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J Maroc Urol 2008 ; 12 : 40-42
Réponse du n°11
QUEL EST VOTRE DIAGNOSTIC ?
FORMATION
CONTINUE
A. EL KIASSI, R. RABII, L. JABRI*, Y.A. EL MESSOUDI, A. SAHNOUN, Y. HADANE, R. ABOUTAIEB,
A. EL MOUSSAOUI, M. DAKIR, A. DEBBAGH, S. BENNANI, F. MEZIANE
Service d’Urologie ; *Service d’Anatomie Pathologique, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc
OBSERVATION
Les marqueurs tumoraux étaient normaux : bêta HCG
= 0,36 mUI/ml (N < 3mUI/ml), Alpha-Foetoprotéine =
4,33 ng/ml (N < 9 ng/ml).
Un homme de 57 ans s’est présenté à la consultation
d’urologie avec une masse palpable scrotale gauche.
Le patient avait observé une augmentation progressive
de volume du scrotum depuis 6 mois. L’examen mit
en évidence une masse palpable souple de la
consistance d’un lipome non transilluminable. Les
orifices herniaires étaient libres. L’examen du contenu
scrotal droit était normal. Le reste de l’examen somatique
était sans particularité.
La radiographie pulmonaire était normale (fig. 2).
Une exploration scrotale gauche a été effectuée, le
testicule et l’épididyme étaient macroscopiquement
normaux. Deux nodules étaient retrouvés aux dépens
du cordon spermatique, le plus volumineux mesurait
5,5 cm de diamètre. Une tumorectomie des deux
masses fut réalisée (fig. 3).
L’examen histologique des différents prélèvements
effectués a montré que les deux masses correspondaient
à la même prolifération tumorale. Celle-ci était faite
d’un tissu fibromyxoïde contenant des cellules atypiques
à noyaux pléomorphes et hyperchromatiques avec des
cellules géantes multinucléées en fleur. On retrouvait
L’échographie (fig. 1) retrouvait un nodule hypoéchogène
hétérogène bien limité intrascrotal gauche siégeant au
dessus du pôle supérieur du testicule gauche,
hypovascularisé au doppler couleur et mesurant 44 x
26 mm. Les deux testicules étaient de taille normale,
de contours réguliers et d’échostructures homogènes.
T
Fig. 1. Echographie scrotale : nodule hypoéchogène hétérogène bien limité intrascrotal gauche siégeant au dessus du pôle
supérieur du testicule gauche, hypovascularisé au doppler couleur et mesurant 44 x 26 mm (T : tumeur)
N
N
Fig. 3. Aspect macroscopique : deux nodules du cordon spermatique,
le plus volumineux mesurait 5,5 cm et l’autre 2,5 cm (N : nodule)
Fig. 2. Radiographie thoracique normale
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Quel est votre diagnostic ?
A. EL KIASSI et coll.
par ailleurs des zones plus différenciées, adipeuses
abritant d’authentiques lipoblastes (fig. 4). Cette
prolifération était pourvue d’un réseau vasculaire riche
et fin. La limite du cordon repéré n’était pas tumorale.
Fig. 6. Pièce d’orchidectomie gauche
visible. Histologiquement, il n’a pas été retrouvé de
néoplasme résiduel sur les prélèvements intéressant le
testicule, le cordon spermatique et l’épididyme.
Les suites opératoires ont été simples. Le recul est
actuellement de 6 mois.
Fig. 4. Lipoblastes aux noyaux hyperchromatiques,
pléomorphes, nucléolés, refoulés par les vacuoles
cytoplasmiques (G x 40, coloration HE)
DISCUSSION
Les liposarcomes représentent 7% des tumeurs du
cordon spermatique [1, 2], il s’agit de tumeurs rares.
Ils semblent se développer plus souvent chez le sujet
âgé de plus de 50 ans [3, 4, 5, 6]. Les localisations au
cordon sont exceptionnelles chez l’enfant, elles ne
représentent que 0,7% des liposarcomes [7, 8]. Ces
tumeurs sont plus fréquentes à droite qu’à gauche. La
tumeur peut correspondre à la transformation maligne
d’un lipome ou se développer directement à partir du
tissu adipeux du cordon [9].
Macroscopiquement, la lésion est souvent volumineuse,
polylobée, jaunâtre, ferme ou élastique, comportant
des zones de nécrose hémorragique et de
dégénérescence kystique. Histologiquement, la tumeur
contient des foyers de tissu adipeux mature, des plages
sarcomateuses faites de cellules polymorphes géantes
et de zones de sclérose. Dans certains cas, elle peut
contenir des contingents fibroblastiques et myxomateux
associés. La classification histologique la plus souvent
utilisée est celle de Hadju [5] qui décrit quatre catégories
selon la prédominance d’un type cellulaire : bien
différencié (pouvant être confondu avec un lipome),
myxoïde, pléiomorphe et à cellules rondes. Cette
classification semble avoir un intérêt pronostique
puisque les formes bien différenciées et les formes
myxoïdes restent plus volontiers localisées, alors que
les formes à cellules rondes et pléiomorphes semblent
plus agressives, avec un risque plus élevé de récidive
locale et un plus fort potentiel métastatique. La
dissémination métastatique se fait habituellement par
voie hématogène.
