LE DÉMON DE MIDI

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LE DÉMON DE MIDI
LOUIS JONVAL
LE DÉMON DE MIDI
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Le démon de midi
Louis Jonval
Le démon de midi
Les recherches de Lee Rainwater dans
le rapport Kinsey sur le comportement
aux États-Unis montrent que :
« Plus le statut social est bas,
plus les couples se désintéressent
du plaisir sexuel »
LES ÉDITIONS DU NET
70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
© Les Éditions du Net, 2012
ISBN : 978-2-312-00483-9
Prologue
La vie de l’être humain (homo erectus communis) se narre le plus
souvent aux dates de naissance et de mort habituellement inscrites sur
une pierre tombale. Entre ces deux dates l’homo erectus communis
coule une existence simple et heureuse mais somme toute médiocre.
Il passe son temps à travailler et à se nourrir. Une fois par semaine il
copule avec sa femme qu’il prend d’assaut quinze minutes pour jouir
de quelques secondes d’orgasme. Il élèvera tant bien que mal une
progéniture qui, calquée sur le même modèle, lui assurera à son tour
une descendance.
La narration de cette vie peut être écrite en deux ou trois pages.
Toutefois vers la cinquantaine, les premiers signes de déficience à
l’effort physique lors de la copulation lui indiquent qu’il passe une
étape qu’il n’aurait pas aimée franchir. Que demande l’homo erectus
communis à cinquante ans ? : Un bonus de bonne conduite, une prolongation de vie sans que le temps lui soit inexorablement décompté,
une érection de temps en temps et une jouissance de temps à autre.
L’ascension cède la place au déclin. Les premiers signes du délabrement physique se manifestent : perte du poil, excès de graisse, dégénérescence des tissus épidermiques. Le répertoire sexuel de sa femme
ne l’inspire plus. L’homo erectus communis connaît alors le « démon
de midi » : une tentation de nature affective et sexuelle s’empare de
lui vers le milieu de sa vie. Il part à la recherche de sa jeunesse perdue. Il préfèrerait déflorer de jeunes vierges qui, à entendre les chinois, lui redonnerait force et vigueur.
Roméo, dont l’auteur va vous raconter l’histoire, a perdu ses parents à l’âge de cinq ans. Chez l’homme (homo erectus) comme chez
la belette européenne (mustela communis) la privation du contact du
petit avec sa mère provoque des troubles du comportement sexuel. La
carence affective maternelle a fait de Roméo un précurseur qui adopte
un comportement différent de l’homo erectus communis. Ce comportement encore peu pratiqué, mis à part chez l’escargot de Bourgogne
(hélix pomatia), nécessite une description plus longue.
C’est la raison pour laquelle son histoire mérite plus de trois
pages.
Ce roman est censé être autobiographique mais l’autobiographie,
si tant soit peu ce mode de narration puisse exister, revient à deman-
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Le démon de midi
der à un poisson rouge ce qu’il ressent quand il tourne en rond dans
son bocal. Si vous voulez des détails sur l’eau du bocal, nul ne serait
mieux placé que lui pour vous en parler. Quand à parler de lui, son
jugement reste subjectif, personnel et très souvent partial. C’est à
vous lecteurs de faire la part des choses.
Un bien mauvais départ dans la vie
« À qui Dieu n’a pas donné de fils, le Diable lui donne un neveu »
Le téléphone sonne. Roméo décroche (il n’aurait jamais du décrocher !) c’est sa tante (elle va encore le faire flipper), elle lui rappelle
qu’ils dînent ensemble aujourd’hui. (Il avait oublié). Roméo n’a plus
de parents depuis longtemps, très longtemps. En a-t-il seulement
eus ? Un accident de voiture les lui avait enlevés. C’était alors un
gosse et les derniers souvenirs de ses parents dataient de ses cinq ans.
Dans la maison de son grand-père à Vallauris, petite ville du sud de la
France, il se revoyait pédalant à toute vitesse sur son tricycle dans
l’allée bordée de pins parasols et de cyprès, le chien César aboyant à
ses côtés. C’était le bonheur, du bonheur à l’état pur ! Le sexagénaire
libertin qu’il était devenu revoyait cette image. Les hommes avaient
créé le destin pour justifier ce qui ne pouvait être expliqué. Un jour le
destin frappa à sa porte et un homme lui dit qu’il n’avait plus de parents. Roméo perdit ce jour-là l’innocence et la fraîcheur de son enfance. Il ne le savait pas encore mais la meilleure partie de sa vie
s’achevait. Il n’avait que cinq ans, il venait de perdre ses illusions. Il
allait vivre une enfance d’un ennui puant.
Il fut élevé par son oncle et sa tante qui ne voulaient pas avoir
d’enfants. Ils étaient sa seule famille. À l’enterrement de ses parents
les voisins ne cessaient de répéter « heureusement que le petit a son
oncle ». Ceux qui disaient cela ne savaient pas que le petit allait être
un fardeau pour celui qui était sa seule famille. Comme une punition
divine qui l’aurait frappé, la DDASS (Direction Départementale de
l’Action Sanitaire et Sociale) avait demandé à son oncle s’il voulait le
garder. L’oncle n’avait pas osé dire : Non, je n’en veux pas, je n’ai
pas voulu avoir d’enfants, ce n’est pas pour m’emmerder avec ceux
des autres ! Il avait donc dit oui, sans doute à cause des qu’en dira-ton ? Il était difficile d’envoyer le petit à la fourrière comme un chien
perdu sans collier. C’est dans cette chaleureuse ambiance familiale
que Roméo avait grandi. Le contrat avec la DDASS ne mentionnait
pas que sa famille devait lui donner de l’affection, aussi son oncle et
sa femme, cette femme qui était sa tante par alliance, s’en gardèrentils naturellement. L’affection ne fut donc pour Roméo qu’un mot dans
le dictionnaire, comme la tendresse et l’amour. Les années passèrent.
