G:\Pierre.Viard\INTERNET-INTRANET\Audience

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Cette audience solennelle obéi à une double fonction :
- procéder à l’installation de nouveaux collègues,
- faire le bilan de l’année écoulée et des perspectives pour l’année à
venir
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Audience d’installation des nouveaux magistrats.
La cour d’appel doit procéder à l’installation de .....nouveaux magistrats
M. Claude BILLY, en qualité de président de chambre
Mme Evelyne THOMASSIN épouse MAILLAUD en qualité de
conseiller
Mme Dominique BRUGADE vice président placé
en ce qui concerne les magistrats du siège
M. Philippe DROUET en qualité d’avocat général
M. Patrice GUIGON, en qualité de substitut général, secrétaire
général de la cour d’appel
M. Eric MAILLAUD, substitut général délégué en qualité de
procureur de la République au tribunal de grande instance d’Annecy
Avant de présenter les deux nouveaux collègues qui intègrent le
parquet général, je rappellerai quelques instants le souvenir des deux
qu’ils remplacent.
M.Jean-Claude BERLIOZ, magistrat que tout le monde connaît ici,
Savoyard de naissance, il a occupé tous les postes du parquet :
substitut, procureur au Puy en Velais, puis à Annecy, substitut général
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puis avocat général. Il a pris sa retraite il y a quelques jours. Juriste
très compétent, il enseignait parallèlement à l’université de Savoie.
Orateur redouté aux assises, il est un magistrat très attaché aux valeurs
de cette profession. Nous lui adressons tous nos voeux de bénéficier
longtemps d’une retraite riche en activité et de conserver cette
fraîcheur qui lui faisait tant aimer la discussion et la réflexion sur
notre institution qu’il a servi pendant près de 40 ans.
Monsieur Pierre-Yves MICHAU, avec son départ je perds mon
collaborateur le plus proche. Enumérer ses qualités serait trop long,
elles sont multiples, il a aux cours de ces trois années passées au
parquet général beaucoup apporté à notre cour d’appel. Vous avez fait
avancer de nombreux chantiers et pas seulement immobilier . Je pense
à la numérisation, la visio conférence, la maîtrise des frais de justice,
la communication et bien d’autres sujets.
Au moment de son départ, j’ai toutefois un sujet de satisfaction,il est
nommé procureur à Bonneville. Je sais que cette juridiction aura un
procureur de grande qualité doté d’un fort dynamisme.
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Monsieur Philippe DROUET, vous êtes installé aujourd’hui en qualité
d’avocat général à Chambéry, cela est conforme à vos voeux.
Tout au long de votre carrière qui vous a vu beaucoup voyager, vous
avez été procureur dans trois juridictions différentes : Gap dans les
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Hautes-Alpes, Basse-Terre en Guadeloupe, puis Annecy en Haute
Savoie. Votre arrivée au parquet général de Chambéry ne vous
dépaysera guère. Votre riche expérience professionnelle sera une plus
value pour notre parquet général.
Monsieur Patrice GUIGON, votre parcours est intéressant.
Après avoir pendant quelques années enseigné à l’université, vous
intégrez la magistrature. Vous êtes nommé substitut à Amiens puis
rapidement vous intégrez le ministère de la Justice où vous occupez
notamment la fonction de chef de bureau du statut des magistrats. Vous
êtes ensuite détaché comme conseiller référendaire au tribunal de
première instance des communautés européennes au Luxembourg. Enfin,
vous arrivez en qualité de substitut général à Chambéry.
Votre itinéraire est atypique. Votre expérience diversifiée, votre bonne
connaissance du ministère sera un atout pour vos nouvelles fonctions.
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L’année 2010 sera une année importante pour la cour d’appel de
Chambéry. Nous avons décidé de nous associer à la commémoration du
150ème anniversaire du rattachement de la Savoie à la France.
Evénement fort pour nos deux départements.
Le Sénat de Savoie a été créé en 1560, Sénat de Savoie qui était réputé
pour la qualité de sa Justice et pour le caractère procédurier des
savoyards. Supprimé en 1846, il est remplacé par une cour d’appel. En
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1860, le gouvernement français avant le plébiscite avait promis aux
savoyards qu’ils conserveraient une cour d’appel après le rattachement.
