Bilan hydrique sur une tour de séchage
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Bilan hydrique sur une tour de séchage
Produits / Process Par Franck NEYERS, enseignant technologie laitière et fromagère, ENILIA-ENSMIC de Surgères Bilan hydrique sur une tour de séchage Mots-clés : poudre de lait ; activité de l’eau ; concentré ; tour de séchage MSD ; humidité absolue ; humidité relative ; capacité d’évaporation. Rappel sur le séchage des produits laitiers en tour : tifiées sur le schéma (avec les débits massiques d’air). Les poudres de lait sont obtenues sur tour de séchage par un procédé de séchage dit par entraînement. Les poudres fabriquées sont des poudres Spray, le concentré est dispersé sous forme de fines gouttelettes pour être déshydraté. Le concentré est mis au contact avec différentes entrées d’air pour que le séchage soit progressif et moins énergivore : • En haut de tour, par le ventilateur amont ; • Un flux d’air appelé « plafond buses » permet de refroidir les buses / il n’a pas pour objectif de déshydrater le concentré, mais il contribue au flux d’air total dans la tour ; • En pied de tour, un lit statique permet un deuxième effet de séchage ; • De l’air est ensuite utilisé pour continuer le séchage en vibro fluidiseur (VF : 5 arrivées d’air sont positionnées). De l’air chaud ou froid peut être utilisé en fonction des poudres fabriquées ; • Un surpresseur envoi de l’air dans le circuit des fines : il contribue comme la plafond buse à la capacité globale d’évaporation de l’installation. La déshydratation du concentré est obtenue dans un flux d’air chaud et sec. Cet air se charge en humidité (l’air cherche toujours à se saturer en humidité). Dans les cas étudiés, l’air se charge en humidité pour ressortir à une valeur théorique proche de l’Aw de la poudre. La tour MSD, une installation particulière : Les résultats présentés sont issus d’observation faite sur une tour MSD Niro. Cette tour a pour caractéristique une reprise de l’air humide en sommet de tour, ce qui permet de granuler les produits finis à différents niveaux de la chambre, suivant la localisation du retour des fines. Plus les fines (reprises en haut de tour) sont renvoyées en début de process, plus la poudre est granulée, aérée, plus sa densité est faible (0,350 à 0,450 soit 350 à 450 g / litre). Buses de dispersion du concentré. Evaporer l’eau du concentré par de l’air : Le concentré envoyé en sommet de tour contient près de 50 % d’eau. Cette quantité d’eau est transférée vers les Les différentes arrivées d’air sont iden- Poudres de lait de différentes granulométries 14 Revue des ENIL n° 330 - Mars / Avril 2014 Produits / Process airs après pulvérisation du concentré sous forme de fines gouttelettes par des buses (4 sur l’installation étudiée). D’un point de vue efficacité de l’installation, les quantités d’eau à extraire et les capacités d’évaporation des airs devraient être proches ; on garde cependant une marge pour limiter le collage, et assurer la rhéologie des poudres (maîtrise de la granulométrie, de la densité, des propriétés de réhydratation). En théorie, afin de continuer le séchage sur toute l’installation sans avoir de risque de collage, il faut que la poudre ne croise jamais un air plus humide qu’elle. L’expression de cette humidité n’est pas celle de l’H2O en % mais de l’Aw : Si une poudre fait 0,2 d’Aw (environ 4 % d’H2O), elle se réhydratera si elle croise un air à plus de 20 % d’Aw, c'est-à-dire d’Humidité Relative (HR en %). Le différentiel existant entre les quantités d’eau à évaporer et les capacités de chargement de l’air peut représenter une marge de sécurité pour éviter les collages, mais il constitue également un coût économique important. La déshydratation d’un concentré par l’air peut être suivi et raisonné sur un diagramme de Mollier (ce raisonnement s’applique particulièrement aux tours « simple effet », avec 1 seul point de séchage en sommet de tour). Si on avait chauffé initialement l’air à plus de 180 °C, on aurait augmenté ses capacités de chargement (d’environ + 