LA SCIENCE TOTALE

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LA SCIENCE TOTALE
LA SCIENCE TOTALE
---------------------------------Nous sommes en général très fiers de
nos découvertes contemporaines, et les vrais
savants on beau nous dire sur tous les tons que
l’acquis n’est rien à côté de l’immense inconnue
qu’il faut encore explorer, nous écoutons de
préférence les hâbleurs et les marchands de
feuilletons scientifiques qui affirment avec
audace que nous savons tout et que la science
actuelle permet de tout comprendre et de tout
expliquer.
Il est difficile d’imaginer le mal qu’on
causé`ces êtres superficiellement instruits et qui,
de dictionnaire en dictionnaire, répètent depuis
deux siècles de traditionnelles âneries, acceptées
et répandues avec empressement par les
journaux, qui, eux du moins, ont l’excuse
(Jozef Maria Hoëne-Wronski)
de la hâte de leur composition pour rester en dehors du débat.
Ainsi, dire que l’Alchimie constitue les premier balbutiement de la Chimie, que la
Magie est le composé des fables absurdes qui ont permis la naissance de notre Physique,
que l’Astrologie est la synthèse des erreurs parmi lesquelles de vrais savants (oh!
Combien) ont sélecté de quoi faire la saine astronomie… n’est-ce pas là le pain quotidien
fourni à leurs lecteurs par les marchants de science à l’aune?
Eh bien! Nous ne craignons pas d’affirmer en tête de cette nouvelle édition d’un
volume consacré aux sciences occultes, que tous ceux qui soutiennent de telles idées sont
des ignorants, ou des ambitieux de mauvaise foi. Il est impossible, si l’on se donne la
peine de lire le Theatrum chimicum, de ne pas voir que l’Alchimie est une science
complète par elle-même et autrement profonde dans sa partie philosophique que la
Chimie. Mais voilà! On ne lit plus les alchimistes dans le texte, et cependant ce n’est écrit
qu’en mauvais latin! Lorsque quelque vieux membre de l’Institut a l’audace de nier
l’authenticité des œuvres les plus élevées des maîtres hermétiques, on l’écoute bouche
bée sans s’apercevoir des énormités présentées à l’appui d’une pareille thèse. La même
remarque est à faire à propos de l’astrologie, de la magie et de toutes les sciences dites
occultes.
Il est temps, à notre avis, de faire cesser une telle erreur, et nous allons nous
efforcer, dans cette introduction, de préciser certains points dont on trouvera le
développement au cours de ce volume.
Nous affirmons donc que tout chercheur sincère qui voudra bien prendre sur lui de
remonter aux sources sans écouter les dictionnaires plus ou moins encyclopédiques
découvrira ceci :
Les premières civilisations qui sont nées sur la Terre et, pour prendre une des plus
rapprochées, la civilisation égyptienne, considéraient dans chaque science : 1e une partie
matérielle se rapportant aux faits; 2e une partie
idéale se rapportant aux principes, et 3e entre les
deux et comme passage de l’une à l’autre une partie
numérale se rapportant aux lois.
Chaque science avait donc une section
physique, une section métaphysique et section
mathématique. Sans la section métaphysique, la
science était une énumération de choses mortes, la
métaphysique étant l’âme vivante de toute science;
mais sans la section physique, à son tour la section
idéale devenait nuageuse et vague comme un
fantôme sans corps.
Or, la Science Totale, la Synthèse, clef de
toutes les sciences de détail, existait et avait les
mêmes trois grandes sections qui se retrouvaient
partout. Cette science totale, formée par la réunion
(Van Helmont)
de la Thèse (physique), de l’Antithèse (métaphysique) et de la Synthèse (mathématique)
prenait le nom de Mathèse.
Mais le maniement des deux courant physique et métaphysique destinés, par leur
union, à produire l’étincelle synthétique demandait une étude longue et ardue et exigeait
une tension cérébrale pour laquelle les entraînements mystiques du sanctuaire étaient
presque indispensables.
