Technologie et impartition La Cour suprême conclut que les ordures

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Technologie et impartition La Cour suprême conclut que les ordures
AVRIL 2009
Actualités - Technologie et impartition
La Cour suprême conclut que les ordures
ne sont pas protégées par le droit au
respect de la vie privée
Même lorsqu’elles sont placées sur votre terrain en vue de leur
ramassage, vos ordures – et les renseignements confidentiels qu’elles
contiennent – peuvent être examinées par la police et le grand public
KAREN E. JACKSON ([email protected]), WESLEY NG ([email protected])
et ANDREW CUNNINGHAM ([email protected])
R. c. Patrick
Cour suprême du Canada, 2009 CSC 17 (9 avril 2009)
Cette décision de la Cour suprême du Canada, rendue dans le cadre d’une poursuite
contre un trafiquant de drogues, souligne l’importance d’éliminer soigneusement les
documents qui contiennent des renseignements confidentiels ou susceptibles de
porter atteinte à la réputation ou aux intérêts de votre entreprise. L’essentiel de la
décision se résume au fait que les ordures déposées en bordure du trottoir en vue de
leur ramassage, y compris les renseignements qu’elles contiennent, peuvent très bien
faire l’objet d’une fouille, d’une perquisition et d’une saisie par la police ou, comme il
est permis de croire, d’un examen par des journalistes et le grand public. Même les
ordures placées sur votre propriété privée sont vulnérables si elles sont facilement
accessibles par un terrain public. La leçon à tirer est qu’il ne faut jamais laisser des
ordures contenant des renseignements sensibles en périphérie de sa propriété privée.
Des poubelles pouvant être fermées à clé, une clôture et d’autres indices de votre
intention de maintenir le contrôle sur vos déchets jusqu’à ce qu’ils soient bien pris en
charge par les éboueurs sont essentiels pour éviter que vos rebuts soient recyclés en
une mine de renseignements sur votre entreprise.
Contexte
L’appelant a été inculpé d’infractions en matière de drogue après que la police de
Calgary eut examiné, dans le cadre d’une enquête, le contenu de ses sacs d’ordures
mis dans un contenant ouvert et déposés en bordure du trottoir en vue de leur
ramassage. Parmi les ordures, on aurait trouvé des résidus de drogues illicites et du
matériel ayant de toute évidence servi dans le laboratoire d’ecstasy que l’appelant a
été par la suite déclaré coupable d’avoir exploité dans sa maison. Tout au long du
déroulement de l’instance devant les tribunaux inférieurs, les procureurs de l’appelant
ont contesté la constitutionnalité de la perquisition et de la saisie, faites sans mandat,
des sacs d’ordures qui se trouvaient sur la propriété de l’appelant lorsque les policiers
ont étendu leurs bras au-dessus de la limite de la propriété et les ont pris. La Cour
d’appel de l’Alberta a statué, malgré la forte dissidence exprimée par Madame la juge
Conrad, que l’appelant avait renoncé à exercer une emprise sur le contenu des sacs
d’ordures et, par conséquent, ne pouvait s’attendre à ce que le contenu conserve son
caractère privé. La Cour a également conclu que les objets trouvés n’étaient pas du
genre à être protégés par les droits au respect de la vie privée prévus à l’article 8 (cet
aspect de la décision a été rejeté par la Cour suprême, qui a reconnu la valeur
informative éventuelle de presque toutes les formes d’ordures et a déclaré que le fait
que le matériel ait servi à des fins illégales n’avait aucune incidence sur le degré de
protection accordé à son propriétaire).
STIKEMAN ELLIOTT S.E.N.C.R.L., s.r.l. ¦
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Vie privée selon la Charte des droits : protection des personnes et non des lieux
La Cour suprême a confirmé à l’unanimité la constitutionnalité du pouvoir qu’avaient les policiers de saisir et de fouiller
les sacs d’ordures de l’appelant dans ce contexte. Fait intéressant, bien que l’avis des juges majoritaires formulé par
Monsieur le juge Binnie rende bien le dicton « l’homme est roi et maître chez lui », il ne tient pas compte du fait que les
sacs étaient placés dans la cour arrière de l’appelant, à la limite du terrain, au moment de la saisie. Les juges
majoritaires ont reconnu qu’il y a eu une forme d’intrusion même si elle se limitait à l’espace aérien surplombant la
propriété de l’appelant lorsque les policiers se sont emparés des sacs tout en gardant leurs pieds sur le pavé de la
ruelle publique. Toutefois, bien que les policiers n’auraient pas eu raison d’utiliser une nacelle élévatrice pour prendre
des objets laissés sur la galerie à l’avant de la maison de l’appelant, par exemple, la Cour a admis que « l’intrusion
physique » dans ces circonstances avait un caractère relativement périphérique et elle a préféré se pencher sur la
protection constitutionnelle des attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée. Cette décision reflète
l’acceptation par les juges majoritaires de la jurisprudence constitutionnelle des États-Unis selon laquelle « le
Quatrième amendement protège les personnes et non les lieux ».
