Les flammes de l`enfer à volonté
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Les flammes de l`enfer à volonté
R EP O R TAG E S I M U L AT I O N D ’ I N C E N D I ES Les flammes de l’enfer à volonté D-31178-2009 Pour la plupart des sapeurs-pompiers, la formation aux interventions réelles se déroule généralement dans des caissons d’entraînement ou dans des maisons à feu. À l’école de formation des sapeurspompiers du Calvados, à Vire, dans le nord-ouest de la France, ils ont à leur disposition non une maison, mais toute une ville. Portrait du PLUS GRAND DISPOSITIF DE SIMULATION D’INCENDIES au monde. La simulation est si réaliste que les sapeurs-pompiers ont parfois l’impression de mener une véritable intervention. 22 REVUE DRÄGER 1 | NOVEMBRE 2010 L e feu a pris dans une maison individuelle : un binôme composé de deux jeunes sapeurs-pompiers équipés d’appareils respiratoires progresse jusqu’à la pièce en feu. Ils mettent en place une lance multi-jets et trois longueurs de tuyau ainsi qu’une buse à jet creux. Un nuage de fumée envahit le couloir. Un des intervenants, le lancier, s’accroupit à droite de la porte, l’autre, resté debout près de la poignée, retire un gant et teste du dos de la main la température de la porte, en allant du bas vers le haut : elle est très chaude. Il suffit aux deux hommes d’échanger un regard pour savoir ce qu’ils doivent faire. L’un d’eux passe une sangle autour de la poignée de la porte, et à « trois », ils y vont. L’intervenant debout côté poignée compte jusqu’à 3 et ouvre brutalement la porte, son camarade lancier envoie alors trois jets diffusés dans la pièce qui est la proie des flammes, puis son collègue referme la porte en tirant sur la sangle. Les deux hommes répètent la manœuvre deux fois de plus, afin de réduire la température dans la pièce. Il s’agit ensuite de maîtriser le foyer. La porte s’ouvre une dernière fois : le lancier délivre une impulsion en jet diffusé à droite et à gauche, puis envoie dans la pièce un jet plein en faisant décrire à la lance un mouvement en forme de 8 couché. Les deux hommes s’engagent maintenant dans la chambre à coucher en feu. Le lancier s’agenouille au ras du sol et lance un jet diffusé vertical en direction du plafond afin de tester la température de l’air. L’eau retombe en pluie sur son casque : si ce n’était pas le cas, c’est qu’elle se serait évaporée sous l’effet de la cha- REVUE DRÄGER 1 | NOVEMBRE 2010 leur, signalant une situation dangereuse. Les sapeurs-pompiers arrosent le lit, peu de temps après, le feu est éteint. Une voix retentit : « Super, c’était très bien ». Joël Bucher, de Dräger France, se tient dans le couloir, tenant à la main une télécommande qui fait de lui le « patron » du feu, celui qui juge de la réussite de l’intervention et ajoute éventuellement à l’exercice des complications supplémentaires. Si, avant de pénétrer dans la pièce, les intervenants ne l’avaient pas refroidie et n’avaient pas testé la température de l’air, Joël Bucher aurait pu, en appuyant sur un bouton, déclencher un flashover. Dans la réalité, il s’agit de l’embrasement subit et généralisé des gaz de combustion (gaz de pyrolyse) accumulés sous le plafond : « C’est un phénomène auquel il vaut mieux ne jamais être confronté dans la réalité », indique l’un des deux sapeurs-pompiers qui ont testé l’un après l’autre les 32 points feux du dispositif de simulation. Le feu – de la cave au toit Il a fallu quelques mois aux ingénieurs de Dräger à Lübeck pour concevoir cette installation de façon réaliste, jusque dans le moindre détail, en étroite coopération avec le client. L’une des « vedettes » du dispositif est l’immeuble d’habitation de six étages où « presque tout peut brûler, de la cave au toit », comme l’assure le deuxième soldat du feu. Pas plus tard que la veille, lui et son collègue s’étaient frayé un chemin jusqu’au troisième étage de cet immeuble qui permet de simuler l’ensemble des types d’incendies possibles dans un