À propos de la chambre d`isolement en pédopsychiatrie. Étude au

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À propos de la chambre d`isolement en pédopsychiatrie. Étude au
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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 72–80
Article original
À propos de la chambre d’isolement en pédopsychiatrie. Étude au sein d’une
unité d’hospitalisation pour adolescents
The use of seclusion room in an adolescent in-patient unit: A retrospective study
L. Nadereau a,∗ , I. Sabbah-Lim a,∗ , M.N. Coruble b , S. Berdah a , C. Rappaport a
a
b
Service de pédopsychiatrie, centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger, boulevard Robert-Ballanger, 93420 Villepinte, France
Service qualité, coordinatrice qualité gestion des risques, centre hospitalier intercommunal Robert-Ballanger, boulevard Robert-Ballanger,
93420 Villepinte, France
Résumé
Objectifs. – Nous avons étudié les caractéristiques sociodémographiques et cliniques des adolescents mis en isolement et les modalités pratiques
de ce soin dans une unité d’hospitalisation temps plein pour adolescents âgés de 12 à 17 ans.
Patients et méthode. – Il s’agit d’une étude rétrospective sur six années (2005–2010) réalisée à partir des dossiers cliniques et des protocoles
d’isolement. Les données sont comparées à celles de la population des adolescents hospitalisés et non isolés.
Résultats. – Vingt-trois isolements ont été réalisés sur 175 admissions (13 %) et ont concerné en majorité des garçons (57 %). Les résultats montrent
d’avantage de trouble des conduites chez les adolescents mis en isolement (52 % et p < 0,01), des hospitalisations en urgence plus fréquentes, ainsi
qu’une plus grande consommation de drogues (alcool et tabac). La décision de mise en isolement est précoce et la durée moyenne d’isolement est
de 16 jours. L’agitation et l’hétéro-agressivité sont les deux principaux facteurs évoqués dans la décision d’une mise en chambre d’isolement. Un
traitement injectable a été nécessaire dans plus d’un tiers des cas. Dans deux situations, la dégradation de l’état clinique du patient a nécessité la
levée de l’isolement.
Conclusion. – Le recours à l’isolement en pédopsychiatrie a été peu étudié en France malgré une utilisation fréquente dans les unités d’hospitalisation
temps plein. Dans notre étude, l’utilisation de l’isolement de façon prolongée et peu fréquente n’a pas de visée éducative contrairement à ce que
peuvent décrire certaines études anglo-saxonnes. D’autres études sont nécessaires en France afin de comparer les pratiques entre institutions, dans
une démarche d’amélioration de l’usage de la chambre d’isolement dont la fonction doit être avant tout thérapeutique.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Chambre d’isolement ; Unité pour adolescent ; Hospitalisation temps plein ; Trouble des conduites ; Étude rétrospective
Abstract
Background. – The aim of this study is to examine characteristics associated with the use of locked seclusion in an adolescent in-patient unit.
Methods. – We studied the seclusion room records of an adolescent in-patient unit for a six-year period. The demographic and clinical data related
to all seclusions that occurred between 2005 and 2010 at an adolescent psychiatric unit were analyzed. Characteristics of adolescents who were
placed in seclusion were compared to characteristics of all other adolescents at the unit. Information was abstracted from their case records and
seclusion logs.
Results. – The study included 175 adolescent in-patients. The six-year prevalence of use of seclusion was 13% (23 seclusions), 57% of secluded
patients were boys and the average length of stay was 59 days. Adolescents with conduct disorder diagnosis and who were admitted on an emergency
basis were more likely to undergo seclusion. They consumed more drugs too (alcohol, tobacco). The most frequent behaviours leading to seclusion
were agitation and hetero-aggressive behaviours. Seclusion was most frequent in the first days of hospitalization (26% occurred the first day).
The average duration of seclusion (16 days) was much more than reported by other investigators. Medication was used in conjunction with the
seclusion in 91% of cases and intramuscular injection was necessary in 35% of cases. A physical restraint was necessary in 22% of cases. For two
adolescents, seclusion time was stopped due to the deterioration of their clinical condition.
∗
Auteurs correspondants.
Adresses e-mail : [email protected] (L. Nadereau), [email protected] (I. Sabbah-Lim).
0222-9617/$ – see front matter © 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2012.07.001
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Conclusion. – The use of seclusion in child and adolescent psychiatry units is particularly poorly documented in France. The prevalence of conduct
disorder diagnosis indicates a need for guidelines for seclusion which takes into account the adolescent’s need for protection from his own impulsive,
the psychopathologic context and possible traumatic history. In this in-patient unit, seclusion is not used as a method of behaviour control. The
time spends in seclusion tends to create a need for an intensive therapeutic care. The implications of the findings for practice need to be completed
by further studied.