Plus tard, après l’invasion des Barbares, la lente évolution de l’intellectualité
occidentale à travers la mystique du moyen âge vint se buter tout à coup à ces vieilles
synthèses scientifiques qui examinaient chaque problème de trois côtés, et que la chute de
Constantinople aux mains des Musulmans et l’apport des Arabes répandaient en
Occident.
Du XVe au XVIe siècle, une partie des écoles de science s’attachèrent surtout à la
partie physique des études; car cela semblait plus commode et surtout moins long. C’est
alors que la scission commença dans toutes les branches du savoir humain entre la partie
idéale qui se réfugia d’abord dans les écoles de théologie et la partie matérielle qui devint
l’apanage des jeunes universités médicales et des maîtres ès arts.
Avec le temps, tout l’ensemble des connaissances élevées, des véritables hautes
études, fut rejeté dans l’ombre sous le nom de sciences occultes.
Les sciences occultes renferment donc toute la philosophie et tous les vrais
principes des sciences dites exactes, et chaque fois, que les dites sciences exactes (qui ne
sont que des morceaux de science) voudront se compléter, elles seront obligées de
revenir chercher leur principe dans l’occultisme. – Cela est si vrai que lorsqu’il s’est agi
de fonder la philosophie de la chimie et qu’on a été amené à poser l’Unité de la Force et
l’Unité de la matière, M. Berthelot a avoué franchement qu’on revenait aux
enseignements des alchimistes qui ont toujours soutenu cette théorie.
Qu’on change les noms donnés par les sciences occultes, peu importe, l’idée reste
toujours identique.
Quand la scission entre les deux sections des sciences eut été consommée, il se
trouva toujours, à côté de l’enseignement officiel, un enseignement secret donné de
génération en génération par des assemblées ou
fraternités d’initiés qui s’efforçaient de
reconstituer tout ou partie de l’ancienne Mathèse –
ou Science totale.
Cette Mathèse ayant été cachée dans les
sanctuaires, ayant trait à la partie cachée de
chaque science et usant couramment des signes et
des hiéroglyphes destinés à cacher ses principes,
nous l’avons appelée la science occulte, que nous
avons définie : Scientia occulta, scientia occultati,
scientia occultans.
On comprendra maintenant ce qui
différencie les Science Occultes de la Science
Occulte, et l’on verra que l’occultisme vient
compléter et non remplacer les sciences dites
exactes.
On saura de plus que tout occultiste digne
de ce nom est rattaché à un centre d’enseignement
(Swedenborg)
quelconque et traditionnel, à une fraternité initiatique. Tout individu qui se pose dans les
salons et dans les journaux comme occultiste et qui ignore les signes de rattachement aux
centres secrets (même à la fin du XIXe siècle) est un ambitieux qu’il faut plaindre ou un
ignorant qu’il faut éviter. Qu’il insulte les véritables frères, cela n’a pas d’importance, et
son châtiment naîtra de l’excès même de sa fatuité. C’est ce qui expliquera pourquoi nous
avons tenu, dans cette édition, à faire suivre notre nom des noms des centres auquel il est
rattaché, non pas pour nous parer d’une sotte et prétentieuse liste de titres; mais par
déférence vis-à-vis de ceux qui nous ont transmis la lourde tâche de parler d’un sujet sur
lequel on a dit et l’on dire encore tant d’erreurs.
