Ikewan n°43 - ICRA International

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Ikewan n°43 - ICRA International
Akassa : Karens, Karennis
Karen et Karenni : La résistance oubliée
Dans le début des années 90 - ceux qui sont fidèles à l’action d’ICRA depuis
plus de dix ans s’en souviennent - nous avions mis en place un programme soutenu de solidarité avec les 7000 réfugiés Karennis contraints de vivre reclus dans
des camps le long de la frontière entre la Thaïlande et la Birmanie (Myanmar)
dans les régions frontalières de Mae Hong sorn et de Mae Sarieng en Thaïlande.
Aujourd’hui, la situation des réfugiés Karen et Karenni demeure critique, c’est
pourquoi, ICRA, à la demande de la population, a décidé de soutenir un
nouveau programme d’aides éducative et médicale.
Rappel des premiers programmes de soutien
Les réfugiés n’étaient pas autorisés à cultiver la
terre aux alentours des camps et se trouvaient
contraints à attendre quotidiennement la distribution de l’aide alimentaire qui leur était fournie
par les diverses organisations humanitaires et
par les organisations religieuses.
Sur le long terme, la guerre civile faisant rage en
Birmanie depuis plus de cinquante ans, cette
situation de dépendance devenait de plus en plus
intenable. C’est pourquoi, ICRA, en partenariat
avec les comités de réfugiés des différents camps,
a développé des micro-projets d’élevages de
volailles, de porcs, et de piscicultures à l’intérieur
des camps. Cela a permis aux familles, par le système de l’essaimage, de devenir progressivement
autosuffisantes en ce qui concerne la nourriture
protéinée, viande, œufs, poissons, et leur permettait également d’avoir une activité rendant leur
condition de réfugiés un peu moins pénible.
Un début de troisième millénaire inquiétant
Aujourd’hui, le long de la frontière entre
Thaïlande et Birmanie, la situation s’est aggravée
de façon inquiétante avec l’arrivée de flots continus de nouveaux réfugiés fuyant la guerre et les
exactions de l’armée birmane aux ordres d’une
junte militaire alimentée et soutenue pour partie
par les narco-dollars, et pour autre partie et non
des moindre, par les pétro-dollars de la compagnie
TotalFinaElf. Pendant ce temps, Aung Saan Suu
kyi, leader du grand mouvement démocratique
birman, démocratiquement élue en 1988, prix
nobel de la paix en 1990, est toujours contrainte à
la résidence surveillée.
En 1996, les Karens réfugiés dans les camps de la
frontière Thaïlandaise étaient au nombre de 70
000. En 1997, après que les accords de cessez le
feu signés entre les Karen et la junte militaire birmane aient été rompus de part et d’autre, l’armée
birmane a lancé des offensives majeures dans les
districts Mergui-Tavoy et de Doo Pla dans le
Tenasserim. Ces offensives ont jeté des milliers de
civils sur les sentiers de l’exil, et en l’espace de
quelques mois, la population réfugiée Karen en
Thaïlande est passée à 100 000 âmes alors que les
seuls Karennis sont passés en quelques années de
7000 à 20 000 réfugiés.
Dans l’année 2000, les populations déplacées de
force par l’armée à l’intérieur de l’état Karen en
Birmanie ou chassées dans la jungle atteignait 300
000 personnes. Beaucoup ont été contraints de
rejoindre des camps de relocation où ils sont
contraints aux travaux forcés pour le compte de
l’armée birmane. Toutes les populations qui ne
sont pas encore placées sous le contrôle
de l’armée étant
accusées par les
autorités militaires
birmanes de soutenir la résistance et
donc considérées
comme des ennemis
de fait. Ces groupes
de civils sont systématiquement attaqués et subissent
toutes les exactions
possibles de l’armée.
A l’heure actuelle
les ONG parviennent à intervenir à
l’intérieur
des
camps et auprès des
populations exilées
en Thaïlande. A l’intérieur de ces camps
de réfugiés Karen et
Karennis où s’entassent 120 000 réfugiés, d’importantes
ONG comme l’organisation amériRéfugiés Kayas (sous-groupe Karenni)
caine IRC (International
Rescue
Comite), le Burmese Consortium ou Médecins
sans frontières essaient de palier aux besoins et
aux urgences du quotidien.