© 2012 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Keywords: Seclusion room; Adolescent unit; In-patient hospitalisation; Conduct disorder; Retrospective study
1. Introduction
Les contre-indications sont d’ordre somatique mais aussi
toute utilisation à titre non thérapeutique :
1.1. Aspect historique
Le recours à l’isolement est une pratique ancienne dont
la fonction punitive ou thérapeutique portait déjà à controverse chez les médecins de l’Antiquité comme Soranos et
Celsius [1]. On peut supposer qu’une approche thérapeutique de l’isolement chez les mineurs n’apparaît en France
qu’après la loi de 1838 lors de la création de quartiers spécifiques dans les asiles pour adultes. En 1880 est instauré à
l’hôpital Bicêtre, à l’initiative de Bourneville, un quartier pour
les enfants dits arriérés. Des chambres d’isolement appelées
« cellules » y sont présentes et sont employées pour apaiser les états d’agitation [2]. Néanmoins, l’isolement continue
d’avoir une fonction controversée entre punition et soin à une
époque où la distinction entre l’enfant délinquant et l’enfant
malade reste floue. Ces derniers sont accueillis indistinctement dans des hôpitaux psychiatriques ou des prisons où
l’isolement dans des « cellules » est régulier, comme à Mettray
[3].
Avec l’apparition des premières unités d’hospitalisation pour
enfants et adolescents dans l’après-guerre, le recours à la
chambre d’isolement ne disparaît pas. Le nom de « chambre
de soins intensifs » lui est souvent préféré afin de conforter sa
place en tant que soin. Chez des adolescents en rupture, délirants, agités et potentiellement agressifs envers eux-mêmes ou
leur entourage, l’isolement tente d’apporter des limites externes
pour permettre au patient de retrouver un état d’apaisement
[4].
1.2. Contexte légal et données actuelles sur l’isolement des
mineurs en France
Selon l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en
santé (ANAES), le recours à l’isolement est une prescription
médicale [5]. Il consiste à placer un patient dans une chambre
spécifique, fermée à clé, à l’écart des autres patients. La mise en
isolement est indiquée pour :
• la prévention d’une violence imminente du patient envers luimême ou autrui alors que les autres moyens de contrôle ne
sont ni efficaces ou ni appropriés ;
• la prévention d’un risque de rupture thérapeutique alors que
l’état de santé impose les soins ;
• isolement intégré dans le cadre d’un projet thérapeutique ;
• isolement en vue d’une diminution des stimulations reçues ;
• à la demande du patient.
• utilisation de la chambre d’isolement à titre de punition ;
• état clinique ne nécessitant pas un isolement ;
• utilisation uniquement pour réduire l’anxiété de l’équipe de
soins ou pour son confort ;
• utilisation uniquement liée au manque de personnel.
Les réticences existantes quant à son usage chez les mineurs
et le peu de données descriptives disponibles participent à
une méconnaissance de cette question. Aucune recommandation particulière n’est formulée par l’ANAES concernant
l’isolement des mineurs et le cadre légal reste lacunaire sur
le statut de mineurs hospitalisés et privés de liberté [6]. Peu
d’études descriptives existent en France sur cette question et
celles-ci sont restées non publiées [7,8]. Les données existantes
sont essentiellement des études anglo-saxonnes [9]. Pourtant,
Welniarz et Medjdoub révèlent que l’isolement est une pratique courante dans de nombreux services de pédopsychiatrie
en France (dont 80 % des services hospitalisant des adolescents)
[10].
Ce travail a ainsi pour objectif de participer à une meilleure
connaissance des pratiques hospitalières concernant l’isolement
des adolescents en France.
1.3. Objectifs de l’étude
L’étude a été menée dans une unité d’hospitalisation temps
plein pour adolescents en Seine-Saint-Denis, à partir des données de ses six années d’activité. Nous avons réalisé une étude
rétrospective dans le but de décrire le profil des patients isolés
comparativement à celui de la population de patients non isolés
et de préciser les modalités pratiques du recours à l’isolement
dans cette unité.
2. Patients et méthode
2.1. Présentation de l’unité d’hospitalisation
L’étude a été réalisée dans le service du Dr Berdah, au sein
de l’unité fermée d’hospitalisation temps plein pour adolescents
« Les Lits Ados » de l’hôpital Robert-Ballanger à Aulnay Sous
Bois. Cette unité de huit lits se situe à proximité du service des
urgences et accueille des adolescents âgés de 12 à 17 ans. Les
patients qui y sont hospitalisés sont domiciliés en majorité en
Seine-Saint-Denis, et certains dans les départements avoisinants.
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L’équipe était constituée lors de l’étude de deux soignants en
journée et la nuit (dont au moins un infirmier diplomé d’État
pour un total de sept infirmiers et six aides-soignants), de trois
médecins (un praticien hospitalier à mi-temps, un médecin assistant et un interne), d’une psychologue, d’un cadre de santé, de
deux éducateurs, d’une assistante sociale, d’une enseignante et
d’une secrétaire.
Des activités thérapeutiques et éducatives sont proposées
aux adolescents hospitalisés (sculpture, peinture, arts plastiques,
cuisine, musique, groupe de parole, théâtre, jardinage. . .). Des
sorties thérapeutiques de plusieurs jours sont également organisées. Des temps de scolarité ont lieu en matinée, sauf en période
de vacances scolaires.
