Fiche récapitulative HDA Histoire-Géographie Œuvre étudiée en 4ème

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Fiche récapitulative HDA Histoire-Géographie Œuvre étudiée en 4ème
Fiche récapitulative HDA Histoire-Géographie
Thématique : arts, États et pouvoirs.
Problématique : comment les cultures interagissent à l’époque de l’esclavage ?
Œuvre étudiée en 4 ème : extrait du conte philosophique de Voltaire, Candide ou
l’optimisme, 1759.
« En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant
plus que la moitié de son habit […] ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et
la main droite. « Eh ! Mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami,
dans l'état horrible où je te vois ? - J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux
négociant, répondit le nègre. - Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ?
- Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout
vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous
attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe
la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre
en Europe. […] Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux
que nous ; les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que
nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si
ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous
m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible ».
Voltaire, Candide ou l’optimisme, 1759.
Voici ce que les élèves sont censés maîtriser
1/ Présentation de l’œuvre : Il s’agit d’un extrait du conte philosophique intitulé
Candide ou l’optimisme, plus précisément du chapitre 19 « le nègre de Surinam », paru en
janvier 1759.
Son auteur, Voltaire, est un des symboles du courant de pensées des Lumières qui anime
l’Europe au XVIIIe siècle.
2/ Contextualisation : l’œuvre et l’auteur : Voltaire, de son vrai nom François-Marie
Arouet, est né en 1694 au sein d’une famille fortunée. C’est après avoir exercé la charge
de procureur qu’il s’essaie à l’écriture.
Certaines de ses œuvres, très critiques à l’égard de la monarchie, lui valent d’être
emprisonné à la Bastille puis de s’exiler en Angleterre, pays qu’il juge plus libre que la
France.
Il se rend également chez le roi de Prusse, Fréderic II avant de séjourner à Genève et
de se retirer définitivement à Fernay, près de Genève.
De par ses combats contre l’injustice (Affaire Calas), l’intolérance (il écrit un Traité sur
la tolérance à l’occasion de la mort de Jean Calas), l’esclavage (Candide ou l’optimisme)
où encore la monarchie absolue, son œuvre symbolise l’esprit contestataire des
Lumières.
4 éléments de contexte ont été mis en évidence avec les élèves :
- la monarchie absolue de droit divin : en 1759, lorsque parait l’œuvre, le roi Louis
XV règne sur la France dont le régime politique est la monarchie absolue de droit divin.
Les élèves doivent en maîtriser sa définition : régime politique dans lequel le roi exerce
un pouvoir politique sans partage et croit qu’il lui a été confié par dieu. La plupart des
États européens au XVIIIe siècle sont dirigés par des rois qui détiennent un pouvoir
absolu.
- la société d’ordres : hérité du Moyen Âge (Adalbéron de Laon, évêque de Laon,
est un des premiers à parler d’une société médiévale divisée en trois ordres : oratores,
bellatores et laboratores), la société que connaît Voltaire est une société divisée en
trois catégories : le clergé, la noblesse et le tiers état, les deux premiers ordres
disposant d’importants privilèges.
- le courant de pensée des Lumières : Voltaire y appartient. Il s’agit d’un courant
de pensée européen du XVIIIe siècle composé de philosophes et de savants qui
considèrent que le progrès est lié à la liberté, à la tolérance et à l’instruction.
- la domination du monde par l’Europe au XVIII e siècle : au XVIIIe siècle, les
Européens pensent dominer le monde (Grande-Bretagne, France, Portugal, ProvincesUnies pour l’essentiel). Ils affirment leur puissance par la domination de vastes empires
coloniaux situés en Amérique (Treize colonies anglaises, Antilles françaises…). Ils
fondent des colonies, des comptoirs et contrôle le commerce maritime pour importer
des produits à forte valeur commerciale comme la soie, le cacao ou diverses épices.
Voir aussi la guerre de Sept ans (elle oppose principalement le royaume de France à la
Grande-Bretagne à propos des possessions d’Amérique du nord) qui commence trois ans
avant la parution de son œuvre.