L’atteinte ganglionnaire est rare et se rencontre surtout
dans les formes indifférenciées.
Cliniquement, la lésion évolue le plus souvent à bas
bruit pendant plusieurs mois voire des années. Elle se
manifeste par une pesanteur ou un tiraillement. Elle
est ferme, irrégulière, indolore, développée à proximité
ou à distance du testicule pouvant être soit intrascrotale
ou au niveau de l’aine ou englober les deux [5]. Elle
Une étude immunohistochimique a été réalisée, elle
a montré seule la positivité de la protéine S100 au
niveau des cellules tumorales (fig. 5), alors que la
desmine actine muscle lisse et CD34 étaient négatifs.
Fig. 5. Etude immunohistochimique : positivité de la
protéine S100 au niveau des cellules tumorales (G x 40)
Ces résultats histologiques et immunohistochimiques
ont orienté vers le diagnostic de liposarcome du cordon
spermatique bien différencié dans une variante
sclérosante.
L’examen tomodensitométrique thoraco-abdominopelvien, dans le cadre du bilan d’extension, était normal.
Une orchidectomie gauche par voie inguinale a été
effectuée dans un second temps (fig. 6). La pièce totale
pésait 85 g, le testicule mesurait 6x4x2 cm, le cordon
7 cm de long, l’épididyme 2 cm. Au dessus du testicule,
il est retrouvé un tissu adipeux sans véritable néoplasme
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J Maroc Urol 2008 ; 12 : 40-42
ipsilatérale. Le pronostic est relativement bon par
rapport aux autres types de sarcomes paratesticulaires.
Le rôle de la chimiothérapie et du curage rétropéritonéal
reste controversé.
peut prêter confusion avec une hernie inguinale ou
une hydrocèle.
L’échographie scrotale est surtout utile pour préciser
la nature tissulaire et la localisation extra-testiculaire
de la tumeur [5, 10]. L’examen tomodensitométrique
affirme la nature graisseuse de la masse mais ne préjuge
pas la valeur bénigne ou maligne de la lésion. Elle
permet surtout d’établir le bilan d’une éventuelle
extension ganglionnaire [1, 11]. En fait, aucun examen
d'imagerie ne permet d’apporter la certitude
diagnostique.
Le traitement de choix du liposarcome du cordon
spermatique est l’exérèse chirurgicale avec
orchidectomie radicale par voie inguinale [1, 2, 12].
L’hémiscrotectomie peut être justifiée en cas de tumeur
extracapsulaire avec envahissement des structures
adjacentes. L’indication d’un éventuel traitement
complémentaire est fonction du grade histologique, du
degré d’infiltration et de l’existence de métastases. Ses
modalités restent discutées. Le curage ganglionnaire
est systématique pour certains, car le risque de récidive
ganglionnaire rétropéritonéale est de 29%. Pour d’autres,
il n’a pas d’indication car la dissémination métastatique
se fait par voie hématogène et il n’a pas été prouvé
que le curage puisse améliorer la survie [2]. Il semble
néanmoins intéressant de discuter du curage pour les
formes indifférenciées à fort potentiel métastatique
[13]. La radiothérapie a pu être proposée en complément
de l’exérèse chirurgicale pour les tumeurs volumineuses.
Les doses proposées étaient de 50 Gy en doses
fractionnées pendant 5 semaines, dirigées sur la région
inguinale, scrotale, les chaînes ganglionnaires ilioobturatrices et lombo-aortiques. Bien que la
radiothérapie semble diminuer le taux de récidive
locale, ses résultats sont globalement décevants sur la
survie globale [14]. Les rares essais de chimiothérapie
rapportés n’ont pas été concluants [2, 15]. L’évolution
des liposarcomes est lente. Les récidives locales sont
très fréquentes (50%). Une surveillance locale prolongée
est nécessaire, en raison du risque des récidives parfois
tardives (jusqu’à 16 ans) [2]. Ces récidives locales
doivent être traitées par une exérèse large, qui peut
nécessiter une scrotectomie partielle et une radiothérapie
adjuvante [10, 14, 16]. Par ailleurs, les récidives peuvent
survenir dans le rétropéritoine ou le poumon. Certaines
études récentes auraient montré l’efficacité du PETScan dans le dépistage des récidives après chirurgie et
radiothérapie [17].
Les liposarcomes du cordon spermatique sont des
tumeurs à faible potentiel de malignité, ce qui leur
confère un bon pronostic [1, 5].
REFERENCES
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
CONCLUSION
16.
Le liposarcome bien différencié du cordon spermatique
est une tumeur rare. L’absence de signes cliniques et
radiologiques spécifiques rend le diagnostic
préopératoire difficile. Le traitement chirurgical consiste
en une orchidectomie radicale ± hémi-scrotectomie
17.
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