Prélèvement à la source : une « vraie mauvaise idée

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Prélèvement à la source : une « vraie mauvaise idée
Paris, le 4 Janvier 2012
Aux Secrétaires des Unions Départementales,
Aux Secrétaires des Fédérations,
Aux Membres des CESER.
Circulaire n° 06/2012
Secteur Economique
Prélèvement à la source : une « vraie mauvaise idée »
Cher(e)s camarades,
Le 21 décembre 2011, la confédération a été auditionnée par le Conseil des Prélèvements
Obligatoires (C.P.O.) dans le cadre de la préparation d’un rapport relatif à « la mise en œuvre du
prélèvement à la source ».
La délégation FO était composée de Laurent Aubursin, Secrétaire général de la Fédération FO des
Finances, de Jean-Yves Brun, François Schmitt, Frédéric Liautaud, du syndicat FO-DGFiP, de
Françoise Gauchet de la Fédération FO-Finances et de Sophie Tasqué et d’Yves Giquel, assistants
confédéraux au secteur économique.
Le C.P.O. ambitionne à travers un rapport qui sera remis le 1er mars 2012 de dresser un état des
lieux sur la retenue à la source (mesure ayant déjà fait l’objet de plusieurs rapports préparatoires du
Conseil des impôts en 1990 et 2000, de MM. Migaud en 2000 puis Bébéar en 2007).
Préalablement à l’entrevue, la confédération avait rappelé, par écrit, son opposition de principe et de
fond à la retenue à la source conformément, notamment, aux résolutions du congrès confédéral de
février 2011.
Lors de l’échange, cette position a été réitérée et explicitée. Il a été rappelé que le prélèvement à la
source enlevait de la consistance, de la signification à l’acte citoyen découlant de l’article 13 de la
Déclaration de 1789.
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L‘effet indolore de la retenue à la source qui est mis en avant serait un voile jeté sur la contribution
opérée au titre du prélèvement pour assurer le paiement des charges publiques. Cet effet
« indolore », nonobstant la possibilité prévue par l’article 14 de la Déclaration des Droits de l’Homme
et du Citoyen que le Parlement puisse seul, constater la nécessité de la contribution publique l’impôt,
de la consentir, d’en déterminer la quotité, l’assiette et le recouvrement, affaiblirait la manifestation
individuelle de l’accord à l’établissement de l’impôt qui est un garant de son acceptabilité sociale.
Pour FO, il faut distinguer à cet égard le consentement de la loi fiscale, manifestation du rôle du
parlement, du consentement à l’impôt. En outre, le fait qu’un impôt ou une taxe soit invisible ne
signifie pas forcément qu’il ou qu’elle soit indolore pour le contribuable car il s’agit de toute façon
d’une ponction opérée sur son revenu et ressentie au final comme une réduction du pouvoir d’achat.
Plusieurs autres raisons ont été avancées par la délégation FO pour contester les arguments des
promoteurs de la retenue à la source. Notamment pour contrer ceux visant à présenter cette mesure
comme une simplification des formalités administratives (caractère trop contraignant pour le
contribuable de devoir déposer une déclaration / ajustement rapide du montant de l’impôt aux
fluctuations des revenus qui préviendrait ainsi les incidents de paiement dès lors qu’il bénéfice déjà
de possibilité d’étalement des revenus exceptionnels ou de modulation des acomptes ou de
rééchelonnement des règlements), puisqu’in fine le contribuable devrait déposer une déclaration de
régularisation.
A cet égard, FO a rappelé que l’administration fiscale et le Trésor Public ont été fusionnées au sein
de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) et que les procédures informatiques et
télématiques lui permettent d’être réactives et d’offrir des services personnalisés qui correspondent
déjà aux attentes de nombreux contribuables (télé-déclaration, mensualisation, prélèvement à
l’échéance, TIP, paiement en ligne).
S’agissant de l’exception française à ce mode de perception de l’impôt en Europe et dans le monde,
il a été répondu que ce n’est pas parce qu’une pratique est majoritaire qu’elle est juste et appropriée
au contexte. La construction des systèmes fiscaux s’explique par l’histoire. En France, la retenue à la
source de l’impôt sur le revenu instaurée en 1940 a été rejetée par les contribuables et supprimée en
1948.
FO a aussi insisté sur le fait que le prélèvement à la source consisterait à faire prélever le montant
de l’impôt par un tiers payeur employeur ou le banquier ce qui conduirait à une forme de privatisation
de la collecte de l’impôt.
Il a également été rappelé par la délégation que la rupture du principe d’égalité devant l’impôt serait
manifeste entre le traitement du revenu des actifs non salariés par rapport à celui des salariés et
retraités. Le principe de confidentialité des données relatives à l’ensemble des revenus d’un salarié
ne serait plus totalement respecté du fait même de la communication d’informations sur la situation
fiscale personnelle à un ou des tiers en cas de pluralité d’employeurs.
De plus, pour FO, la retenue à la source pourrait générer une modification des rapports salariaux, en
particulier lors des négociations sur les augmentations de salaires avec l’employeur qui bénéficierait
d’une connaissance (approximative) à travers le taux synthétique du niveau des revenus de ses
salariés.
L’employeur pourrait être tenté d’utiliser ces informations pour individualiser davantage la
négociation salariale et de répondre positivement, ou non, à la demande de revalorisation salariale
en fonction des informations qu’il possèderait. Il pourrait en être de même en cas de plan social, où
les salariés qui auraient « apparemment le moins de difficultés financières » pourraient être
davantage ciblés.
Il a été rappelé par FO que le coût global de gestion de l’impôt n’est pas élevé en France et qu’il
baisse régulièrement (1,35% en 2004, 1,20% en 2007, 1,18% en 2008 et 1,03% en 2010). En outre,
il existe une véritable offre de service public fiscal à travers un réseau décentralisé et dense qui a
poursuivi l’industrialisation de ses procédures, en recourant au traitement automatisé et à des téléprocédures.
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En 2010, 72,8% des contribuables à l’impôt sur le revenu étaient mensualisés, 11% étaient prélevés
à l’échéance et 3,3% ont acquitté le paiement par internet. Ainsi, pour 87,1% des contribuables, le
paiement de leur impôt sur le revenu est effectué automatiquement.
Dés lors que ces moyens de paiement procurent régulièrement des ressources au budget de l’Etat,
l’avantage financier que procurerait la retenue à la source n’est plus significatif. Le même résultat est
obtenu sans recourir à cette réforme et sans encourir les risques de rejet de la part des contribuables
salariés ou retraités, tout en conservant un service public d’État s’appuyant sur un large maillage
territorial.
Soutenu par le ministre du budget de l’époque, Thierry Breton, le prélèvement à la source a été
abandonné par le Président de la République et son gouvernement en 2008. La mise en œuvre
préparée par Bercy avait été bloquée et même qualifiée de « fausse bonne idée » par le nouveau
ministre du Budget.
Aujourd’hui, pour FO, cette mesure n’est plus d’actualité. La création de la DGFIP a notamment
rendu caduque un projet désormais daté. Dans le cadre de cette audition du C.P.O., l’intervention de
la délégation de FO s’est inscrite afin d’enterrer définitivement cette « vraie mauvaise idée ».
Avec toutes nos amitiés syndicalistes,
Pascal PAVAGEAU
Jean-Claude MAILLY
Secrétaire confédéral
Secrétaire général
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