Par contre aucune aide ne parvient aux populations déplacées qui errent dans les jungles birmanes sans espoir de pouvoir rejoindre la frontière Thaïlandaise et qui survivent dans des conditions dramatiques sans aucun accès aux soins ou à
quelque forme de scolarité pour leurs enfants...
Actuellement, les karen et les karennis poursuivent leur combat dans de nombreuses régions et
dans les provinces qui bordent la frontière. Des
populations civiles sont déplacées, des villages
sont brûlés. Les hommes et les jeunes les plus
Akassa : Karens, Karennis
valides sont toujours enrôlés de force dans l’armée
du Myanmar (Birmanie) ou contraints aux travaux
forcés dits d’intérêt général.
Les autorités thaïlandaises essaient de contenir,
voire de stopper le flot migratoire des réfugiés en
fermant les accès à son territoire et en faisant
régulièrement procéder par la police et l’armée à
des reconduites à la frontière.
Il devient à ce jour extrêmement urgent et indispensable d’assurer une action solidaire à l’intérieur même du territoire birman, auprès des populations civiles tentant de survivre dans des zones
échappant encore au contrôle de l’armée Birmane
et qui ont perdu tout espoir de pouvoir se réfugier
à l’abri des frontières de la Thaïlande.
Des sacs-à-dos pour des médecins et infirmiers karens, volontaires de l’espoir au péril
de leurs vies ; “les Médic-back-paquers”
Plusieurs initiatives ont déjà été entreprises par les
réfugiés birmans ou Karens de la région de Mae
Sot dans les domaines médical et éducatif.
Elles se sont concrétisées en tout premier lieu par
la mise en place de plusieurs équipes de “Médic-
Parrainez les équipes médicales et éducatives
Pour travailler dans de bonnes conditions, le défraiement de ces instituteurs et infirmiers bénévoles doit
se monter à 80 Euros par mois et par équipe. Cela permet tout juste de subvenir aux besoins de leur mission, à leur logistique lors de leurs déplacements à hauts risques dans la jungle Birmane, à leurs besoins
de première nécessité, et également à leur assurer une petite rémunération pour permettre à leurs familles
de se subvenir à elles-mêmes pendant leurs missions.
Quatre parrainages de 20 euros ou deux parrainages de 40 euros par mois permettent de soutenir un instituteur et un “médic-back-paker” sur le long terme. Aujourd’hui, ICRA parvient grâce à deux parrainages
à soutenir deux instituteurs. Lily notre correspondante karen et nos amis médecins Elisabetta et John, nous
demandent de soutenir un troisième instituteur et si possible, trois autres “médic-back pakers”. C’est le
minimum. Bien sûr si nous pouvions faire plus ce serait encore mieux et nous espérons que vous serez
nombreux à répondre a cet appel.
L’ampleur de notre soutien sera totalement à la mesure de votre mobilisation.
Nous avons besoin pour pouvoir installer ce programme indispensable dans la
durée et pérenniser les structures éducatives et médicales mises en place par
ces trois équipes auprès de ces populations déplacées, d’un minimum de 240
euros par mois.
Nous avons pris sur nous, devant l’urgence de la situation, d’avancer le coûts
des premiers mois de fonctionnement
de ces équipes qui sont soutenues par
Icra depuis juillet 2001 avec un premier
fonds d’urgence que nous sommes parvenus à dégager grâce à quelques dons
individuels et ponctuels. Il est maintenant urgent qu’au sein des membres
Ecoles clandestines Karens à Mae Sot (Thaïlande)
actifs et bienfaiteurs d’icra, une dizaine
de personnes au moins veuillent bien
consacrer un parrainage de 20 euros chacune par mois pour assurer efficacement ces missions et les pérenniser.
Nous comptons sur vous, n’hésitez pas pour ce faire à nous retourner le bulletin de virement automatique
ci-joint. Lily, John et Elisabetta qui sont sur place à Mae Sot vous tiendrons régulièrement informés de
l’évolution des missions à l’intérieur du territoire Birman et de la situation des populations de la zone que
nous soutenons.
Vous pourrez bien sûr interrompre votre virement tout moment. Ce que nous vous demanderons alors, ce
sera de nous en informer si possible quelques mois à l’avance afin que nous puissions essayer de trouver
un nouveau parrain pour prendre la relève et ne pas risquer d’interrompre ou de compromettre les missions d’une équipe.
