L`agitation du très jeune enfant, une revue de la littérature
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L`agitation du très jeune enfant, une revue de la littérature
Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2013) 61, 160—165 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com REVUE DE LA LITTÉRATURE L’agitation du très jeune enfant, une revue de la littérature Toddler’s agitation, a review of literature D. Mellier Laboratoire de psychologie (EA 3188), université de Franche-Comté, 30, 32, rue Mégevand, 25000 Besançon, France MOTS CLÉS Très jeune enfant (un à trois ans) ; Agitation ; Agressivité ; Intersubjectivité ; Contenance ; Attachement ; Opposition ; Représentation d’action ; Hyperactivité ; Troubles du comportement Résumé L’auteur effectue une brève revue de la littérature sur la question de l’agitation du bébé, entre un an et trois ans. L’agitation résulterait de souffrances propres au jeune enfant. L’approche psychanalytique s’appuie également sur d’autres perspectives plus « objectivantes ». L’analyse aborde trois points, le constat de l’existence de ce comportement et de ses liens avec la pathologie de l’enfant, la spécificité intersubjective des prises en charge puis les particularités représentatives du bébé : ces comportements, qui deviennent plus manifestes à partir de la seconde année, peuvent se muer en troubles chez l’enfant, suivant la qualité de son attachement, sa sécurité affective. Les prises en charge en thérapie comme en institution mettent l’accent sur un travail de contenance des souffrances au niveau parental et intergénérationnel, ainsi que sur le rôle de l’attention et des liens avec le bébé. Les possibilités de représentation du bébé passent par la motricité. Elles sont différentes selon son âge et la qualité ses enveloppes psychiques. Elles peuvent le conduire à la violence ou au langage, notamment lors de la phase d’opposition des deux ans. Les différents sens de l’agitation proviennent de déterminations plutôt : structurelles si le self est empiété, l’objet primaire peu fiable, l’attachement désorganisé ou insécure ; conjoncturelles selon les caractéristiques du développement, des enveloppes psychiques et des capacités représentatives ; réactionnelles, si un événement de vie est devenu irreprésentable. Cette complexité annoncerait celle plus tard des relations entre l’hyperactivité et les troubles du comportement chez l’enfant. © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. Adresse e-mail : [email protected] 0222-9617/$ — see front matter © 2012 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.neurenf.2012.11.005 L’agitation du très jeune enfant, une revue de la littérature KEYWORDS Toddler; Fidget; Aggression; Intersubjectivity; Containment; Attachment; Opposition; Representation of action; Hyperactivity; Behaviors disorders 161 Summary The author makes a brief review of literature on the question of the agitation of the toddlers, between 1 year and 3 years. The principal hypothesis is that the agitation results from sufferings that are not contained and thought by the toddlers and that he/she tries to expulse by the way of action or motor function, according to his/her age. The main psychoanalytical approach uses also the relevant of the attachment theory and neurosciences. The analysis approaches successively three points, the report of the existence of this behavior and its relationships with the disorders of the child, the specificity of the relational care of this agitation and finally the characteristics of the baby’s representations, according to its age. The agitation behaviors become more clearly during the second year of the toddler. With longitudinal studies, the theory of attachment shows that emotional insecurity of the toddlers would be at the origin of hyperactivity or disruptive behavior disorders of the child. The current psychoanalytical approaches are based on the idea that agitation comes from precocious sufferings. The parent—baby therapies and the interventions in day care underline the importance of the intersubjectivity: the place of parents and of the entire family, as well as the role of the receptive attention and the linking work with the toddlers’ environment. The relevant of the development and neurosciences show that we have to take into account the place of the stage of opposition during the age of 2 years as well as the role of the representations of action. The infant has very different possibilities of expression according to its age, its history, its representative use of action, motor function or language, and according to the intensity of its suffering which can become him violent. The linking and containing work must adjust these possibilities. In conclusion, the agitation of toddlers has never an unilateral meaning, it results from determinations rather: structural, if there is an impingement of the self, the failure of the primary object, the insecure or disorganized attachment; temporary, according to the period of development, the building of