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Q JEUDI 31 DÉCEMBRE 2015
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HIRSINGUE Collège Jean-Paul de Dadelsen
Eclosion de comédiens
Le collège Jean-Paul de Dadelsen de Hirsingue, sous la houlette de dynamiques professeurs de français, vit la culture à 100 à
l’heure. Cette année, un projet d’envergure a vu le jour en forme d’immersion complète dans le théâtre, via des ateliers
encadrés par un comédien professionnel, Lionel Lingelser.
I
ls s’appellent Marie-Léanne,
Elise, Jonas, Tanguy, Guillaume, Mathilde, Axelle, Jordan,
Xavier, Mathias, Flora, Elisa et
Noé. Ils ont été sélectionnés pour
leur personnalité, leur envie, leur
capacité à appartenir à un groupe,
l’espoir d’acquérir une aisance à
appréhender le corps et la voix, et
à s’en servir. Quel vaste programme ! Les ateliers ont démarré en
octobre, à raison de deux demijournées par mois, sauf en décembre puisque la séance s’est déroulée exceptionnellement sur une
journée complète.
me si l’on venait de naître, puis
prendre possession d’un environnement inconnu, par gestuelle et
en y mettant l’intention. « C’est
un exercice poétique, on est là
pour ressentir », explique Lionel.
Il guide ensuite à la voix une expédition dans la jungle, dans laquelle chacun doit se mouvoir, éviter
l’aigle ou le dragon, les pluies diluviennes, mais aussi escalader
une montagne. Le corps vit, raconte une histoire.
« C’est comme une
naissance »
« On est là pour
ressentir »
Ce fut l’occasion de se jeter à corps
perdu dans le théâtre et toutes les
disciplines qui s’y associent : relaxation, puis étirements dignes
d’un sportif s’apprêtant à pratiquer son art martial. Avec plus ou
moins de difficultés… « Ça coince,
Exercice de détente active, permettant d’être toujours à l’affût de ce qui se passe sur scène.
Le masque neutre permet de découvrir les différents
positionnements dans l’espace scénique.
y a un os ! », entend-on subrepticement. Lionel Lingelser, en jogging et T-shirt noir comme ses
disciples, organise l’échauffement, tout en étant ferme. « Ne
perdez pas votre concentration,
faites-le sérieusement ».
Le sport est en effet un préalable
indispensable à tout travail de comédien. Repérer les tensions,
ouvrir la cage thoracique, respirer,
sourire. Tout est important car
tout est lié. La voix en fait partie.
Pincer la gorge, caresser, réchauffer, tenter des sons en étant à
l’écoute de l’autre, tirer la langue
en émettant des onomatopées de
sauvage, faire le petit chien, chanter, sont des exercices qui stimulent autant qu’ils rassemblent. Le
groupe est une équipe. Guidé par
Lionel, le chœur s’améliore
PHOTOS DNA
d’ailleurs dès la première chanson.
Puis les treize élèves, deux quatrièmes et onze troisièmes, se coiffent d’une paire de collants en
nylon dont les jambes sont roulées
de manière à en faire un bonnet.
Avec un double prétexte : créer un
personnage unisexe en camouflant les cheveux, mais aussi accueillir le support du masque, et
bien sûr de la perruque, ultérieurement. Lionel est venu avec une
armada d’accessoires. Des masques en plastique, à la couleur de
la peau et à l’expression neutre,
sont fournis aux élèves qui reçoivent les consignes pour s’en parer.
Rien n’est anodin.
Mais voilà d’un coup des personnages identiques qui n’ont que
leur corps pour s’exprimer. Ils
Jonas a usé de son potentiel
d’improvisation pour créer le
personnage de Castor Dubois.
n’ont pas la parole et n’ont plus de
mimiques faciales. Premier exercice : se découvrir soi-même com-
Le masque, c’est avant tout un
regard, et une connivence à former avec l’autre. Il y a des codes à
apprendre et à comprendre pour
percevoir le rendu auprès du public. « Soyez curieux de votre environnement. » Tous ensemble, ou
bien par groupe de six ou de quatre, les exercices s’enchaînent.
Lorsque Mathilde et Jonas se confrontent en duo pour la découverte
de sentiments amoureux, un déclic se produit et il se passe réellement quelque chose, sans qu’euxmêmes n’en aient réellement
conscience. « C’est comme une
naissance », disent-ils après l’expérience. L’impression d’être
ailleurs, de vivre dans le corps
d’un autre.