Cet engagement nous a été souvent rappelé lors de la consultation
réalisée pour la récente réforme de la carte judiciaire.
Il était légitime que la cour d’appel, institution à laquelle les savoyards
sont profondément attachés, qui le 29 avril 1860, dans cette salle
solennelle a prononcé le résultat du plébiscite, soit présente lors des
festivités organisée pour commémorer cet événement.
Cinq soirs de suite du lundi 26 au vendredi 30 avril 2010, un grand
spectacle mettra en scène l’histoire de la Justice en Savoie dans la cour
du palais de Justice.
L’association “Savoie 2010", spécialement créé à cet effet a déjà
beaucoup travaillé. Deux magistrats de notre cour d’appel sont
particulièrement impliqués, Madame FERREIRA et Madame de la
LANCE. Elles ont su mobiliser beaucoup d’énergie. Maître FERNEX de
MONGEIX, avocat chambérien, viscéralement attaché à l’histoire de la
Savoie sera le concepteur et metteur en scène de cette fresque historique.
En le choisissant, nous ne prenions aucun risque sur la qualité du
spectacle présenté.
Monsieur le Premier Président et moi-même avons convié Madame le
ministre d’Etat, Garde des Sceaux a participer à cet événement. Elle
nous a déjà exprimé son intérêt pour cette manifestation mais sa venue
devra encore être confirmée.
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Faits marquants durant l’année 2009
- la mise en place de la réforme de la carte judiciaire
La réforme de la carte judiciaire s’est à Chambéry déroulée sans heurt.
Depuis le 1er janvier 2010, les tribunaux d’instance de Saint Jean de
Maurienne et Moutiers ont été intégrés au palais de justice d’Albertville
dans des locaux fonctionnels.
Pour Saint Jean de Maurienne, sous-préfecture installée dans la vallée de
la Maurienne, un projet de point d’accès au droit est bien avancé. La
convention devrait être signée dans les prochaines semaines. Nos
concitoyens pourront sans se déplacer à Albertville bénéficier
d’informations dans le domaine juridique. Un personnel va être recruté
et une borne interactive permettra d’obtenir des renseignements sur les
procédures en cours. Des audience foraines seront tenues par le juge des
enfants.
Le tribunal d’instance d’Aix les Bains a rejoint celui de Chambéry. Les
conditions actuelles d’hébergement ne sont pas satisfaisantes. Elles ne
sont que provisoires. L’ancienne trésorerie générale récemment acquise
par le Ministère de la Justice permettra une fois les travaux déjà
programmés, qui devraient commencer dans les prochaines semaines, au
tribunal d’instance renforcé de Chambéry d’être enfin installé
correctement.
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Le tribunal de commerce départemental de Chambéry a maintenant une
année de fonctionnement. Cette fusion annoncée difficile, s’est déroulée
dans de remarquables conditions grâce au travail effectué par le
Président du tribunal de commerce de Chambéry, le président OLIVA.
Il convient également de remercier l’équipe du greffe dirigé
intelligemment et efficacement par le époux MEY et enfin saluer la
parfaite collaboration des magistrats et fonctionnaires d’Albertville.
En Haute-Savoie, les deux greffes privés de commerce ont été mis en
place à Annecy et Thonon les Bains. Il sera procédé à l’élection et à
l’installation des nouveaux juges fin 2010.
Nous avons le premier président et moi-même veillé à ce que la situation
de chaque fonctionnaire concerné par ces mutations soit examinée avec
soin pour leur permettre de bénéficier de la solution la plus adaptée en
étroite collaboration avec les services de la Chancellerie.
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- le fonctionnement de la cour d’appel
Le redressement déjà engagé ces dernières années de la cour d’appel de
Chambéry s’est confirmé en 2009.
Monsieur le premier président vous a parlé des chambres civiles, je vous
ferai état des stocks en attente de jugement au 1er janvier 2010 pour
chaque chambre pénale.
