Droit pénal_Le suicide en prison_Angleterre et Pays de

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Droit pénal_Le suicide en prison_Angleterre et Pays de
MINISTERE DE LA JUSTICE
SERVICE DES AFFAIRES EUROPEENNES ET INTERNATIONALES
PARIS
SURVEILLANCE ET PRISE EN CHARGE DES DETENUS
SUICIDAIRES AU SEIN DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
LE CAS DE L’ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES
Etude à jour au 1er février 2009
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SURVEILLANCE ET PRISE EN CHARGE DES DETENUS
SUICIDAIRES AU SEIN DES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
LE CAS DE L’ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES
INTRODUCTION
I- STATISTIQUES DU SUICIDE DANS LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
A- APERÇU GÉNÉRAL DU SUICIDE EN PRISON
B- DÉTERMINATION D’UN PROFIL DU DÉTENU SUICIDAIRE
II- OUTILS ET MOYENS MIS EN ŒUVRE PAR L’ADMINISTRATION
PENITENTIAIRE QUANT A LA SURVEILLANCE DES DETENUS FRAGILES
A- PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS FRAGILES
B- MESURES DE PROTECTION PARTICULIÈRES
C- FORMATION DES PERSONNELS
III- RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
A- RESPONSABILITÉ CIVILE POUR NÉGLIGENCE
B- RESPONSABILITÉ PÉNALE
C- RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE
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TEXTES LEGISLATIFS CITES
1. Prison Service Order, PSO 2007, cf. :
http://pso.hmprisonservice.gov.uk/pso2700/PSO%202700__front_index_and_PSO_itself.htm
2. Prison Service Order, PSO 1600, cf. :
http://74.125.77.132/search?q=cache:2B2VLlLjYYcJ:pso.hmprisonservice.gov.uk/PS
O_1600_use_of_force.doc+PSO+1600&cd=3&hl=fr&ct=clnk&gl=fr&client=firefoxa
3. Prison Service Order, PSO 1700.
4. Prison Service Order, PSO 2000 (Adjudications).
5. Prison Service Order, PSO 1700.
6. Prison Service Instructions, PSI 2006/17 (Segregation special accommodation and
body belts).
Cf: http://www.hmprisonservice.gov.uk/resourcecentre/
7. Human Rights Act 1998.
http://www.opsi.gov.uk/acts/acts1998/ukpga_19980042_en_1
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JURISPRUDENCE CITEE
1. R (Davies) v HM Deputy Coroner for Birmingham [2003] EWCA Civ 1739 et R (D) v
Secretary of State for the Home Department [2005] EWHC 728).
2.
Hansard,
21
May
2007,
House
of
Commons,
Col
1128W:
http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200607/cmhansrd/cm070521/text/70521w0023.htm
3. Butchart Home Office [2006] EWCA Civ 239, [2006] 1 WLR 1155.
4. Savage v. South Essex Partnership NHS Foundation Trust [2008] UKHL 74, 2 WLR
115.
5. Keenan v. UK (2001) 33 EHRR 913.
6. McGlinchey v. UK (2003) 37 EHRR 41.
7. R (JL) v. Secretary of State for Justice [2008] UKHL 68 (26 November 2008).
8. Décision ([2007] EWCA Civ 767, [2008] 1 W.L.R. 158).
9. R. v. Prime Minister [2008] UKHL 20, [2008] 1 A.C. 1356.
10. Reeves v. Commissioner of Police of the Metropolis [2000] 1 A.C. 360 HL.
11. R. v. HM Coroner for Western Somerset [2004] UKHL 10, [2004] 2 A.C. 182.
12.
Ramsahai v. Netherlands (52391/99) (2008) 46 E.H.R.R. 43 ECHR (Grand Chamber).
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INTRODUCTION
Il existe en Angleterre et au Pays de Galles différents programmes pénitentiaires visant
à réduire le risque suicidaire en prison. Parmi eux, il faut noter « l’Instruction de
l’Administration Pénitentiaire 2700 » (Prison Service Order, PSO 20071) relative à « la
prévention du suicide et la gestion de l’auto agression», qui a été révisée en octobre 2007, et
plus récemment l’introduction de l’« ACCT » (Evaluation, Gestion des soins en détention et
Travail d’Equipe).
L’« ACCT » est un système de planification des soins pour les détenus présentant un
risque suicidaire ou d’auto-agression, mis en place dans les établissements pénitentiaires en
partenariat avec le Ministère de la Santé entre 2005 et 2007.
Il a pour but d’améliorer la qualité des soins par l’introduction d’un programme de
traitement individuel et flexible, exécuté par des équipes formées à la gestion des problèmes
de santé (« Case Management »), à l’évaluation et la compréhension des détenus à risques.
L’« ACCT » a remplacé le vieux système de fichiers « F2052SH » (connus aujourd’hui
comme les projets de l’«ACCT »)2.
Depuis le 1er avril 2004, tout décès en prison donne lieu à une enquête dirigée par le
Médiateur pour les Peines de Prison et les Sursis, fonction actuellement occupée par Monsieur
Stephen Shaw. Les rapports détaillés3 établis pour chaque décès en détention sont étudiés par
ceux qui s’intéressent aux politiques de prévention du suicide. La mise en place de ce
médiateur est largement due à la pression que les tribunaux ont exercée sur le gouvernement
pour obtenir des enquêtes mieux conduites et plus complètes concernant les décès en
détention4.
1
http://pso.hmprisonservice.gov.uk/pso2700/PSO%202700_-_front_index_and_PSO_itself.htm
http://www.hmprisonservice.gov.uk/assets/documents/10000C1BACCTStaffGuide.pdf
3
http://www.ppo.gov.uk/publications/fatal-incidents/index.html
4
Cf.: R (Davies) v HM Deputy Coroner for Birmingham [2003] EWCA Civ 1739 et R (D) v Secretary of State
for the Home Department [2005] EWHC 728).
