Institut de la Conférence des associations de la défense

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Institut de la Conférence des associations de la défense
Institut de la Conférence des associations de la
défense
DÉCLARATION PRÉLIMINAIRE
TÉMOIGNAGE DE
David Perry
analyste de défense
à l’Institut de la Conférence des associations de la défense
DEVANT LE
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
LE 17 MAI 2012
[Le texte prononcé fait foi]
Monsieur le
membres,
président,
honorables
C’est un privilège que de se faire inviter
à paraître devant vous aujourd’hui dans
le cadre de votre étude du Concept
stratégique de l’OTAN et du rôle du
Canada
dans
la
coopération
internationale en matière de défense.
Dans mes remarques d’ouverture, je
vais m’inspirer d’une étude intitulée
Mener depuis l’arrière, c’est encore
mener, récemment publiée par l’Institut
de la Conférence des associations de la
défense, où je suis analyste. Dans mes
commentaires, je vais mettre l’accent
sur les leçons qu’on peut tirer de
l’opération libyenne concernant les
déploiements militaires futurs sous
l’égide de l’OTAN.
Les opérations en Libye
En février de l’an passé, le Printemps
arabe s’est étendu à la Libye, suscitant
des protestations à grande échelle dans
les rues de Benghazi. Le régime du
Colonel Mouammar Gaddafi riposta
avec des niveaux croissants de violence
qui menaçaient ultimement de se
montrer sans merci envers les
protestataires. En réponse, le Conseil
de sécurité des Nations Unies adopta la
résolution 1973, le 17 mars, autorisant
toutes les mesures nécessaires pour
protéger les civils libyens. Deux jours
plus tard, des forces américaines,
britanniques et françaises lançaient
l’opération Odyssey Dawn et frappaient
les défenses aériennes libyennes.
L’opération Unified Protector a été une
grande réussite : elle a assuré la
protection de civils libyens tout en
maintenant les dommages collatéraux à
un minimum. Elle a ainsi prouvé la
valeur du commandement et du
contrôle, de la standardisation et des
dispositions
d’interopérabilité
de
l’OTAN. Comme le démontre le bref
calendrier des événements donné plus
tôt, l’alliance a été capable de réunir des
forces opérationnelles disparates dans
une période d’environ deux semaines,
une
réussite
qu’aucune
autre
organisation multilatérale ne pourrait
égaler.
L’OTAN lança rapidement ce qui est
devenu l’opération Unified Protector
pour appliquer le mandat de l’ONU.
Une mission navale dont le but était de
soutenir un embargo sur les armes était
lancée le 22 mai et, le 31 mars, le
lieutenant-général canadien Charles
Bouchard assumait le commandement
de la zone d’exclusion aérienne audessus de la Libye sous mandat de
l’OTAN. Le but de l’OTAN était triple :
1) l’arrêt des attaques contre les civils ;
2) le retour à leur base de toutes les
forces militaires, paramilitaires et
mercenaires du régime, et
3) un accès sans entrave à l’aide
humanitaire pour tous les Libyens.
En plus, l’opération a également
démontré la capacité de l’OTAN de
travailler efficacement avec des nations
partenaires. Le Qatar, l’AEU et d’autres
acteurs régionaux ont joué un rôle
significatif dans la mission en offrant des
capacités uniques et en servant
d’interlocuteurs
avec les
forces
opposées à Gaddafi. Ce point valide
l’initiative de coopération en matière de
sécurité articulée dans le Concept
stratégique de 2010.
À la conclusion de la mission, le 31
octobre 2011, l’OTAN avait volé plus de
26 000 sorties. De celles-ci, le Canada
avait contribué à 6 % du total, et, en
gros, 10 % des sorties de frappe. En
plus, nos forces maritimes ont apporté
une contribution cruciale à la défense
de Misrata et empêché la chute de la
ville aux mains des forces favorables au
régime à un point crucial de la
campagne.
En somme, Unified Protector a
démontré que dans les bonnes
conditions, et habilités par des forces
d’opérations spéciales, les moyens
aériens et maritimes de l’OTAN peuvent
mener une intervention efficace.
Des leçons pour l’OTAN
Les lacunes dans le partage du fardeau
Un succès opérationnel
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En même temps, l’opération Unified
Protector a exposé un certain nombre
de lacunes en ce qui a trait au partage
du fardeau de l’OTAN.
défense et font pivot vers l’Asie aura
donc
des
conséquences
très
importantes
pour
l’avenir
des
opérations de l’OTAN.
