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J Maroc Urol 2008 ; 10 : 26-29 FAIT CLINIQUE SYNDROME DE LA MOELLE ATTACHEE : UNE CAUSE RARE DE VESSIE NEUROLOGIQUE (A PROPOS D’UN CAS ET REVUE DE LA LITTERATURE) Y.A. EL MESSAOUDI, M. ELBAGHOULI, Y. HADANE, R. ABOUTAEIB, A. ELMOUSSAOUI, H. FEKAK, M. DAKIR, R. RABII, A. JOUAL, S. BENNANI, F. MEZIANE Service d’Urologie, CHU Ibn Rochd, Casablanca, Maroc RESUME ABSTRACT Le syndrome de la moelle attachée (SMA) regroupe des entités diverses dont le point commun est une fixation du cône terminal le plus souvent en position basse (filum terminal épais, spinalipome, lipomyéloméningocèle), découvert le plus souvent dans la petite enfance, cette affection peut être moins sévère et rester asymptomatique jusqu’à l’âge adulte. Nous rapportons un nouveau cas de SMA chez un jeune garçon de 18 ans, découvert à la suite d’une symptomatologie urinaire pour laquelle une intervention chirurgicale a permis une amélioration nette du retentissement urinaire. TETHERED CORD SYNDROME Tethered cord syndrome joins various entity with a common point is the fixation of conus medullaris in an abnormally low position. Although, this condition commonly present in childhood, less severe degrees of tethery may remains asymptomatic until adult life. The authors report a new case of tethered cord syndrome in an 18 years old young boy cause of bladder dysfunction. Clear improvement of urinary repercussion is obtained after surgery. Mots clés : syndrome de la moelle attachée ; vessie neurologique Key words : tethered cord syndrome ; bladder dysfunction Correspondance : Dr. Y.A. ELMESSAOUDI, 49 bis, Avenue M o h a m e d Tr i i , E l J a d i da , M a r o c . E - m a i l : [email protected] INTRODUCTION OBSERVATION Le syndrome de moelle attachée (SMA) est une complication de dysraphisme spinal. Il correspond à un syndrome malformatif, y compris dans les formes les plus discrètes, qui est susceptible d’évolutivité à tout moment, chez l’enfant du fait de la croissance, mais aussi chez l’adulte du fait de phénomènes ischémiques favorisés par les mouvements rachidiens et la fréquente pathologie discarthrosique. Mr M.O.A, âgé de 18 ans, a été hospitalisé au Service d’Urologie pour incontinence urinaire associée à une incontinence anale. Dans ses antécédents, on note des infections urinaires à répétition. L’examen urologique avait trouvé une sensibilité des deux fosses lombaires, l’examen de l’hypogastre ne trouve pas de globe vésical. L’examen neurologique avait trouvé une hypotonie du sphincter anal, et à l’examen cutané la présence d’une tuméfaction lombosacrée médiane fistulisée en bas à la peau sans déficit moteur des deux membres inférieurs. Le reste de l’examen est sans particularité. Nous rapportons un nouveau cas de SMA découvert à la suite d’une symptomatologie urinaire pour lequel une intervention chirurgicale a permis une amélioration urinaire. L’objectif de cette étude est de préciser les éléments qui ont permis le diagnostic, les données des examens complémentaires, notamment urodynamiques et les éléments pris en compte pour la décision thérapeutique. La biologie avait montré une insuffisance rénale (créatinine = 33 mg/l). La radiographie du rachis lombosacré avait mis en évidence une agénésie de l’arc postérieur de L5 (fig. 1) et l’échographie abdominale avait montré une urétérohydronéphrose bilatérale prédominante à droite avec un cortex hyperéchogène, l’index cortical est conservé hormis en polaire supérieur droit où il est -26- Y.A. EL MESSAOUDI et coll. Syndrome de la moelle attachée : une cause rare de vessie neurologique formation fibreuse et absence de l’arc postérieur. La libération de la moelle a été réalisée puis un neuropatch a été mis en place. laminé (fig. 2). La cystomanométrie avait objectivé une vessie de capacité satisfaisante, hyperactive. L’imagerie par résonance magnétique lombo-sacrée avait conclu à une moelle attachée basse en regard