Le point sur les traitements

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Le point sur les traitements
Soigner le mutisme sélectif
Extrait de R. Gallagher, “About Selective Mutism – Profiles of Silence”, site du NYU Child
Study Center, School of Medicine, New York University (www.med.nyu.edu).
Traduit par Ouvrir la Voix avec l'aimable autorisation de l'auteur.
Le traitement efficace du MS consiste en de petites étapes pour résoudre 3 problèmes de
base :
- Le niveau élevé d’anxiété de l’enfant dans des situations à caractère social.
- L’expérience limitée que cet enfant a eu en ce qui concerne la communication avec
d’autres personnes que les membres de sa famille.
- Le niveau élevé de renforcement présent pour la communication non verbale
La psychothérapie de soutien ou exploratoire n’a pas fourni de preuves de son efficacité. Bien
que ces approches puissent être importantes pour construire une plus grande confiance et une
posture plus détendue dans la vie, elles n’ont pas réussi à réduire le problème de la limitation
du langage dans les situations sociales. C'est pourquoi les professionnels se sont tournés vers
des méthodes qui permettent de réduire l’anxiété et de bâtir des aptitudes sociales. La thérapie
comportementale avec intervention de la famille et l’utilisation de médicaments, soit
indépendamment soit de façon combinée ont fait l'objet de descriptions récentes. Dans un
premier temps, nous décrivons ici des éléments d’une approche thérapeutique
comportementale qui est utilisée au Centre d’Etudes Infantiles l’Université de New York
(NYU Child Study Center) avant de nous attarder sur l’utilisation de médicaments.
.
Thérapie comportementale
Après une évaluation complète de l’histoire psychologique et développementale de l’enfant à
partir d’entretiens avec les parents ou tuteurs, ainsi qu’avec des personnes contact telles que
les enseignants, des informations détaillées sur le MS sont fournies à ces personnes. On leur
apprend comment le mutisme a pu se développer et comment ils peuvent aider à surmonter les
difficultés par des changements dans leurs réactions et leurs pratiques. On leur fournit une
description des objectifs et des étapes du traitement de façon à engager tous les partenaires
dans un effort collectif de collaboration. Les parents de l’enfant sont encouragés à prendre un
rôle actif dans le renforcement du changement et de la pratique. L’enfant est informé que l’on
va leur demander de parler de façon graduelle à des personnes familières en présence d’autres
personnes puis de parler à ces personnes. L’utilisation de récompenses est introduite pour
motiver le changement.
Techniques :
Un format multimodal basé sur des résultats de recherches incorpore un nombre de techniques
différentes :
1) Réduction de l’anxiété
2) Exposition graduée aux situations redoutées
3) Modification du comportement suite à l’exposition graduée
4) Self modeling (auto-modelage) d’actions appropriées
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5) Enregistrements audio et vidéo utilisés dans les lieux où l’enfant est silencieux
6) Restructuration cognitive qui permette à l’enfant d’extérioriser sa difficulté
Selon l’étendue et la durée du mutisme sélectif, il peut s’avèrer nécessaire d’avoir recours soit
à l’ensemble de ces méthodes, soit à une utilisation plus ou moins longue de certaines de ces
techniques seulement.
Réduction de l’anxiété
Le traitement peut inclure différentes méthodes pour réduire l’anxiété. L’apport
médicamenteux, discuté ci-après, peut réduire les réactions anxieuses grâce à des
changements dans les réactions chimiques du cerveau. Une réduction de l’anxiété peut être
obtenue par l’apprentissage de la relaxation profonde des muscles. L’apprentissage est fait en
présence du parent ou d' un autre membre de la famille présent afin d' accroître la confiance
de l’enfant. On n’attend rien d’autre de l’enfant sauf qu’il écoute pendant ces séances. Les
méthodes de relaxation musculaire sont enseignées et pratiquées, et le thérapeute guide
l’enfant pour qu’il puisse utiliser ces méthodes avec des efforts de respiration profonde. Les
instructions sont enregistrées sur cassettes pour un usage à la maison et on demande à l’enfant
de s’entraîner deux fois par jour pendant plusieurs semaines de façon à obtenir la capacité à se
détendre facilement.
Exposition graduée et désensibilisation
Par exposition graduée, nous entendons la mise en présence étape par étape de situations qui
provoquent une anxiété. Pour le mutisme, cela veut dire l’introduction graduelle de personnes
dans des situations où l’enfant arrive à parler avec aisance. La désensibilisation est le procédé
qui consiste à atteindre un niveau de confort en la présence de situations qui avaient
l’habitude de provoquer une anxiété.