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- chambre de l’instruction : 31 dossiers par rapport aux 378 examinés
cette année.
- chambre de l’application des peines : 50 dossiers par rapport aux 287
examinés cette année.
- chambre des appels correctionnels : 511dossiers par rapport aux 865
examinés cette année.
- cour d’assises de la Savoie : 6 dossiers en attente d’être jugé alors que
22 l’ont été en 2009.
- cour d’assises de la Haute Savoie - 9 dossiers en attente d’être jugé
alors que 39 l’ont été en 2009
Ces stocks n’ont jamais été aussi faibles depuis de nombreuses années
et en conséquence les délais pour audiencer ont beaucoup diminués.
Pour certaines juridictions, Chambre de l’Instruction, Chambre de
l’Application des Peines ; il ne peuvent plus être raccourcis.
Une situation très saine qui n’a été possible que grâce à l’importance et
la qualité de travail réalisé par l’ensemble des magistrats, présidents de
chambres, conseillers, avocats généraux et substituts généraux ainsi
qu’au greffe. Mesdames les directrices de greffe vous devez être
remerciées pour la qualité du travail fourni par vous même et toute votre
équipe.
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- De nouvelles techniques mise au service de la Justice
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Une institution attachée à son histoire, à ses traditions mais également
tournée vers les nouvelles technologies.
Deux chantiers en cours en attestent. L’année écoulée chacune des 5
juridictions ont été équipées de matériel performant pour travailler en
visio-conférence. En outre, chacune des 5 juridictions dispose déjà ou va
bénéficier en plus, d’une salle d’audience équipée de matériel de visio
conférence. Les 3 maisons d’arrêt sont également équipées. L’objectif
est de limiter les transfèrements de détenus, opération toujours
dangereuse avec des risques d’évasion ou de violence et de limiter la
charge très lourde pour les policiers et gendarmes qui réalisent ces
transfèrements.
La visio conférence n’est pas possible pour procéder au jugement d’un
prévenu ou d’un accusé, mais elle l’est pour statuer sur les demandes de
mise en liberté, les prolongements de mesures de détention et
l’interrogatoire des accusés par le président de la cour d’assises
notamment.
Elle est possible également pour procéder à l’audition d’un témoin ou
d’un expert devant la cour d’assises.
Il s’agit d’un outil technique performant mis à la disposition du juge qui
peut en bénéficier.
Certains ont parlé d’une justice déshumanisée, cela n’est pas le cas. Les
juridictions qui le pratiquent fréquemment en attestent.
En 2009 la cour d’appel a utilisé à 38 reprises la visio conférence, évitant
autant d’extraction, dispositif utilisé principalement par la chambre de
l’instruction et la chambre de l’application des peines.
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2010 verra ce dispositif s’amplifier. Nous, magistrats, ne pouvons rester
sourds face aux demandes insistantes et justifiées des services de police
et de gendarmerie qui souhaitent légitimement voir alléger cette charge
peu gratifiante, source de danger et dévoreuse de temps donc d’argent.
L’année 2009 a été également l’année de la mise en place de la
numérisation des procédures pénales. Une année d’expérimentation.
Le 13 mai 2009, les procureurs généraux de Lyon, Grenoble et
Chambéry ont signé un protocole relatif à la dématérialisation des
procédures avec le général commandant la région de gendarmerie Rhône
Alpes.
Tant en Haute Savoie qu’en Savoie un protocole départemental a été
signé entre les procureurs et les commandants de groupement.
Dans chacun des 5 parquets, diverses expérimentations sont en cours
pour transférer électroniquement les procédures établies par la
gendarmerie.
Les premiers retours sont très encourageants, gain de temps et meilleure
réactivité sont à attendre.
Ces transmissions électroniques de procédures vont permettre de limiter
considérablement la masse très importante de papier transmise par la
voie postale ou par navette instituée entre les différents parquets et les
gendarmeries.
Ce nouveau dispositif bénéficiera également à nos collègues magistrats
du siège soit pour le jugement des procédures en comparution immédiate
soit pour les présentations aux juges d’instruction. Les avocats seront
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également destinataires de cet exemplaire électronique de la procédure.
