Les flammes de l`enfer à volonté

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Les flammes de l`enfer à volonté
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S I M U L AT I O N D ’ I N C E N D I ES
Les flammes de l’enfer à volonté
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Pour la plupart des sapeurs-pompiers, la formation aux interventions réelles se déroule généralement
dans des caissons d’entraînement ou dans des maisons à feu. À l’école de formation des sapeurspompiers du Calvados, à Vire, dans le nord-ouest de la France, ils ont à leur disposition non une maison,
mais toute une ville. Portrait du PLUS GRAND DISPOSITIF DE SIMULATION D’INCENDIES au monde.
La simulation est si réaliste que les sapeurs-pompiers ont parfois l’impression de mener une véritable intervention.
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L
e feu a pris dans une maison individuelle : un binôme composé de
deux jeunes sapeurs-pompiers équipés d’appareils respiratoires progresse
jusqu’à la pièce en feu. Ils mettent en place une lance multi-jets et trois longueurs
de tuyau ainsi qu’une buse à jet creux.
Un nuage de fumée envahit le couloir. Un
des intervenants, le lancier, s’accroupit
à droite de la porte, l’autre, resté debout
près de la poignée, retire un gant et teste du dos de la main la température de la
porte, en allant du bas vers le haut : elle
est très chaude.
Il suffit aux deux hommes d’échanger
un regard pour savoir ce qu’ils doivent faire. L’un d’eux passe une sangle autour de
la poignée de la porte, et à « trois », ils y
vont. L’intervenant debout côté poignée
compte jusqu’à 3 et ouvre brutalement la
porte, son camarade lancier envoie alors
trois jets diffusés dans la pièce qui est la
proie des flammes, puis son collègue referme la porte en tirant sur la sangle. Les
deux hommes répètent la manœuvre deux
fois de plus, afin de réduire la température dans la pièce. Il s’agit ensuite de maîtriser le foyer. La porte s’ouvre une dernière
fois : le lancier délivre une impulsion en
jet diffusé à droite et à gauche, puis envoie
dans la pièce un jet plein en faisant décrire à la lance un mouvement en forme de
8 couché. Les deux hommes s’engagent
maintenant dans la chambre à coucher
en feu. Le lancier s’agenouille au ras du
sol et lance un jet diffusé vertical en direction du plafond afin de tester la température de l’air. L’eau retombe en pluie sur son
casque : si ce n’était pas le cas, c’est qu’elle se serait évaporée sous l’effet de la cha-
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leur, signalant une situation dangereuse.
Les sapeurs-pompiers arrosent le lit, peu
de temps après, le feu est éteint. Une voix
retentit : « Super, c’était très bien ».
Joël Bucher, de Dräger France, se tient
dans le couloir, tenant à la main une télécommande qui fait de lui le « patron » du
feu, celui qui juge de la réussite de l’intervention et ajoute éventuellement à l’exercice des complications supplémentaires.
Si, avant de pénétrer dans la pièce, les
intervenants ne l’avaient pas refroidie et
n’avaient pas testé la température de l’air,
Joël Bucher aurait pu, en appuyant sur un
bouton, déclencher un flashover. Dans la
réalité, il s’agit de l’embrasement subit
et généralisé des gaz de combustion (gaz
de pyrolyse) accumulés sous le plafond :
« C’est un phénomène auquel il vaut mieux
ne jamais être confronté dans la réalité »,
indique l’un des deux sapeurs-pompiers
qui ont testé l’un après l’autre les 32 points
feux du dispositif de simulation.
Le feu – de la cave au toit
Il a fallu quelques mois aux ingénieurs
de Dräger à Lübeck pour concevoir cette installation de façon réaliste, jusque
dans le moindre détail, en étroite coopération avec le client. L’une des « vedettes » du dispositif est l’immeuble d’habitation de six étages où « presque tout
peut brûler, de la cave au toit », comme
l’assure le deuxième soldat du feu. Pas
plus tard que la veille, lui et son collègue
s’étaient frayé un chemin jusqu’au troisième étage de cet immeuble qui permet
de simuler l’ensemble des types d’incendies possibles dans un bâtiment. Dans la
« configuration hôtel », les sauveteurs et
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Seul un
entraînement
en situation
réaliste prépare
à la pratique.
