, d’un dispensaire antituberculeux, d’une école pratique de commerce et d’industrie, d’une école municipale de musique, d’un office municipal de tourisme. Il choisit des architectes originaux comme Lefort qui réalise la gare et la caisse d’épargne (où était le CCAS qui vient de déménager) ou encore Raighasse, de Dinan, qui dessine le Celtic cinéma et l’hôtel des Postes. Michel Geistdoerfer a Pour désenclaver un quartier, Michel Geistdœrfer participe symboliquement à la démolition d’un mur dans la rue qu’il baptisera rue de la Paix, celle-là même qui porte aujourd’hui son nom. aussi permis la création de l’aéroport de Dinan-Trélivan qui, par ricochet a convaincu le secrétaire général de la BNCI d’implanter ses services des titres à la Coninnais à Taden. Sa politique de sauvegarde du vieux Dinan de Geistdoerfer était notamment axée sur « le désenclavement des remparts et la sauvegarde du patrimoine urbain médiéval » (Soazig Grossiat) par une politique de subventions aux propriétaire, de classement et même de rachat : « La ville ne doit pas se désintéresser de tout ce qui est susceptible de retenir l’attention du touriste » déclare-til. « Un certain nombre de Dinannais, propriétaires des murs concernés par le dégagement, malgré une vive opposition pour certains, devront céder leurs biens à la ville. Déjà en septembre 1930, Michel Geistdoerfer demande à la commission départementale des sites la mise en place d’une zone de protection autour du château ainsi que des grands et petits fossés. De cette manière, la construction de nouveaux édifices contre les remparts de la vile pourra être interdite et la suppression de celle existantes deviendra plus aisée », explique Soazig Grossiat. De 1929 à 1940, la vieille cité médiévale va connaître un nouveau souffle qui sera prolongé par les municipalités d’aprèsguerre qui suivront. Des noms d’oiseaux à la mairie L es deux mandats de Michel Geistdoerfer furent particulièrement animés, l’homme déclenchant beaucoup de haine à son égard. On lui reprochera son nom à consonance allemande, sa propriété sur l’ile d’Ouessant, etc. Les insultes volaient bas lors des conseils municipaux. Mais le contexte d’alors n’a rien à voir avec celui d’aujourd’hui. Les politiciens possèdent leurs propres journaux locaux et s’invectivent à travers eux ou s’en servent, comme Michel Geistdoerfer, une fois au pouvoir, pour leur promotion (même s’il y donnait aussi une place à l’opposition). Pour Soazig Grossiat, « aucun parti n’est, certes, innocent dans le débat qui les anime pendant une dizaine d’années » : « La diabolisation du radi- cal-socialisme à laquelle se prête l’opposition » mais aussi « la relative provocation verbale de la gauche dinannaise » sont toutes deux excessives. Le Dinan républicain traite ses adversaires de ‘rigolos’ou ‘augustes de cirque’. Le changement brutal de la Droite à la Gauche bouleversa plus d’une conscience. Selon Soazig Grossiat, toujours, « Geistdoerfer n’au- rait peut-être jamais été élu maire de Dinan sous une étiquette socialiste. (Il s’est présenté sous la bannière radical-socialiste). Son accession à la mairie peut être justifiée par sa volonté de réussir les entreprises, sa force de persuasion et sa persévérance, la clarté dans ses prises de position, les choix des secteurs en crise à défendre… » loin). En tant que député, il a beaucoup œuvré pour les marins (il présidait la commission de la marine marchande et a créé le Mérite Maritime) pour lesquelles il obtint « des retraites comparables à celles des mineurs et une assurance contre les risques de leur métier ». 