Gratuit c`est moins cher. Mais en a-t-on pour son argent

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Gratuit c`est moins cher. Mais en a-t-on pour son argent
jean-alain Baudry
Gratuit c'est moins cher.
Mais en a-t-on pour son
argent ?
Publié sur Scribay le 15/05/2016
Gratuit c'est moins cher. Mais en a-t-on pour son argent ?
À propos de l'auteur
Certains ont le regard tourné vers le cosmos pour apercevoir des petits hommes
verts. Certains contemplent l'oiseau, la fleur, le ruisseau bruissant. Moi, qui ne suis
que moi, je regarde ma rue, ses personnages pittoresques, ses conflits dignes de la
"guerre des boutons". Pour que rien ne s'échappe, je note, je note, je note (je ne fais
plus confiance à mes neurones vieillissantes) et puis je souffle tout ça dans le vent...
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Gratuit c'est moins cher. Mais en a-t-on pour son argent ?
Gratuit c'est moins cher. Mais en a-t-on pour son
argent
?Jepayants
J’ai
acheté
une
liseuse
électronique.
toute
une
bibliothèque
àgratuit,
portée
d’un
clic.
Des
livres
et
oh
surprise
! mais
Des un
livres
gratuits…
c’est
c’est
moins
cher
! il
clique.
Un
polar
signéPratique,
par
Angevin.
Mauvaise
pioche.
Cet auteur
écrit
comme
parle
(une
bonne
note)
l’orthographe
etQuand
même
la grammaire
est
très
déficiente.
Il écorche
des
mots
pas
une
page
sans
fautes.
L’histoire
?sens
Un
peu
juste
question
scénar.
Avec
une
fin
délirante
dans
mauvais
du
terme.
Bon,
c’était
gratuit.
Deuxième
pioche,
je
suis
méfiant,
jele
commence
par
un
extrait,
deux
pages,
c’est
mieux
question
style.
Je
clique.
Erreur,
ce
n’est
qu’une
courte
nouvelle
qui
vous
incite
àetcarrément
acheter
les
ouvrages
de
cet
auteur.
Ça
ne
m’intéressait
pas,
le
genre
«
fantaisie
»
n’est
pas
de
mes
lectures.
Je
me
dirige
vers
le
payant.
Pas
de
surprise,
j’ai
vu
une
pub
à
la
télé,
l’auteur
était
convainquant.
À
côté
de
la
couverture,
une
autre,
celle
de
son
précédent
bouquin.
Moins
cher
parce
que
plus
ancien.
Je
clique
en
m’apercevant
que
les
livres
numériques
sont
parfois
plus chers que les poches ! Bon, dans ce cas, pas de poche, pas de regrets.
Il me vient un souvenir à propos de gratuité. C’était en Dordogne où je passais des
vacances chez des amis de mon père. L’épouse, Régine, réservait quelques chambres
pour des pensionnaires. J’en étais un, l’autre, cette année-là était stagiaire chef de
gare. Il venait du pays basque et, avant de monter en grade dans sa région, avait une
période de formation dans un bled où les trains passent sans s’arrêter. Sauf les
dessertes matin, midi et soir, pour les qui vont travailler en ville. À table, il nous
interrompt, il ne tenait plus sur sa chaise, il avait à dire quelque chose
d’extraordinaire. Un voyageur faisait le poireau devant le portillon de sortie, son
billet à la main pour que le chef de gare vienne le composter (on est fin des années
cinquante). « Chez nous, à Bayonne, on court après les gus qui s’éclipsent en passant
par-dessus les barrières… Parce que beaucoup n’ont pas pris de billets… » On parle
de tout et de rien, la conversation dévie sur les grandes voix de l’époque. J’ai un
copain qui était le cousin de Luis Mariano, et il n’en disait pas de bien. L’ingratitude
avait l’air d’être son quotidien. On bifurque sur Guétary (ou Dassary, je ne me
souviens plus quel est le ténor qui jouait dans Ramuncho). Notre chef de gare
stagiaire avait assisté à un concert de cette vedette de l’époque. « C’était un concert
gratuit, en plein air. Il a été sifflé, il est parti sous les huées… » - « Vous avez sifflé
un chanteur qui donnait un concert gratuit ? » - « Et alors, c’est pas parce que c’est
gratuit qu’on doit entendre un type qui chante faux ! Vedette ou pas ! » Pour lui la
gratuité ne devait pas être synonyme de médiocrité. Au Pays Basque on est fier !
Bonne leçon ! En y repensant ça me fout le bourdon. Je ne suis pas ténor, juste un
petit gratte-papier, un pisse-copie, un qui se croit auteur. Alors il veut que ça se voit.
Il imprime une nouvelle que dans sa tête il voyait comme un roman (Amélie Nothon
ne fait pas plus long). Vente ? Rien, ou presque. Par contre tout le monde le félicite.
Ils ont lu le service de presse que j’ai distribué. Parce que gratuit, on n’ose pas en
dire du mal, être convivial, peur de vexer... Puisque payant ça ne marche pas
essayons un site Web. Mais la nouvelle est trop longue, je veux appâter l’éventuel
lecteur en la découpant en tranches fines. Et là, j’ai la preuve de mon insignifiance.
Quand on publie un texte, on ne sait pas si le lecteur qui a cliqué est allé jusqu’au
bout… Aujourd’hui je sais. Plus de quatre cents lecteurs pour la première tranche, et
l’effondrement… À peine une vingtaine pour la deuxième. Je ne sais même pas si les
quatre cents premiers ont été jusqu’au bout de cette tranche ! Même gratuit, je n’ai
eu presque pas de lecteurs… Pas étonnant que payant j’en ai eu si peu !
Un site gratuit pour les auteurs. Juste pour conforter leurs égos ? Pour avoir l’air de
ne pas écrire « dans le vide ». Pour ne pas être « les poètes maudits ». Pour ne pas
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Gratuit c'est moins cher. Mais en a-t-on pour son argent ?
dire « c’est le public qui n’a rien compris ». Hélas ! Même gratuit je suis obligé
d’accepter la pénible réalité. Je ne suis pas Zola. Pas même un auteur sélectionné par
l’édition, la vraie. Juste un dilettante qui passe le temps…
Excusez-moi si je vous ai fait perdre le vôtre, de temps…
Jab, Mai 2016.
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