Abandon
En général, l’affirmation d’un droit au respect de la vie privée est « raisonnable » si la personne qui l’invoque avait une attente
subjective en matière de respect de la vie privée qui était objectivement raisonnable, à savoir : (i) si les objets saisis ont été
obtenus par suite d’une intrusion; (ii) si les objets étaient placés à la vue du public; (iii) si le contenu informationnel a été
abandonné; (iv) si les renseignements étaient déjà entre les mains de tiers; (v) si la technique d’obtention des éléments de
preuve était elle-même objectivement déraisonnable; (vi) si les renseignements recueillis révélaient des détails intimes sur le
mode de vie de la personne ou des renseignements d’ordre biographique la concernant.
Même s’il est clair que l’appelant avait rempli certains critères au niveau de l’attente raisonnable en matière de respect de
sa vie privée, l’élément clé de la décision est l’« abandon ». La question en litige était de savoir si l’appelant, qui avait
exprimé son intention de renoncer à son droit de propriété sur les sacs d’ordures, avait également renoncé à son droit au
respect de sa vie privée. Les juges majoritaires ont examiné mais rejeté la possibilité que le droit au respect de la vie
privée continue de s’appliquer malgré la renonciation au droit de propriété dans ces circonstances, soit (à l’instar de la
prétention de la juge dissidente de la Cour d’appel de l’Alberta) jusqu’à ce que les objets deviennent « anonymes » après
qu’ils ont été mélangés à de nombreuses autres sources d’ordures. Le critère d’abandon de la vie privée adopté par les
juges majoritaires semble correspondre, pour l’essentiel, au critère d’abandon du droit de propriété :
Il faut se demander si la façon dont la personne qui revendique la protection de l’art. 8 s’est comportée à l’égard de
la chose faisant l’objet de sa revendication amènerait un observateur raisonnable et indépendant à conclure qu’il
est déraisonnable pour cette personne, eu égard à l’ensemble des circonstances, de continuer à revendiquer le
droit au respect de la vie privée.
D’après les juges majoritaires, l’appelant a manifesté l’intention (en appliquant le critère « d’objectivité ») de renoncer à
son droit au respect de sa vie privée à l’égard du contenu des sacs d’ordures lorsqu’il a déposé ces derniers en bordure
de la ruelle en vue de leur ramassage. S’il avait placé les sacs loin de la limite de la propriété (p. ex. le long de la
maison ou dans un garage) ou que les poubelles avaient été verrouillées, on n’aurait vraisemblablement pas pu
conclure qu’il les avait abandonnés de façon certaine. Toutefois, dans le contexte de cette affaire, du fait que l’appelant
avait pris toutes les mesures nécessaires pour que ses sacs d’ordures quittent sa propriété et qu’il n’en ait plus le
contrôle, l’ensemble de la preuve indiquait le contraire.
Une fois que l’appelant eut renoncé au droit au respect de sa vie privée, les policiers étaient libres de fouiller ses
ordures en vertu de l’article 8 de la Charte. On ne peut invoquer une « perquisition et une saisie abusives » ou une
« attente raisonnable en matière de respect de la vie privée » à l’égard d’objets abandonnés.
Application de la décision
Bien que l’affaire reposait sur un enjeu de droit constitutionnel touchant le pouvoir des policiers d’effectuer des fouilles,
des perquisitions et des saisies, la décision de la Cour suprême de mettre l’accent sur la notion d’« abandon » du droit
des biens soulève la question (décrite précédemment) de savoir si les organismes de réglementation (de même que les
intervenants non gouvernementaux, notamment les journalistes, les concurrents et les membres du grand public)
peuvent aussi fouiller les ordures d’une société si elles ont été laissées en un lieu facilement accessible en vue de leur
ramassage. Bien que les règlements municipaux sur les fouilles de poubelles découragent pareilles pratiques jusqu’à
un certain point, il est préférable de maintenir le contrôle sur ses ordures jusqu’au moment de leur cueillette.
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