Une fois que l’enfant a appris à se détendre, il est placé dans des situations dans lesquelles il
peut parler avec aisance, et d’autres personnes sont alors introduites de façon graduelle dans
la situation pendant que la conversation continue. Par exemple, les parents et l’enfant sont en
train de jouer, de dessiner et de parler dans le cabinet du thérapeute. Les parents ont pour
directives de poser des questions et de commenter les activités de l’enfant. A ce moment-là, le
thérapeute n’est pas présent, pour permettre à l’enfant de se sentir à l’aise pour parler dans ce
lieu. Ensuite, on enregistre la conversation pendant que le thérapeute est absent, mais le
parent, l’enfant et le thérapeute écoutent l’enregistrement ensemble. Ensuite, le parent et
l’enfant continuent à converser avec la porte du bureau ouverte et le thérapeute qui se trouve
juste de l’autre côté. Ensuite, le thérapeute entre de façon graduelle dans la pièce et établit un
lien visuel avec l’enfant pendant que l’enfant continue à parler à son parent. Puis, le
thérapeute prend part à la conversation. Une fois que l’enfant parle au thérapeute, le parent se
retire progressivement jusqu’à ce qu’il quitte la pièce alors que l’enfant converse avec le
thérapeute. L’atteinte de chaque objectif est facilitée par l’utilisation de récompenses lorsque
l’enfant arrive à parler à chaque nouvelle étape. Ce n’est que lorsque l’enfant est
complètement à l’aise avec toutes les étapes précédentes et qu’il a réussi les tâches requises
que la progression à l’étape suivante devient possible.
Puisque les étapes décrites pour rompre le cycle du silence sont difficiles à atteindre, plusieurs
sessions sont nécessaires pour progresser lentement d’une étape à l’autre. Une fois que
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l’enfant parle au thérapeute, un programme pour généraliser la parole à d’autres personnes et
dans d’autres lieux est mis en place. D’autres personnes sont ajoutées lors de ces rencontres et
des dispositions sont prises pour inclure l’instituteur de l’enfant et d’autres membres du
personnel de l’école. En règle générale, on encourage l’enfant à parler à l’instituteur lorsque
les autres enfants ne sont pas présents. Peu de temps après, d’autres enfants sont introduits
dans la situation en nombre de plus en plus importants. Les objectifs ultimes à atteindre sont
de pouvoir répondre aux questions de l’instituteur en classe et d’interagir oralement avec ses
camarades. Pour généraliser la parole à des situations hors de l’école, les parents ont pour
mission d’encourager leur enfant à parler à d’autres enfants et à des adultes à leur domicile
tout comme à l’extérieur de chez eux. Les parents sont aussi chargés de créer des situations de
conversation avec l’enfant dans lesquelles on introduit progressivement de nouvelles
personnes.
L’exposition graduée a échoué dans certains cas d’enfants incapables de bouger dans des
situations mêmes des plus confortables. Dans de tels cas, des sessions étendues ont été
requises, dont l’objectif est que l’enfant coopére brièvement en prononçant quelques mots
avant de pouvoir quitter le lieu de la thérapie. Certaines de ces sessions ont duré des heures,
mais ont été couronnées de succès dans la plupart des cas.
Modification du comportement
Toutes les étapes de l’exposition graduée devraient être liées à un programme de
renforcement d’une sorte ou d’une autre. Pour motiver l’enfant à surmonter le taux élevé
d’anxiété qu’il peut ressentir, des encouragements d’ordre social ainsi que d’autres formes de
renforcement social sont attribuées ainsi que des récompenses concrètes. Les parents
devraient être impliqués dans la remise de ces récompenses, pour qu’il apparaisse clairement
à l’enfant que la famille veut encourager plus de comportement social. Les récompenses
d’ordre social aident l’enfant qui s’est trouvé isolé à apprendre que les sourires et les
remarques agréables émanant des autres sont de bonnes choses qui peuvent être appréciées.
Self-modeling et les enregistrements
Le self-modeling se réfère à un procédé dans lequel un individu s’observe en train d’agir de la
façon la plus efficace possible. Des vidéos spéciales peuvent être élaborées sur lesquelles
l’enfant répond à une série de questions présentées par les parents ou le thérapeute. Une autre
bande de vidéo est faite avec l’instituteur (ou une autre personne appropriée à laquelle
l’enfant n’a jamais parlé) qui pose les questions. Une vidéo spéciale est ensuite éditée qui
montre tout d’abord la personne qui pose les questions puis l’enfant qui lui répond, donnant
ainsi l’impression que l’enfant est en train de converser avec cette personne.