bâtiment. Dans la « configuration hôtel », les sauveteurs et D-31042-2009 Seul un entraînement en situation réaliste prépare à la pratique. C’est pourquoi cette cafétéria semble inviter à prendre un café au lait, mais elle sera bientôt balayée par les flammes. les sapeurs-pompiers peuvent mener des exercices conjoints, en répétant par exemple des interventions d’extinction combinées depuis l’intérieur et l’extérieur, ou des interventions avec échelle pivotante. Au quatrième étage, un technicien de Dräger France prépare l’exercice suivant : un feu de friteuse. Le technicien montre la hotte aspirante : « Elle aussi peut brûler, elle s’enflamme de façon passive, si elle a été exposé assez longtemps aux flammes. » Il fait plutôt sombre dans la pièce, l’intervenant dissipe la pénombre du faisceau de sa lampe frontale. « Regardez », dit-il en montrant une complication particulière : le couvercle de la friteuse s’est accroché à la fixation métallique du tube néon et ne peut donc plus se fermer. Impossible donc d’éteindre ce feu de graisse de la façon la plus rapide et la plus sûre qui soit, en refermant la friteuse. Quand les deux pompiers entrent dans la cuisine, la friteuse et la hotte aspirante sont en flammes, la graisse a débordé et le feu se répand rapidement sur le sol. L’air est brûlant et humide. « L’humidité est un problème », explique l’un des sapeurspompiers. « Un litre d’eau d’extinction donne 1.700 litres de vapeur d’eau. Quand la tenue de protection est trempée, elle ne protège plus suffisamment contre l’air à 100 °C, et la chaleur pénètre. » Les deux soldats du feu n’ont à aucun moment été en danger : « La sécurité est une des caractéristiques essentielles de tous les dispositifs de simulation d’incendie de Dräger. Ici, il y a bien sûr le formateur muni de la télécommande, mais chaque local à feux est équipé au niveau de l’encadrement de porte, à faible hauteur, d’un interrupteur > 23 R EP O R TAG E S I M U L AT I O N D ’ I N C E N D I ES Du liquide s’échappe de la bride d’une citerne et, tout d’un coup, c’est une surface de 9 m² qui est en feu > d’arrêt d’urgence facile à trouver à tâtons », indique Joël Bucher. Toutes les simulations sont réalisées au propane à 90 %. « C’est un gaz à combustion peu polluante, qui produit des flammes impressionnantes et dégage énormément de chaleur. » D-32107-2009 D-32016-2009 D-31724-2009 Ça chauffe vraiment ici Dans la salle de commande, la sécurité a toujours la priorité. 24 D-32204-2009 D-32217-2009 Les flammes et la fumée : à Vire les sapeurs-pompiers se préparent à toutes les éventualités. Depuis la salle de commande, située au rez-de-chaussée, le personnel surveille l’ensemble de l’installation et active les différentes situations d’incendie. Le formateur déclenche les systèmes d’allumage du point feu correspondant depuis un panneau de commande situé près du local à feux et démarre la simulation à l’aide de la télécommande. Dans toutes les pièces, la chaleur à un mètre de hauteur est toujours limitée à 250 °C. De plus, les capteurs installés au plafond peuvent arrêter à 650 °C le flashover à commande électronique. Cette particularité n’est pas exigée par la norme DIN 14097, mais elle augmente encore la sécurité de l’installation. Autre plus en matière de sécurité : des capteurs, placés près du sol, mesurent la concentration des gaz. Quand elle dépasse une valeur critique définie, le système se met hors circuit, le feu s’arrête, l’éclairage d’urgence s’allume et le puissant dispositif d’évacuation des fumées ventile le local avec un débit maximum de 71 000 m3 à l’heure. À Vire, on s’entraîne également à l’extérieur, p. ex. pour la simulation d’un incendie survenant dans un stock de bouteilles de gaz. Si les intervenants ne réussissent pas à refroidir rapidement les bouteilles éparses, une violente explosion se produit, un fort sifflement retentit REVUE DRÄGER 1 | NOVEMBRE 2010 D-30803-2009 et un jet de flamme presque transparent jaillit bruyamment