Malgré des déclarations à l’effet que les
États-Unis avaient démontré les vertus
d’une ‘direction en arrière-plan’ en
Libye, les opérations, là-bas, ont
démontré à quel point l’OTAN
dépendait des militaires américains. Les
forces des É.-U. ont mené la plus
importante part des sorties de frappe,
dont la majorité des frappes initiales qui
ont handicapé les défenses aériennes de
la Libye, permettant à l’OTAN
d’appliquer la zone d’exclusion aérienne
sur des cieux effectivement sans
défense. Plus important encore, les
forces américaines ont apporté la
majorité des renseignements, de la
surveillance et de la reconnaissance et
des équipements aéroportés d’alerte et
de contrôle, supprimé les défenses
aériennes de l’ennemi, contribué à 80 %
des vols de ravitaillement, et fourni la
recherche et le sauvetage de combat.
Ce sont également les États-Unis qui ont
ravitaillé les nations membres après
l’épuisement de leur stock initial de
munitions.
Cette dépendance vis-à-vis des ÉtatsUnis est importante, parce que les
contributions d’autres membres de
l’OTAN à l’opération Unified Protector
ont été très inégales, un fait que le
secrétaire à la défense des États-Unis,
Robert Gates, a attribué à des lacunes
de capacité et de volonté.
En
conséquence, seulement 8 membres de
l’OTAN ont contribué à la campagne
aérienne et certaines de ces nations
n’avaient pas la permission de mener
des sorties de frappe. La campagne de
Libye peut aussi avoir fourni un signe
avant-coureur précoce de la façon dont
ces questions de partage de fardeau
peuvent empirer à mesure que se
développe
la
crise
financière
européenne. Certains contributeurs ont
été forcés de retirer leurs équipements
à bonne heure à cause d’un manque de
financement.
Enfin, l’opération de Libye a démontré à
la fois les bénéfices potentiels de
l’initiative Smart Defence de l’OTAN,
mais elle a aussi fait ressortir les défis
probables inhérents à sa réalisation. La
dépendance de l’alliance envers des
capacités de ravitaillement, par
exemple, indique le besoin d’une
coordination plus serrée entre les autres
membres de l’OTAN dans la procure
d’un
certain
nombre
d’outils
En bref, bien que les militaires
américains n’aient pas joué un rôle
publiquement de premier plan en Libye,
sans des moyens américains essentiels,
la mission n’aurait pas eu lieu. La façon
dont les États-Unis mettent en œuvre
leurs réductions dans le domaine de la
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opérationnels.
Si Smart Defence
contribue à augmenter les capacités de
l’OTAN dans ces domaines, elle aidera
l’alliance à réduire sa dépendance des
États-Unis et à améliorer sa capacité de
mener des opérations de gestion de
crises.
difficultés de partage du fardeau. En
conséquence, tandis que l’OTAN va
rester un élément important du rôle du
Canada dans la coopération en matière
de défense internationale, nous
devrions être réalistes concernant les
contributions
que
les
membres
individuels vont faire aux opérations de
réponse aux crises. Ce ne sont pas
toutes les nations qui vont faire une
égale contribution aux missions futures,
ce qui ne sape quand même pas la
valeur que nous y gagnons en opérant
sous le commandement de l’OTAN.
En même temps, la décision de
l’Allemagne de retirer ses pilotes de la
contribution AWACS de l’OTAN à
l’opération Unified Protector suggère
que la mise en œuvre de Smart Defence
sera vraisemblablement d’une très
grande difficulté. Les deux initiatives de
spécialisation et de coopération
envisagées dans une OTAN ‘plus avisée’
nécessiteront au bout du compte que
les nations qui contribuent veuillent
bien déployer leurs moyens en appui
aux opérations. Autrement, l’alliance
peut y gagner des capacités habilitantes,
mais connaître encore des lacunes dans
le partage du fardeau quand viendra le
moment de les déployer en opération.
En conséquence, le Canada devrait
travailler à développer des relations de
travail encore plus fortes avec le sousensemble de membres de l’OTAN, dont
la France, la Grande-Bretagne et les
États-Unis, aux côtés desquels nous
allons probablement opérer dans
l’avenir. Une concentration d’efforts
canadiens en matière de Smart Defence
vers ce groupe clé de membres de
l’alliance rapporterait l’avantage net le
plus élevé pour toute contribution
future du Canada à une réponse de
gestion de crise assumée par l’OTAN.
Pour conclure, la Libye a démontré les
bénéfices opérationnels vitaux de
l’OTAN,
et
notamment
la
standardisation, l’interopérabilité et les
dispositions de commandement et de
contrôle sans précédent. Et pourtant
l’opération libyenne démontre aussi
qu’il subsiste dans l’alliance des
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