La menace fantôme
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La menace fantôme
La menace fantôme - Les industries culturelles face au numérique Emmanuel Durand Notes de lecture - Nora Solt - Sept 2015 Les nouvelles technologies ont amené des changements dans les usages des industries culturelles: - d'un côté un hyperchoix des programmes - de l'autre une individualisation de la consommation des médias (ex: catch up tv) Considérer les oeuvres en fonction de leur format amène à des contre sens. Le consommateur ne vit pas son accès aux médias et à la culture de façon cloisonnée. Cf la chronologie des médias. L'opposition frontale et définitive entre les médias et les modes de consommation ne correspond ni à la réalité des aspirations des consommateurs ni à celle du marché. On est à l'âge de l'accès. La valeur d'un bien ou d'une entreprise ne vient pas (plus) de la propriété d'un catalogue produit. C'est par son ouverture maximale (le partage), par sa capacité à créer du mouvement et à se renouveler en permanence que viendront le succès et la pérénité de ces industries. Les entreprises doivent s'ouvrir "à la multitude". cf Nicolas Colin et Henri Verdier "L'âge de la multitude". "Il y aura presque toujours plus d'intelligence, plus de données, plus d'imagination et de créativité à l'extérieur qu'à l'intérieur d'une organisation". Au coeur de l'usage de la multitude, la recommandation qui représente 1/4 des pages de la toile vues par les internautes. Les consommateurs souhaitent une relation personnalisée / individualisée avec la marque, un lien unique basé sur la reconnaissance individuelle, l'échange, le service rendu et la fidélité. La valeur du client n'est pas transactionnelle mais dans sa relation durable avec la marque et surtout du bruit qu'il fait autour de ses produits. Ce qui signifie passer de la fidélité transactionnelle à la fidélité émotionnelle. (Francois Laxalt) Un exemple serait de récompenser l'intensité relationnelle par le nombre de connections sur un site. Il faut décrypter les signaux faibles - fidéliser grâce à la viralité - (p54) L'entreprise hybride doit créer une nouvelle relation avec le client autour de l'émotion (le client doit se sentir valorisé) Deux exemples: Amazon: recommandation basée sur les comportements des consommateurs Netflix: recommandation par genre et non chronologique - dans le monde de l'hyperchoix la pertinence de la recommandation a plus de poids que la fraîcheur des contenus proposés. Ces entreprises ont joué le jeu de l'hybridation en faisant entrer dans la définition de leur offre les pratiques des consommateurs observées en temps Notes de lecture – Nora Solt – Sept 2015 1 réel. Autre exemple dans la recherche d'individualisation du rapport de marque: Nike ID, Nike + Innovation : Innovation d'amélioration et innovation de disruption Innovation d'amélioration: attention au perfectionnisme qui ne sert qu'à une niche de la population - Blue Ray, 4k. En augmentant les standards des biens et services proposés aux consommateurs, elle incite la concurrence à proposer des produits équivalents ce qui annule très rapidement la valeur ajoutée liée à l'innovation. L'innovation d'amélioration s'intègre parfaitement dans la stratégie d'une grande entreprise. Il n'en va pas de même de l'innovation de disruption, qui vient souvent de bouleversement extérieur. Elle se traduit souvent par une baisse de la qualité de l'offre proposee. Par exemple, la qualité streaming netflix à son lancement vs qualité HD Innovation et logiques financières d'une grande entreprise 1/Recherche de la satisfaction du client c'est à dire lui proposer ce dont il a besoin ce qui favorise l'innovation dans l'amélioration. 2/Recherche de la satisfaction des investisseurs: minimum de risques, dividendes élevés et donc profit immédiat et régulier Seules les start ups n'ont pas cette logique (pas encore de clients) et des investisseurs qui assument des risques et des pertes la plupart du temps. La start up est jugée sur sa capacité à croître et non à dégager des profits. Autre difficulté de se disrupter dans les grandes entreprises, elles ne peuvent pas s'appuyer sur des certitudes donc pas de prédictions ou d'analyses car on crée un nouveau marché. Pour réussir ce challenge, la théorie de Christensen recommande une solution radicale, celle de séparer les activités disruptives des autres activités. Il faut concilier cette double exigence pour les grandes structures: maximiser le profit d'aujourd'hui (amélioration) et préparer le futur (disruption). La