Pathologie du mara (Dolichotis patagonum)
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Pathologie du mara (Dolichotis patagonum)
Pathologie du mara (Dolichotis patagonum) A. BATARD* et J. DUCOS de LAHITTE Service de Parasitologie et Maladies Parasitaires, Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse, 23 chemin des capelles, 31076 Toulouse cedex, FRANCE. * Auteur chargé de la correspondance : [email protected] RÉSUMÉ Le mara ou lièvre de Patagonie (Dolichotis patagonum) est un gros Rongeur endémique de l’Argentine pour lequel il existe peu d’informations concernant la pathologie, bien qu’il soit présent dans de nombreux parcs zoologiques. La principale cause de mortalité est le traumatisme, qu’il soit auto-infligé ou qu’il soit causé par un congénère ou une autre espèce. Viennent ensuite les maladies infectieuses. En effet, le mara est très sensible à la pseudo-tuberculose (ou yersiniose), maladie létale principalement rencontrée l’hiver, dans les parcs européens ; s’ajoutent notamment d’autres zoonoses : la poxvirose, caractérisée par une forte pathogénicité (lésions étendues et riches en particules virales), et l’histoplasmose disséminée. Le parasitisme est également fréquent : ectoparasites (puces, poux) et endoparasites (nématodes gastro-intestinaux) infestent les maras ; des cas de besnoitiose ont été observés. En Outre, il a été montré que le mara était sujet au mal d’altitude ; il peut par ailleurs développer une hyperthermie transitoire lors de sa capture et de son anesthésie. Les autres maladies répertoriées correspondent à des cas isolés. Mots-clés : Dolichotis patagonum, mara, lièvre de Patagonie, pseudo-tuberculose, poxvirose, histoplasmose disséminée, parasitisme gastro-intestinal, besnoitiose. Introduction Le mara Dolichotis patagonum (Photographie ci-jointe) est un Rongeur de la famille des Caviidae (comme le cobaye), endémique de l’Argentine dont il peuple les régions arides du centre et du sud [5]. C’est un herbivore à l’allure de Ruminant [6], qui se nourrit essentiellement de Graminées [5]. Il vit habituellement en colonies de quelques dizaines d’individus ; l’espèce est monogame et l’élevage des petits se fait dans des terriers communs à plusieurs couples de la communauté [5, 7]. SUMMARY Pathology of mara (Dolichotis patagonum) Maras or Patagonian cavies (Dolichotis patagonum) are large Rodents indigenous to Argentina. Although they are commonly kept in zoos, there is little information available about their diseases. Trauma is the most common cause of death ; cases are due to fighting between the maras, attacks by other species or maras injuring themselves. Then, there is a high prevalence of infectious diseases. Indeed, maras are particularly susceptible to pseudotuberculosis (or yersiniosis), a letal disease occurring mainly on winter months, in European zoos ; the species can suffer from other zoonotic diseases : cowpox infection, characterised by high pathogenicity (extensive pox lesions, shedding large amounts of viral particles) and disseminated histoplasmosis. Parasitic diseases are also frequently observed : flea ectoparasitism, lice infestation and gastrointestinal parasitism by nematodes ; besnoitiosis is described in maras, too. Besides, maras seem to be subject to high altitude disease and predisposed to hyperthermia associated with capture and anaesthesia. Other recorded diseases concern isolated cases. Keywords: Dolichotis patagonum, mara, Patagonian cavy, pseudotuberculosis, poxvirus infection, histoplasmosis, gastrointestinal parasitism, besnoitiosis. Bien que le mara soit une espèce plutôt commune dans les parcs zoologiques et qu’il soit utilisé pour le mini-élevage, il existe peu d’informations sur les maladies qu’il est susceptible de contracter [13, 16]. Ceci tient probablement au fait que le mara est une espèce résistante ; en témoigne la principale cause de mortalité : le traumatisme, loin devant les maladies infectieuses et le parasitisme [16]. Cet article fait état des affections rencontrées dans cette espèce (notamment en captivité et semi-captivité), que ce soit en Europe ou en Amérique du sud. Traumatisme Les fractures, blessures, morsures constituent les affections