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I- STATISTIQUES DU SUICIDE DANS LES
ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
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Dans la population générale5, le taux de suicide chez les hommes âgés de 15 ans et
plus a enregistré une tendance à la baisse au cours des années 1990, avec une légère hausse en
1998. Depuis ce pic, le taux a diminué et s’est stabilisé en 2006 au plus bas aussi bien pour les
hommes que pour les femmes avec respectivement 1,74 et 0,53 cas pour 10 000.
En 2006 au Royaume-Uni, il y a eu 5 554 suicides chez les adultes âgés de 15 ans et
plus, ce qui représentait à peu près 1% du total des décès constatés pour cette même
population. Les trois quarts de ces suicides concernaient des hommes.
Durant la période allant de 1991 à 2006, les taux de suicide constatés dans la
population féminine ont été plus bas que ceux relevés dans la population masculine et n’ont
fait que décliner de manière générale.
A- Aperçu général du suicide en prison
Le taux de suicide constaté en 2007 est de 11,4 détenus pour 10 0006 (8,65 en 2006,
10,26 en 2005 et 12,72 en 2004).
Depuis plusieurs années, l’Administration pénitentiaire mène une politique de
prévention du suicide par la mise en place d’un « indicateur de résultats, outil de suivi des
objectifs fixés ». En 2007-2008, le but fixé était de « s’assurer, considérant la population
carcérale moyenne, que le taux de suicides n’excèderait pas 11,28 pour 10 000 ». Cet objectif
n’a pas été atteint puisque le taux constaté a été de 11,557 (soit 83 décès).
Aucun mineur de moins de 17 ans n’est mort en prison depuis 2005 où deux décès ont
été constatés. Le 29 novembre 2007, la mort d’un jeune garçon de 15 ans a été signalée à
l’Institution Royale pour Jeunes Délinquants de Lancaster Farms.
Le taux de suicide chez les hommes dans la population carcérale est à peu près 5 fois
plus important que celui constaté dans la population civile. Les garçons de 15 à 17 ans quant à
eux se suicident 18 fois plus en prison qu’à l’extérieur8.
Les hommes récemment sortis de prisons sont 8 fois plus enclins à se suicider que
ceux du reste de la population ; chez les femmes, c’est 36 fois plus. D’après le Service contre
5
Données obtenues d’après des statistiques nationales cf. : www.statistics.gov.uk/cci/nugget.asp?id=1092
Cf. : http://www.justice.gov.uk/news/newsrelease010108a.htm
7
Rapport annuel 2007-2008 de l’Administration pénitentiaire (page 17).
8
Cf.: Fazel, Seena et al, Suicides in male prisoners in England and Wales, 1978-2003, The Lancet, Vol 366,
2005.
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l’Exclusion Sociale rattaché au gouvernement, un peu plus de 50 détenus se suicident tous les
ans peu après leur sortie de prison.
B- Détermination d’un profil du détenu suicidaire
L’Inspection Royale de l’Administration pénitentiaire a constaté qu’en dépit de
l’amélioration des conditions de détention, les prisons locales totalisaient à elles seules 73 %
des décès en prison bien qu’elles ne détiennent que 36 % de la population carcérale. Et ce sont
ces prisons qui sont le plus affectées par la surpopulation carcérale.
Surpopulation. 75 % des suicides en prison entre 2000 et 2004 ont eu lieu dans des
établissements pénitentiaires qui étaient en surpopulation le mois où le suicide a été constaté.
Conditions de détention. Environ un tiers des suicides a lieu durant la première semaine
et un sur sept durant les 2 jours qui suivent l’arrivée de la personne en prison. Un suicide sur 5
a lieu dans les services de santé de la prison ou en cellule d’isolement.
Santé. Presque deux tiers des détenus suicidés ont dans leur histoire rencontré des
problèmes de drogue et presqu’un tiers a connu des problèmes d’alcool. Une étude a montré
que 72 % des suicidés avaient déjà été sujets à des désordres mentaux et 57 % présentaient
des symptômes de désordres mentaux à leur arrivée en prison. En tout, 20 % des hommes et à
peu près 40 % des femmes entrant en prison disent avoir déjà essayé de se suicider.
• En 2007, 92 suicides ont été constatés. 90 ont eu lieu dans des établissements
pénitentiaire publics et 2 dans des établissements privés sous contrat, ces derniers détenant
11 % de la population carcérale.
Sexe. 84 suicides ont été commis par des hommes et 8 par des femmes (en 2006 : 64
hommes et 3 femmes)
Age. Parmi ces 92 cas, 7 détenus avaient moins de 21 ans (contre 2, en 2006)
Nationalité. 23 détenus étaient de nationalité étrangère (contre 6 en 2006).
Situation juridique des détenus. 41 (22 en 2006) étaient en détention préventive, 4 (2 en
2006) effectuaient des peines à durée indéterminée pour raison de santé publique et 18 (6 en
2006) étaient condamnés à perpétuité (hors motif de santé publique). Ce dernier chiffre est
particulièrement inquiétant : presque 20 % des suicides commis en prison en 2007 ont été le
fait de détenus condamnés à perpétuité bien que ceux-ci ne représentent que 7 % de la
population carcérale.
• En 2008, 61 décès survenus de façon évidente par suicide ont été relevés dans les
prisons d’Angleterre et du Pays de Galles. Les chiffres de 20089(publiés en janvier 2009) se
décomposent de la façon suivante :
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Cf : http://www.justice.gov.uk/news/newsrelease010109a.htm
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Sexe. 60 hommes détenus se sont suicidés contre une femme détenue seulement.
Age. Parmi ces 61 cas, il y avait 4 détenus de moins de 21 ans.