de S1 (fig. 3). En postopératoire, le patient a été soumis au sondage intermittent. Devant l’évolutivité de la symptomatologie clinique, la libération de la moelle s’impose. Le contrôle postopératoire à 3 mois avait mis en évidence une amélioration de la fonction rénale (créatinine à 18 mg/l), l’examen cytobactériologique des urines était stérile. En peropératoire, après incision lombosacrée médiane et dissection des différents plans jusqu’au canal rachidien, on découvre une moelle attachée à une Fig. 2. Echographie abdominale : urétérohydronéphrose bilatérale prédominante à droite avec un cotex hyperéchogène A. Rein droit ; B. Rein gauche Fig. 1. Radiographie du rachis lombosacré : agénésie de l’arc postérieur de L5 Fig. 3. IRM lombo-sacrée : moelle attachée basse en regard de S1 -27- J Maroc Urol 2008 ; 10 : 26-29 DISCUSSION Certains patients sont tout à fait asymptomatiques d’un point de vue urinaire mais l’exploration urodynamique pourrait, quant à elle, être parfois pathologique, affirmant des anomalies infracliniques [1, 5, 6]. La normalité des explorations urodynamiques diminue avec l’âge : 42 des bilans urodynamiques sont normaux avant 18 mois, 21% après 18 mois. Au cours du développement embryonnaire, le rachis va avoir une croissance plus rapide que la moelle, le cône terminal va donc effectuer une ascension qui l’amène de l’extrémité caudale du rachis au 3ème mois de la vie fœtale, au niveau des vertèbres L1-L2 au second mois de l’existence. Toute perturbation du développement embryologique du tube neural caudal et des tissus qui l’entourent peut amener la constitution d’un dysraphisme spinal [1, 2]. A notre connaissance, quelques rares cas ont été décrits dans la littérature. L’attitude thérapeutique reste controversée [6, 9, 10]. L’attitude la plus répandue actuellement consiste à opérer de façon préventive les tous petits avant la période de croissance, afin d’éviter une détérioration urologique secondaire, et alors que la libération médullaire est plus facile (pas d’adhérence, pas de fibrose) et n’opérer les adultes que s’il existe une évolutivité neurologique objective. Les signes d’appel cutanés de la région lombo-sacrée sont les plus évocateurs : lipome sous-cutané, noevus avec poils, angiome, fossette sacro-coccygienne, voire sinus dermique [3, 4]. La prise en charge des troubles urinaires seuls restant alors pûrement symptomatique puisqu’il est rare qu’il ait une véritable amélioration urologique par la neurochirurgie [1, 10, 11]. Atala et al. [5] constatent que les enfants plus âgés lors du diagnostic ont moins d’anomalies cutanées que les petits (moins de 15 mois), c’est ce qui explique le diagnostic plus tardif. Ces anomalies cutanées sont très fréquentes mais peuvent parfois être absentes. Les anomalies osseuses (spina bifida) sont retrouvées dans 95% des cas. Les troubles orthopédiques se manifestent en général au niveau des pieds mais dans les syndromes malformatifs plus complexes, on peut retrouver des extrémités hypoplasiques, c’est le cas où le syndrome de moelle attachée n’est qu’un des éléments d’un syndrome malformatif urogénital et anorectal. L’intervention consiste en une laminectomie lombosacré. Après ouverture de la dure-mère, tous les éléments de fixation du cône terminal sont identifiés puis sectionnés sous microscope. Il est certain qu’il existe à cette phase opératoire un risque négligeable de lésion accidentelle de structures neurales telles que les racines de la queue de cheval ou le cône terminal lui-même. Afin de limiter au mieux ce risque, on pratique toujours cette intervention sous monitoring électrophysiologique de la queue de cheval. Grâce à la neurographie radiculaire sacrée, les différentes racines motrices sont à même d’être aisément identifiées par les électromyogrammes enregistrés au niveau de la musculature des membres inférieurs lors de la stimulation électrique dans la zone opératoire. Les potentiels évoqués sensitifs