L’admission se fait après un entretien systématique de préadmission par un médecin du service. L’hospitalisation débute par
une semaine de séparation. Au cours de celle-ci, les adolescents
n’ont aucun contact avec leur famille : les appels et les visites
ne sont pas autorisés. L’objectif est de permettre une rencontre
avec le jeune à distance de son milieu familial. Les angoisses et
les enjeux relationnels éventuellement réactivés par cette expérience de séparation sont travaillés avec l’équipe. Les parents ont
la possibilité d’appeler quotidiennement pour être tenus au courant du déroulement de l’hospitalisation. Les adolescents sont
informés de ces appels.
Des temps d’entretiens individuels et familiaux sont proposés régulièrement. Les familles sont rencontrées toutes les
semaines en entretien ainsi que les éventuelles équipes en
charge de mesures éducatives. Des traitements pharmacologiques peuvent être prescrits. Les parents en sont informés
systématiquement.
2.2. La chambre d’isolement, dite « de soins intensifs »
Dans le cadre de cette étude, l’isolement est défini comme la
mise à l’écart du groupe en installant le patient dans une chambre
spécifique, fermée à clé de l’extérieur, appelée « chambre de
soins intensifs ». Cette pièce est attenante au poste de soin.
Elle se compose d’un lit avec un matelas en mousse ininflammable. Une fenêtre sans teint donne sur l’extérieur. Les
vitres sont sécurisées. Le sol est recouvert d’un revêtement
plastique. La porte ferme de l’extérieur. Un hublot permet
de voir l’intérieur de la chambre. Les sanitaires et la douche
sont installés dans une pièce séparée qui communique avec la
chambre d’isolement par un petit salon aménagé avec des fauteuils en mousse. Les déplacements s’y font accompagnés d’un
soignant.
La mise en chambre d’isolement est une prescription médicale renouvelée toutes les 24 heures. Un protocole encadre
l’utilisation de ce soin. Celui-ci précise l’identité du patient,
la date de l’isolement, les modalités de surveillance somatique
et clinique, le traitement associé, le lieu des repas et la participation aux activités. Deux temps sont distingués : l’isolement
« strict » où la chambre reste fermée en permanence avec une
visite des soignants toutes les heures ; et l’isolement « ouvert »
où l’adolescent peut évoluer dans le petit salon ou dans le service
sur des temps définis. Une surveillance infirmière est réalisée
toutes les heures et retranscrite sur une fiche spécifique.
La contention mécanique par sangles n’est pas employée
mais une contention manuelle (où le patient est maintenu par
les soignants) peut être nécessaire dans certaines situations, de
même qu’un traitement médicamenteux injectable.
Les entretiens et les visites médicales se font dans le petit
salon voire la chambre d’isolement si cela n’est pas possible
dans le bureau médical. Les parents sont informés, ainsi que leur
enfant de la possibilité d’avoir recours à la chambre d’isolement
si nécessaire.
2.3. Population étudiée et procédure de recueil des données
Il s’agit d’une étude rétrospective sur dossiers. Tous les
adolescents dont l’hospitalisation a débuté et s’est achevée
entre le 1er janvier 2005 et le 31 décembre 2010 dans le service hospitalier de pédopsychiatrie des « Lits Ados » de l’hôpital
Robert-Ballanger ont été inclus. Les données ont été recueillies
par un des auteurs (N.L) dans les dossiers médicaux, les comptes
rendus enregistrés dans la base de données du service et le
protocole d’isolement. Un questionnaire a été construit spécifiquement pour l’étude. Certaines données manquantes dans les
dossiers ont pu être obtenues auprès de l’équipe soignante et des
médecins de l’unité.
Les dossiers cliniques de deux adolescents polyhandicapés
ont été retirés de l’étude avant l’analyse des résultats. Dans les
deux cas, l’hospitalisation a consisté en un placement à l’hôpital
faute de place dans une structure médico-éducative ou médicosociale adaptée. Nous avons décidé de ne pas inclure ces jeunes
dans notre étude car ces troubles ne sont pas représentatifs
de nos prises en charge. Les données les concernant auraient
possiblement modifié les résultats, ne rendant pas compte du
fonctionnement de l’unité et de l’utilisation habituelle de la
chambre d’isolement.
2.4. Analyse statistique
Les résultats concernant la population d’adolescents isolés ont été comparés à ceux de la population des adolescents
non isolés. La significativité des résultats a été précisée en
utilisant un test du Chi2 avec une significativité pour p < 0,05
(soit X2 > 3,84) et le calcul des intervalles de confiance
à 95 %.
3. Résultats
3.1. Population générale
Le service de pédopsychiatrie a accueilli 175 patients
(97 filles et 78 garçons) entre le 1er janvier 2005 et le
31 décembre 2010.
L’âge moyen des adolescents hospitalisés est de 14,7 ans.