5 g pour 20 °C en plus). peut prendre avant d’arriver à son HR de fin de séchage (nous avons choisi 15 %). Compte tenu de sa température d’entrée en tour, le suivi des enthalpies sur le diagramme de Mollier donne une température de sortie pour cet air « humidifié » ; • Capacité d’évaporation : la quantité d’eau que l’air peut extraire au total (= capacité de chargement x quantités d’air). Ce raisonnement et l’utilisation de ce genre de graphique vont nous permettre d’estimer les capacités de chargement et d’évaporation de chacun des airs identifiés sur l’installation MSD. La mise en place d’un tableur de calcul permet d’effectuer les calculs plus rapidement : Les relevés sont répétés toutes les heures, lors de la surveillance des installations. Identification et caractérisation des airs présents : Il ressort de cette série de relevés que la capacité totale d’évaporation (somme des capacités d’évaporation de chaque air) est égale à 2404 kg / heure. L’air initial avait une HA de 4,5 g d’eau / kg d’air sec. L’utilisation du diagramme de Mollier donne des capacités de chargement allant de 41 à 1 g d’eau / kg d’air sec (en fonction des températures d’entrée). HR de 12 %, on a une HA finale de 42 g / kg. Chaque kg d’air a donc pu se charger de 37 g. Dans le cas présenté, la température de sortie pour avoir cette HR de 15 % devrait être proche de 82 °C. Les différents airs suivis sur la tour et son environnement ont fait apparaitre des capacités d’évaporations propres. Nous avons considéré que le mélange des ces airs donnait la capacité globale d’évaporation de l’installation. Pour plus de compréhension, il est précisé qu’est nommé : • Capacité de chargement : la quantité d’eau (en g / kg d’air sec) que l’air En regardant les pourcentages d’évaporation de chaque air (capacité d’évaporation de l’air / capacité totale d’éva- D’après le diagramme ci après, l’air extérieur (point « 0 ») est chauffé jusqu’à une température de 180 °C (point « 1 »). Cet air contenait de l’eau initialement (HA = humidité absolue à 0.005 kg d’eau /kg d’air sec) qui représente un pourcentage du maximum d’eau que cet air peut contenir à cette température (humidité relative, HR de 60 %). L’air ainsi réchauffé, voit son HR % baisser à moins de 1 %, alors que son HA ne change pas. Pendant la phase de séchage, il se refroidit pendant son chargement en humidité (il suit les droites appelées enthalpies). Il arrive ainsi à une température que l’on choisira légèrement supérieure à l’Aw de la poudre souhaitée (point « 2 »). Si on regarde l’HA de l’air entrant (5 g / kg) et l’HA de fin de séchage pour une Diagramme de Mollier présentant les phases de séchage d’un contré par un air extérieur réchauffé à 18 °C Revue des ENIL n° 330 - Mars / Avril 2014 15 Produits / Process poration), c’est l’air amont qui extrait le plus d’eau (48,19 %), puis le lit statique (LS = 28,63 % en pied de tour), et enfin le VF (plus de 18 %). Les airs des plafonds buses et surpresseurs amènent peu de capacité d’évaporation (2,73 % chacun). La tour MSD permet de jouer sur les températures de chacun des airs, elle modifie ainsi les lieux de déshydratation spécifique. Cela permet de passer différents produits : si l’installation est donc polyvalente, elle reste très adaptée aux poudres grasses, formulées, où la recherche d’une densité précise 16 est maîtrisée par ses différents flux d’air (amont, LS et VF). à ce qui se passe sur le diagramme de Mollier (79 pour 83 °C théorique). Les limites de ce tableur sont : • les débits d’air utilisés sont les débits théoriques ; • les valeurs d’HR de sortie retenues sont de 15 % ; elles servent à estimer les HA de sortie ; elles sont à mettre en relation systématique avec les Aw des poudres. Bilan hydrique sur l’installation : Les relevés de terrain sur les airs de sortie donnent des HR % de 15 à 20 %, et des températures proches des températures de sortie pour un séchage proche Le tableur n’effectue que le bilan hydrique de l’installation, avec des variables difficiles à mesurer, souvent estimées : il y a donc une