Les gains de temps pour chacun seront importants.
Ce dispositif expérimenté en 2009 sera développé en 2010 et
prochainement étendu aux services de la police nationale.
La valeur juridique donnée prochainement à la signature électronique
permettra de donner encore plus d’ampleur à ce nouveau mode de
fonctionnement.
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-le ministère public une magistrature à part entière
Je voudrai profiter de cette audience pour rapidement parler du statut du
ministère public. Un sujet au coeur de l’actualité.
Le ministère public français est une institution mal connue voire
méconnue, il fait l’objet de commentaires critiques le plus souvent
injustifiés. Il a ces vingt dernières années été à l’origine de nombreuses
expériences innovantes : traitement en temps réel des procédures ,
médiation, rappel à la loi, création des maisons de justice et du droit,
mesures alternatives avec différents stages de sensibilisation proposées
à la place des peines d’emprisonnement ou d’amende.
Des magistrats qui ces dernières années ont parfaitement compris
l’intérêt de développer une politique active de prévention de la
délinquance qui ne se contente pas d’attendre dans leur bureau la
commission d’une infraction pour engager des poursuites. Ils sont
devenus des acteurs essentiels dans la politique de prévention, ont su
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sortir des palais de Justice pour travailler avec les préfets, les élus
responsables administratifs et d’associations. Ils ont acquis ainsi une
excellente connaissance des spécificités du territoire où ils exercent.
Ce réel dynamisme, cette capacité d’adaptation et cette réactivité ont
conduit le législateur a lui confier de nouvelles responsabilités et à
favoriser la mise en place de procédures dites simplifiées fondées sur
l’adhésion du justiciable tout en respectant les droits des personnes
poursuivies et des victimes. Ces procédures donnent d’excellents
résultats. Le
Premier Président Charvet dans un remarquable et
remarqué article publié en février 2007 à la revue Dalloz a pu écrire que
le ministère public était devenu “le premier juge”. Un “quasi juge” qui
travaille sous le contrôle du magistrat du siège qui valide ou refuse a
décision qu’il propose.
Le projet de réforme du code de procédure pénale proposé par la
commission Leger qui devrait aboutir à un projet de texte soumis à une
large concertation dans quelques semaines, devrait renforcer encore le
rôle du ministère public dans le déroulement de la procédure pénale.
Il est d’usage de mettre en cause avec une belle régularité
l’indépendance des magistrats du ministère public et même leur statut de
magistrat. Que faut-il en penser ?
Les magistrats du ministère public en France sont des magistrats à part
entière. Leur supprimer ce statut constituerait une lourde erreur et
certainement pas un progrès.
Monsieur le premier président Charvet dans l’article que je viens de
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rappeler, avec son indépendance d’esprit et sa profondeur de pensée que
chacun ici a pu apprécier, défendait ardemment l’unité de la
magistrature.
La séparation en deux magistratures distinctes avec une absence de
passerelle aboutirait à une coupure nuisible au corps des magistrats qui
en sortirait affaibli, mais surtout à une régression pour notre justice et à
moins de garantie pour nos concitoyens.
Le choix entre le mode de poursuite, les réquisitions en ce qui concerne
le contentieux de la liberté, la décision de poursuivre ou de classer sans
suite, la proposition d’une peine dans la procédure de composition
pénale ou d’ordonnance pénale, doivent relever d’un magistrat.
Son statut doit le protéger pour qu’il puisse bénéficier d’une grande
liberté afin qu’en conscience ses décisions soient prises dans le respect
des lois.
Le statut de magistrat du ministère public a ces 20 dernières années
beaucoup évolué et progressé en particulier par le renforcement des
garanties de nomination de ses membres suite à la réforme
constitutionnelle de 1994, la disparition des instructions de classement,
la transparence dans la diffusion des instructions individuelles,
instructions individuelles au demeurant très rares.
Contrairement à ce qui est souvent écrit, le statut actuel du ministère
public présente de réelles garanties et laisse à ses membres une grande
liberté d’appréciation pour l’examen des procédures qui leur sont
soumises.