18 juin 1940 : l’armée allemande entre dans Dinan. Geistdoerfer reste provisoirement maire jusqu’à décembre où il est révoqué. Son journal ‘Le républicain de Dinan’ continue de paraître mais indispose de plus en plus l’occupant tandis que Geistdoerfer se fait appeler « le salopard de Dinan » par la presse collaborationniste. Un vrai compliment ! Interdit pour un mois, le rédacteur en chef préfère donc stopper totalement son hebdomadaire plutôt que d’y voir placer un nouveau rédacteur par les Allemands. Il est ensuite éloigné de la Bretagne et, engagé dans la Résistance, fonde avec quelques amis, à Paris, le comité départemental de la libération. Dès la Libération de Dinan, des FFI l’empêchent de pénétrer dans la mairie « pour des questions politiques », précise son fils Patrick. Une affaire qui se conclura par la remise de la médaille de la Résistance. Il est rétabli dans ses fonctions de maire en 1944 par ordonnance du gouvernement provisoire mais perd les élections de 1945, organisées sans même attendre le retour des prisonniers de guerre ! Les cantonales de la même année sont aussi un échec contre le communiste Edouard Forget. Le Dinannais a alors plus de soixante ans. Souffrant d’un diabète que la guerre, le privant de soins, a aggravé, il est de santé fragile mais milite encore à gauche toute, luttant contre le RPF (rassemblement du peuple français) de de Gaulle et contre René Pleven. Il a quitté les radicaux-scialistes pour fonder, avec Pierre Cot, l’Union Progressiste, proche du PC. Nouvel échec en 1951 aux législatives. L’heure des victoires est bien passée pour ce militant acharné. Il meurt le 22 avril 1964 à Paris. Pierre-Yves GAUDART (1) « irascible, certainement pas, estime son fils, Patrick, mais quand on l’attaquait, ça le blessait et il répondait, parfois avec véhémence. C’était quelqu’un de doux, en réalité. » Portraits de maire Régulièrement, en ces temps de campagne municipale, nous dresserons le portrait de quelques maires qui ont marqué Dinan. Sources pour cet article : http://www.wikiarmor.net/Michel-Geistdoerfer ; dictionnaire des parlementaires français de 1889 à 1940 (Jean Jolly) ; Michel Geistdoerfer… un vrai républicain par Marcel Hamon, 1971 ; L’œuvre patrimoniale de Michel Geistdoerfer de Soazig Grossiat, 1997. Mémoire, Université Rennes II. Avec nos remerciements à la bibliothèque municipale de Dinan et à Patrick, fils de Michel Geistdoerfer. Un homme de presse et de lettres La famille Geistdoerfer, d’origine alsacienne, s’était établie à Dinan, vers 1830. Le grand-oncle y avait créé (à Léhon puis rue de la Gare, actuelle rue Kitchener) la première brasserie de Bretagne. Il était aussi le fondateur d’un journal, ‘La sentinelle’. Journaux et conscience de gauche semblent caractériser la famille puisque le père de Michel Geistdoerfer, conseiller municipal, créa le premier Petit Bleu, celui de 1903 à 1911 (*). Quant à Michel Geistdoerfer, qui y commis ses premiers articles, il fonda le Dinan Républicain (qui devint le Républicain de Dinan) qu’il administra jusqu’en 1961. Mais avant cela, ce diplômé de sciences politiques, déjà engagé à Gauche, cégétiste, qui se réclamera de l’influence de Jaurès tout en précisant, avec honnêteté l’avoir peu connu, devient rédacteur à la préfecture de la Seine. Il mène une carrière de fonctionnaire doublée de celle d’écrivain et journaliste artistique. « Esprit original, cultivé, curieux de toutes les formes de pensée, toujours pressé, il était d’un abord simple. En politique : athée, anticlérical, pacifiste et patriote à la fois, il était partisan de l’union des gauches, sans exclusive.Bien que réformé, il s’engagea en 1915 et fit toute la guerre, revenant du front avec la Croix de guerre »,relate Jean Collection bibliothèque municipale. Jolly. Son fils, Patrick qui, comme son père, partage sa vie entre Paris et Dinan, rappelle combien Michel Geistdoerfer « adorait Dinan et le journalisme. Il écrivait tout dans son journal y compris quand il devint maire ». (*) Le Petit Bleu dont René Pleven ressuscita, en 1946, le titre “non déposé”, précise aujourd’hui Patrick Geistdoerfer. Ce dernier, fils de Michel Geistdoerfer, affirme que c’est bien son grand-père qui est à l’origine du Petit Bleu ; Charles Pleven, l’oncle de René Pleven à qui l’on a longtemps prêté cette paternité apparaît dans le numéro 2 en qualité d’administrateur-gérant.