La durée moyenne de séjour est de 40 jours d’hospitalisation
(médiane = 26,5 jours ; 2–329 jours). 40 % des patients sont
déscolarisés et 22 % vivent en famille d’accueil, en foyer
d’hébergement, ou encore à l’hôtel, en internat ou étaient
déclarés fugueurs à l’admission. Les adolescents que nous hospitalisons sont pour 23 % (n = 40) sous la protection d’une
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Tableau 1
Comparaison des données sociodémographiques entre les patients isolés et non isolés.
Données sociodémographiques
Isolés (n = 23)
Non Isolés (n = 152)
X2
Significativité
Âge (années)
14,3 ans
14,76 ans
–
NS
Garçons
Filles
13 (56,50 %)
10 (43,50 %)
65 (42,8 %)
87 (57,2 %)
1,53
Durée moyenne d’hospitalisation (jours)
59,34
39,57
–
NS
Parents divorcés/séparés
9 (39,13 %)
76 (50 %)
0,945
NS
Déscolarisés
14 (60,87 %)
57 (37,50 %)
4,525
NS
Lieu de vie
Parents
Famille d’accueil ou foyer
Parents adoptifs, autre
16 (69,57 %)
7 (17,39 %)
0 (0 %)
114 (75 %)
28 (18,42 %)
10 (6,58 %)
0,31
1,8
–
NS
NS
–
Mesure éducative
OPP
AEMO
Mesure judiciaire
Signalement au cours de l’hospitalisation
8 (34,78 %)
4 (17,39 %)
2 (8,70 %)
5 (21,74 %)
32 (21,05 %)
17 (11,18 %)
5 (3,29 %)
10 (6,58 %)
2,135
0,7289
1,52
5,8587
NS
NS
NS
NS
ordonnance de placement provisoire (OPP), soit dans le cadre
d’un placement à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) (n = 37),
soit suite à la décision du juge pour enfant d’une hospitalisation « sous contrainte » sur notre unité (n = 3). Le jour de
leur admission, 12 % (n = 21) des adolescents étaient concernés par une aide éducative en milieu ouvert (AEMO) et
4 % (n = 7) faisaient l’objet d’une mesure judicaire. Ces adolescents sont hospitalisés en majorité pour la première fois
(55 %, n = 96) et ils ont déjà rencontré un psychiatre ou un
psychologue (86 %, n = 150). Sur les critères diagnostics de
la CIM-10, les trois troubles les plus représentés sont : le
trouble des conduites et du comportement (28 %), les épisodes thymiques maniaques ou dépressifs (23 %) et les épisodes
délirants aigus (22 %).
NS
3.2. Population de patients isolés
Vingt-trois patients ont été isolés entre le 1er janvier 2005 et
le 31 décembre 2010, soit 13 % des patients hospitalisés.
3.2.1. Données sociodémographiques, scolarisation et
durée d’hospitalisation (Tableau 1)
Les adolescents isolés sont en majorité des garçons et l’âge
moyen est de 14,3 ans. La durée moyenne d’hospitalisation est
de 59,34 jours contre 39,57 jours dans la population non isolée
sans que cette différence soit significative.
Les patients isolés sont plus déscolarisés (61 %) et font plus
souvent l’objet d’un signalement, d’une mesure éducative (OPP
Tableau 2
Comparaison des données cliniques entre les patients isolés et non isolés (mode d’admission, antécédents et traitements, diagnostics).
Isolés (n = 23)
Non isolés (n = 152)
X2
Significativité
9 (39,13 %)
6 (26,09 %)
15 (9,87 %)
3 (1,97 %)
14,48
23,88
p ≤ 0,001
p ≤ 0,001
Antécédents et traitements
Antécédents de suivi psychiatrique ou psychologique
Antécédents d’hospitalisation
Antécédents de conduites violentes
Antécédents de maltraitance
Antécédents familiaux (1er et 2e degré)
Consommation de drogues
Traitement à l’entrée
Prescription d’un traitement psychotrope à la sortie
Tentative de suicide ayant précédé l’hospitalisation
18 (78,26 %)
13 (56,52 %)
6 (26,09 %)
6 (26,09 %)
10 (43,48 %)
9 (39,13 %)
8 (34,78 %)
22 (95,65 %)
6 (26,09 %)
133 (87,50 %)
66 (43,42 %)
13 (8,55 %)
27 (17,76 %)
80 (52,63 %)
16 (10,53 %)
66 (43,42 %)
114 (75 %)
19 (12,50 %)
1,617
1,385
6,346
0,904
0,9798
13,85
0,61
4,9197
3,01
NS
NS
NS
NS
NS
p ≤ 0,001
NS
p ≤ 0,05
NS
Diagnostics
Trouble des conduites
Épisode délirant aigu
Épisode thymique
État de stress posttraumatique
Autres
12 (52,17 %)
4 (17,39 %)
6 (26,09 %)
1 (4,30 %)
0%
37 (24,34 %)
34 (22,37 %)
34 (22,37 %)
6 (3,29 %)
32 (26,33 %)
7,68
0,29
0,16
–
–
p ≤ 0,01
NS
NS
–
–
Mode d’admission
Caractère d’« urgence »
Admission via les urgences
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L. Nadereau et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 72–80
Fig. 1. Antécédents cliniques des patients isolés et non isolés.
ou AEMO) ou judiciaire, sans que ces résultats soient statistiquement significatifs.