En plus de cela, visionner des cassettes ou vidéos montrant l’enfant en train de parler s’est
avéré très utile. Cette méthode permet aux autres enfants de se rendre compte que l’enfant est
capable de parler, baisse l’anxiété associée à l’observation de l’enfant par ses pairs et a pour
résultat de dissiper la peur que l’enfant va recevoir des retours négatifs si on l’entend ou si on
le voit parler. L’utilisation de cette méthode est préconisée quand l’objectif est la
généralisation de la parole de l'environnementclinique vers l'environnement scolaire.
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Extérioriser la difficulté
Une fois que les enfants ont commencé à faire des progrès, la plupart d’entre eux deviennent
enthousiastes et désireux de s’améliorer. Pour permettre la suite de la motivation une fois que
l’enfant a commencé à parler au thérapeute, nous avons trouvé utile de demander aux enfants
de considérer leur condition comme leur étant extérieure.
On leur demande d’imaginer que le mutisme leur envoie des messages pour qu’ils soient
silencieux et gênés. On leur demande de percevoir le mutisme comme étant méchant et
mauvais. On donne des attributions négatives à ce trouble et on dit à l’enfant qu’il souhaite
que l’enfant passe un mauvais moment. Alors que la thérapie progresse, on fait souvent le
bilan pour savoir qui des deux gagne en demandant à l’enfant comment les tâches qu’il doit
effectuées chez lui ont été menées à bien et si le trouble gagne toujours. Cette méthode ajoute
un élément important de motivation au traitement et aide probablement l’enfant à prendre le
contrôle sur son trouble et les impacts de celui-ci sur ses réactions. En particulier, les enfants
en opposition se tournent contre leur difficulté au lieu de se tourner contre les personnes qui
encouragent la parole.
Thérapie pharmacologique
Au cours des dernières années, plusieurs groupes de psychotropes ont été utilisés avec un
succès limité relevé jusqu’au jour où les SSRI (Selective Serotonin Reuptake inhibitors)
furent utilisés. Ces capteurs d’inhibiteurs de la sérotonine jouent sur l’augmentation de
l’influence de la sérotonine dans le cerveau. La sérotonine est une substance chimique que
l’on trouve à des taux peu élevés chez les enfants et adultes susceptibles d’avoir des réactions
d’anxiété et des troubles liés à l’anxiété. Quand on augmente l’influence de la sérotonine, les
patients rapportent qu’ils sont en mesure de contrôler leurs réactions anxieuses et leurs
pensées négatives. Dans le traitement du MS, l’utilisation de SSRI tels que la sertraline, la
fluoxétine combiné à un inhibiteur monoamine oxidase tel que la phénelzine, ont produit des
résultats positifs en permettant d’élargir le nombre de situations dans lesquelles les enfants
peuvent s’exprimer.
Notre expérience montre que les médicaments en eux-mêmes amènent une amélioration, mais
pas toujours à la prise de parole fonctionnelle, qui est la capacité à parler dans pratiquement
toutes les situations où la communication est appropriée et nécessaire.
Nous avons trouvé que le fait de supplémenter l’apport médicamenteux avec une thérapie
comportementale a pour résultat un nombre plus important d’enfants qui atteignent la parole
fonctionnelle. Il s’est également avéré que la combinaison prise de médicaments-thérapie
comportementale nous permet d’éliminer l’apport médicamenteux en fin de traitement lorsque
les enfants arrivent à parler dans la plupart des situations. Nous étudions à présent de
nombreux cas d’enfants qui ont suivi une thérapie comportementale simple ou une thérapie
comportementale avec médicaments suivie par un arrêt progressif des médicaments. Ces
enfants sont décrits par leurs enseignants successifs comme n’étant en rien différents de leurs
camarades de classe dans leurs interactions d’ordre social.
Efficacité des traitements et l’avenir
Bien que rare, le MS mérite une attention toute particulière à cause de sa persistance et de
l’impact tout à fait débilitant qu’il a sur les jeunes enfants. Les approches des thérapies
comportementales, l’utilisation de médicaments, et leur combinaison reçoivent de plus en plus
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d’attention dans le traitement du MS. Avec la publication d’études sérieuses contrôlées qui
incorporent d’excellentes stratégies scientifiques, les professionnels de la santé mentale ont à
présent les ressources pour formuler des programmes fiables dans le traitement du MS. Bien
que beaucoup d’évaluations scientifiques doivent encore être achevées avant de pouvoir dire
si nous disposons d’un traitement définitif, le tableau est beaucoup plus rose qu’il y a encore
tout juste 5 ans.
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