Etude des vers 1 à 24 de "Zone"
Transcription
Etude des vers 1 à 24 de "Zone"
« Zone » (vers 1-24), Guillaume Apollinaire Support : « Zone », Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913 « Zone » ouvre le recueil. C’est le poème programme de l’esthétique apollinarienne et pourtant, c’est le dernier en date des textes de l’ouvrage, ajouté au dernier moment. Ce poème a d’abord été intitulé « Cri ». Zone (grec : ceinture) : - Lieu délimité - Périphérie (péjoratif) 1. Ce titre peut s’appliquer à l’espace parisien, que parcourt le poète du début (v. 2) à la fin (v. 150) 2. Espace délimité, soumis à un régime particulier. Territoire délaissé, situé en périphérie. 3. La zone est le poème lui-même car c’est un lieu transitoire entre tradition et modernité ; à la frontière de territoires inexplorés. Ce poème occupe la première place, mais il est le dernier à entrer dans le recueil : c’est une sorte de bilan de vie, l’aboutissement d’un itinéraire et spirituel. C’est aussi un début d’écriture : situé à la première place, il justifie le désir de la création et où sont mus en place de tous les grands thèmes d’Alcools (introductif). Modernité et originalité des 24 premiers vers I- Les pronoms personnels Deuxième personne du singulier, première personne du singulier et deuxième personne du pluriel. « Tu » (v. 1) désigne Apollinaire lui-même (dédoublement). « Tu » (v. 3) désigne également le poète, ou la tour Eiffel. Ces vers 1 et 3 expriment la lassitude. « Tu » (v. 7) désigne le christianisme. « Toi » (v. 9), « t’y » (v. 10), « tu » (v. 11) désignent Apollinaire. Le poète se dédouble ; il n’utilise pas le « tu » pout la même personne : multiplication des points de vue. « Vous » (v. 8) désigne le pape Pie X. « J’ » (v. 15/23) désignent le poète L’utilisation du « je » et du « tu » montrent les différents points de vue. Je : sentiments et sensations Tu : vue de l’extérieur du poète = distanciation Le passage du tu au je fait la transition du monde ancien (dont il est lassé) au monde industriel et moderne (vue méliorative). Le poète se déplace dans le Paris moderne et industriel. II- Les composantes de ce monde moderne 1) Monde urbain et industriel La tour Eiffel : construite pour l’exposition universelle de 1889. Cela pousse Apollinaire à faire une éloge des architectures industrielles. Les hangars de Port-Aviation : Apollinaire fait l’éloge de ces nouveautés qu’il inclut dans un poème. Métaphore filée (v. 2) : « bergère », « troupeau », « bêle ». Les courbes des arches des ponts de Paris évoquent pour le poète le dos des moutons. La bergère est debout, près de ses moutons ; la tour Eiffel est verticale. Elle rapproche les sirènes des péniches au bêlement des moutons. « Les hangars de Port-Aviation » : référence aux débuts de l’aviation Monde industriel : « automobiles », « hangars », « tour Eiffel » « rue industrielle » : « grâce », « neuve », « propre », « jolie » : description méliorative « belles sténodactylographes » Les caractéristiques industrielles sont valorisantes 2) Un monde de signes Ce monde de signes est repérable par : - Enumération (v. 11-14) : « prospectus », « catalogues », « affiches »… Ces éléments sont associés à la poésie et à la prose. - Enumération (v. 21-22) : « inscriptions des enseignes », « plaques », « avis » Différents supports qui utilisent tous l’écrit et qui capte l’attention de l’auteur. Ils sont pour li des supports poétiques. Tous ces éléments sont tirés du côté de la poésie (« chanter » (v. 11), « aventure » (v.13)) - Comparaison (v.22) : « les plaques, les avis » // « les perroquets » : poétisation de ces plaques et de ces avis Perroquets aux couleurs criardes, bruit, exotisme Apollinaire fait ici un inventaire de tout ce qui sera ces sources d’inspiration, des sources de modernité (tour Eiffel, automobiles, lieux industriels, réclame…). Apollinaire perçoit la beauté de ces éléments qu’il rend poétiques. Nouvelles sources d’inspiration. III- Une spiritualité lyrique Ce poème est d’abord bâti sur une opposition entre le monde ancien et le monde nouveau, qui est lui valorisé. Au vers 5, chose étonnante et en contradiction : Apollinaire dit que le christianisme est resté neuf, bien qu’il soit presque bimillénaire. Au vers 8, « l’Européen le plus moderne, c’est vous pape Pie X » : Pie X, malgré ses positions conservatrices, accorde sa bénédiction au vainqueur de la course d’avion ParisRome. Apollinaire reste très prudent sur ce modernisme, car il va très vite être démodé. Le christianisme fait échec au temps, elle fait sans cesse partie de la modernité (v. 5/8). IV- Une écriture originale Cet éloge de la modernité nécessite une nouvelle écriture poétique. 1) Une langue familière Langue proche de la conversation courante : « A la fin » (v. 1), « tu en as assez » (v. 3). Quotidien le plus banal. 2) Les figures de style Vers 2 : métaphore filée, personnification (tour Eiffel), animalisation (ponts) Vers 20 : Personnification/Animalisation Vers 5-6 : Comparaison Vers 22 : Comparaison/Personnification Vers 23 : Personnification Vers 9 : Personnification Vers 11 : Personnification Vers 19 : Personnification 3) Des assonances et des rimes Assonances : répétition d’un même son voyelle Allitération : répétition d’un même son consonne Vers 1 – Vers 19 – Vers 20 : Alexandrins Vers de longueurs démesurées : Vers 11 – Vers 24 Rimes : - Vers 1 et 2 - Vers 19 et 20 (rimes pauvres) - Vers 3 et 4 (rimes suffisantes) Assonances : - Vers 23 et 24 - Vers 7 et 8 - Vers 17 et 18 4) Absence de ponctuation Vers 3 : ambiguïté du « tu » : Tour Eiffel (pas de ponctuation) ou lecteur (blanc typographique) ? 5) Les blancs typographiques et répartition des vers Vers 1/2 Vers 2/3 Vers 3/4 Vers 6/7 Vers 14/15 Isolement d’un seul vers Graduation ascendante : - 1 vers - 1 vers - 1 vers - Tercet (3 syllabes) - Huitain (8 syllabes) - Dizain (10 syllabes) Conclusion : Ces 24 premiers vers posent une bonne partie des thèmes d’Alcools : Apollinaire hésite entre la tradition et la modernité (fond et forme).