forte incertitude sur le résultat final, et les interprétations à en tirer. Cet outil peut tout de même être utilisé en routine pour vérifier, lorsque l’installation de séchage est en route depuis 1 à 2 heures, les valeurs estimées d’eau à extraire (du concentré) et d’eau captée (par l’air). Revue des ENIL n° 330 - Mars / Avril 2014 Produits / Process séchage serait de 30 à 40 A / heure. Ramené au kg de poudre (2,5 T / h), cela représente 1,2 à 1,6 cts / kg de poudre. Ces données « brutes » informent sur une éventuelle marge de progrès en termes de quantité de concentré à sécher ou de capacité d’évaporation. Il ne faut cependant pas oublier les pertes thermiques diverses estimées à 5 % sur ce genre d’installation. Lors de nos relevés, le débit de concentré était de 3180 kg / h, pour un EST de 52 % et une humidité résiduelle dans la poudre de 2,8 %. La quantité d’eau à extraire est donc de 1479 kg / heure. Dans le cas de cette série de relevés, la quantité d’eau à évaporer était de 1479 kg / heure. L’air avait une capacité d’évaporation de 2404 kg / heure. Cela fait donc une marge de sécurité (pour un objectif d’HR de 15 % en sortie) de : 2404 – 1479 = 925 kg / h. Il y a donc une marge substantielle, mais la conduite de l’installation ne dépend pas que du bilan hydrique, elle dépend aussi et surtout de la rhéologie de la poudre, notamment sa densité. Globalement, il ressort de cette série de mesures les données suivantes : • Il existe une proximité entre les données d’un séchage isentalpe théorique et les valeurs réelles relevés sur le terrain ; • Quelques soient les valeurs calculées, il existerait une marge entre les quantités d’eau évaporées, et le potentiel d’évaporation de l’air (la capacité d’évaporation de la tour). Dans la plupart des cas, il semblerait qu’une marge de sécurité existe, qui oscillerait entre 900 et 1500 kg d’eau à l’heure (bilan effectué sur 3 séries de mesure) ; • Il n’est pas pris en compte dans ces calculs un biais lié à l’aptitude au séchage du produit et à son comportement dans la tour : plasticité, dispersibilité, création de la gouttelette… Si on estime qu’il faut 1,4 kg de vapeur pour évaporer 1 kg d’eau, à raison de 0,0285 A / kg de vapeur, le surcoût de Comment modifier les paramètres de conduite pour optimiser le bilan hydrique ? Pour éventuellement optimiser le bilan hydrique, plusieurs solutions sont envisageables : • augmenter la quantité de concentré envoyé dans la tour avec les mêmes débits d’air ; • diminuer le débit d’air entrant si on souhaite garder le même débit de concentré ; • garder les mêmes débits d’air, mais avec des températures d’entrée plus basses. L’aptitude au séchage du concentré est à prendre en compte : les marges calculées par le tableur ne tiennent pas compte de cette variable. Les concen- trés se comportent différemment en fonction de leur composition et de leur viscosité. Les opérations unitaires subies par le concentré sont également génératrices de modification de l’aptitude au séchage : Suites à donner : Le travail effectué pour ce bilan a mis en avant des écarts théoriques entre les quantités d’eau à évaporer (par l’air) et les quantités d’eau présentes (dans le concentré). Ces écarts théoriques semblent corrélés à des relevés terrain. Le tableur de suivi présenté peut aider à mieux suivre le bilan hydrique de l’installation, à condition d’affiner les données réelles (débit d’air, HA, HR, sur les entrées et sorties). La recherche des écarts minimums doit s’accompagnée d’une maîtrise de la rhéologie des produits finis, notamment de la granulométrie et de la densité des poudres. Un suivi des Aw des poudres fabriquées est également à mettre en place : les Aw des poudres en fin de séchage et leur Aw étant liées mathématiquement, des abaques permettent de calculer facilement les Aw lors des relevés de conduite horaire. Poudre de lait dans le lit fluidisé, dernière étape du séchage. Revue des ENIL n° 330 - Mars / Avril 2014 17 Produits / Process Le tableur complet au stade actuel. 18 Revue des ENIL n° 330 - Mars / Avril 2014