difficulté d'une innovation n'est pas de trouver les idées mais dans la capacité collective à les accueillir et les considérer à leur juste valeur. Jeff Bezos - les changements majeurs ne résultent pas de l'intervention d'un homme exceptionnel mais de l'action collective de gens normaux. Le défi pour les dirigeants est de faire adhérer un groupe humain au paradigme mouvant de l'innovation dans un contexte qui paradoxalement n'y incite pas vraiment. En situation d'incertitude les humains ont tendance à rejeter le changement et l'innovation. Challenge du manager: lier les deux bouts de la chaine, l'individuel et le collectif, la certitude et l'interrogation, le principe même d'hybridation. Ce qui est important - l'innovation est au service de la mission de l'entreprise. Donner du sens. Par exemple la musique dont la mission n'est pas de fabriquer des disques mais de faire connaitre des artistes. L'important est de se concentrer sur son core business et Notes de lecture – Nora Solt – Sept 2015 2 de se réinventer. Cf apple L'innovation implique des déstabilisations. Le nouveau rôle des dirigeants n'est pas topdown mais savoir gérer l'influence, savoir donner la direction, inspirer, libérer les énergies pour susciter et dynamiser la créativité. Cette dynamique crée le changement. Rôle de "coach". Cette créativité ne sera pas remplacée par des algorithmes. Savoir piloter avec une seule certitude, celle du changement fréquent. Changement culturel où une entreprise qui réussit est celle qui est agile, apprend de ses échecs et sait remettre en cause son modèle et accepte l'incertitude. "First move advantage": véritable avantage concurrentiel de ces entreprises surperformantes qui permet au premier entrant de verrouiller des relations privilégiées avec ses consommateurs finaux avant l'arrivée de la concurrence. Autre exemple est celui d'Adobe (p102) qui a su transformer son business model. Changement de paradigme également dans l'éducation. Les compétences individuelles comptent moins que la capacité à avancer collectivement. Accent sur le savoir être et non le savoir faire. Principe de "Managed Dissatisfaction": Reed Hastings / principe des séries - gérer le désir nourri de frustation pour un meilleur succès commercial. Cliffhanger: rebondissement inattendu à la fin d'un épisode. La chronologie des médias est dépassée car elle est basée sur une idée fausse - plus une oeuvre est vue plus elle s'use, c'est un système basé sur l'existence d'un canal de diffusion exclusif et incontournable. Capable de créer lui-même des oeuvres musicales ou audiovisiuelles, de les produire, de les diffuser, et de les juger, le public a fait tomber tous les monopoles qui avaient longtemps régi les industries culturelles. Le public ne veut plus attendre la "managed dissactifaction", et fait vaciller l'ensemble d'un système complexe de financement qui a su générer des milliards de dollars chaque année mais dont l'équilibre est désormais menacé et doit être entièrement repensé. 1er réflexe: ceux qui détiennent le monopole s'abritent derrière des protections réglementaires leur permettant de faire durer leur avantage ancien. Eg la pub du cinéma à la tv Les règles qui encadrent les industries culturelles les poussent à déclarer la guerre à leurs clients, à criminaliser leurs désirs et leurs pratiques afin de mieux les délégitimer. Eg le mot pirate pour ceux qui téléchargent illégalement le contenu. L'enjeu d'une régulation de l'innovation est de permettre l'émergence d'entreprises capables de jouer un role dans le nouveau monde qui se dessine. Ce que cherche les consommateurs n'est pas forcément la gratuité mais la facilité d'utilisation. Les œuvres (pas de frontière dans l'art / pas de législation globale), les supports (la chronologie des médias n'a plus de sens) et les publics (ce que cherche les consommateurs n'est pas forcement la gratuité mais la facilité d’utilisation) sont Notes de lecture – Nora Solt – Sept 2015 3 hybrides. Ces pratiques ne sont que le reflet de la recherche de liberté demandée par le public, liberté que la révolution numérique a permis et que rien ne pourra permettre un retour en arrière. 2 façons d'agir: - faire l'aveugle, reculer pour mieux sauter, aller sur les terrains législatifs de défense... - prendre conscience des nouveaux entrants disruptifs pour proposer une nouvelle expérience aux clients (services plus pratiques et moins chers) renforcer le lien fort et affectif avec sa clientèle qui fait de lui un interlocuteur privilégié. Notes de lecture – Nora Solt – Sept 2015 4