3.2.2. Mode d’admission, antécédents psychiatriques et
diagnostics (Tableau 2, Fig. 1)
Les admissions décrites avec un « caractère d’urgence » ou
via les urgences de l’hôpital sont significativement plus fréquentes chez les patients isolés (p < 0,001), de même que
la consommation de drogues (tabac, alcool et/ou cannabis)
(p < 0,001) et la prescription d’un traitement psychotrope à la
sortie d’hospitalisation (p < 0,05). En termes de diagnostic, le
trouble des conduites est souvent évoqué chez les patients mis
en isolement (p < 0,01). Les épisodes thymiques (dépressifs ou
maniaques) sont les seconds diagnostics les plus fréquents avec
celui d’épisode délirant aigu. Un seul patient a présenté un
épisode de stress posttraumatique. D’autres résultats émergent
chez ces patients mais ne sont pas significatifs : un suivi antérieur (pédopsychiatrique ou psychologique) moins fréquent,
moins d’antécédents psychiatriques familiaux déclarés, plus
d’antécédents de maltraitance, de conduites violente, de tentatives de suicide et d’hospitalisation en psychiatrie.
3.3. Contexte et modalités de la mise en isolement
(Tableau 3, Fig. 2)
On note une fréquence du nombre d’isolement par an allant
de un à sept avec une tendance à l’augmentation ces dernières
années. Son recours le jour même de l’admission a concerné
26 % des mises en isolement et plus de la moitié d’entre elles se
sont produites dans les huit premiers jours. Son application a eu
lieu majoritairement en deuxième partie de journée (après-midi
et soirée). Sa durée totale a varié d’une demi-journée à 94 jours
mais la durée maximum de l’isolement « strict » n’a pas excédé
huit jours. La durée moyenne globale de l’isolement a été de
16 jours.
Plusieurs facteurs précipitants ont pu être évoqués pour une
même situation de recours à l’isolement. L’hétéro-agressivité et
l’agitation sont les causes les plus fréquentes, puis les menaces
verbales et la fugue. L’auto-agressivité, les décompensations
délirantes ainsi que les tentatives de suicide sont les autres facteurs rapportés. Les tentatives de suicide et les refus de soins sont
des facteurs qui n’ont jamais été évoqués seuls mais associés à
des comportements d’agitation ou d’agressivité sous-tendus par
des angoisses majeures. L’agitation a motivé l’isolement chez
46 % des garçons. Chez 60 % des adolescentes, c’est l’hétéroagressivité qui a été notifiée, sans que ces résultats soient
significatifs.
Tableau 3
Modalités de mise en isolement.
Nombre d’isolement par an
2005
2006
2007
2008
2009
2010
n = 23
2
3
1
6
4
7
Moment de l’isolement
Matin (8h–12 h)
Midi (12h–14 h)
Après-midi (14–18 h)
Soirée (18h–21 h)
Nuit (21h–8 h)
Non précisé
n = 23
6 (26 %)
0 (0 %)
12 (52 %)
2 (8,8 %)
2 (8,8 %)
1 (4,4 %)
Mesures associées
Traitement anxiolytique systématique
Traitement prescrit en si besoin
Traitement injectable
Contention manuelle
22/23 (95 %)
21/23 (91 %)
8/23 (35 %)
5/23 (21,7 %)
Surveillance et évolution
Surveillance somatique
Surveillance biologique
Dégradation clinique
Récidive des comportements
20/23 (87 %)
21/23 (91 %)
3/23 (13 %)
6/23 (26 %)
Durée de l’isolement
Isolement
« STRICT »a
Isolement
« OUVERT »b
Durée
TOTALEd
(n = 22)c
Moyenne (jours)
2,1
[0–8 jours]
1,66
13,9
[0,5–93 jours]
5,93
16
[0,5–94 jours]
7
Moyenne ajustéee
a Chambre d’isolement fermée en permanence avec visite des soignants toutes
les heures.
b Chambre d’isolement ouverte quelques heures par jour pour des temps
d’adaptation dans l’unité.
c Données manquantes dans un cas d’isolement.
d Durée isolement strict + durée isolement ouvert.
e Retrait des quatre durées d’isolement les plus longues.
L. Nadereau et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 72–80
Fig. 2. Facteurs déclenchants de mise en isolement ( % sur les 23 isolements).
Un traitement médicamenteux anxiolytique a été prescrit systématiquement (sauf pour un patient) et un traitement si besoin
dans 91 % des cas. Une injection intramusculaire et une contention manuelle ont été nécessaires, respectivement dans 35 % et
27 % des cas.
