Comment séduire les jeunes consommateurs?

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Comment séduire les jeunes consommateurs?
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Stratégie Accros à l’e-commerce, les jeunes générations seraient-elles un remède
à la sauvegarde des commerces de centre-ville ? De nouvelles initiatives à destination
des générations X et Y s’installent dans l’univers du commerce de proximité. Par Pierre Lelièvre
Comment séduire les jeunes
consommateurs ?
DR
L
ongtemps concurrencés par
les enseignes de la grande
surface et les zones commerciales, les commerces de
proximité commencent à attirer
de nouveau les consommateurs.
Avec plus de 469 000 commerces de détail en 2013 selon
l’Insee, l’activité reprend. Mais
la désaffection des commerces
de centre-ville continue malgré
tout de s’accroître avec un taux
de vacance commerciale à 9,5 %
en 2015.
Face à ce bilan, les commerces
de proximité ont un rôle à jouer
dans l’image qu’ils renvoient
auprès des jeunes consommateurs. Pour Nathalie Damery,
présidente de l’Observatoire
Société et Consommation
(ObSoCo), « il est bien évident
que le petit commerce doit se
renouveler et faire face à la
concurrence ». Le constat que
fait aujourd’hui la présidente de
l’observatoire est triple : « Tout
d’abord, la population française est
vieillissante, il apparaît ensuite que
les grandes surfaces connaissent un
La boucherie Maurice a mis au point le “kit burger”. Composé de tous
les ingrédients pour réaliser soi-même son burger, le kit est
commercialisé dans une barquette alimentaire.
début de désaffection, et enfin les
jeunes générations sont biberonnées
à l’e-commerce. »
Une réalité qui incite certains
commerçants à rétablir le
contact avec les jeunes, habitués à consommer rapidement.
« Aujourd’hui, à l’exception des
commerces de bouche, les jeunes
générations ne se déplacent plus
sans être sûres de bénéficier d’une
offre hédoniste dans laquelle elles
trouveront des choses à partager »,
« L’objectif est
de proposer au
consommateur plus
qu’une simple
démarche d’achat. »
Nathalie Damery,
présidente de
l’Observatoire Société
et Consommation
Commerce magazine – Septembre 2016 – N°166
précise la spécialiste des mutations des consommateurs. Pour
faire face à la concurrence, le
défi est de taille. « L’objectif est
de s’ouvrir au consommateur en
lui proposant plus que la simple
démarche d’achat. Cela demande
une révolution psychologique dans
leur mode de fonctionnement »,
insiste-t-elle.
Pour tenter de rendre leurs
commerces plus attrayants aux
générations Y et Z, les initiatives ne manquent pas. Ateliers
participatifs, événements ou
encore innovation de produits,
certains commerces ambitionnent d’attirer à nouveau les
jeunes générations.
Favoriser l’interaction
La mode est aujourd’hui à la
création et au faire soi-même.
Symbole de cet engagement
participatif, les ateliers Do It
Yourself rassemblent de plus en
plus d’adeptes. La cordonnerie
parisienne Stanislas s’est naturellement tournée vers eux et propose un atelier sur la réparation
de chaussures. Redorer le blason
du métier auprès des jeunes,
voilà le but poursuivi par Claude
Ageorges, bottier-cordonnier et
gérant de ce commerce de deux
salariés : « Les gens souhaitent
découvrir un savoir-faire. Le but
est de passer un bon moment et de
faire partager notre passion pour
les souliers et le cuir tout en leur
fournissant nos connaissances »,
affirme le dirigeant de l’entreprise
qui précise que les participants,
« ravis par l’expérience peu commune », reviennent souvent.
Ce type d’ateliers peut être
appliqué à différentes activités.
Des cours de cuisine pour les
métiers de bouche à des ateliers
de confection pour les fleuristes
et de mercerie, ou encore des
cours de bricolage, les idées sont
multiples. L’objectif repose sur
plusieurs défis : faire découvrir
un savoir-faire, fidéliser et valoriser sa clientèle, attirer de nouveaux prospects pour se démarquer de ses concurrents.
Allant à l’encontre du “consommateur-spectateur”, les ateliers
participatifs répondent à de
nouveaux besoins. « Les jeunes
générations sont à la recherche
d’interactions. Nous sommes
passés de la société de l’avoir à la
société du faire. C’est une tentative
de réconciliation entre les consommateurs et les marques », précise
Nathalie Damery.
Retrouvez les coordonnées des entreprises et des organismes cités p. 46
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« Les jeunes viennent profiter et partager dans la convivialité »
Créer sa communauté
Les librairies indépendantes
proposent par exemple des
animations qui dépassent leur
cœur de métier : nocturnes,
rencontres, projection et animations. À Lyon, la librairie
Repères
Raison sociale
SARL Les Caves de Reuilly
Activité : caviste
Siège social : Paris (XIIe arr.)