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II- OUTILS ET MOYENS MIS EN ŒUVRE
PAR L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
QUANT A LA SURVEILLANCE DES DETENUS
FRAGILES
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A- Prise en charge des détenus fragiles
1. Les Services de soins
Il y a quelques années, les Services de Santé de la Prison ont été transférés au
« National Health Service » (NHS), duquel on attendait une amélioration des services.
Depuis 2006, époque où les caisses locales du NHS ont eu l’entière responsabilité de
la prise en charge des services de santé en milieu pénitentiaire, le système s’est en quelque
sorte reprivatisé : le NHS s’est mis à acheter ces services.
Suite à cela, quand « Secure Healthcare » (Société privée) a remporté le marché en
tant que fournisseur de services de soins à la prison de Wandsworth, un parlementaire a
demandé au Ministre de la Santé à la Chambre des Communes : « Quelle procédure de
consultation en marché public avait été utilisée pour attribuer le marché à Secure Healthcare à
la prison de Wandsworth, quel était le coût attendu du marché, quel système de mesure des
résultats et quels indices de performance étaient fournis par le marché ? » La réponse fut : « Il
appartient aux caisses locales du NHS en conjonction avec les autres parties prenantes
d’évaluer les besoins de santé actuels et futurs, incluant les soins de santé en prison, et, en
conséquence, de pourvoir à la réalisation des services qui en découlent. En conséquence, la
procédure de passation des marchés est une question qui concerne les caisses locales du NHS
de Wandsworth»10.
La qualité du partenariat entre l’établissement pénitentiaire et les caisses locales du
NHS est cruciale pour le succès de la mise au point d’une stratégie efficace en matière de
prévention du suicide et de l’auto-agression. Les caisses locales ont la responsabilité de
pourvoir en services de soins les établissements pénitentiaires, et influent ainsi sur le niveau
des effectifs mis en place, le temps de présence du personnel interne à la prison et
l’organisation de la participation de spécialistes externes (PSO 2700, paragraphe 6.2.4).
10
Cf. : Hansard, 21 May 2007, House of Commons, Col 1128W:
http://www.publications.parliament.uk/pa/cm200607/cmhansrd/cm070521/text/70521w0023.htm
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En théorie, les détenus doivent pouvoir accéder à tous les services de soins. Les
équipes d’évaluation doivent apprécier (et détailler cette appréciation dans la CARTE DE
SOINS) si le transfert d’un individu vers une unité de soins spécialisés à l’intérieur ou non de
la prison, ou vers un hôpital psychiatrique, est nécessaire et, si c’est le cas, prendre les
mesures adéquates pour faciliter ce transfert (Sections 47 et 48, Mental Health Act 1983, PSO
270011).
2. Le transfert des détenus
En théorie, le système est excellent. La police applique le « Guide pour une Détention
Policière plus Sûre » (Police Safer Detention Guidance) et elle est tenue d’utiliser le
« Registre pour l’Escorte des Détenus » (Prisoner Escort Record, PER) à chaque fois qu’elle
doit déplacer un détenu d’un endroit à un autre, ou le transférer dans un autre établissement.
Dans les tribunaux, la gestion des locaux de détention est confiée à des sociétés
d’escorte privées. Ces dernières s’occupent également du transfert des détenus entre les
locaux de détention de la police et les tribunaux ainsi que du transfert entre les tribunaux et la
prison.
Ces sociétés peuvent ouvrir un dossier dit « de mise en garde » concernant les
tendances suicidaires ou d’auto-agression du prisonnier. Une fois en prison, le personnel
d’accueil doit être formé aux méthodes « ACCT » (PSO 2700).
Malgré son excellence apparente, le système n’empêche pas le maintien de taux élevés
de suicide et d’auto agression. Il ne fonctionne donc pas aussi efficacement que cela était
espéré. De nombreux spécialistes expriment leur inquiétude concernant la privatisation des
prisons et des services d’escorte des détenus, qui risque de conduire encore à une plus grande
fragmentation du système, dans la mesure où une société s’occupera de la gestion de la prison
et une autre prendra en charge les services d’escorte. Une autre inquiétude porte sur le fait que
la multiplication des procédures bureaucratiques n’apporte aucune garantie concernant la
prise de bonnes décisions.
B- Mesures de protection particulières
1. Le Placement en cellule « sécurisée »
La politique de l’Administration pénitentiaire est que « les détenus à risques ne
doivent pas être isolés et doivent être placés en détention en présence d’autres personnes
partout où cela est possible ». Beaucoup de détenus à risques partagent leur cellule avec
d’autres : « Placer un détenu à risques avec un compagnon de cellule peut aider à réduire
l’impression de solitude et donner aux deux détenus la possibilité d’avoir quelqu’un à qui
11
Cf. : http://pso.hmprisonservice.gov.uk/pso2700/PSO%202700_-_front_index_and_PSO_itself.htm
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parler. Les compagnons de cellule peuvent aussi informer le personnel pénitentiaire lorsqu’ils
sont particulièrement inquiets au sujet du co-détenu » (PSO 2700, paragraphe 8.6.3).
Si un détenu est incarcéré dans une cellule conçue pour une seule personne, des
mesures complémentaires doivent être mises en place pour compenser le risque accru du fait
de l’isolement de l’individu, et celles-ci doivent être reportées dans la CARTE DE SOINS.
Parmi ces mesures, il faut noter :
- le placement du détenu dans une cellule plus facile à surveiller par le personnel ;
- l’augmentation de la fréquence des conversations des gardiens avec le prisonnier et des
observations de ce dernier ;
- la combinaison entre l’accompagnement du détenu au travail, aux différentes activités du
centre (formation…) pendant la journée et les niveaux renforcés de conversations et
d’observations de la part du personnel de surveillance quand l’individu est dans sa cellule
(paragraphe 8.6.12).