les plus courantes. Elles peuvent être dues à un affrontement entre congénères, à l’attaque par une autre espèce ou encore être provoquées par l’animal lui-même. Il se forme fréquemment des abcès. Mara ou lièvre de Patagonie (Dolichotis patagonum) adulte femelle, Zoo D’Asson (Pyrénées Atlantiques) Les affrontements intra-spécifiques concernent souvent les mâles sexuellement mûrs qui se mordent à l’oreille, la tête ou l’arrière train ; les femelles ne sont en principe agressives qu’au moment de la mise-bas. Néanmoins, lors de surpopulation, certains animaux peuvent en venir à mordre ou frapper de leurs postérieurs, notamment aux points de nourrissage [6, 18]. Revue Méd. Vét., 2009, 160, 6, 308-313 PATHOLOGY OF MARA (DOLICHOTIS PATAGONUM) Certaines espèces maintenues avec les maras peuvent leur manifester de l’agressivité et être à l’origine d’un traumatisme [18]. De la même façon, il arrive qu’un prédateur sauvage s’introduise dans un enclos de maras [16]… Enfin le mara, qui est un animal très craintif, peut tout à fait s’infliger des blessures dans l’affolement : effrayé, un mara devient incontrôlable et peut sauter par-dessus la clôture de son enclos et se casser un membre à la réception ou encore se jeter violemment contre le grillage et se blesser sérieusement voire se tuer [13, 18]. Les personnes s’occupant de maras doivent donc être précautionneuses pour ne pas les effrayer ; leur contention en vue de soins, transport et autres doit être la plus rapide et la moins traumatisante possible : l’utilisation d’une grande épuisette est tout à fait indiquée, permettant l’immobilisation du mara. Maladies infectieuses La prévalence des maladies infectieuses est élevée ; les infections constituent la seconde cause de mortalité après le traumatisme [16]. Certaines de ces maladies sont en outre des zoonoses. PSEUDO-TUBERCULOSE La yersiniose (ou pseudo-tuberculose) est une zoonose ayant pour agent Yersinia pseudotuberculosis, une bactérie coccobacillaire, Gram négative, qui fait partie de la famille des Enterobacteriaceae ; cette bactérie peut vivre longtemps dans le sol comme dans l’eau [2]. La répartition de Yersinia est mondiale mais c’est l’Europe occidentale et centrale qui représente actuellement le grand foyer d’infection animale et humaine [2]. Yersinia peut infecter une grande variété d’animaux dont les Rongeurs, les Lagomorphes, les Carnivores, les Primates, les Chiroptères, les Marsupiaux, les Bovidés, les Cervidés, les Reptiles et un grand nombre d’Oiseaux [14]. La pseudo-tuberculose est relativement fréquente chez le mara dans les parcs français et du Royaume-Uni ; par contre il n’a pas été décrit de lésions compatibles avec cette zoonose en Amérique du Sud (ce qui est cohérent avec la localisation du principal foyer d’infection) [16]. Le mara est particulièrement sensible à la maladie ; parmi les espèces maintenues en captivité, le lièvre de Patagonie est de loin le plus touché par la yersiniose dans les études citées [2, 8, 14]. Néanmoins la maladie est sporadique [8, 14]. Les animaux s’infectent par ingestion de nourriture contaminée par les fèces des Rongeurs, Lagomorphes et Oiseaux qui constituent le réservoir principal de Yersinia pseudotuberculosis [2, 8, 14]. Les signes cliniques sont rarement observés ; les animaux infectés sont généralement retrouvés morts ou agonisants. Les premiers stades de la maladie se traduisent par un amaigrissement, de l’anorexie, de la faiblesse et une douleur abdominale. Les mêmes symptômes sont rencontrés chez la souris et la gerbille ainsi que chez le chat. La forme aiguë, avec diarrhée hémorragique, n’est pas décrite chez le mara [8]. Les lésions de pseudo-tuberculose sont des micro abcès jaunâtres à centre caséeux ou crémeux. Le foie est l’organe Revue Méd. Vét., 2009, 160, 6, 308-313 309 le plus fréquemment touché (plus de 90% des cas) ; viennent ensuite la rate et les intestins (plus de 40% des cas), puis les nœuds lymphatiques mésentériques (plus de 35% des cas) et dans une moindre mesure les poumons, les reins et plus rarement l’utérus [8]. La maladie est prévalente à la saison froide. Deux raisons pourraient expliquer que la plupart des cas aient lieu l’hiver : d’une part l’agent de