Les parquetiers sont nommés après avis du conseil supérieur de la
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magistrature. Il existait une exception pour les 35 procureurs généraux,
il a été décidé que pour l’avenir cet avis serait également sollicité et cette
exception sera supprimée.
Il est vrai que les Gardes des Sceaux usant des pouvoirs qui leur sont
confiés par la loi peuvent passer outre l’avis du conseil supérieur de la
magistrature, encore faut-il rappeler que cela est l’exception. En 2008,
dernier chiffre diffusé par le conseil supérieur de la magistrature, sur 592
propositions formulées par le Garde des Sceaux, le conseil supérieur de
la magistrature a émis 6 avis défavorables seulement.
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Deux catégories d’instruction peuvent être adressées par le Garde des
Sceaux aux magistrats des parquets, des instructions d’ordre général et
des instructions individuelles.
Le Garde des Sceaux en application de l’article 30 du code de procédure
pénale doit veiller à la cohérence de la politique d’action publique sur
l’ensemble du territoire de la République. Pour y parvenir il adresse aux
procureurs généraux des instructions générales.
La dernière circulaire d’action publique signée le 1er novembre 2009 par
Madame le Garde des Sceaux rappelle les domaines d’actions qui
doivent être prioritaires pour les magistrats des parquets sur l’ensemble
du territoire :
- lutte contre la criminalité organisée
- lutte contre la consommation de produits stupéfiants
- lutte contre les violences intra familiales et les discriminations,
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- lutte contre la délinquance des mineurs,
- lutte contre les violences collectives,
- lutte contre les cambriolages, les infractions économiques et les
atteintes à l’environnement.
Personne ou quasiment personne ne conteste de nos jours le droit pour
le gouvernement qui en a la légitimité de définir la politique d’action
publique à mener sur le territoire de la République.
La discussion existe pour les instructions individuelles.
Qu’en est-il dans la réalité ?
C’est la possibilité pour le ministre de la Justice en application de
l’article 30 du code de procédure pénale d’enjoindre le procureur général
d’engager des poursuites.
Ce droit donné au Garde des Sceaux est très encadré.
Il ne lui est pas permis de donner des instructions de classement sans
suite.
Il ne dispose que du droit d’injonction pour engager des poursuites. Suite
à ces instructions un tribunal sera saisi et il lui appartiendra de statuer sur
les charges.
Ces instructions doivent être écrites et versées au dossier.
Cette exigence de transparence constitue une garantie importante.
L’actuelle Garde des Sceaux, Madame Michelle Alliot-Marie s’est
engagée ce qui n’est actuellement pas prévu par la loi à motiver ses
instructions de poursuites individuelles. Elle a pour projet d’inscrire cette
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avancée dans la loi.
En ce qui concerne l’audience, moment fort où le magistrat du ministère
public développe ses réquisitions et propose des peines, l’ancien adage
”la plume est serve, la parole est libre” est toujours d’actualité. Il a été
repris par l’article 33 du code de procédure pénale qui est explicite, le
ministère public “développe librement les observations orales qu’il croit
convenables au bien de la Justice”.
C’est dire que le magistrat du parquet bénéficie d’une liberté beaucoup
plus grande que beaucoup l’imagine.
Cette liberté est tout naturellement tempérée par le principe hiérarchique.
Magistrat, il travaille sous l’autorité d’un procureur qui lui-même dépend
de l’autorité du procureur général.
Cette structure hiérarchisée ne doit pas être considérée comme un
handicap mais comme un atout. Une des spécificités du parquet et une
de ses forces est l’habitude de travailler en équipe. Tout dossier délicat,
important, fait l’objet de discussion et à l’issue d’une réflexion à
plusieurs une décision est arrêtée ; il s’agit d’une forme de collégialité.
Cette liberté de parole doit respecter le devoir de loyauté et le principe
d’indivisibilité, ce qui nécessite un dialogue préalable franc et loyal pour
les affaires importantes. Le premier président Maurice ROLLAND
rappelait que “le pouvoir exécutif peut imposer au parquet des actes,
mais il ne peut leur imposer une opinion. Il peut prescrire une poursuite,
un appel, un pourvoi, mais il ne peut contraindre de requérir une peine
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injuste ou un acquittement injustifié”.