C’est pourquoi
cette cafétéria
semble inviter à
prendre un café
au lait, mais
elle sera bientôt
balayée par les
flammes.
les sapeurs-pompiers peuvent mener des
exercices conjoints, en répétant par exemple des interventions d’extinction combinées depuis l’intérieur et l’extérieur, ou
des interventions avec échelle pivotante.
Au quatrième étage, un technicien de
Dräger France prépare l’exercice suivant :
un feu de friteuse. Le technicien montre
la hotte aspirante : « Elle aussi peut brûler,
elle s’enflamme de façon passive, si elle a
été exposé assez longtemps aux flammes. »
Il fait plutôt sombre dans la pièce, l’intervenant dissipe la pénombre du faisceau
de sa lampe frontale. « Regardez », dit-il
en montrant une complication particulière : le couvercle de la friteuse s’est accroché à la fixation métallique du tube néon
et ne peut donc plus se fermer. Impossible donc d’éteindre ce feu de graisse de
la façon la plus rapide et la plus sûre qui
soit, en refermant la friteuse.
Quand les deux pompiers entrent dans
la cuisine, la friteuse et la hotte aspirante
sont en flammes, la graisse a débordé et le
feu se répand rapidement sur le sol. L’air
est brûlant et humide. « L’humidité est
un problème », explique l’un des sapeurspompiers. « Un litre d’eau d’extinction
donne 1.700 litres de vapeur d’eau. Quand
la tenue de protection est trempée, elle ne
protège plus suffisamment contre l’air à
100 °C, et la chaleur pénètre. »
Les deux soldats du feu n’ont à aucun
moment été en danger : « La sécurité est
une des caractéristiques essentielles de tous
les dispositifs de simulation d’incendie de
Dräger. Ici, il y a bien sûr le formateur muni
de la télécommande, mais chaque local à
feux est équipé au niveau de l’encadrement
de porte, à faible hauteur, d’un interrupteur >
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Du liquide s’échappe de la bride d’une citerne et, tout
d’un coup, c’est une surface de 9 m² qui est en feu
> d’arrêt d’urgence facile à trouver à tâtons »,
indique Joël Bucher. Toutes les simulations
sont réalisées au propane à 90 %. « C’est un
gaz à combustion peu polluante, qui produit des flammes impressionnantes et dégage énormément de chaleur. »
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Ça chauffe vraiment ici
Dans la salle de commande, la sécurité a toujours la priorité.
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Les flammes et la fumée : à Vire les sapeurs-pompiers se préparent à toutes les éventualités.
Depuis la salle de commande, située au
rez-de-chaussée, le personnel surveille
l’ensemble de l’installation et active les
différentes situations d’incendie. Le formateur déclenche les systèmes d’allumage du point feu correspondant depuis un
panneau de commande situé près du local
à feux et démarre la simulation à l’aide de
la télécommande. Dans toutes les pièces,
la chaleur à un mètre de hauteur est toujours limitée à 250 °C. De plus, les capteurs installés au plafond peuvent arrêter
à 650 °C le flashover à commande électronique. Cette particularité n’est pas exigée
par la norme DIN 14097, mais elle augmente encore la sécurité de l’installation.
Autre plus en matière de sécurité : des
capteurs, placés près du sol, mesurent la
concentration des gaz. Quand elle dépasse une valeur critique définie, le système
se met hors circuit, le feu s’arrête, l’éclairage d’urgence s’allume et le puissant dispositif d’évacuation des fumées ventile le
local avec un débit maximum de 71 000
m3 à l’heure.
À Vire, on s’entraîne également à
l’extérieur, p. ex. pour la simulation
d’un incendie survenant dans un stock
de bouteilles de gaz. Si les intervenants
ne réussissent pas à refroidir rapidement
les bouteilles éparses, une violente explosion se produit, un fort sifflement retentit
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et un jet de flamme presque transparent
jaillit bruyamment jusqu’à près de quatre
mètres de hauteur. Guère moins spectaculaires, le feu de bride et le feu de nappe
sur un poids lourd de matières dangereuses : du liquide s’échappe d’une bride de
citerne, « Wouf ! » et tout d’un coup, c’est
une surface de 9 m² qui est en feu.