the psychic envelopes and the way reserved for action in its representative capacities; reaction if an event of life became without representation. These sufferings can increase, stay or quieted down according to the adjustment of different answers and care. This complexity could announce the further associations between attention-deficit, oppositional defiant disorders and conduct disorders. © 2012 Published by Elsevier Masson SAS. L’agitation chez le jeune enfant est un problème qui apparaît de plus en plus fréquemment dans la clinique du tout petit, mais également dans les hypothèses de travail avancées pour les enfants plus grands. Nous ferons une brève revue de cette question pour repérer les enjeux relationnels propres à cette manifestation. Nous partons de l’hypothèse que l’agitation résulte de souffrances propres au jeune enfant. Nous mettrons d’abord en évidence, selon une démarche plus « objectivante » son importance et les liens avec les troubles ultérieurs chez l’enfant. Nous soulignerons ensuite, selon une démarche plus « subjectivante », la spécificité des prises en charge cliniques, psychanalytiques, qui peuvent l’expliquer. Nous repérerons enfin des particularités représentationnelles propres à cet âge. L’agitation n’a jamais chez le tout-petit un sens unilatéral, elle peut résulter de déterminations complexes. Les manifestations de l’agitation et leurs transformations en troubles Des études permettent « d’objectiver » les manifestations de l’agitation et son évolution parfois vers des troubles, quand la « sécurité de base » de l’enfant est fragile. Des comportements bien repérables durant la seconde année de l’enfant L’agitation ne signifie pas obligatoirement agressivité, mais chez le jeune enfant, elle peut vite aboutir à un comportement agressif, nous verrons plus loin pourquoi. Tremblay [cité par 1] a conduit des études pour repérer, à partir de questionnaires adressées aux mères, les différentes manifestations de leur bébé de 17 mois. Une étude en France [1] a utilisé la même méthodologie, elle aboutit à des conclusions similaires. La plupart des mères reconnaissent chez leur enfants à l’âge de 17 mois au moins l’un des comportements agressifs de la liste proposée, et cela dés l’âge de un an. Les items les plus cités sont « enlève des choses aux autres » et « pousse les autres pour avoir ce qu’il veut ». La fréquence cumulée de comportements violents augmente significativement entre 12 et 17 mois, atteint un pic de fréquence à la fin de la seconde année et tendrait à diminuer après trois ans, sauf marginalement pour les enfants qui n’arriveraient pas à inhiber leurs comportements agressifs1 . 1 Le lecteur pourra se reporter dans cette partie au rapport de l’Inserm [2] très détaillé sur ces points ; nous ne reprendrons pas les critiques très justifiées faites à ces études quant aux conséquences 162 Dans les consultations du très jeune enfant, ces comportements sont ainsi très présents, accentués et souvent associés à d’autres troubles [3,4]. Études longitudinales, évolution des comportements et théorie de l’attachement Suite à des recherches longitudinales, des liens très étroits ont été démontrés entre l’existence d’un attachement désorganisé et les troubles des conduites [5], entre l’existence d’un attachement insécurisé les troubles des conduites et l’hyperactivité [6,7]. L’étude longitudinale de Kochanska et al. [8] met en évidence comment la mesure du degré de sécurité d’attachement des enfants à 15, 25 et 38 mois apparaît comme un facteur de modération dans l’évolution des enfants vers un trouble des conduites à 67 mois, après une période d’opposition observée à 52 mois (nous reviendrons sur ce dernier point plus bas). La qualité du caregiving parental [9,10] devient ainsi un facteur de protection pour ces troubles et surtout leur comorbidité. Cette attention aux processus d’attachement a des effets sur l’insécurité affective et l’agressivité [11]. Notons que la fragilité de la sécurité de base du très jeune enfant, du point de vue de la théorie de l’attachement, correspond à la fragilité de l’objet primaire de l’enfant, ou de son self, selon le point de vue psychanalytique. Agitation et prise en charge : un travail intersubjectif de contenance Chez l’enfant, « l’école française » qui a mis plus l’accent sur l’instabilité que sur les classifications diagnostiques, a adopté une approche psychodynamique qui souligne la place des troubles précoces en relation avec l’objet primaire et l’inscription corporelle de l’instabilité [12—14]. Dans de ces études, le « recours à l’acte » et l’agitation signent des failles dans les processus précoces de symbolisation ou de subjectivation chez l’enfant. La prise en charge de très jeunes enfants permet de préciser cette problématique. Pour les besoins de la démonstration, nous isolerons deux perspectives, l’une mise en évidence par les thérapies mère—bébé, l’autre par les soins en institution. L’une et l’autre mettent l’accent sur l’intersubjectivité et le travail de lien, de contenance des