Le problème auquel est confronté le ministère public mais il n’est pas le
seul dans cette situation, c’est le soupçon. Le soupçon, que le procureur
général NADAL qualifiait récemment de poison.
Nos concitoyens, le plus souvent a tort, malheureusement, souvent incité
par une bonne partie de la presse ne peuvent imaginer qu’une décision
soit prise en conscience par des magistrats indépendants qui n’auraient
d’autres soucis que d’appliquer la loi à un cas d’espèce.
Ils préfèrent penser que si une décision de classement, de non lieu ou de
relaxe est intervenue pour un élu, un responsable administratif, un chef
d’entreprise, c’est forcément que le magistrat a souhaité protéger un
homme important mais certainement pas que les charges n’étaient pas
suffisantes ou inexistantes.
Cet éternel soupçon, le principe qu’il n’y a pas de fumée sans feu
constitue un mal français détestable qu permet à nos concitoyens de
toujours douter de l’honnêteté de celui qui exerce des responsabilités. Un
mal ancien et difficile voir peut-être impossible à combattre et je ne suis
pas sur qu’un changement de statut du ministère public réclamé par
certains, parvienne à le faire disparaître. Nos collègues du siège qui
bénéficient d’une totale garantie d’indépendance voient malgré tout
leurs décisions faire l’objet de critiques similaires.
Il appartiendra au législateur dans les mois à venir de décider, s’il doit
donner au ministère public le pouvoir de diriger la totalité des enquêtes.
A ce jour seul 4% des dossiers sont confiés aux juges d’instruction, le
ministère public a la responsabilité des 96 autres pour cent.
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Les magistrats du parquet ont déjà montré leurs capacités dans des
affaires difficiles de diriger la police judiciaire. Il faudra bien
évidemment qu’une étude d’impact très complète soit réalisée et des
moyens en hommes suffisants soient attribués.
Un tel dispositif fonctionne déjà avec satisfaction dans de très nombreux
pays qui nous sont voisins.
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Je ne voudrai pas terminer mon propos sans me féliciter de l’étroite et
régulière collaboration que nous avons mise en place monsieur le
Premier Président et moi-même avec les cinq bâtonniers et monsieur le
président de la compagnie des avoués. Lors de rencontres régulières des
échanges fructueux et utiles permettent de réfléchir sur nos pratiques
pour les améliorer et préparer la mise en oeuvre des réformes.
Je félicite les quatre nouveaux bâtonniers récemment élus et remercie les
partants pour le travail entrepris.
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Pour terminer, je voudrai rappeler la mémoire de monsieur le premier
président CHARVET. En juin 2008, il a pris sa retraite et est décédé le
25 octobre 2009.
Magistrat d’une intelligence supérieure, doté d’une très grande
clairvoyance, il avait été un des 2 cofondateurs du premier syndicat dans
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l’histoire de la magistrature.
Ses qualités reconnus par tous lui avaient permis d’accéder à de
nombreuses fonctions de responsabilité, membre de plusieurs cabinets
ministériels, directeur adjoint des musées de France, directeur de la
protection judiciaire de la jeunesse. Il lui avait été en outre confié la
rédaction de nombreux rapports ainsi que la responsabilité de la Mission
interministérielle de la lutte contre la toxicomanie.
Son dernier poste a été premier président de la cour d’appel de
Chambéry. Tous ceux qui l’ont côtoyé savent qu’il a beaucoup apporté
à cette cour et a amélioré son fonctionnement.
L’homme était droit et d’une très grande dignité. Il restera dans nos
mémoires comme un magistrat exemplaire
Monsieur le premier président, mesdames et messieurs les présidents et
conseillers.
J’ai l’honneur de requérir qu’il vous plaise :
Constater qu’il a été satisfait aux prescriptions de l’article R711-2 du
code de l’organisation judiciaire.
Déclarer ouverte l’année judiciaire 2010.
Me donner acte de mes réquisitions et dire que du tout il sera dressé
procès-verbal conformément à la loi.
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