la pseudo-tuberculose survit mieux à basses températures, d’autre part de nombreux animaux sont des porteurs sains (portage latent) qui développent la maladie à la faveur du stress engendré par le froid, l’humidité, le manque de nourriture et la surpopulation [2, 8, 14]. Des essais de vaccination orale ont été réalisés avec des résultats corrects, mais le vaccin n’a pas été développé. AUTRES MALADIES BACTÉRIENNES D’autres affections bactériennes ont été recensées, dans des cas isolés, dans une colonie de maras au Mexique : endocardite valvulaire végétante (atteinte de la valve atrio-ventriculaire droite), rhombencéphalite à Listeria monocytogenes, entérite hémorragique, spléno-hépatite nécro-suppurative et splénohépatite granulomateuse, néphrite tubulo-interstitielle chronique lymphoplasmocytaire et fibrosante, ostéomyélite vertébrale associée à un abcès paravertébral et pododermatite unilatérale chronique (cette dernière étant probablement due à la combinaison d’un traumatisme avec l’humidité du sol, comme il est rencontré chez les Ruminants ou même chez le cobaye) [16]. Par ailleurs, l’introduction massive d’herbivores comme le mouton en Argentine n’est pas sans conséquences : outre la compétition alimentaire et le surpâturage qui réduit les « territoires » des espèces natives, elle expose le mara à des affections comme la paratuberculose [4], ainsi qu’au portage de Leptospires. POXVIROSE Le cowpoxvirus est un virus à ADN de la famille des Poxviridae et du groupe des Orthopoxvirus. C’est un agent de zoonose. Ce virus n’a été isolé qu’en Grande-Bretagne et dans quelques pays d’Europe occidentale ; des cas humains suspects ont été signalés en Egypte. L’Amérique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont vraisemblablement indemnes [3]. L’infection est endémique chez les Rongeurs européens ; les chats domestiques sont porteurs du virus et constituent ainsi une source d’infection pour l’homme qui est en contact étroit avec eux. L’infection se transmettrait à partir des Rongeurs et des chats par griffure ou morsure [3]. Chez ces hôtes réservoir, le virus a une faible pathogénicité [10]. L’infection du mara par le cowpoxvirus a été décrite aux Pays-Bas. Sur une période de deux à quatre semaines, les animaux présentaient comme signes cliniques une conjonctivite et de l’anorexie, la maladie se soldant par leur mort. La source d’infection était probablement constituée par les rats [10]. Les lésions observées étaient des ulcères ronds, multifocaux, plus ou moins grands, sur la langue, la muqueuse buccale et 310 le palais dur ; de même le nez était ulcéré ainsi que la muqueuse génitale et la peau de la région génitale. Plusieurs organes internes étaient également atteints : les nœuds lymphatiques régionaux et la rate étaient hypertrophiés et congestionnés, des pétéchies étaient présentes sur le muscle cardiaque, le péricarde était rempli d’un liquide jaune clair, les poumons étaient congestionnés et oedémateux, la trachée présentait de la mousse, et le foie et les reins étaient pâles [10]. Les modifications histologiques étaient cohérentes avec une infection par le poxvirus : corps d’inclusion éosinophiliques intracytoplasmiques multifocaux dans l’épithélium (correspondant à des agglomérats de poxvirus), hyperplasie des nœuds lymphatiques régionaux (avec follicules lymphoïdes augmentés, pétéchies et inflammation des sinus lymphatiques), œdème et emphysème alvéolaires des poumons, rares foyers de nécrose focale au niveau du foie, nécrose aiguë de l’épithélium tubulaire des reins et hyperplasie de la pulpe blanche de la rate avec de nombreux macrophages chargés d’hémosidérine [10]. Le mara ne constitue pas un hôte réservoir (pathogénicité du virus importante) mais développe des lésions étendues chargées de nombreuses particules virales. Ainsi le virus de cowpox pourrait devenir plus pathogène pour l’homme en passant par cette espèce et l’infection généralisée chez le lièvre de Patagonie pourrait représenter une menace pour la santé humaine [10]. D’autres virus peuvent évidemment contaminer le mara et il n’est pas impossible que l’espèce soit sensible à la maladie hémorragique virale du lapin, contractant le virus en utilisant