Il y a aussi des cellules dites « sécurisées » et d’autres types de lieu de soutien, tels les
« Espaces de rencontre avec les Visiteurs de Prison ».
Dans le langage de l’Administration pénitentiaire, les « Conversations » sont les
interactions de soutien entre un membre du personnel de surveillance et un détenu.
Les « Observations » sont des contrôles plus appropriés du détenu quand il dort,
durant la nuit.
Le PSO 2700 précise que « l’expression « prévention du suicide » n’a pas de sens si
elle se caractérise par un manque d’interaction ». Selon l’Annexe 8HH du PSO
« Conversations et Observations », certains détenus peuvent être mis sous observation avec
une fréquence d’au moins 5 fois par heure, à intervalles irréguliers, ou sous surveillance
constante : le personnel garde le détenu à risques constamment en vue.
La vidéosurveillance ne doit pas être utilisée comme substitut à l’observation de
personne à personne mais elle peut être utilisée comme une garantie supplémentaire. « Un
usage plus approprié de la vidéosurveillance est celui d’un complément apporté à la présence
physique du personnel de surveillance lors d’une observation fréquente, intermittente. Elle
peut faire partie du processus de retour à la normale après une période de surveillance
constante. La surveillance par écran interposé peut être utilisée également la nuit, pendant que
le détenu dort. Elle constitue aussi un des moyens utilisés lors de la réduction planifiée du
niveau de l’observation (paragraphe 8.7.5).
La décision de placer quelqu’un dans une cellule équipée d’une surveillance vidéo
ostensible doit prendre en compte l’état d’esprit du prisonnier ainsi que les réactions
susceptibles de se produire (par exemple, une personne ayant des tendances paranoïaques
risque de trouver la présence de la caméra si dérangeante que le risque que l’on veut éviter se
trouvera accru).
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La surveillance constante ne peut être autorisé que par un docteur ou un(e) infirmier(e)
avec l’accord du Directeur de la prison, ou par le Directeur de la prison avec l’accord d’un
docteur ou d’un(e) infirmier(e).
Cette surveillance constante doit être la plus courte possible, et les conditions du retour
à un placement normal ou à un niveau moindre d’observation doivent être indiquées dans la
CARTE DE SOINS. (Annexe 8Y du PSO 2007).
2. Le retrait des objets susceptibles de servir au détenu pour passer à
l’acte
a- Objets susceptibles d’être retirés
Les objets personnels susceptibles d’être retirés sont les vêtements normaux, les lacets
de chaussures, les ceintures et d’autres objets tels que rasoirs, briquets, allumettes, sacs en
plastique, couverts et d’autres objets qu’un prisonnier peut utiliser pour se faire du mal (PSO
2700, paragraphes 8.9 -8.10). Il existe des instructions complémentaires au sujet du retrait des
vêtements normaux, de la distribution de vêtements de remplacement, du retrait des meubles
(lit, chaise, sanitaires dans la cellule) ou du couchage (draps, couvertures…).
Aucun prisonnier à risque ne peut être placé en cellule spéciale sauf de façon
exceptionnelle s’il est violent ou récalcitrant. Les règles précisent :
« La pendaison (avec une ligature attachée à un point d’ancrage) est la méthode de
suicide la plus fréquemment utilisée par les deux sexes. Cependant, les décès surviennent
aussi par auto-strangulation ou auto-asphyxie, particulièrement chez les femmes (sans avoir
attaché la ligature à un point d’ancrage, ou en se mettant des mouchoirs en papier dans la
bouche et en s’obstruant les voies respiratoires). Les méthodes précédemment utilisées pour
s’auto-agresser peuvent aussi être un bon indicateur du risque possible.
Doivent également être retirés les briquets, les allumettes et les matériaux
inflammables lorsqu’on sait que l’individu s’est déjà infligé des brûlures, a mis
volontairement le feu ou a tenté d’inhaler de la fumée.
Les médicaments doivent être retirés, aussi bien ceux de l’individu à risque que ceux
de son compagnon de cellule, ainsi que les sacs en plastique (particulièrement chez les
femmes).
Cependant, retirer des objets personnels à une personne qui se sent désespérée et
dépressive (spécialement les habits, les ceintures et les lacets de chaussures) peut accroître le
sentiment de détresse et en conséquence augmenter le risque de suicide, d’auto-agression ou
donner lieu à des méthodes encore plus risquée pour se faire du mal. La crainte de perdre
leurs objets personnels peut dissuader les détenus de faire état de leur volonté de se suicider.
Et retirer certains objets (comme les crayons) peut priver l’individu d’un accès à des activités
artistiques qui pourraient le distraire de ses sentiments douloureux.
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Partout où cela est possible, les détenus à risques doivent être autorisés à garder leurs
objets personnels à moins qu’il apparaisse clairement que ce soit malsain de le faire. »
b- Conditions du retrait (cf. : 8.9.4 à 8.9.8, PSO 2700)
Comme nous l’avons vu, le personnel de surveillance ne doit pas automatiquement
retirer aux détenus à risques leurs objets personnels. L’équipe d’évaluation doit décider de
cela en ayant au préalable envisagé des solutions alternatives (cf. : Devoirs de l’équipe
d’évaluation, annexe 8G).
S’il est nécessaire de retirer immédiatement un objet à un détenu avant qu’il soit
possible d’avoir une prise en charge du cas par l’équipe d’évaluation (pour protéger sa vie),
une réévaluation du cas doit avoir lieu aussi tôt que possible et impérativement dans un délai
de 4 heures (ou immédiatement avant la réouverture des cellules le matin suivant dans les cas
où des objets ont été retirés pendant la nuit).