jusqu’à près de quatre mètres de hauteur. Guère moins spectaculaires, le feu de bride et le feu de nappe sur un poids lourd de matières dangereuses : du liquide s’échappe d’une bride de citerne, « Wouf ! » et tout d’un coup, c’est une surface de 9 m² qui est en feu. La simulation au gaz d’un feu de liquide, opération complexe s’il en est, est un domaine où Dräger a déjà de l’expérience. En Thaïlande, un simulateur d’incendie d’avion permet de réaliser des feux de nappe s’étendant sur 750 m². Quand les forces d’intervention y ont fait leur premier exercice et se sont subitement retrouvées face à cet immense feu de nappe, les participants auraient bien volontiers tout laissé en plan et pris leurs jambes à leur cou. Les éléments extérieurs du dispositif de simulation sont en acier et refroidis par un système de pulvérisateurs à eau destiné à augmenter la durée de vie des installations, car les températures élevées dégagées par les incendies les fragiliseraient trop rapidement. Après une journée d’entraînement à Vire, les deux sapeurs-pompiers sont épuisés. Ils ont bu plus de cinq litres d’eau et c’est le flashover qui les a le plus impressionnés : « En raison du champ de vision limité par l’équipement de protection, je n’avais rien vu venir », indique l’un d’eux. Puis il y a eu cette chaleur incroyable : « J’aurais voulu me faire tout petit, m’enfoncer dans le sol », dit-il. « Cet effet spécial peut être commandé sur simple pression de touche depuis ici ; au niveau du plafond, la température peut atteindre 600 °C », explique Joël Bucher, éclai- REVUE DRÄGER 1 | NOVEMBRE 2010 Ce n’est pas un centre commercial, mais l’immeuble à feux du centre d’entraînement. École de formation des sapeurs-pompiers du Calvados C’est sur une surface de 25 hectares, un peu à l’écart de la ville de Vire, en Normandie, que se trouve l’école de formation des sapeurs-pompiers du Calvados. Elle est équipée de dispositifs de simulation d’incendies de Dräger, d’une portion de route, de salles de formation et de chambres pour l’hébergement des stagiaires. Tous les jours, des sapeurs-pompiers s’y entraînent aux différentes missions de sauvetage et d’extinction des incendies. Le site est équipé d’une caserne de pompiers abritant plusieurs fourgons d’incendie, une échelle pivotante et un véhicule de secours routier. Des épaves de petites voitures sont disponibles pour le secours aux personnes enfermées dans des véhicules. François Fontaine, directeur du groupe Défense & Sécurité, est convaincu de la validité du concept : « Nous avons réuni ici des conditions idéales pour la formation. Le dispositif sert en premier lieu aux sapeurs-pompiers du 14, mais nous formons aussi des stagiaires venus des départements voisins. En 2009, l’école a proposé 5 000 journées de formation, le nombre devrait passer à 7 000 en 2010 », dit-il, indiquant que l’offre est également destinée à des brigades de sapeurs-pompiers privées. La construction a coûté 22 millions d’euros. rant de sa lampe frontale le système de buses de gaz, indécelable au premier coup d’œil. « Avec „ ça „, ça chauffe vraiment ici », lance-t-il en guise d’avertissement. Une SMV au supermarché C’est loin d’être tout ce que le dispositif de Vire a à proposer. Il y a aussi, près de l’immeuble d’habitation, un centre commercial, une galerie marchande complète, avec pharmacie, pressing, bar et un supermarché équipé de gondoles. L’incendie dans un supermarché offre une multitude de possibilités permettant de simuler des sinistres entraînant des situations avec de multiples victimes (SMV). C’est le domaine de prédilection de la caméra thermique, mise en œuvre pour détecter les points chauds ou retrouver les personnes disparues. Cette galerie marchande a été réalisée avec un grand amour du détail : près de la devanture de la pharmacie, il y a même un distributeur de préservatifs. Mario Gongolsky Complément d’information sur Internet, Les points feux de Vire www.draeger.com/1/training 25