des terriers contaminés. HISTOPLASMOSE DISSÉMINÉE Histoplasma capsulatum var capsulatum, l’agent de l’histoplasmose, est un champignon dimorphique : il se présente sous la forme de levures en phase parasitaire et sous une forme mycélienne en phase saprophytique ; cette dernière forme produit les macroconidies et les microconidies. L’histoplasmose est une zoonose. Histoplasma capsulatum var capsulatum a une répartition mondiale mais est plus abondant dans les Amériques que sur les autres continents [1]. L’infection est contractée par voie respiratoire, par inhalation des microconidies de la phase mycélienne, qui représentent l’élément infectant [1, 17]. Histoplasma parasite le système des phagocytes mononucléés, ce qui facilite la dissémination dans tout l’organisme de l’hôte sensible [17]. Il existe deux formes d’histoplasmose : une forme respiratoire primaire qui guérit le plus souvent spontanément par encapsulation du parasite et calcification de la lésion, et une forme disséminée [1]. Le réservoir de l’agent pathogène est le sol, où il vit en saprophyte. La répartition du champignon dans le sol dépend notamment de la température et de l’humidité [1]. Les déjections de chauves-souris et de certaines espèces d’Oiseaux permettent à Histoplasma de résister à la concurrence d’autres micro-organismes et de survivre. Si les oiseaux ne sont pas réceptifs, certaines chauves-souris par contre sont infectées BATARD (A.) ET DUCOS DE LAHITTE (J.) et éliminent le parasite dans leurs fèces, disséminant ainsi l’agent de l’histoplasmose [1, 17]. De nombreuses espèces domestiques et sauvages sont réceptives à l’infection. Le chien est celle qui présente le plus souvent des manifestations cliniques de l’histoplasmose mais la plupart des infections histoplasmiques sont asymptomatiques. Le chat est la deuxième espèce la plus fréquemment atteinte [1]. Des cas sont également rencontrés chez les équidés, les bovins et les ovins. Des rapports font état de cette infection sur des espèces non domestiques mais ceux-ci sont rares : loutre de mer, grand dauphin, singe hibou, renard, blaireaux, Rongeurs, chauves-souris… [16, 17]. Les organes les plus souvent atteints sont les poumons, les intestins, les organes lymphoïdes, le foie et les glandes surrénales, ainsi que la peau et les yeux. Les signes cliniques sont d’une grande variété : abattement, amaigrissement, fièvre, anorexie, lymphadénomégalie, diarrhée, dyspnée, toux et avortement [17]. L’histoplasmose disséminée a été décrite également chez le mara dans un parc au Mexique (deux cas à neuf mois d’intervalle). L’infection serait due à un environnement hautement contaminé ainsi qu’à une sensibilité importante de l’espèce ou de la colonie et probablement une immunodépression sous-jacente, liée au stress d’une trop forte densité de population [16]. Les animaux étaient morts rapidement après avoir présenté de l’abattement et de l’anorexie. La plupart des découvertes pathologiques étaient caractéristiques de l’histoplasmose disséminée : foie, nœuds lymphatiques, muqueuse digestive, glandes surrénales, rate et moelle épinière étaient infiltrés par des macrophages, et autres cellules du système des phagocytes mononucléés, chargés d’organismes lévuriformes intracytoplasmiques, ceci accompagné de fibrose et de nécrose. Par contre, il convient de noter l’absence de lésions pulmonaires malgré la présence de levures dans les parois alvéolaires, ce qui n’a été décrit que chez les chauves-souris. De plus, l’atteinte de l’œsophage, observée chez un des maras, est peu commune. Les lésions croûteuses cutanées décrites seraient associées à la maladie viscérale [17]. Parasitisme PULICOSE ET PHTIRIOSE Le mara peut être parasité par des poux mallophages (autrement dénommés poux broyeurs), de la famille des Trimenoponidae. Le pelage est terne, la peau présente un état kératoséborrhéique, des papules et des croûtes ; le prurit est variable. Le cobaye, qui appartient à la même famille que le mara, est lui aussi parasité par un Trimenoponidae, du genre Trimenopon. La pulicose est une autre ectoparasitose rencontrée chez le mara, qui peut également présenter une dermatite allergique aux piqûres de puces, comme le chien et le chat. Ont