Les raisons du retrait de chaque objet doivent être présentées de façon détaillée dans le
projet « ACCT » (par exemple, risque détecté de suicide, méthodes utilisées lors d’incidents
antérieurs, prédisposition particulière de certains objets pour être utilisés en cas d’auto
agression, échec des autres méthodes retenues pour aider le détenu).
Les objets doivent être retirés pendant une période la plus courte possible. Par
exemple, un détenu à haut risque pourra se voir retirer certains objets seulement pendant la
nuit, quand sa cellule est fermée, mais pourra avoir accès à la plupart des objets pendant la
journée, quand il se retrouve parmi les autres.
Il faut aussi réfléchir à la façon d’autoriser un détenu à avoir accès à certaines formes
d’activités.
Les objets doivent être rendus au détenu dés que la crise est passée et dés que l’équipe
d’évaluation a indiqué qu’on pouvait le faire sans risque. Cette décision doit être détaillée
dans le projet « ACCT ».
Le détenu doit être informé de la raison pour laquelle certains objets lui ont été retirés,
ainsi que de la raison pour laquelle ils lui sont rendus, et ces conversations doivent être
détaillées.
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c- Vêtements « de remplacement »
La section 8.10 du PSO 2700 pose des exigences supplémentaires pour le retrait des
vêtements normaux et la fourniture de vêtements alternatifs (antérieurement appelés
« vêtements de protection »).
Après discussion avec les détenus à risques, il est apparu que le retrait des vêtements,
ceintures ou lacets des chaussures pouvait, en particulier, conduire à la mise à l’écart de
l’individu concerné et même à faire de lui un sujet de moquerie de la part des autres détenus.
Cela est particulièrement vrai chez les jeunes détenus. Les moyens de surmonter cette
« honte » ainsi occasionnée consistent notamment dans la distribution de chaussures de
substitution sans lacets à tous les détenus d’une zone à haut risque de la prison (par exemple,
mise en cellule pour la première nuit, mise en cellule des détenus en sevrage de drogues ou
d’alcool).
La décision de retirer à un détenu tous ses vêtements normaux et de les substituer par
des vêtements de remplacement (par exemple, combinaison en papier anti-déchirement) doit
toujours être prise par l’équipe d’évaluation, sur la base des circonstances particulières de
chaque cas et seulement lorsque le comportement du prisonnier est considéré comme
potentiellement attentatoire à sa vie. Par exemple, tous les détenus placés en cellules spéciales
gardent leurs vêtements normaux à moins que le service d’évaluation en décide autrement.
Les vêtements de remplacement ne doivent être imposés que pour la plus courte
période possible. Il faut toujours envisager d’autres alternatives, telles que placer le détenu
considéré comme fortement suicidaire, et susceptible de fabriquer des ligatures à partir de
vêtements déchirés, dans une cellule plus sûre ou pourvue d’une surveillance constante (porte
vitrée ou haut niveau de surveillance de la part des gardiens) et lui faire bénéficier de l’accès à
des activités susceptibles de lui apporter un soutien.
Ces vêtements de remplacement peuvent commandés auprès du « Catalogue pour
l’Equipement et l’Habillage en Entreprise et dans la Distribution », dont les produites ne sont
toutefois pas à l’abri de critiques. Des tests ont déjà été faits par le « Groupe pour une
Meilleure Détention » qui a conclu qu’un article appelé « Combinaison de Sécurité » n’était
ni sécurisé ni convenable, qu’il pouvait même créer une intensification de la chaleur
corporelle et ainsi être cause d’agitation pour celui qui le porte.
En dernier lieu, lorsque les méthodes alternatives ont été considérées comme
insuffisantes ou inappropriées par l’équipe d’évaluation et qu’il apparaît indispensable
d’enlever ses vêtements à un détenu, cela doit être fait, partout où cela est possible, par la
persuasion, la négociation et non par la force. Cela est particulièrement important lorsqu’on
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sait ou lorsqu’on a de fortes présomptions pour penser que le prisonnier a par le passé été
victime de viols ou d’autres abus de la sorte.
On doit expliquer au détenu que le port de vêtements de remplacement est une mesure
à court terme pour assurer sa sécurité. Lorsque la persuasion échoue et qu’il n’y a pas d’autre
moyen pour empêcher le prisonnier d’attenter à sa vie, on doit avoir recours aux techniques
« C & R » (Control & Restraint) pour le déshabiller de force. Ce recours doit être approuvé
par le Directeur de la prison, ses raisons doivent être clairement détaillées et on doit se limiter
au minimum de force possible (PSO 1600 et PSO 1700). Le détenu ne doit bien entendu pas
avoir à subir un habillement de force avec les vêtements de remplacement. C’est en effet une
question de bon sens, car si un détenu ne veut pas garder sur lui des vêtements de
remplacement, il les enlèvera.
Les détenus ne doivent pas avoir à porter des vêtements de remplacement pendant les
activités diurnes qui les mettent en contact avec les autres, à cause du risque de ridicule et de
persécution que cela pourrait engendrer. Les vêtements normaux doivent être rendus pendant
ces périodes, cette mesure étant compensée par un renfort du niveau d’observation afin de
réduire le risque suicidaire. (Voir PSI 17/2006, annexe D pour plus d’information sur l’usage
des vêtements de remplacement, comprenant les exigences en terme d’autorisation et de
compte rendu).
Enfin, de façon générale, le fait de faire porter des vêtements de remplacement aux
détenus à risques doit s’accompagner d’un renforcement de l’attention qui leur est portée.
3. Le régime du placement en quartier sécuritaire
Quant au placement en quartier sécuritaire12, l’instruction PSO 2700 (section 8.6)
apporte les précisions suivantes:
Un nombre disproportionné de détenus se suicident en quartier sécuritaire, la plupart
d’entre eux dans les 24 heures après y avoir été placés13. Il est bon d’organiser des cellules
sécurisées ailleurs que dans les quartiers d’isolement de la prison, afin que le personnel de
surveillance ne soit pas tenté d’y placer les détenus à risques.