3.4. Surveillance et évolution clinique en isolement
(Tableau 3)
Les patients ont été vus au moins une fois par jour par
les médecins du service sauf le dimanche mais un psychiatre
des urgences pouvait être sollicité, ainsi que les médecins
référents de l’unité. Une surveillance somatique a été effectuée régulièrement, ainsi qu’une surveillance biologique. Des
effets secondaires ont été notifiés chez trois patients (majoration de la symptomatologie délirante, exacerbation des angoisses
avec auto-agressivité, dyskinésies et des dystonies sous neuroleptiques). Dans deux situations, la dégradation de l’état du
patient (majoration de la symptomatologie délirante, exacerbation des angoisses avec auto-agressivité) a nécessité l’arrêt de
l’isolement.
Après la sortie de l’isolement des problèmes de comportement ont été décrits chez six patients avec fugues,
hétéro-agressivité, refus des soins et agitation (parfois dans les
premières 24 h). Ces comportements n’ont cependant pas justifié
un nouveau recours à l’isolement.
4. Discussion
Notre population générale est une population majoritairement de filles, hospitalisée pour une durée d’un mois et demi en
moyenne, présentant de manière égale un trouble des conduites,
des troubles thymiques et des épisodes délirants aigus. Les
antécédents de maltraitance et les antécédents familiaux psychiatriques sont plus importants que la moyenne nationale et il
en est de même concernant les mesures d’AEMO et d’OPP. La
représentation importante de mineurs placés à l’ASE parmi ceux
hospitalisés confirme les données existantes sur les risques en
termes de santé mentale des enfants et des adolescents carencés
et souffrant de maltraitance [11,12]. Les répercussions scolaires
sont au premier plan avec un taux de déscolarisation élevé. La
majorité de ces adolescents a déjà rencontré un pédopsychiatre
ou un psychologue en consultation mais pour la moitié d’entre
77
eux il s’agit d’une première hospitalisation. Ces résultats sont
plus importants que ceux retrouvés par Garrison et al. (19 %)
qui sont les seuls à préciser ces données dans une étude sur
l’isolement chez des enfants et des adolescents hospitalisés [13].
Une moyenne d’âge plus basse dans leur population d’étude
pourrait expliquer cette différence. Nous pouvons supposer que
les patients les plus jeunes ne sont pas encore inclus dans le
parcours de soin et que les plus âgés ont probablement eu plus
d’occasion d’être suivis ou hospitalisés.
Le taux de mise en isolement est situé dans la moyenne
basse des valeurs existantes dans la littérature (de 8,5 % à 61 %
selon les études) [14,15]. Il est inférieur au taux d’isolement
retrouvé dans les études menées dans des unités mixtes d’enfants
et d’adolescents (de 30 à 61 %) [16,17]. Les garçons sont plus
représentés bien qu’en proportion moins importante que dans
d’autres études [17–20]. Les patients isolés restent hospitalisés
plus longtemps en moyenne que les autres patients, ce qui a
déjà été décrit par Earle et Forquer [16]. Il s’agit d’une population plus fragilisée au sein même de la population hospitalisée.
Nous observons une proportion plus importante de placements
en foyer ou en famille d’accueil et le pourcentage de patients
déscolarisés est aussi très élevé bien que statistiquement non
significatif. Ces données et celles concernant les antécédents
de maltraitance corroborent les résultats retrouvés par d’autres
auteurs [16,18,19,21,22].
Il n’y a pas de visite médicale systématique le dimanche
en complément de la surveillance et de l’accompagnement par
l’équipe soignante. Bien que ce fonctionnement ne réponde pas
aux recommandations de l’ANAES d’une visite par jour [5],
l’évaluation clinique quotidienne réalisée par les soignants permet de faire appel au psychiatre d’astreinte de l’unité en cas
de nécessité. De plus, la décision d’une réintégration complète
de l’adolescent implique la présence d’une équipe médicale et
éducative au complet. Cette décision est donc rarement prise le
week-end.
Pour une analyse plus facile, la cotation CIM-10 a été choisie
mais cela a aussi participé à une simplification des diagnostics, par un phénomène de réduction des éléments cliniques en
normes catégorisées. C’est ainsi qu’il ressort de cette étude une
plus grande représentation de trouble des conduites ; mais ce
diagnostic est selon nous plus symptomatique qu’étiologique.
Néanmoins, chez ces patients l’expression du mal être par le
passage à l’acte, marqué par l’intolérance à la frustration et
l’impulsivité, est souligné par la plus grande représentation
d’admission en urgence et via les urgences mais aussi par le
taux de tentative de suicide ayant précédé l’hospitalisation.
Gullick et Dermott se sont intéressés aux facteurs psychopathologiques et familiaux d’enfants et d’adolescents hospitalisés
afin de définir un profil de patient à risque d’être isolé [19]. Les
facteurs environnementaux et familiaux ainsi que les profils psychopathologiques des patients ont été étudiés grâce à différentes
échelles d’évaluation clinique telles que la Child Behavior Checklist (CBCL), la Youth Self Report (YSR), la General Health
Questionnaire (GHQ), la General Functioning Scale of the
Family Assessment Device (GFS-FAD) et la The Life Events
Scale (LES). Au vu des résultats, les patients isolés présenteraient plus de troubles psychopathologiques à leur admission.