été isolées des puces du genre Echidnophaga, que l’on rencontre essentiellement chez les Oiseaux mais également sur bon nombre de Mammifères, notamment les Rongeurs [16]. Revue Méd. Vét., 2009, 160, 6, 308-313 PATHOLOGY OF MARA (DOLICHOTIS PATAGONUM) Lors d’hypersensibilité aux piqûres de puces, la principale région touchée est la zone dorso-lombaire. On peut alors noter une hypotrichose ou une alopécie, parfois de l'hyperkératose et des croûtes, éventuellement des ulcérations. Les puces ne sont pas nécessairement détectées sur ces animaux manifestant de l'hypersensibilité [16]. Le traitement repose sur l’utilisation d’antiparasitaires externes ou d’endectocides, qui permettent simultanément de vermifuger les animaux, évitant ainsi un stress supplémentaire. PARASITISME GASTRO-INTESTINAL Les endoparasites du mara sont des nématodes, trouvés dans le tube digestif. Wellcomia dolichotis, appartenant à la famille des Oxyuridae, est spécifique de Dolichotis patagonum ; il fait partie de la faune parasitaire d’Argentine [5]. Des nématodes non spécifiques, des Trichostrongylidae représentés essentiellement chez les Lagomorphes, ont été identifiés dans l’intestin : Trichostrongylus retortaeformis et Graphidioides affinis [15] ; d’autres encore, non identifiés, ont été trouvés dans l’estomac. Les nématodes parasites du tube digestif ne sont habituellement pas létaux mais peuvent être débilitants pour leur hôte et altérer considérablement son état de santé [15]. Lors de parasitisme gastro-intestinal au sein d’une population de maras, la prévalence peut être très élevée (jusqu’à 98 % de la population) : les maras se partagent l’ensemble de l’espace et sont donc tous exposés à la dissémination des œufs de parasites présents dans les selles, à la fois excrétées par leurs congénères et par les espèces maintenues avec eux [15]. C’est en hiver que la prévalence et le niveau d’infestation (nombre d’œufs dans les selles) sont les plus élevés ; ceci s’expliquerait par une augmentation du stress liée aux conditions climatiques en cette saison (diminution de la résistance aux parasites) et la forte densité d’animaux autour des points de nourrissage (augmentation du risque d’exposition à l’infestation par les nématodes) [15]. Les taux d’infestation sont plus élevés chez les femelles que chez les mâles. Il est possible que ce soit la dominance sur les mâles aux aires de nourrissage qui augmente la probabilité des femelles de se contaminer. De plus, les femelles maras sont en lactation la majorité de l’année : la dépression immunitaire post-natale et les taux élevés de prolactine pourraient être responsables de plus hauts niveaux d’infestation que chez les mâles [15]. Les petits maras présentent eux aussi des taux d’infestation élevés alors que seraient présumés des taux plus bas compte tenu de l’immunité maternelle [15]. Mais les maras nouveaux-nés sont très précoces et commencent à brouter dès l’âge de quelques jours ; ils présentent par ailleurs de nombreux contacts avec leurs parents et les petits d’autres couples utilisant le même terrier [6, 7], ce qui peut accroître le risque de contamination [15]. Tous les animaux utilisent le même espace et ont donc une exposition équivalente à l’infestation, malgré des différences Revue Méd. Vét., 2009, 160, 6, 308-313 311 interindividuelles concernant la résistance au parasitisme, liée à la génétique de l’hôte, au statut nutritionnel et au stress. Cependant il existe des différences importantes entre couples de maras et entre familles de maras, en terme de prévalence et de taux d’infestation [15]. La structure familiale des maras est telle que les liens entre parents et portée sont très étroits [6, 7] ; ainsi l’infestation est plus homogène au sein des familles qu’entre les familles de maras [15]. De même l’homogénéité d’infestation est plus grande au sein d’un couple qu’entre couples : la co-évolution hôte-parasite a conduit les hôtes à développer des stratégies pour éviter l’infestation, par exemple le choix préférentiel par les femelles de mâles résistants au parasitisme ; ces derniers sont moins susceptibles de transmettre des parasites à leur partenaire et à leur portée, ce qui explique également