Lorsque Jonas est choisi pour porter le premier masque en bois, on
le sent intimidé. Mais rapidement,
toujours guidé par maître Lionel,
il prend conscience de ses capacités à improviser un personnage,
un certain Castor Dubois dont il
invente le timbre de voix, le nom,
la vie. Et déjà tous comprennent
que le masque, c’est aussi l’art
difficile de garder la bouche et les
yeux grands ouverts.
GÉRALDINE COGNARD-GROSS
R
Un collège extra !
Depuis trois ans au collège
d’Hirsingue, plusieurs démarches centrées sur le
théâtre ont vu le jour.
lequel il intervient. Il a ainsi,
dès le mois d’avril, sélectionné
13 élèves, et passe, depuis octobre, 2 demi-journées par mois en
leur compagnie, pour les immerger dans une synergie de disciplines indissociables : le corps,
la voix, le geste, le regard, l’intonation, et surtout l’intention.
Un bain prolongé inestimable
dont ils auront toutes les raisons
de garder des séquelles durables
qui ne sont que la conséquence
de l’ouverture sur le monde.
G. C.-G.
NOTAMMENT LE « Parcours théâ-
tre » destiné à découvrir, avec la
classe, les pièces donnant lieu à
un travail littéraire, avec la rencontre de comédiens professionnels, ou bien encore le programme « Tous au spectacle »
encourageant les élèves à se rendre au théâtre en famille, avec
un bus affrété par l’établissement scolaire. Un bon moyen de
forger, en milieu rural, de bonnes habitudes culturelles, en
partenariat avec la Filature de
Mulhouse et le CREA de Kingersheim. Nos colonnes en
avaient fait l’écho.
« Jouer pleinement son rôle
dans le maillage
territorial »
Cette année, Martine Loeffler,
professeur de français, a opté
pour un projet innovant, monté
de toutes pièces et avec tout
l’acharnement dont elle a toujours fait preuve pour amener
ses élèves à aimer le théâtre.
Driss Kherbouche, proviseur de
l’établissement, soutient activement l’atelier en fournissant les
locaux, en participant aux déF32-LAL 01
R
DEUX PÔLES
Lionel Lingelser, comédien professionnel, anime les ateliers
théâtre tout en préparant une pièce avec les élèves.
placements, en apportant une
aide matérielle et en faisant le
lien avec les différentes entités.
« Au-delà des bénéfices immédiats pour le groupe d’élèves
participants, ce projet ambitieux, par l’écho qu’il aura, contribuera au rayonnement culturel du collège. Il témoignera de
son dynamisme et de sa volonté
de jouer pleinement son rôle
dans le maillage territorial qui
articule les établissements scolaires et les structures culturel-
les ».
Un homme fait le lien. Car sans
lui, point de guide, point de phare dans la nuit, donc point d’atelier. Lionel Lingelser, sollicité
autant pour son professionnalisme et son talent que pour son
immense générosité, est comédien professionnel formé au
Conservatoire national de Théâtre de Paris, spécialisé dans le
théâtre de masque depuis qu’il a
monté, avec Louis Arène (Comédie française), sa propre compa-
La naissance du sentiment amoureux (3) - un exercice qui a
offert au public de vraies émotions. PHOTOS DNA
gnie, le Munstrum Théâtre. L’enfant du pays (il est originaire
d’Illfurth) accompagne les collégiens depuis 3 ans maintenant,
notamment avec la pièce Oh boy
dans laquelle il était seul en
scène, puis L’Ascension de Jipé.
Son chemin artistique le porte
loin et il est sur tous les fronts,
également au cinéma (il a tourné avec Gérard Depardieu et Isabelle Huppert) et à la télévision
(il vient d’achever une série
américaine).
Collège unique...
Cette année, Lionel apporte son
écot théâtral en lycée mulhousien, mais également à l’Université puisqu’il vient de s’envoler
pour les Etats-Unis y animer des
ateliers théâtre à destination
des étudiants de Princeton. Hirsingue est le seul collège dans
Le programme s’articule autour
de deux grands pôles :
- une pratique théâtrale avec
Lionel Lingelser : initiation via
ateliers d’octobre 2015 à
mars 2016, création de la pièce
La Terre qui ne voulait plus
tourner (Françoise du Chaxel),
qui sera jouée du 29 mars au
1er avril à la Halle-au-Blé d’Altkirch.
- un parcours culturel en partenariat avec le Créa de Kingersheim, scène conventionnée
jeune public : coulisses, répétitions d’artistes en résidence,
spectacles Momix, et pièce
L’Ascension de Jipé (de et avec
Lionel Lingelser) le 4 février
prochain à Thann.