souffrances sous-jacentes à l’agitation. Interaction et problématique parentale et familiale La prise en compte du sens des interactions mère—bébé puis des identifications projectives entre parents et enfant [15,16] et des capacités de jeu [17] permet d’envisager comment l’investissement agressif de l’enfant ou les contraintes qui pèsent sur lui provoquent ou entretiennent des comportements d’agitation ou d’agressivité. Plus l’enfant se sent identifié à un « enfant terrible » et erronées faites en termes de « prédiction » du comportement futur des enfants ou adolescents. D. Mellier plus il aura de la peine à se départir de cette place. Moins l’enfant reçoit des réponses contenantes et adaptées à sa quête de proximité, à ses demandes, à ses agirs, et plus il aura tendance à répéter sans cesse ces comportements pour trouver une réponse et un contenant à ses souffrances. Cette répétition « hors temps psychique » n’arrive pas à se mettre en jeu. L’analyse des liens tyranniques que ces enfants tendent parfois d’instaurer avec leur entourage, montre qu’ils cherchent à vérifier que l’objet peut survivre à leur destruction [18]. La notion d’une parentalité « névrotique, masochique ou narcissique » de Palacio Espasa [19] permet de réaliser un pas supplémentaire avec la prise en compte du travail que les parents ont à faire au regard de leur propre parent. Le bébé, le jeune enfant est ainsi pris dans des identifications d’autant plus aliénantes qu’elles proviennent de parents qui ne peuvent contenir l’héritage de leurs propres parents. À un extrême, la parentalité narcissique, les parents s’identifient de manière confuse avec leur enfant, leur enfant doit souffrir comme ils ont souffert, l’agitation de leur enfant est « cultivée » si elle correspond à leur propre état visà-vis de leur parent. Ces aspects transgénérationnels bien repérés actuellement permettent la mise en place de thérapies familiales psychanalytiques. Durrieux et du Bled [20] montrent ainsi les différentes configurations qui résultent de ces prises en charge de l’agitation2 . Pare-excitation et travail de l’attention La question de l’agitation de l’enfant doit être aussi ancienne que celle des crèches. Elle a été abordée dés les premiers textes de psychologues en crèche. Elle est récurrente dans la littérature anglo-saxonne [21] qui met l’accent sur les effets nocifs des crèches3 . L’évolution des pratiques et des prises en charges dans les lieux d’accueil ont rendu 2 Ils ont ainsi repéré quatre configurations psychopathologiques à partir de l’analyse des interactions fantasmatiques parents/enfants et du sens du symptôme dans la dynamique familiale : les parents buttent sur la désillusion nécessaire de leur enfant, en raison de blessures narcissiques personnelles ou de carences précoces non reconnues, qu’ils tentent de réparer au travers de leur enfant artificiellement maintenu dans une illusion narcissique de toute-puissance ; « L’opposition et les colères de l’enfant, banales pour cette phase du développement, réveillent chez un des parents une culpabilité importante liée à des conflits infantiles non résolus, l’enfant endossant, par identification projective, le rôle d’un mauvais objet du monde interne du parent » ; ce cas de figure s’apparente au précédent par l’existence de projections négatives sur l’enfant, mais s’en différencie par les attitudes parentales caractérisées non pas par la soumission masochique, mais par une mise à distance, voire un rejet de l’enfant ou un excès d’emprise exercée sur lui ; les enfants présentent des blessures narcissiques très précoces pouvant être en relation avec une carence ou une ambivalence de l’investissement parental. Cette faille au niveau du narcissisme primaire entraîne des troubles de la constitution de l’identité et des objets internes, et une intolérance majeure à la frustration qui ne fait qu’aggraver l’ambivalence parentale. 3 La mesure dans la journée du taux de cortisol, ou « hormone du stress », est souvent utilisée maintenant à cet effet [22]. L’agitation du très jeune enfant, une revue de la littérature 163 le problème moins aigu, moins massif, même si ce problème subsiste encore. La littérature serait trop importante pour montrer comment l’instabilité, l’agir, sont des réactions « normales » dans le vécu de l’enfant en crèche face aux enjeux de la séparation [23,24]. Des effets de groupes accentuent ces manifestations. Régulièrement des enfants sont désignés comme n’ayant pas, ou plus leur place en crèche à cause de leur comportement. Il s’agit alors d’une « relation privilégiée négative » [24,25] : l’enfant est devenu la cible de projections importantes et d’intolérances narcissiques de la part de professionnels, soudés entre eux. Des défenses institutionnelles inconscientes entre parent et professionnels [26] contribuent à maintenir un déni des souffrances des bébés, notamment celles liées à la séparation qu’impose l’accueil. Les méthodes d’observation du bébé en collectivité prennent ici ainsi tout leur sens. Elles reposent sur une attention très