Un autre point à mettre encore en lumière, c’est que les détenteurs de la seule
section matérialiste des sciences ayant acquis tous les sièges des corps savants officiels et
des académies, ayant créé à leur usage des encyclopédies et des dictionnaires de toutes
espèce établis d’après leurs catégories mentales, et par suite ayant formé, d’après leurs
idées, la plupart des intelligences qui vivent de «pâtée intellectuelle toute digérée» ont
accablé de sarcasmes et de saillies, dans leurs dictionnaires, les représentants, bien rares
du reste, de la science vivante et totale. C’est ainsi qu’Arnauld de Villeneuve, Raymond
Lulle, Paracelse, les deux Van Helmont, Swedenborg, Martinès de Pasqually, Louis
Claude de Saint Martin, Wronski, Fabre d’Olivet, Louis Lucas, Lacuria, Eliphas Lévi
sont considérés comme des rêveurs ou des aliénés quand on daigne condescendre jusqu’à
les nommer dans ces ouvrages prétendus «sérieux».
Aussi comprend-on pourquoi celui qui veut devenir un disciple de la Science
vivante doit être prêt à subir tous les outrages intellectuels et à supporter toutes les
calomnies après la mort. Durant la vie, il doit se résoudre à ne jamais occuper une
situation officielle, quels que soient ses mérites. Songez donc, un aliéné ou tout au moins
un demi-fou qui étudie l’hébreu et lit le grec encore à trente ans, alors qu’il est de bon ton
de l’oublier après le baccalauréat! Et le doux rêveur verra de joyeux drilles s’ériger en
juges de ses idées et s’efforcer de le ramener aux sains principes de la pipe et de la
brasserie. Mais, si l’enthousiaste s’entête dans son rêve, malheur à lui! Il sait ce que les
autres ignorent, il parle au nom de ces mystères de la
Naissance et de la Mort auxquels les autres ne pensent
jamais sans terreur, il connaît ces arts mystérieux qui on
permis à Shakespeare, à Balzac, à Goethe, de voir clair
dans l’âme humaine; c’est un défenseur de Paracelse et
de Swedenborg; c’est un mystique, horreur! Qu’il cache
sa honte et qu’il meure de faim comme Wronski! Après
sa mort, on dira qu’il était fou et qu’il se grisait, chaque
édition nouvelle de l’Encyclopédie s’augmentera d’une
calomnie inédite et si, cinquante ans après, ce cadavre
se dresse encore à travers ses œuvres, comme c’est le
cas pour Wronski, alors le secrétaire perpétuel de
l’Académie des Sciences se lèvera lui-même pour
s’efforcer de tuer à jamais ce cadavre récalcitrant, ne
serait-ce que dans la Revue des Deux Mondes.
( Fabre d’Olivet)
Mais ces réprouvés, ces pestiférés, ces maudits traversent les générations, et leur
nom rayonne encore alors que la poussière de leurs ouvrages académiques recouvre
depuis longtemps le nom des Immortels de l’Institut. Par quel phénomène les tués
ressuscitent-ils d’âge en âge? Simplement parce que la Science vivante a ses servants
comme la science morte et que ceux-là viennent à l’occulte sans espoir de triomphe et
seulement par amour de la vérité. Dans les réunions fraternelles, ils apprennent à
connaître et à aimer leurs ancêtres et leurs maîtres, et ils savent les défendre devant les
profanes quand cela est nécessaire. La chaîne ne s’est jamais brisée depuis les premières
réunions des alchimistes devant la porte droite de Notre-Dame de Paris jusqu’à nos jours,
et cela continuera jusqu’au jour où les deux tronçons de la Science s’uniront en
illuminant la race blanche, et où se fera
le mariage mystique de la Science qui
nie et de la Foi qui affirme, union de la
Vierge et de l’Agneau, incarnation du
Saint-Esprit dans l’humanité. Jusque-là
Mathèse n’existera que pour les
mystiques et pour ceux qui voyant ce
mot : Science Occulte, ne reculent pas
épouvantés. A ceux-là nous donnons une
clef de la porte du jardin; qu’ils entrent
et qu’ils cherchent par eux-mêmes dans
les allées la clef d’or qui ouvre le
pavillon des mystères, sur la porte
duquel il est écrit : savoir soufrir,
s’abstenir, mourir, aimer et pardonner.
PAPUS
Papus 1878