78
L. Nadereau et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 72–80
Leur score élevé dans le registre des troubles dits externalisés
témoignerait d’une plus grande propension à répondre par l’agir
à un facteur de stress, du fait d’un dysfonctionnement des processus cognitifs. Leur score élevé dans le registre des troubles
dits internalisés sous-tend une dysrégulation des affects et de
l’humeur. Ces patients cumuleraient le désavantage d’une mauvaise prise en charge et d’un environnement familial carencé
avec plus d’antécédents psychiatriques familiaux. Les auteurs
supposent que les difficultés présentées par les patients isolés reflètent en partie les mécanismes familiaux et ne sont pas
caractéristiques de l’adolescent seul. Des évènements de vie
traumatiques récents sont également à considérer comme facteur de décompensation (comme une dépression parentale par
exemple).
Millstein et Cotton rapportent les mêmes éléments psychopathologiques [21]. Dans leur étude, les enfants isolés ont un
résultat à l’échelle verbale de la WISC-R négativement corrélé
à la fréquence de mise en isolement. Les patients avec le fonctionnement global le plus bas sont plus fréquemment isolés mais
ce score n’est pas prédictif d’une mise en isolement. Les patients
fréquemment isolés (plus de quatre fois) tolèrent moins la frustration, ont plus de mal à gérer leur stress et à contrôler leur
impulsivité, répondent mal à des moyens de contrôle externes,
ont du mal à comprendre ce que l’on attend d’eux dans une situation donnée et ont des difficultés à appliquer ce qu’ils ont appris
dans de nouvelles situations. Ils ont alors plus recours à des passages à l’acte qui entretiennent leur rigidité de fonctionnement.
Des atteintes neurologiques plus fréquentes mis en évidence par
des électro-encéphalogrammes perturbés pourraient expliquer
leur caractère impulsif et l’absence de réponse adaptée face aux
stimulations de l’environnement.
Dans ce contexte, deux données nous semblent intéressantes : la fréquence de l’isolement et sa durée. Nos résultats
diffèrent de ceux observés dans la littérature anglo-saxonne
où les adolescents sont amenés à être isolés parfois jusqu’à
50 fois au cours d’une même hospitalisation et sur des durées
très courtes de quelques minutes [19,20,23]. Ces durées brèves
sont certainement à mettre parallèle avec la pratique comportementale du time out réalisée dans certaines unités d’enfants
et d’adolescents [15,16]. Dans notre étude, l’isolement reste
une expérience ponctuelle dont la durée est relativement longue
puisqu’elle se poursuit dans la majorité des cas au-delà de
24 heures. Cette différence de pratique peut s’expliquer, d’une
part, par la réalisation d’un isolement dont la fonction est un
travail de mise en lien et d’élaboration avec l’adolescent autour
de ses « agirs » et de ses difficultés [24] et, d’autre part, par
une capacité à se restaurer de l’adolescent plus lente que chez
l’enfant [4]. L’isolement répond à un moment de « crise » chez
l’adolescent pour qui l’hospitalisation est devenue nécessaire
et sa prescription est plus fréquemment décidée dans les huit
premiers jours d’hospitalisations ce qui est souvent observé
[13,16,18,21]. La première semaine de séparation est aussi la
période où le jeune est le plus sollicité par l’équipe et où les
conflits sont plus à même d’éclater. La décision de mettre un
adolescent en chambre d’isolement est réalisée dans plus de
la moitié des cas l’après-midi, soit après un temps de réunion
institutionnel quotidien, où s’élabore en équipe le projet de
soin. L’isolement à distance d’un possible passage à l’acte de
l’adolescent a pour objectif de s’écarter d’une réponse immédiate, punitive et sanctionnant qui n’aurait alors plus de fonction
thérapeutique. Cette démarche n’empêche pas un possible vécu
de maltraitance mais tente d’en diminuer l’incidence particulièrement chez des patients avec des « troubles des conduites »
où les enjeux relationnels sont au premier plan. Une levée précoce de l’isolement a été nécessaire chez deux adolescents du
fait d’une majoration de leurs troubles psychiques. L’existence
d’un passé traumatique avec notion de violence familiale chez
l’un d’eux nécessite de s’interroger sur la possible action
iatrogène de l’isolement chez ces patients et sur l’évaluation
d’une possible contre-indication à poser dès le début de
l’hospitalisation.