La simulation au gaz d’un feu de liquide, opération complexe s’il en est, est un
domaine où Dräger a déjà de l’expérience. En Thaïlande, un simulateur d’incendie d’avion permet de réaliser des feux
de nappe s’étendant sur 750 m². Quand
les forces d’intervention y ont fait leur
premier exercice et se sont subitement
retrouvées face à cet immense feu de nappe, les participants auraient bien volontiers tout laissé en plan et pris leurs jambes à leur cou. Les éléments extérieurs
du dispositif de simulation sont en acier
et refroidis par un système de pulvérisateurs à eau destiné à augmenter la durée
de vie des installations, car les températures élevées dégagées par les incendies les
fragiliseraient trop rapidement.
Après une journée d’entraînement à
Vire, les deux sapeurs-pompiers sont épuisés. Ils ont bu plus de cinq litres d’eau et
c’est le flashover qui les a le plus impressionnés : « En raison du champ de vision
limité par l’équipement de protection, je
n’avais rien vu venir », indique l’un d’eux.
Puis il y a eu cette chaleur incroyable :
« J’aurais voulu me faire tout petit, m’enfoncer dans le sol », dit-il. « Cet effet spécial peut être commandé sur simple pression de touche depuis ici ; au niveau du
plafond, la température peut atteindre
600 °C », explique Joël Bucher, éclai-
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Ce n’est pas un centre commercial, mais l’immeuble à feux du centre d’entraînement.
École de formation des
sapeurs-pompiers du Calvados
C’est sur une surface de 25 hectares, un peu à l’écart de la ville de Vire, en Normandie,
que se trouve l’école de formation des sapeurs-pompiers du Calvados. Elle est équipée
de dispositifs de simulation d’incendies de Dräger, d’une portion de route, de salles de
formation et de chambres pour l’hébergement des stagiaires. Tous les
jours, des sapeurs-pompiers s’y entraînent aux différentes missions de sauvetage et
d’extinction des incendies. Le site est équipé d’une caserne de pompiers abritant
plusieurs fourgons d’incendie, une échelle pivotante et un véhicule de secours routier.
Des épaves de petites voitures sont disponibles pour le secours aux personnes
enfermées dans des véhicules. François Fontaine, directeur du groupe Défense & Sécurité,
est convaincu de la validité du concept : « Nous avons réuni ici des conditions idéales
pour la formation. Le dispositif sert en premier lieu aux sapeurs-pompiers du 14, mais
nous formons aussi des stagiaires venus des départements voisins. En 2009, l’école
a proposé 5 000 journées de formation, le nombre devrait passer à 7 000 en 2010 »,
dit-il, indiquant que l’offre est également destinée à des brigades de sapeurs-pompiers
privées. La construction a coûté 22 millions d’euros.
rant de sa lampe frontale le système de
buses de gaz, indécelable au premier coup
d’œil. « Avec „ ça „, ça chauffe vraiment
ici », lance-t-il en guise d’avertissement.
Une SMV au supermarché
C’est loin d’être tout ce que le dispositif
de Vire a à proposer. Il y a aussi, près de
l’immeuble d’habitation, un centre commercial, une galerie marchande complète, avec pharmacie, pressing, bar et un
supermarché équipé de gondoles. L’incendie dans un supermarché offre une
multitude de possibilités permettant de
simuler des sinistres entraînant des situations avec de multiples victimes (SMV).
C’est le domaine de prédilection de la
caméra thermique, mise en œuvre pour
détecter les points chauds ou retrouver
les personnes disparues. Cette galerie
marchande a été réalisée avec un grand
amour du détail : près de la devanture de
la pharmacie, il y a même un distributeur
de préservatifs.
Mario Gongolsky
Complément d’information sur Internet,
Les points feux de Vire
www.draeger.com/1/training
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