soutenue et privilégiée qui s’attarde aux moindres manifestations du tout petit. Elles trouvent leur base conceptuelle avec les apports d’Esther Bick et l’approche d’Emmi Pikler [27,28]. Face à l’agitation d’un enfant, le travail d’attention a des effets sur lui. L’étude qualitative menée avec Jardin et al. [29] fournit des exemples très précis de prise en charge sur plus d’un an d’enfants agités, soit dans deux crèches par le biais de groupes thérapeutiques institués au sein même de la crèche, soit dans deux autres par le travail continu des professionnels de l’établissement4 . systématiquement à l’adulte. Il cherche en fait à gagner son indépendance, à affirmer son propre désir au regard de ceux qui l’ont porté. Le « non » qu’il répète signe son introduction dans le langage verbal [31]. Cet avènement du verbal s’effectue à partir d’une sorte de dépassement de la communication précédente, basée sur gestes et actions. Il s’agit d’une « petite adolescence ». L’opposition marque ainsi une étape vitale dans le développement du sujet, les espaces psychiques se différencient, se distinguent, lors de la seconde année entre l’enfant et ses parents. Un paradoxe doit être contenu, celui qui marque le passage d’une communication qui a été longtemps mimique, gestuelle et basée sur des actions à une communication qui va prendre le « mouvement » des mots, du langage pour s’exprimer. L’enfant oscille au niveau identificatoire entre un « être bébé » et un « être enfant ». Certaines problèmes d’agitation prennent ici leur source, d’autres s’accentuent à ce moment et perdurent ensuite. Si l’opposition traduit la différenciation et l’individuation, sa persistance au-delà de 30 à 36 mois indique un « avatar développemental » [32], l’émergence des troubles oppositionnels avec provocation (TOP). Cela rejoint les constats des études descriptives [1] qui montrent un pic de l’agression vers la fin de la seconde année et un déclin généralement après les trois ans de l’enfant. Ultérieurement, ces troubles sont souvent associés à l’hyperactivité [33] et aux troubles des conduites de l’enfant, ce qui rend leur diagnostic précis difficile [34]. Spécificités de la prise en charge et travail intersubjectif de contenance Les représentations d’action et la destructivité L’agitation provient de souffrances, plus ou moins profondes ou réactionnelles, qui sont à percevoir, contenir et à accompagner pour que l’enfant subjective son expérience. Le travail de lien et de contenance [30] caractérise toutes ces prises en charge intersubjectives. Avec l’attention, une certaine associativité est maintenue, développée ou ranimée pour qu’un travail de réception et de transformation en direction des souffrances du bébé soit réalisé. Claudon [35] a pointé l’importance des « représentation corporelle d’action » dans le développement et pour l’hyperactivité, Gibello [36] avait ouvert la voie avec la notion de « représentation de transformation ». Les « représentations d’action » se trouvent à la confluence de travaux interdisciplinaire [37,38]. Cette notion est utile pour mieux rendre compte des différents processus de représentation que le bébé peut utiliser pour subjectiver ses expériences. Le très jeune enfant, par son agitation, est parfois en échec dans ses tentatives de se représenter ses expériences, en action, par le mouvement. Par ses agirs, il utilise la voie motrice, mais d’une manière qui fait rupture, en dehors des rythmiques ajustés à un autre partenaire et parfois, « hors temporalité psychique », en lui infligeant sa propre violence. La motricité est présente dés le début de la vie, mais elle devient très manifeste la seconde année quand le bébé peut se déplacer et expérimenter par des gestes assez précis son environnement. Lors de la période de séparationindividuation [39], le bébé peut agir plus directement sur son environnement et développer ses capacités d’exploration de l’inconnu. Une transformation de ses représentations se produit petit à petit au fil de ses expérimentations physiques, motrices et relationnelles. Il acquiert un savoir sur les effets des mouvements entre les personnes, les choses et lui-même. Sa communication s’est complexifiée et affinée : le recours à des gestes et actions de plus en plus significatives viennent s’ajouter à son expression émotionnelle. Il va pouvoir partager des expériences nouvelles avec un autre, Agitation et paramètres de la subjectivation du bébé : phase d’opposition et représentations d’action D’autres particularités caractérisent la prise en charge de l’agitation du tout-petit, elles sont liées aux apports de la psychologie développementale et des neurosciences. La phase d’opposition, un temps crucial pour l’agitation Entre deux et trois ans, avec la « phase d’opposition », initialement décrite par Henri Wallon, l’enfant tend à s’opposer 4 L’inclusion judicieuse dans l’étude d’enfants inhibés montre le rapport inversé qu’il peut y avoir à cet âge entre inhibition et agitation. 