Homélie du dimanche 29 septembre 2013

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Homélie du dimanche 29 septembre 2013
Homélie du dimanche 29 septembre 2013
(26ème dimanche / année C)
de frère Jean-Marc, sur l’Evangile selon St Luc (Lc 16,19-31)
Voilà un riche qui s’est rendu la vie misérable en ignorant, en méprisant Lazare
son prochain. Un riche qui n’existe que par sa richesse : il est « le riche » et rien
d’autre. Le pauvre, Lazare, porte quant à lui le nom de la plus heureuse des
promesses : « Dieu vient en aide ». Le nom d’un lien, d’une alliance, d’un acte
sauveur, donateur de vie. Le riche croit pouvoir être heureux dans son opulence
mais il est sans lien, il n’aime pas, il ignore son malheur. Pire encore que sa vie
misérable de riche, c’est sa propre tombe qu’il creuse déjà, bien avant l’heure de
vérité narrée dans cette parabole. Il porte déjà la mort en lui pour être
désespérément prisonnier de sa suffisance.
Chose étrange apparemment, c’est dans sa souffrance qu’il commence à aimer.
Voici qu’il se met à avoir souci de ses plus proches. Retenons ce lien entre amour
et souffrance.
Bien-sûr, on aime et on est heureux d’aimer. Mais on n’aime jamais comme on
voudrait, comme il faudrait, comme on pourrait, qui que nous soyons. On
voudrait aimer mieux, plus, autrement. Mais on est sans cesse renvoyé à nos
pauvretés, à nos imperfections, à nos lâchetés, à notre péché. Qui d’entre nous
n’en fait-il pas quotidiennement l’expérience, auprès des êtres qui lui sont les plus
proches, les plus familiers ? L’amour est une joie et une souffrance. Et c’est
précisément parce que l’on aime, que l’on est fait pour aimer, et aimer jusqu’au
bout, aimer jusqu’à l’infinie perfection de l’amour même ; c’est parce que l’amour
est cela que nous sommes plongés dans cette inextricable contradiction.
Car pour aimer vraiment, aimer de l’amour même, il faut traverser un abîme
infranchissable à vues humaines, un abîme que seul le Ressuscité d’entre les morts
a pu franchir, ainsi que nous le suggère cet évangile. Le Christ porte avec lui dans
cet abîme toutes nos incapacités à aimer, toute blessure infligée à l’amour en ce
monde, et parfois mortellement. Il porte avec lui dans cet abîme toute souffrance,
toute désespérance, toute mort. Par cet Amour plus fort que la mort, cet Amour en
sa source d’éternité, le Christ a franchi l’abîme sans fond qui voulait entrainer
l’homme dans son vertige. La croix est suspendue sur ce vide-là, et, sur son
horizon de ténèbre, c’est le ciel qui s’ouvre et resplendit. Par son Amour crucifié,
le Christ nous sauve et nous donne la vie.
Ensemble paroissial de Castanet Tolosan
Jean-Marc Gayraud
texte disponible sur “paroissecastanet.fr”
Et il peut y avoir des abîmes infranchissables, en cette vie présente. Une séparation
irréversible, une épreuve qui bouleverse la vie, radicalement et durablement, la
mort d’un être aimé, un acte irrémédiable qui engendre la mort ou une forme de
mort. Etc. Comment vivre avec, après ?
Cet évangile est l’évangile de l’après. Ce n’est pas une parabole du jugement
dernier. Il veut certes nous renvoyer à l’exigence de la vie présente, au prix infini
de cette vie et de ce que nous pouvons en faire, à l’attention décisive qui doit être
portée au prochain, pour y apprendre-là à vivre et à aimer. Mais il nous renvoie
plus encore au mystère de notre vie en Dieu à l’heure où Dieu seul peut être notre
vie. L’heure de l’abîme infranchissable.
Si cet évangile met si radicalement à nu notre condition humaine, c’est pour nous
annoncer la seule vraie bonne nouvelle qui peut nous faire vivre. Afin de pouvoir
l’accueillir, il faut commencer par ne considérer aucune impossibilité à aimer et à
vivre comme une fatalité. Il ne faut pas se résigner à ce qui nous serait
humainement impossible. Il s’agit encore moins de faire de ces impossibilités
l’alibi de nos déficiences, le prétexte à nos justifications. Et il ne faut surtout pas,
moins que tout le reste, s’enfermer dans une culpabilité morbide ou un implacable
ressentiment.
Nous sommes-là au cœur de la foi chrétienne. Celle-là même que nous avons
héritée de notre père Abraham. La foi d’Abraham s’accomplit dans l’impossible
de sa vie, en ses abîmes infranchissables. Lui qui est parti sans savoir où il allait et
qui était sans cesse aux prises avec l’impossible promesse de Dieu. Et il s’est mis
en route. Mais seul le Christ pouvait traverser définitivement l’abîme
infranchissable. A nous maintenant de nous mettre en route à la suite du Christ,
en sa traversée pascale.
L’Eucharistie qui nous rassemble fonde nos liens dans le Christ pascal. Si nous ne
fondions ces liens que sur les sentiments, les affinités, les vues humaines, nous ne
serions plus des chrétiens et ça finirait vite par tourner mal, dès les premiers
obstacles de nos impossibilités humaines. Ce qui fonde la communauté
chrétienne, ce qui nous rassemble ce matin, c’est le Christ, la croix du Christ, la
joie du Christ, l’Amour du Christ. Commençons donc par là et restons bien
amarré au Christ de notre vie toute cette année. Et tout sera possible alors.
Construisons le vrai bonheur d’aimer, jour après jour, et en portant humblement le
souci les uns des autres. C’est dans cet esprit que le pape François nous invite à
vivre, je le cite : « les petites choses de tous les jours avec un cœur grand ouvert à Dieu et
aux autres. Valoriser toutes les petites choses à l’intérieur de grands horizons, ceux du
Royaume de Dieu. »
Ensemble paroissial de Castanet Tolosan
Jean-Marc Gayraud
texte disponible sur “paroissecastanet.fr”

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