- la traite atlantique et l’esclavage : progressivement se met en place une traite
atlantique, négrière (définition : commerce des esclaves noirs d’Afrique) qui se
développe dans le cadre de l’économie de plantation.
Les marchands européens achètent ces esclaves sur les côtes africaines (Golfe de
Guinée principalement) et sont revendus aux colons d’Amérique pour servir de main
d’œuvre dans les plantations.
Au XVIIIe siècle, c’est environ six millions d’Africains qui sont déportés vers les
colonies des Amériques et d’Asie.
Les conditions de transport sont difficiles (entassement des esclaves, manque d’hygiène,
propagation des maladies, beaucoup de morts lors des traversées).
La vie des esclaves dans les plantations est tout aussi difficile. C’est ce que dénonce
Voltaire dans son texte. Les traitements infligés sont brutaux et cruels, le travail dans
les champs de canne à sucre est difficile et les esclaves sont plus considérés comme des
marchandises, des animaux que des êtres humains à part entière (Cf. analyse du texte).
Les esclaves travaillant dans les colonies françaises sont soumis à un code noir (rédigé
sous le règne de Louis XIV) qui déclare dans son article 44 « les esclaves être
meubles ».
3/ Analyse de l’œuvre en rapport avec le contexte :
- problématique : en quoi l’œuvre de Voltaire représente-t-elle une critique claire
du système esclavagiste ?
- traitements que subit l’esclave : dans cet extrait Voltaire dénonce de façon
très nette les traitements inhumains, brutaux et cruels que l’esclave subit. Cette
torture est à la fois physique (châtiments corporels fréquents, flagellations, mal
logement, nourriture insuffisante) et psychologique.
- Dans quel cadre : cet esclave travaille pour le compte d’un négociant hollandais,
dans une plantation de cannes à sucre, au Surinam (Amérique du Sud) qui à cette époque
est une colonie néerlandaise.
- Contradiction entre le discours de l’Église et les traitements que subit
l’esclave : à la fin de l’extrait, Voltaire souligne la contradiction qu’il y a entre un
discours de l’Église qui se veut égalitaire et la réalité, celle de millions d’Africains
perçus comme de la marchandise et comme de véritables animaux (« les chiens, les
singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous » ligne 10).
- Cadre d’une économie de plantation : les esclaves de cette colonie produisent du
sucre, un produit à forte valeur commerciale qui sera exporté par navires en direction
de l’Europe toute entière.
4/ Aspects littéraires de l’œuvre qui viennent renforcer la critique de Voltaire :
- le conte philosophique : Voltaire a choisi un style littéraire particulier pour
faire passer son message ; c’est une impression de normalité qui se dégage du texte (une
histoire qu’il raconte) qui vient insister et renforcer l’horreur de la situation de chaque
esclave. L’auteur utilise beaucoup l’ironie, les jeux de mots (cf. nom du négociant
hollandais, monsieur Vanderdendur), et, même s’ils ne sont pas mentionnés dans cet
extrait, les autres personnages sont affublés de noms délicieux (le baron Thunder-tenTronckh, Pangloss qui enseigne la métaphysico-théologo-cosmolonigologie...)
- la critique « déguisée » du royaume de France : Il est étrange de voir que
Voltaire parle du Surinam, colonie néerlandaise et non française. Cependant, c’est bien
une critique « déguisée » du rôle du royaume de France dans la traite négrière. Voltaire
sait très bien ce qu’il se passe non loin du Surinam, dans les Antilles françaises. Voltaire
connait le « code noir » rédigé par Louis XIV et la situation de chaque esclave dans les
colonies françaises.
Conclusion : la critique de Voltaire est très claire dans ce passage. Il remet en cause
tout un système, celui des traites négrières et de l’économie de plantation.
Son discours est donc abolitionniste, il est favorable à l’interdiction de la traite des
Noirs en raison des traitements inhumains que ces derniers subissent.