Les détenus, concernés par un projet de soins («ACCT») pour les détenus à risques
suicidaire jusqu’au terme de l’évaluation finale, ne doivent pas être placés dans des cellules telles que celles du quartier sécuritaire ou autres cellules spéciales - qui réduisent leur accès à
12
Pour la définition du quartier d’isolement et des placements spéciaux, voir PSO 1700.
13
Voir : « R&D Briefing on SIDs in Segregation » (non encore disponible).
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un certain soutien social (rencontre avec les autres, exercice d’activités, stimulations diverses)
à moins, exceptionnellement, qu’ils constituent un tel risque pour les autres qu’aucun autre
placement ne convienne, et que toutes les options possibles aient été essayées ou considérées
comme inappropriées.
Le placement d’un détenu à risques en quartier sécuritaire doit être autorisé par le
Directeur de la prison, qui doit l’enregistrer dans le document de suivi « ACCT » (nommé
Initial Segregation Safety Screen) et mentionner les raisons de ce placement.
Tous les détenus concernés par un projet « ACCT » qui sont placés en quartier
sécuritaire ou qui sont sous le coup d’une période de confinement cellulaire dans une autre
partie de l’établissement doivent subir une évaluation de leur santé mentale par l’équipe
médicale en charge de la psychiatrie. Cette évaluation doit avoir lieu dans un délai de 24
heures.
Partout où cela est possible, les détenus à risques suicidaires ou d’auto-agression qui
ont été jugés coupables de fautes disciplinaires ne doivent pas se voir appliquer le
confinement cellulaire. La sanction à appliquer sera choisie conformément aux directives
locales sur les punitions, mais devra tenir compte de la santé mentale des détenus, de leur
capacité à subir la punition et de l’impact probable que cela aura sur eux. (Paragraphes 7.6-8,
7.11-12, 9.9 et 10.27 de l’instruction PSO 2000 – Adjudications).
Une sanction disciplinaire en tant que réponse à un acte d’auto agression doit rester
exceptionnelle (par exemple, mettre le feu de façon intentionnelle ou par imprudence).
Quand les détenus à risques sont exceptionnellement placés en quartier sécuritaire, ou
en unité d’isolement ailleurs dans la prison, les mécanismes additionnels de sécurité doivent
être mis en œuvre (PSO 1700 / PSI 2006/17 - segregation special accommodation and body
belts).
Il s’agit notamment de :
- détailler dans la « Fiche Initiale d’Isolement Sécurisé » (Initial Segregation Safety Screen)
les raisons pour la mise à l’écart du prisonnier à risque ;
- procéder à une évaluation dans le cadre de l’« ACCT » aussi tôt que possible et
impérativement dans les 24 heures ;
- pratiquer la consigne Observations/conversations à une fréquence d’au moins 5 fois par
heure à intervalles irréguliers jusqu’à ce que soient mises en place la « Fiche Initiale
d’Isolement Sécurisé et l’Evaluation de Santé Mentale » (Initial Segregation Safety Screen
and Mental Health Assessment) ou de façon plus fréquente si c’est stipulé dans le projet
« ACCT ».
- d’envisager le placement en cellule plus sûre.
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- de recourir à la vidéosurveillance.
Par ailleurs, il ne doit pas y avoir d’interdiction générale des visiteurs de prison dans le
quartier d’isolement.
Dans les établissements qui accueillent les visiteurs de prison, tous les efforts doivent
être faits pour permettre aux détenus en quartier d’isolement d’être en contact avec les
visiteurs. Tout refus d’autoriser un tel contact doit être détaillé, par exemple dans le projet
« ACCT » et dans le Registre / Journal du quartier d’isolement, avec indication de la raison du
refus, de la réponse du détenu à ce refus, et du statut en cours du détenu au regard de
l’« ACCT ». Si le contact avec un visiteur est refusé, le détenu doit pouvoir en lieu et place
contacter un « Samaritan » par téléphone (les « Samaritans » en Angleterre sont à peu près
l’équivalent de « SOS-Amitié » en France).
Le contact avec la famille est un point important pour réduire le suicide et l’autoagression. A la lecture des paragraphes 7.21 et 7.24A de l’Instruction PSO 2000 –
Adjudications, il apparaît clairement qu’un prisonnier puni par une perte de privilèges
pénitentiaires ou par la suspension de ses revenus doit tout de même pouvoir acheter des
timbres ou des recharges téléphoniques (à moins d’être puni pour en avoir abusé) et ainsi
garder le contact avec sa famille.
Le personnel de surveillance doit savoir que placer un détenu à risques au régime le
plus sévère (particulièrement si c’est pour une période prolongée) aura pour conséquence
d’augmenter le risque de suicide du fait de l’accès réduit au soutien procuré par la famille et
les amis au moyen des appels téléphoniques et du courrier.
Quand cela est possible, le recours aux méthodes de justice restaurative doit être
envisagé.
C- Formation des Personnels
Tous les personnels en contact avec les détenus doivent être formés au moins aux
procédures du système « ACCT » (voir Annexe 8G2 – ACCT Training Chart), et être
informés des signes de risque résumés dans le ACCT Staff Pocket Guide. Quand ils
s’occupent de détenus à risques, ils doivent suivre la procédure « ACCT » décrite dans
l’Annexe 8G.
Les Chefs des Equipes de garde sécurisée doivent être formés au moins aux
procédures « ACCT Case Manager» et doivent avoir suivi la formation de Chef d’Equipe. Les
Coordinateurs pour la Prévention du Suicide doivent être formés au moins aux procédures
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d’Evaluation « ACCT » et doivent avoir suivi la formation des Coordinateurs pour la
Prévention du Suicide.
