1793 charlotte corday
Transcription
1793 charlotte corday
1793 CHARLOTTE CORDAY En 1792, où l’opinion publique accueillait les déclamations de Marat avec plus dégoûts que de colère, il y avait à Caen une jeune fille qui s’appelait Marie-Anne Charlotte de Corday d’Armont ; elle était née aux Ligneries, petit village des environs d’Argentan. Sa famille était noble et comptait une de nos plus grandes gloires nationales parmi ses ascendants – son père descendait au troisième degré de Marie Corneille, sœur de l’auteur du Cid ; M. de Corday était pauvre et Mme Corday était morte lorsque Charlotte n’était encore qu’une enfant. Enthousiaste des principes de la Révolution, elle en salua l’origine avec enthousiasme ; elle en embrassa la cause avec l’ardeur des convictions sincères. Le triomphe de ceux qu’elle considérait comme les plus dangereux adversaires de cette République chérie, la consternèrent ; elle chercha qui elle devait frapper. Marat déshonorait la République et c’est naturellement que le ciel désignait la jeune patriote à son poignard. Elle quitta Caen le 9 juillet pour Argentan qu’elle atteignit deux jours plus tard. Le vendredi 12, elle porta une lettre - que lui avait remise Barbaroux- pour Duperret ; ce dernier la reçut et lui promit de la mener au ministère de l’intérieur où elle voulait solliciter pour Melle de Forbin. Le samedi, avant de rejoindre Duperret, elle écrivit à Marat un billet dans lequel elle lui demandait une entrevue, et elle le mit à la poste. Duperret ne put obtenir l’audience au ministère de l’intérieur et ramena Charlotte près du jardin du Palais-Royal. Charlotte entra chez un coutelier où elle acheta un couteau à manche d’ébène, long et acéré, puis rentra à son hôtel ; elle espérait y trouver la réponse de Marat. Marat était malade. La fièvre continue qui brûlait son sang dégénérait en une sorte d’eczéma qui le défigurait ; depuis quelques jours, il n’allait plus à la Convention. Sanson, Henri-Clément. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome quatrième. 2001./Gallica-BNF 1793 CHARLOTTE CORDAY Le samedi 13, vers onze heures, elle se présente au 20 de la rue des Cordeliers (1) , chez Marat, mais elle n’est pas reçue. Après avoir préparé un billet dans le cas où elle ne serait toujours pas reçue, elle y retourna. Elle était vêtue d’un déshabillé blanc en coton moucheté ; pour coiffure, elle avait un chapeau haut de forme entouré d’une triple ganse et orné d’une cocarde noire. Marat avait mieux qu’un garde du corps : Catherine Evrard, sa maîtresse sa sœur et Jeannette Maréchal, la cuisinière. La première refusa l’entrée à la jeune fille, mais quand Marat reconnut la voix de celle qui s’était présentée le matin, il donna l’ordre de la faire entrer. Marat était dans son bain, la tête enveloppée d’un mouchoir ; un drap sale recouvrait la baignoire ; devant lui était une planche qui lui servait de pupitre. Marat questionna Charlotte sur les noms des administrateurs de Caen, du Calvados et de l’Eure, il s’écria : « D’ici à peu de jours, ils iront à la guillotine ! » Cette menace rappela à Charlotte Corday à sa mission ; elle se rapprocha de la baignoire et plongea le couteau dans la poitrine de Marat jusqu’au manche. Marat appela à l’aide et expira. A son cri, un nommé Laurent Basse, qui publiait des journaux dans une pièce voisine et les femmes se précipitèrent dans la chambre. Charlotte Corday était debout devant la fenêtre, immobile et sans faire la moindre tentative pour s’enfuir. Tandis que l’on portait le corps de Marat sur son lit, des gardes nationaux arrêtèrent Charlotte Corday. Une foule immense s’était déjà réunie en réclamant la tête de l’assassin. On craignit quelle ne fut mise en pièces et on la fit remonter dans l’appartement de Murat où on l’interrogea. Elle répondit avec calme et dignité à toutes les questions. (1) Renommée, 18 Rue de l’Ecole de Médecine 17 juillet 1793 Sanson, Henri-Clément. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome quatrième. 2001./Gallica-BNF 1793 CHARLOTTE CORDAY Elle avait cru frapper un être sanguinaire et paraissait surprise qu’il put être aimé. Lorsque la nuit fut venue, des représentants du peuple la conduisirent à la prison de l’Abbaye où elle fut de nouveau questionnée. Transférée à la Conciergerie le 16 au matin, elle acheva la longue lettre qu’elle avait commencée à l’Abbaye et qu’elle adressait à Barbaroux pour lui « faire connaître le détail de son voyage ». Elle parut le 17 devant le tribunal révolutionnaire, défendu par Chauveau-Lagarde, désigné d’office. Au commencement de l’audience, elle s’était aperçue qu’un jeune homme dessinait ses traits, ce jeune homme, c’était un peintre nommé Hauer, alors commandant en second au bataillon des Cordeliers. Quand le jury eut prononcé le verdict qui la condamnait à mort, elle pria les gendarmes de la conduire auprès de son défenseur pour le remercier. Il était deux heures de l’après-midi quand on la fit descendre dans son cachot. Dix minutes plus tard, la porte s’ouvrit, le jeune peintre entra et lui demanda la permission de terminer son portrait ; cela dura une heure et demie. Ce 17 juillet 1793, les cheveux coupés, vêtue de la chemise rouge des parricides Charlotte était debout dans la charrette, il plut et il tonna au moment où elle arriva sur le quai, mais le peuple restait là comme à l’habitude.(2) (2) Charlotte monta promptement sur l’échafaud et se plaça d’elle-même sur la bascule. Sanson était encore au pied de l’échafaud, occupé avec un certain Legros, charpentier, lorsqu’il fit signe à son aide de faire tomber le couteau. Legros se lança sur la tête qu’il ramassa, la montra au peuple et la gifla. Le tribunal révolutionnaire fit incarcérer le charpentier Legros et lui adressa une publique et sévère remontrance. Sanson, Henri-Clément. Sept générations d'exécuteurs . Mémoires des Sanson. Tome quatrième. 2001./Gallica-BNF