164 coopérer avec une co-conscience de la place de l’autre. Il dit « en action » ce qu’il pense. Plus tard, il pourra dire « en mot » ce qu’il disait « en action », la petite adolescence témoigne de cet enjeu. La complexification de cette communication correspond à la densification des enveloppes psychiques « en pelure d’oignon » qui forment le moi-peau de l’enfant [40]5 . En suivant par exemple l’étude précédemment citée [8], à l’âge de 15, 25 ou 38 mois, l’agitation ne peut avoir le même sens, le bébé ne vit pas dans le même « monde ». À 15 mois, il est directement concerné par les processus d’attachement ; à 25 mois, il entre dans les paradoxes de la phase d’opposition ; à 38 mois, il a trouvé en principe une nouvelle stabilisation de son identité avec le langage. Quand le bébé est en âge de se représenter en actions le monde qui l’entoure, l’agitation pourra traduire ce qu’il cherche à dire. Ce qui est irreprésentable, insoutenable, trouve dans les agirs, plus ou moins violents, une voie exutoire [47—50]. Le travail de contenance de l’entourage consiste alors à percevoir sa détresse, résister à ses attaques et trouver un sens possible à ses actes. Il passe par l’émotion, le mouvement même qui anime l’enfant pour lui donner un temps, une représentation, verbale, mais aussi bien souvent également motrice. Particularités du travail de contenance L’agitation chez le jeune enfant témoigne de son entrée dans des tentatives de communiquer par le biais de la motricité et des représentations d’action. La teneur agressive et violente de cette agitation serait liée à l’intensité de l’expérience irreprésentable qu’il tente de symboliser. Le passage de la phase d’opposition est particulièrement crucial car à ce moment les représentations de mots tendent de relayer les autres types de représentations, notamment les représentations basées sur la motricité. D. Mellier Pour conclure, l’agitation : différents sens, différentes prise en charge L’agitation est une question pertinente et réelle qui se pose pour les très jeunes enfants entre un et trois, quatre ans — nous avons laissé de côté la problématique des bébés qui est plus complexe. Ce comportement peut revêtir différents sens selon qu’il émane : • d’une souffrance plus « structurelle » en rapport avec la qualité des objets internes du jeune enfant (de son attachement) ; • d’une souffrance plus conjoncturelle en fonction du mode de communication utilisé selon son âge ou bien ; • d’une souffrance face à un événement incompréhensible, réactionnelle. L’agitation est ainsi comprise comme l’expression comportementale, motrice, d’expériences que le très jeune enfant a plus ou moins les capacités de se représenter. À un extrême, elle devient destructrice et violente, à l’autre extrême, elle apparaît comme une modalité normale d’exploration et de communication propre au jeune enfant mais qui peut déranger certains adultes. La prise en charge de l’agitation va profondément diverger en fonction de son sens. Elle demandera ainsi des moyens plus ou moins conséquents selon qu’elle vise plus fondamentalement la sécurité de base du bébé, l’établissement de son self, plus conjoncturellement la restauration d’enveloppes psychiques fragilisées ou plus ponctuellement des représentations défaillantes. Cette complexité pourrait préfigurer les relations compliquées entre l’hyperactivité et les différents troubles du comportement chez l’enfant [51,52]. Le travail de contenance des souffrances sous-jacentes à l’agitation du très jeune enfant prend ainsi des formes et une intensité différentes. Déclaration d’intérêts L’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. 5 Pour ces étapes développementales, nous pourrions reprendre ici les différents sens du soi selon Stern [41], ou Rochat [42], les différentes étapes de l’intersubjectivité selon Trevarthen et Aitken [43], de l’attention conjointe [44], ou les repères dans le développement émotionnel et social du bébé [45] ou plus prosaïquement la Classification Diagnostique zéro à trois ans [46], établie suite aux travaux de Greenspan. Elle propose avec son axe V des repères dans le développement émotionnel et social du bébé avec les six capacités suivantes qui se succèdent selon les âges (avec une « émergence habituellement observable entre les âges » mis ici entre parenthèse) : attention et régulation (0—3 mois) ; former des relations ou des engagements mutuels (3—6 mois) ; communication réciproque intentionnelle (4—10 mois) ; gestualité communicative complexe et résolution de problèmes (10—18 mois) ; utilisation de symbole pour exprimer et des pensées ou des sentiments (18—30 mois) ; élaboration de connections logiques entre les symboles. Pensée abstraite (30—48 mois). Le bébé se construit en développant peu à peu des modalités communicatives plus complexes, jusqu’à la parole, dans le même temps où son soi se construit. Références [1] Gimenez C, Blatier C. Étude de l’émergence de l’agressivité physique au cours de la prime enfance. Une analyse des comportements agressifs des enfants âgés de 17 mois. 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