Dans la politique de réduction du risque de suicide en prison, on reconnaît la nécessité
des prisons plus “saines” et plus « décentes ». Mais avec la pression d’une population
carcérale en augmentation et l’application de coupes budgétaires, le système pénitentiaire se
retrouve lui-même sous pression constante14.
14
Il est intéressant de lire à ce sujet non seulement les Rapports Annuels de l’Administration Pénitentiaire mais
aussi les publications régulières de l’Inspecteur en Chef des Prisons de Sa Majesté sur certaines prisons.
http://www.inspectorates.homeoffice.gov.uk/hmiprisons/
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III- RESPONSABILITE DE
L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
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En principe, en cas de suicide d’un détenu, l’Administration pénitentiaire peut être
tenue pour responsable sur trois fondements différents:
I - Responsabilité civile pour faute de négligence, sous la forme d’une action en
dommages et intérêts, dans le cadre de la « law of tort », équivalent anglais de ce qu’on
appelle en France la responsabilité extracontractuelle.
II – Responsabilité pénale pour une infraction équivalent à l’homicide involontaire du
code pénal français.
III – Poursuite devant le tribunal administratif ou « judicial review », l’équivalent de la
responsabilité administrative en droit français.
A- Responsabilité civile pour négligence
Il ne fait aucun doute qu’un suicide en prison peut exposer l’Administration
pénitentiaire à une demande en dommages et intérêts, sur le fondement de sa négligence pour
n’avoir pas pu empêcher le suicide.
Une telle action peut être intentée soit par la famille ou les ayant droit du détenu, soit
par le détenu lui-même s’il s’est blessé dans une tentative de suicide ayant échouée, ou par
n’importe quelle autre personne qui en a subi physiquement les conséquences.
On trouve un exemple récent dans l’affaire Butchart Home Office [2006] EWCA Civ
239, [2006] 1 WLR 1155, dans laquelle une action a été intentée par le compagnon de cellule
d’un détenu ayant tenté de se suicider, le plaignant indiquant que suite à cet événement, il
avait souffert de dommages psychiatriques. La Cour d’Appel a indiqué que si les dommages
et la négligence étaient prouvés, l’action pouvait aboutir.
Dans les deux premiers cas qui ont établi l’existence potentielle de la responsabilité
civile dans ce genre de situation, le défendeur n’était pas l’Administration pénitentiaire mais
la police. Ces actions ont dû faire face à une objection théorique plutôt importante : à savoir la
causalité, étant entendu qu’en droit la cause du dommage était l’acte de suicide conscient du
détenu et non la négligence du système pénitentiaire ayant failli à prévenir ce suicide.
Dans le premier cas, les tribunaux ont contourné le problème en se basant sur le fait
que le détenu était mentalement dérangé, et n’était donc pas un « acteur volontaire ».
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Dans le second cas, à la surprise de certains commentateurs, la Chambre des Lords a
soutenu qu’une telle demande pouvait en principe aboutir – sous réserve d’une réduction des
dommages et intérêts pour « faute partagée », même si le verdict établissait que le détenu était
sain d’esprit.
Très récemment, dans l’affaire Savage v. South Essex Partnership NHS Foundation
Trust [2008] UKHL 74, 2 WLR 115 (une demande en dommages et intérêts fondée sur les
articles 6, 7 et 8 de « the Human Rights Act 1998 » pour manquement au respect du droit à la
vie d’une malade mentale en ne prenant pas les mesures adéquates pour l’empêcher de se
suicider), la Chambre des Lords a considéré les affaires semblables survenues en prison et a
réaffirmé l’existence d’une obligation pour l’Administration de prendre les mesures
raisonnables pour empêcher, contre leur volonté, les personnes détenues par l’Etat de se
suicider.
B- Responsabilité pénale
En 2007, le Parlement a promulgué la « Loi sur l’homicide et l’homicide
involontaire » qui impose à différents types de personnes morales une forme plus étendue de
responsabilité pénale pour homicide par négligence. Essentiellement, l’idée du gouvernement
qui a présenté le projet de loi, était d’instituer une nouvelle forme de responsabilité pénale
applicable aux personnes morales privées mais non aux organes centraux de l’Etat, et
certainement pas aux Administrations pénitentiaires.
Cependant, le Parlement a pensé les choses autrement, et le gouvernement fut
finalement forcé d’accepter l’amendement selon lequel, en principe, la responsabilité pénale
de la nouvelle inferaction de la « loi sur l’homicide » pèse aussi sur la police et les
Administrations pénitentiaires en ce qui concerne les décès en détention.
Toutefois, le gouvernement a accepté cet amendement avec beaucoup de réticence et a
d’abord commencé par retarder sa prise d’effet. Quand le décret d’application est enfin paru,
il ne comportait pas de dispositions relatives aux décès en détention.
Le gouvernement a cependant promis de mettre finalement en application ces
dispositions, quand la police et les établissements pénitentiaires auront eu le temps de s’y
préparer.
C- Responsabilité administrative
Par une série de décisions importantes, le tribunal administratif (et les Higher Courts)
ont invoqué l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme pour forcer
l’Administration à mener des enquêtes de meilleure qualité et plus approfondies en cas de
décès en détention.
Le contexte de cette évolution repose sur :
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- le « Human Rights Act 1998 », qui rend directement applicable la Convention Européenne
des Droits de l’Homme en droit interne au Royaume-Uni
- les deux condamnations du Royaume-Uni par la Cour de Strasbourg : Keenan v. UK (2001)
33 EHRR 913 et McGlinchey v. UK (2003) 37 EHRR 41.
La jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme de Strasbourg
concernant le Royaume-Uni vient d’être récemment appliquée par la Chambre des Lords
(bientôt renommée la « Cour Suprême ») dans l’affaire R (JL) v. Secretary of State for Justice
[2008] UKHL 68 (26 November 2008).