de la queue de cheval permettent de leur côté la détermination des racines sensitives de la queue de cheval. Toutes les structures arrivant au cône terminal et n’étant pas identifiées comme racines motrices ou sensitives sont alors sectionnées [8, 12]. Sur le plan neurologique, l’existence d’anomalies neurologiques lors de l’examen clinique neuro-périnéal est fréquente mais elles peuvent rester discrètes. Les troubles urologiques sont dominés par la dysurie (73% des cas), généralement asymptomatique car le patient a toujours uriné par poussée abdominale, n’ayant jamais eu l’expérience d’une miction normale, elle peut se révéler à l’occasion d’une rétention urinaire. L’incontinence urinaire est notée dans 30% des cas chez l’adulte. L’impériosité (13%) et la pollakiurie restent plus rares chez l’adolescent et l’adulte [1, 5, 6]. Le diagnostic doit être évoqué lorsqu’il existe associées des anomalies cutanées, orthopédiques ou neurologiques. L’IRM est l’examen de choix pour confirmer le diagnostic en montrant la situation du cône terminal en position basse au dessous de L5, elle précise l’existence d’un lipome intra ou extradural et ses rapports anatomiques [1, 7, 8]. CONCLUSION Le syndrome de la moelle attachée correspond à un ensemble de symptômes relativement rares et variés, raison pour laquelle il échappe fréquemment à un diagnostic suffisamment précoce. La littérature fait état de nombreux cas soulignant la nécessité d’établir ce diagnostic de manière précoce. Un retard diagnostique responsable d’un retard dans la prise en charge thérapeutique, peut être à l’origine de troubles neurologiques séquellaires invalidants telle qu’une incontinence urinaire chez ces patients souvent relativement jeune, voire une insuffisance rénale chronique. Le diagnostic de moelle attachée devrait Les examens urodynamiques ont une place importante dans le diagnostic et dans le suivi des syndromes de moelle fixée. Tous les types de comportements vésicosphinctériens sont possibles tant cliniquement (incontinence, impériosité, dysurie, rétention, infections urinaires, hydronéphrose) qu’en urodynamique (aréflexie vésicale, hyperréflexie, dysynergie vésicosphinctérienne, hypocompliance vésicale) [1, 6, 9, 10]. Dans notre cas, la cystomanométrie avait objectivé une vessie hyperactive. -28- Y.A. EL MESSAOUDI et coll. Syndrome de la moelle attachée : une cause rare de vessie neurologique 6. Adamson AS, Gelister J, Hayward R, Snell ME. Tethered cord syndrome : an usual cause of adult bladder dysfunction. Br J Urol 1993 ; 71 : 417-21. 7. Unsinn KM, Geley T, Freund MC, Gassner I. US of the spinal cord in newborns : spectrum of normal findings, variants, congenital anomalies and acquired diseases. Radiographics 2000 ; 20 : 923-38. 8. Patwardhan V, Patanakar T, Patkar D, Armao D, Mukherji SK. MR imaging findings of intramedullary lipomas. AJR Am J Roentgenol 2000 ; 174 : 1792-3. 9. Kondo A, Kato K, Sakakibara T, Hashizume Y, Ito S. Tethered cord syndrome: cause for urge incontinence and pain in lower extremities. Urology 1992 ; 40 : 1436. 10. Zimmeren PE. Tethered cord syndrome in adult. A rare presentation. J Urol (Paris) 1994 ; 100 : 93-6. par conséquent être intégré dans les diagnostics différentiels d’atteintes complexes urologiques, orthopédiques et neurologiques et faire l’objet d’une infirmation par examen IRM. REFERENCES 1. 2. 3. 4. 5. Saidi R, Farhane S, Touffahi M, Saad H. Syndrome de la moelle attachée : une cause inhabituelle de dysfonctionnement vésical de l’adulte. Ann Urol 2003; 37 : 187-93. Yamada S, Won DJ, Pezeshkpour G, Yamada BS, Yamada SM, Siddiqi J, Zouros A, Colohan AR. Pathophysiology of tethered cord syndrome and similar complex disorders. Neurosurg Focus 2007 ; 23 : 1-10. Kahn PA. Les spinalipomes. Arch Fr Pédiatr 1991 ; 48: 45-51. Tavafoghi V, Ghandchi A, Hambrick GW Jr, Udverhelyi GB. Cutaneous signs of spinal dysraphism. 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