l’homogénéité d’infestation au sein d’une famille [15]. Des coproscopies devraient être réalisées deux fois par an pour évaluer l’intérêt d’une vermifugation. PROTOZOOSES La besnoitiose est une maladie causée par les coccidies d’un protozoaire du genre Besnoitia (famille des Sarcocystidae). Le cycle de vie du parasite est indirect avec pour hôte définitif un Carnivore et pour hôte intermédiaire une grande variété d’espèces : chevaux, Ruminants, opossums, Rongeurs, lapins, lézards [9]. Plusieurs espèces ont été décrites : Besnoitia bennetti chez les chevaux, B. besnoiti chez les bovins, B. darlingi chez les oppossums et des Rongeurs, B. jellisoni et B. wallacei chez les rats et les souris, ou encore B. tarandi chez le renne et le caribou [11, 19] ; d’autres espèces n’ont pas été identifiées, par exemple chez le lapin [19] ou le mara [9]. La maladie a été décrite pour la première fois chez des maras juvéniles qui mouraient sans symptômes avant coureurs ; ils présentaient une pneumonie interstitielle grave. Il s’agissait a priori du premier rapport de besnoitiose associée à une pneumonie interstitielle fatale dans le règne animal [9]. L’atteinte pulmonaire est également décrite chez le lapin mais l’inflammation est légère voire nulle autour des kystes [11]. Macroscopiquement, de petits nodules blanchâtres peuvent être observés sur la séreuse et sur la coupe des poumons. Microscopiquement, sont visibles des syncitia et des kystes, associés à une inflammation légère à modérée, plus prononcée autour des kystes lytiques (inflammation granulomateuse voire nécrosante). La gravité de la pneumonie interstitielle est étroitement liée au nombre de kystes et à la présence de kystes ; les zoïtes relâchés par les kystes lytiques pourraient être impliqués dans le développement de la pneumonie. Ainsi la réponse immunitaire de l’hôte dirigée contre les kystes serait préjudiciable à l’animal atteint [9]. Il se peut que la besnoitiose ne soit pas responsable de la pneumonie fatale et que les maras aient été infectés simultanément par un agent capable d’induire une telle pneumonie, par exemple Toxoplasma gondii. La besnoitiose devra néanmoins être incluse dans le diagnostic différentiel de la pneumonie chez les maras juvéniles [9]. La besnoitiose serait majoritairement pulmonaire chez le mara mais des kystes ont également 312 été observés au niveau du myocarde, du pancréas, de l’œsophage et de la langue ; généralement plusieurs tissus sont atteints [9, 16]. La contamination a lieu via les fèces qui viennent souiller l’eau et la nourriture. Les chats sont les hôtes définitifs de B. darlingi et B. wallacei, mais ce n’est pas le cas pour toutes les espèces de Besnoitia [12]. Ainsi l’hôte définitif de Besnoitia sp impliquée dans les cas rapportés chez les maras n’est pas connue. Il n’a pas été trouvé d’oocystes de Besnoitia dans les selles des chats errant autour de l’enclos des maras ; des Carnivores sauvages ont peut être tenu lieu d’hôtes définitifs [9]. Par ailleurs, la transmission par des Arthropodes hématophages est plausible : cela a été observé pour l’inoculation de B. besnoiti par des mouches tsétsé et des taons [12]. Autres maladies MAL D’ALTITUDE Comme les humains, le bétail, les lapins et d’autres Rongeurs, le mara est sujet au mal d’altitude. C’est ainsi que des animaux vivant à 2126 m au-dessus du niveau de la mer présentaient une cardiomyopathie hypertrophique droite, associée à une artériosclérose pulmonaire ; l’absence de sténose de la valve pulmonaire et de maladies pulmonaires graves désignaient l’hypoxie d’haute altitude comme responsable de l’hypertrophie cardiaque. Le plus souvent, la cardiomyopathie était sub-clinique mais quelques animaux sont décédés d’une décompensation aiguë de la fonction cardiaque [16]. HYPERTHERMIE Les maras peuvent développer une hyperthermie transitoire lors de la capture et de l’anesthésie ; la température rectale peut alors atteindre jusqu’à 41°C. Divers protocoles anesthésiques peuvent conduire à ce résultat : association de kétamine (25 mg/kg) et de xylazine (1mg/kg), association de tilétaminezolazepam et de xylazine (1,2 ou 1,5 mg/kg pour chaque produit), butorphanol à 0,1 mg/kg ou encore isoflurane à 