Le Secretary of State for Justice fit sans succès appel d’une décision ([2007] EWCA
Civ 767, [2008] 1 W.L.R. 158) qui lui imposait de mener une enquête sur le suicide manqué
d’un détenu en conformité avec l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de
l’Homme de 1950.
La cour d’appel a considéré que, sauf si l’enquête indépendante établit clairement que
l’Etat ou ses agents n’ont eu aucune responsabilité dans le suicide ou le suicide manqué en
détention, une enquête complémentaire devait être exigée.
Le Secretary of State for Justice fut inquiet du coût financier occasionné par
l’application généralisée des principes ainsi énoncés. Il a toujours été admis qu’une enquête
initiale soit pratiquée après un suicide ou une tentative de suicide en détention, et il était
admis que cela puisse aussi donner lieu à enquête complémentaire. Mais là il s’agissait de
savoir :
- si l’enquête initiale devait être indépendante ou si elle pouvait être conduite par
l’Administration elle-même ;
- si une enquête complémentaire devait être décidée lorsque l’enquête initiale n’établissait pas
de façon claire l’absence de responsabilité de l’Administration pour le suicide manqué ou
seulement lorsque cette enquête initiale démontrait la plausibilité de la faute de l’Etat ;
- et quelle devait être la nature d’une telle enquête complémentaire.
Dans cette affaire, les cinq juges de la Chambre des Lords ont tous pris la parole
séparément. Mais ils ont tous été d’accord pour dire que, chez un détenu en détention, une
tentative de suicide pouvant entraîner un préjudice à long terme créait automatiquement pour
l’Etat une obligation d’ouvrir une enquête poussée, en application de l’article 2 de la
Convention Européenne des Droits de l’Homme.
Ils prirent en considération ces précédentes affaires :
-
R. (on the application of Gentle) v. Prime Minister [2008] UKHL 20, [2008]
1 A.C. 1356 (concernant la mort de soldats britanniques en Irak) ;
-
Reeves v. Commissioner of Police of the Metropolis [2000] 1 A.C. 360 HL
(responsabilité pour suicide lors d’une garde par les forces de police) ;
-
R. (on the application of Middleton) v HM Coroner for Western Somerset
[2004] UKHL 10, [2004] 2 A.C. 182.
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L’obligation d’enquête approfondie ne pouvait pas être remplie par une enquête
interne. Pour satisfaire aux exigences de l’article 2, outre le fait qu’elles soient indépendantes
et qu’elles fassent intervenir la famille de la victime, les enquêtes doivent être initiées par
l’Etat, menées rapidement, avec diligence et produire suffisamment d’éléments permettant un
contrôle public (cf. : affaire Ramsahai v. Netherlands (52391/99) (2008) 46 E.H.R.R. 43
ECHR, Grand Chamber). Une fois cette définition donnée, il n’était pas souhaitable d’être
plus normatif.
La volonté des tribunaux anglais d’imposer diverses formes de responsabilité pour les
suicides en prison s’explique en partie comme une réaction au sentiment largement répandu
que le gouvernement ne désire pas prendre le phénomène au sérieux15.
15
Comme nous l’avons vu précédemment, le gouvernement a d’abord résisté aux changements qui voulaient
que l’Administration pénitentiaire entre dans le champ d’application du nouveau délit introduit par la « Loi sur
l’homicide ».
En janvier 2004, un véritable scandale avait été suscité par le Ministre de l’Intérieur de l’époque, Mr David
Blunkett, qui avait déclaré à un journaliste que sa réaction en apprenant le suicide en prison d’un meurtrier très
connu avait été de se dire qu’il était peut-être « trop tôt pour arroser ça ».
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BIBLIOGRAPHIE
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9. Wilson, D, Death at the Hands of the State (2005) Howard League for Penal Reform.
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TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION.................................................................................................................... 5
I- STATISTIQUES DU SUICIDE DANS LES ETABLISSEMENTS PENITENTIAIRES
.................................................................................................................................................... 6
A- APERÇU GÉNÉRAL DU SUICIDE EN PRISON .......................................................................... 6
B- DÉTERMINATION D’UN PROFIL DU DÉTENU SUICIDAIRE ...................................................... 7
II- OUTILS ET MOYENS MIS EN ŒUVRE PAR L’ADMINISTRATION
PENITENTIAIRE QUANT A LA SURVEILLANCE DES DETENUS FRAGILES ....... 9
A- PRISE EN CHARGE DES DÉTENUS FRAGILES ......................................................................... 9
1. Les Services de soins...................................................................................................... 9
2. Le transfert des détenus................................................................................................ 10
B- MESURES DE PROTECTION PARTICULIÈRES ....................................................................... 10
1. Le Placement en cellule « sécurisée ».......................................................................... 10
2. Le retrait des objets susceptibles de servir au détenu pour passer à l’acte................... 12
a- Objets susceptibles d’être retirés.............................................................................. 12
b- Conditions du retrait (cf. : 8.9.4 à 8.9.8, PSO 2700) ............................................... 13
c- Vêtements « de remplacement » .............................................................................. 14
3. Le régime du placement en quartier sécuritaire ........................................................... 15
C- FORMATION DES PERSONNELS .......................................................................................... 17
III- RESPONSABILITE DE L’ADMINISTRATION PENITENTIAIRE....................... 19
A- RESPONSABILITÉ CIVILE POUR NÉGLIGENCE ..................................................................... 19
B- RESPONSABILITÉ PÉNALE ................................................................................................. 20
C- RESPONSABILITÉ ADMINISTRATIVE .................................................................................. 20
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