L’isolement a pour objectif de calmer les états d’agitation
et d’agressivité comme l’ont décrit plusieurs auteurs
[13,15,16,18,19]. Erickson et Realmuto retrouvent chez
leurs patients isolés, une tendance à orienter leur agressivité
vers l’équipe soignante (et plus particulièrement ceux du même
sexe) plus que vers les autres patients [25]. Nos données
ne nous permettent pas de préciser si ce sont les soignants
ou bien les autres patients qui ont été plus souvent la cible
des comportements agressifs. L’isolement apparaît efficace
avec un apaisement des symptômes ayant motivé sa mise
en place ; mais son intérêt préventif face à des récidives est
moins évident. Toutefois, l’intensité des mises en acte apparaît
subjectivement moins intense avec l’absence d’un recours
ultérieur à l’isolement. L’adjonction d’un traitement médicamenteux est quasi systématique, à but sédatif et anxiolytique
en complément de l’apaisement attendu de l’isolement. Nous
n’avons pas pris en compte ici les traitements donnés en
première intention pour prévenir une mise en isolement, ni
l’impact du traitement de fond sur la symptomatologie du
patient. On peut supposer que les patients bien équilibrés
sous un traitement régulier sont moins sujets à des passages
à l’acte et donc moins isolés. Antoinette et al. montrent dans
leur étude une corrélation entre les traitements médicamenteux
et la fréquence des mises en isolement : une diminution
de l’isolement entraînerait une augmentation des prescriptions de psychotropes [26]. En revanche, pour Fryer et al.
l’utilisation d’un traitement médicamenteux est indépendante
de la nature des troubles du comportement, mais celui-ci
serait plus souvent prescrit chez les patients plus âgés ou plus
agressifs [18].
Enfin, l’isolement reste une mesure peu fréquente mais dont
la prévalence a beaucoup augmenté ces trois dernières années.
Erickson et Realmuto ont évoqué une cause institutionnelle dans
les variations annuelles de recours à l’isolement [25]. Nous pouvons aussi expliquer cette augmentation par une plus grande
familiarité de l’équipe vis-à-vis de l’isolement. Une diminution
des appréhensions et de l’ambivalence vis-à-vis de l’isolement
pourrait expliquer une moins grande réticence à l’utiliser. Lors
de son installation dans le service, la chambre d’isolement a pu
induire des mouvements de rejet et des doutes de la part des soignants, inquiets d’employer cette chambre à mauvais escient. Sa
pratique a permis d’en définir le cadre et « d’apprivoiser » son
fonctionnement.
L. Nadereau et al. / Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 61 (2013) 72–80
4.1. Limites et biais méthodologiques
Nous pouvons citer, parmi les limites que comporte cette
étude :
• la réalisation de l’étude sur un seul site d’hospitalisation pouvant amener un biais de recrutement ;
• le caractère rétrospectif de l’étude incluant un biais de mémorisation mais permettant d’évaluer une plus grande population
d’adolescent. Cependant, le nombre de patients isolés reste
restreint et un minimum théorique de 30 patients aurait été
nécessaire pour conforter la significativité des résultats ;
• l’analyse des résultats doit prendre en compte un biais
d’évaluation du au recueil de données effectué par un seul
médecin et à l’absence d’échelles d’évaluations systématiques, validées et reproductibles ;.
• le choix d’une cotation CIM-10 participant à une simplification des diagnostics posés et ne rendant pas compte des
éléments psychopathologiques sous-jacents.
5. Conclusion
Cette étude rétrospective est, à notre connaissance, une
des premières études publiées en France sur la question de
l’isolement dans une unité pour adolescents. Elle met en évidence chez les patients isolés, de manière significative, plus
d’admissions avec un caractère « d’urgence » et via le service
des urgences de l’hôpital, plus de consommation de drogues,
un diagnostic de trouble des conduites plus fréquent et plus de
prescription médicamenteuse à la sortie. La mise en chambre
d’isolement est une décision prise en début d’hospitalisation,
non répétée chez un même patient et d’une durée plus longue
que ce que décrivent certaines études anglo-saxonnes. Les deux
principales raisons d’une décision d’isolement sont l’agitation et
l’hétéro-agressivité. Un traitement médicamenteux est prescrit
quasi systématiquement et la contention manuelle est parfois
nécessaire. D’autres résultats émergent, mais ne sont néanmoins pas significatifs comparés à la population d’adolescents
non isolés : il s’agit d’une population d’adolescents fragilisés
avec un taux de déscolarisation élevé, ayant plus d’antécédent
de maltraitance ou de conduites violentes, ayant été plus souvent hospitalisés en pédopsychiatrie avec cependant moins
d’antécédents de suivi psychiatrique ou psychologique.
La prépondérance des troubles des conduites confirme
la nécessité d’une approche spécifique de l’isolement chez
l’adolescent. Cette étude participe à la réflexion autour de ce
soin, pour en améliorer les indications et les éventuelles contreindications notamment chez des patients aux antécédents de
vécu traumatique. D’autres études, rétrospectives et prospectives sont nécessaires en France pour préciser les modalités
d’application de l’isolement chez les enfants et les adolescents.
Une meilleure connaissance de cette pratique en éviterait les
déviances possibles et permettrait de réfléchir à des moyens
de prévention. Ces derniers sont le sujet de plusieurs travaux anglo-saxons qui montrent des résultats intéressants sur
la diminution du recours aux mesures coercitives à travers
un travail institutionnel soutenu et une réelle formation des
79
professionnels [27]. L’impact des mesures légales, très présentes
dans le modèle anglo-saxon, ouvre également le débat sur la
place du cadre législatif encadrant les soins donnés aux mineurs
en pédopsychiatrie en France [6,10,14,27].
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en
relation avec cet article.
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