La grande bouffe à Nancy - Opéra national de Lorraine

Transcription

La grande bouffe à Nancy - Opéra national de Lorraine
Date : 30 DEC 15
Journaliste : Lysiane Ganousse
Pays : France
Périodicité : Quotidien
OJD : 140564
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« Orphée aux Enfers » : le mythe s'effondre,
la bouffonnerie enfle !
La grande bouffe à Nancy
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i Une vision de l'Olympe qui ne présente pas les dieux sous leur meilleur jour...
Nancy. Mordue par un serpent, Eurydice succombe,
pleurée par Orphée son bien
aimé qui court jusqu'aux enfers et implore Hadès de la lui
rendre. Grâce accordée, à condition que l'époux réussisse à
regagner le monde des vivants
sans se retourner sur sa belle.
Il échoue. Eurydice meurt définitivement. Fin de l'histoire.
Fin du mythe.
Mais pour Offenbach, tout ça
ne fait que commencer...
Le patron du théâtre des
Bouffes Parisiens n'a que faire
de la tragédie, il lui préfère
infiniment la parodie. Chez
lui, les tendres tourtereaux
sont d'emblée de volages
époux adultères. Et si Eurydice est en effet expédiée aux
Enfers, elle n'en semble guère
effarouchée, Pluton son
amant et maître des lieux l'y
ayant entraînée...Quant à Orphée, débarrassé de son encombrante légitime, il n'est
guère pressé de l'y aller chercher. ..
Mais c'est sans compter sur
« L'Opinion publique », cette
redresseuse de torts qui le
somme, au nom de la morale,
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de faire son devoir, dût-il à son
tour franchir les rives du Styx.
De son côté, dans une Olympe
dépravée, Jupiter tempête
contre Pluton. Car lui-même a
bien l'intention de faire d'Eurydice une gourmandise à croquer. ..
« Toi j'te like»
À sa création en 1858, l'opérette avait soulevé l'enthousiasme du public, mais accablé
Zola, vent debout contre ces
« vers écrits pour des portiers
en goguette ». Le raffinement
n'y est pas la première des
vertus, en effet. Ce n'en est pas
non plus la vocation, il est vrai.
En s'emparant pour l'Opéra
national de Lorraine du livret
signé Crémieux et Halévy Ted
Huffman est bien décidé à forcer le trait au fluo à paillettes.
Plantant le récit dans un (superbe) décor de palace, dont
les différents étages s'échelonnent depuis l'enfer jusqu'à
l'Olympe en passant par la
terre, il puise dans l'art grotesque, de celui qui s'affiche grimaçant et vitupérant. Il boursoufle les dieux jusqu'à les
Photo Patrice SAUCOURT
faire vaciller sur leurs jambes
percluses de goutte (métaphore des tenants du libéralisme gonflés d'orgueil et d'opulence ?), et emprunte à
Jérôme Bosch sa grenouillante ménagerie démoniaque.
Rendons d'ailleurs hommage
à la créativité de Clément et
Sanôu, responsables et des
costumes et des décors.
Le dialogue est remanié au
goût du jour. Semant ici un
« toi j'te like », là une allusion
au « conseiller fiscal » ou au
« président de la Fifa », il met
les rieurs de son côté. La musique d'Offenbach se fait voltigeuse sous la baguette d'un
Laurent Campellone endiablé. Mais le terrible constat
auquel, la conscience coupable, on doit bien se résoudre in
fine, c'est que la voix du Mal
est à nos oreilles la plus belle...
En l'espèce celle du ténor Mathias Vidal, incarnation de
Pluton/Hadès, le dieu des Enfers !
lysianeGANOUSSE
fTà A l'Opéra de Lorraine, les
30 décembre et 2 lannier a 20 h, le
I" janvier a 17 h, le 3 janvier a
15 h (en audio description)
NANCY5 8540056400505