5%. L’immersion dans l’eau froide assure un retour à la normale de la température corporelle [16]. Par ailleurs, l’hyperthermie peut être fatale, suite à la capture et à l’anesthésie de l’animal ou à un effort physique important : les animaux sont au bord de l’épuisement. Les tissus sont dans ce cas dans un état avancé d’autolyse ; les observations histologiques sont une nécrose des sarcomères des cardiomyocytes, une congestion systémique et une hémorragie aiguë des alvéoles pulmonaires. Surveiller la température rectale durant l’anesthésie, éviter une activité physique excessive (notamment lors de la capture) et donner un traitement d’urgence approprié sont les recommandations pour prévenir une hyperthermie fatale [16]. BATARD (A.) ET DUCOS DE LAHITTE (J.) MALFORMATIONS CONGÉNITALES ET MALADIES DIVERSES Quelques malformations congénitales ont été décrites : aplasie segmentaire unilatérale de l’uretère (malformation congénitale rare quelle que soit l’espèce) avec développement secondaire d’une hydronéphrose du rein correspondant, hydranencéphalie et scoliose [16]. Une torsion utérine s'est présentée chez une femelle portant un fœtus momifié, accompagnée d’ascite et d’une péritonite fibrineuse. L’endomètre était très congestionné, avec de multiples hémorragies et de l’œdème [16]. Les cas de néoplasie répertoriés correspondent à l’adénome hépatocellulaire, l’adénome rénal et l’hémangiosarcome pulmonaire. L’hyperplasie pancréatique semble atteindre un certain nombre d’animaux. Il s’agit d’une prolifération non néoplasique des cellules du pancréas endocrine, qui peut précéder un diabète de type II. Elle est attribuée à une résistance accrue à l’insuline, en association avec par exemple de l’obésité ou de l’hyperglycémie, la grossesse et le stress. La cause probable de cette hyperplasie chez les maras concernés est le stress [16]. L’adrénomégalie est probablement physiologique chez les mâles maras au vu de la fréquence à laquelle sont trouvées des glandes trois à quatre fois plus volumineuses chez les mâles que chez les femelles. L’hypertrophie des glandes surrénales se retrouve chez d’autres Rongeurs, notamment le hamster doré [16]. Des érosions de la muqueuse gastrique avec hémorragie luminale constituent une découverte pathologique courante. Il en est de même pour l’hémosidérose, qui concerne principalement la rate, parfois les intestins ou encore le foie, le rein ou l’estomac ; elle peut être due à un métabolisme accru, au vieillissement, à l’hémolyse extravasculaire et/ou à la réduction du potentiel hématopoïétique. La diminution du tissu lymphoïde splénique est également fréquente [16]. Conclusion Comme son parent le plus connu, à savoir le cobaye (Cavia porcellus), le mara est un animal assez résistant. Hormis les traumatismes infligés notamment lors de combats entre congénères, les affections rencontrées sont peu fréquentes si ce n’est la pseudo-tuberculose certains hivers et le parasitisme interne ou externe. De bonnes conditions de vie en captivité permettent de limiter le risque de maladies. Du point de vue du logement, l’enclos doit être suffisamment grand pour que les individus bénéficient d’une distance inter-individuelle suffisante ; les fèces, la litière souillée et la nourriture non consommée doivent être retirés tous les jours. De l’eau et de la nourriture fraîches doivent être laissées à la disposition des animaux, placées en suffisamment de points de distribution pour éviter la compétition et disposées en hauteur pour empêcher la contamination par les urines et les féces ; l’apport en acide ascorbique Revue Méd. Vét., 2009, 160, 6, 308-313 PATHOLOGY OF MARA (DOLICHOTIS PATAGONUM) doit être suffisant (déficience en L-glucono-lactone oxydase). Le mara ne doit pas être maintenu en captivité seul mais au sein d’un groupe ; néanmoins l’introduction d’un nouvel individu (en particulier un mâle) doit être étroitement surveillée pour détecter une éventuelle agressivité et pouvoir isoler alors l’individu. 313 9. - JUAN-SALLES C., RICO-HERNANDEZ G, GARNER M.M., BARR B.C.: Pulmonary besnoitiasis in captive maras (Dolichotis patagonum) associated with interstitial pneumonia. Vet. 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