Akassa : Karens, Karennis
back-pakers”. Il s’agit de réfugiés Birmans ou
Karens, formés aux premiers secours, aux interventions d’urgences et qui sont en mesure de procéder à de petites interventions chirurgicales amputations par exemple - souvent nécessaire en
raison des nombreux accidents graves provoqués
par les mines antipersonnelles ou auprès des personnes blessées lors d’attaques birmanes ou de la
mise à sac et l’incendie de leurs villages par les
militaires.
Dotés de quelques médicaments essentiels et d’un
matériel de première urgence transportés dans des
sacs à dos, ils partent de Thaïlande, traversent la
frontière et s’enfoncent en birmanie à la recherche
des populations civiles isolées pour leur porter
secours lors de missions qui peuvent durer souvent plusieurs mois au péril de leurs vies. Chaque
fois que faire se peut, la KNU - résistance Karen met à leur disposition une escorte de soldats
karens.
emmenés par les tours opérators paient un droit
d’entrée au guichet pour voir ces femmes et leur
acheter quelque modeste artisanat.
Elles n’ont d’autre choix que d’accepter cette
situation qui dure maintenant depuis le début des
années 90. S’exhiber avec le sourire pendant que
leurs fils et leurs époux résistent dans la jungle
birmane ou tombent sous les sifflements des balles
et les détonations assassines des mines antipersonnelles.
Si elles veulent se déplacer, au marché de Mae
Hong Sorn par exemple, elles doivent en demander l’autorisation. Quant aux touristes, ils ne cessent de grossir les rangs de ces incessants défilés
dans ces villages-zoo. Paradoxe absurde d’une
situation où le droit à l’exil, et donc à la survie, est
lié à l’obligation d’une exhibition pour alimenter
ce nouveau produit touristique à la mode que l’on
A l’occasion de ces missions, ils procèdent également, lorsque cela est possible,
à la mise en place de petites structures de
soutien scolaire pour les enfants de ces
populations, soit avec des classes itinérantes mobiles qui suivent les populations
dans leurs déplacements, soit dans des
structures semi-permanentes établies dans
les zones les plus sécurisées où les réfugiés peuvent se fixer au moins quelques
temps.
J’ai pu conduire une mission d’évaluation
de la situation dans l’été 2001, avec
Françoise DEMEURE, responsable des
programmes d’Icra en faveur des montagnards des Hauts-plateaux du Viêtnam,
d’Henri MERCERON, membre Icra de la
région d’Angers, de Dech THUMTHONG
ainsi que de John et Elisabetta, membres
d’ICRA, et également médecins volontaires auprès des populations réfugiées
Karens et birmanes de la région frontalière de Mae Sot en Thaïlande. Nous avons pu rencontrer les différents acteurs de la solidarité
auprès de ces populations et des leaders de la
KNU, mouvement de résistance Karen et du
KNPP, le mouvement de résistance Karenni ainsi
que leurs comités de réfugiés respectifs.
Dès cette première mission nous avons pris la
décision de soutenir deux équipes itinérantes
d’instituteurs accompagnant les “medic-backpakers” dans la région birmane de Bu Tho où des
dizaines de familles vivent dans l’isolement le
plus total, sans soutien médical ni éducatif pour
leurs enfants. (voir encart page 16)
Chez les Karennis la situation est toute
aussi grave
Depuis déjà de nombreuses années, les femmes de
l’ethnie Kayan (femmes girafes) arrivées avec les
autres réfugiées dans les camps sont déplacées et
réinstallées dans des villages-zoo ou les touristes
Réfugiées Kayans (sous-groupe Karenni)
appelle aujourd’hui “l‘ethno-tourisme”. Une
situation paradoxale qui tend au grotesque. Une
situation qui fait les affaires des uns, et creuse le
désespoir des autres.
Ici aussi, chez les Karennis, quelques trop rares
équipes de “Médic back pakers”, s’enfoncent dans
la jungle pour aller aider les civils en errance. Il en
faudrait beaucoup plus. Et si vous êtes assez nombreux à choisir de parrainer les victimes de cette
guerre oubliée, nous pourrons espérer mettre en
place et soutenir de nouvelles équipes, car les
volontaires ne manquent pas par mi les réfugiés,
seuls manquent les moyens de leur permettre de
subvenir à leurs missions et aux besoins de premières nécessité de leurs familles pendant leurs
longues absences de plusieurs mois.
Patrick BERNARD

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