Année de reprise : 2014
Dirigeant : Pierre Le Nen, 28 ans
Effectif : 2 salariés
CA 2015 : NC
Les Yeux dans les arbres organise régulièrement des animations ou des spectacles. « L’objectif est de bénéficier de plus de
visibilité et d’attirer un public plus
large, notamment les jeunes »,
explique Catherine, gérante du
commerce, qui ajoute qu’elle a
souvent « des expositions photos ou d’artistes qui drainent une
clientèle variée ».
Des animations qu’elle promeut
efficacement via sa page Facebook. Un procédé que soutient
Nathalie Damery : « Lorsqu’on
s’adresse aux jeunes, le poids des
réseaux sociaux est très important. Il est indispensable de créer
La cordonnerie parisienne
Stanislas propose un atelier sur
la réparation de chaussures.
DR
Le renouveau des acteurs du
commerce passe également par
la compréhension des intérêts
du client. Il existe de nombreuses initiatives qui
répondent à la demande des
jeunes de ne plus être simplement considérés comme des
consommateurs au sens strict.
« C’est une population détachée de
l’acte d’achat. Il faut considérer le
client avant, pendant et après »,
prévient Nathalie Damery.
différer mais la trame reste la même »,
avance Pierre Thomas, qui ajoute que
« la pédagogie et le discours sont à
adapter, mais l’ambiance est toujours
décontractée ». Pour renforcer la
communauté autour de l’activité,
l’entreprise communique également
sur Facebook et dispose aujourd’hui
de 1 550 followers.
Christophe Meireis
En plein cœur du XIIe arrondissement
de Paris, l’adresse de cette petite cave
est bien connue du quartier. Certains
soirs, vins bio et vins naturels se
partagent l’affiche des soirées
dégustation organisées par Les Caves
de Reuilly. Pierre Le Nen, le dirigeant,
et ses deux salariés accompagnent des
groupes dans la découverte de différents
cépages. « La plupart du temps, nous
recevons une clientèle jeune, entre 25
et 35 ans, et plutôt néophyte », indique
Pierre Thomas, responsable de cave
et conseiller caviste. « Les ateliers se
déroulent de manière très détendue.
Nos clients, souvent des jeunes, viennent
profiter d’une soirée dans la convivialité
et partager », précise-t-il.
Des soirées dégustation qui s’organisent
au gré des demandes et dont
l’organisation peut évoluer en fonction
de l’âge des clients : « L’approche peut
une communauté autour de son
activité et de l’entretenir ». Générateurs de proximité, les réseaux
sociaux sont un outil participatif pour préserver et fidéliser sa
clientèle. « Un bon commerçant
doit savoir toucher les jeunes via
ces outils sans pour autant parler
de ses produits », rappelle la présidente de l’ObSoCo.
Se démarquer
Adapter son offre à de nouveaux
modes de consommation, c’est
également la piste que suit la
boucherie Maurice. Fondé en
1906 et installée à Dol-de-Bretagne, Cesson-Sévigné et Saint
Malo, le commerce a su innover
et rafraîchir son offre. Si elle
continue de proposer des produits traditionnels, la boucherie
a mis au point le “kit burger”.
Composé de tous les ingrédients
pour réaliser soi-même son burger, le kit est commercialisé dans
une barquette alimentaire. Originalité et adaptation aux nouveaux
modes de consommation sont
à l’origine du produit développé
par l’enseigne. « Nous avons voulu
que nos clients puissent acheter et
ramener chez eux un burger à cui-
siner soi-même le soir », souligne
Jérémy Guillemois, responsable
de la boucherie Maurice. Mis
en place pour un jeune public,
le produit plaît également aux
mères de famille, à la surprise des
bouchers. « Comme nous sommes
fermés le soir, notre clientèle se compose pour beaucoup d’employés de
bureau qui consomment à midi »,
précise-t-il.
L’ouverture de la dernière boucherie Maurice à Saint-Malo a
permis de proposer également
un espace de restauration. Le
but ? Accueillir les clients aux
heures des repas qui souhaiteraient s’attabler et déjeuner.
« L’idée était de continuer à développer la marque en proposant
quelque chose qui se différencie
de la boucherie traditionnelle »,
ajoute Jérémy Guillemois.
Se démarquer de ses concurrents
revient également à proposer de
nouvelles solutions groupées à
destination de cette jeune génération grâce notamment aux associations de commerçants. « Les
réseaux de commerçants ont un réel
défi à relever et ont tout intérêt à
se dynamiser pour se développer »,
conclut Nathalie Damery. n
Commerce magazine – Septembre 2016 – N°166