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Roméo perdit sa jeunesse au contact d’êtres médiocres mais il continua à voir deux fois par mois sa famille, sans doute une reconnaissance du ventre qu’il pensait leur devoir jusqu’à la fin de leurs jours.
Roméo était toujours accueilli avec la froideur qui leur était coutumière. Il était habitué.
Cela lui semblait naturel puisqu’il ne connaissait rien d’autre.
Comme tous les enfants de son âge Roméo n’avait reçu aucune
éducation sexuelle. Personne dans sa famille ne parlait de sexe. Sa
tante était une groupie inconditionnelle du curé de l’église SaintJoseph. Elle était abonnée à toutes les manifestations paroissiales et
généreuse donatrice de tous les offices religieux. Il n’était donc pas
étonnant que cette grenouille de bénitier zappait à la télévision quand
apparaissait l’ombre d’un sein dans un film qui n’était pourtant pas
classé Interdit au moins de douze ans Son oncle, officier dans
l’armée, s’en foutait, il en avait vu d’autres !
Personne à l’école ne parlait de sexe.
– C’est l’affaire des grands, lui disait-on.
– À quel âge on est grand ? Répondait-il.
Son oncle tenta, alors qu’il avait dix ans, de lui parler de sexualité.
Avec un certain recul et maintenant qu’il était adulte Roméo se demandait si son oncle n’avait pas franchi la frontière entre l’éducation
sexuelle et la perversité.
Il lui avait raconté une histoire de petit serpent solitaire que les
garçons possédaient et que les petites filles n’avaient pas… et que
plus tard le petit serpent cherchera un endroit pour se mettre au
chaud… et que les filles avaient cet endroit où le serpent aimait se
mettre… le serpent ouvrirait alors la porte pour entrer et il cracherait
son venin pour montrer qu’il était content… Il pourrait arriver aussi
que le serpent qui entrait pour la première fois dans un endroit doive
forcer un peu la porte pour entrer et que du sang coulera un peu…
Une conversation de ce genre avec un serpent qui crache du venin
dans un abri qui saigne devrait suffire à un gamin de le dégoûter de
rencontrer des filles mais Roméo, même s’il ne comprenait pas très
bien, se disait qu’il verra bien le jour où cela arrivera. Ce fut la seule
tentative de son oncle à lui parler de sexualité. Il lui arrive de temps
en temps de s’en rappeler et d’en sourire. Son oncle n’était pas un
mauvais homme, tout au plus n’était-il pas fait pour avoir des enfants.
L’éducation sexuelle est encore de nos jours un sujet tabou. Les parents, dans la majorité des cas, préfèrent laisser cette initiation à la
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nature que d’en prendre la responsabilité. Lâcheté ? Non ! Tout simplement parce que le sexe est encore considéré comme quelque chose
d’indécent, de sale et pourtant sans lui nous ne serions pas là.
« Le bon oiseau se fait de lui-même »
La vie de Roméo commença à sa première érection et elle eut un
sens à sa première jouissance. Il venait de franchir la plus délicate des
transitions : l’adolescence, le commencement d’un homme dans la fin
d’un enfant. Il n’avait pas été préparé à être un homme et cette transition le perturba. L’apparition de poils et un sexe qui semblait
s’épaissir de jour en jour le plongeaient dans une réflexion qui oscillait entre la peur et la maladie. Il avait l’impression que chacun le
regardait, l’observait, le détaillait avec minutie. Il en eut la confirmation quand une amie de sa tante, croisée au hasard d’une rue, lui dit :
– Mais le petit est devenu un homme maintenant !
Sans trop comprendre, il mit quand même en doute son affirmation. Était-elle un homme, elle, pour attester ce qu’elle n’était pas ? Il
souhaitait immédiatement revenir à ses cinq ans, à l’innocence et à la
fraîcheur de son enfance, à cet âge étranger à la puberté où il n’avait
aucune idée de ce qu’était le sexe et où cela n’avait pas d’importance,
à cet état d’innocence heureuse qu’il ne pourrait plus jamais retrouver.
L’instinct naturel compensa cette lacune et le jour où la nature décida qu’il était grand, il dut trouver par lui-même la voie de sa vie.
C’est une erreur de croire que les hommes ne prennent des décisions
que quand ils deviennent ou sont adultes. Les enfants se lancent avec
la même détermination que les adultes dans des manières de vivre. Ils
ne se tiennent pas toujours à leurs décisions mais les adultes oublient
souvent les décisions qu’ils avaient prises dans la vie.
Étranger à toute perversion il imaginait en toute innocence des
pratiques sexuelles auxquelles se serait refusée la prostituée la plus
expérimentée. Dès l’âge de douze ans, alors qu’il attendait réponses
aux questions qu’il se posait, le curé le culpabilisa d’un péché qu’il
n’avait pas commis : le péché originel. Cela commençait bien ! Avant
même de savoir à quoi il songeait, tout ce qu’il pensait était mal.
Le mot dialogue était inconnu au catéchisme. Pas étonnant qu’avec
de telles mentalités le catholicisme n’intéressât plus les jeunes. Le
curé lui disait que quand il sera grand, il ne devra avoir de relations
sexuelles que dans le but d’avoir des enfants, sinon ce serait péché de
chair. Roméo savait compter à treize ans et de déduire que s’il voulait
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avoir trois enfants, il ne pourrait avoir de relations sexuelles que trois
fois dans sa vie. C’était impensable de croire cela. S’il devait
s’engager dans la voie de la vertu, il avait intérêt à en avoir envie le
jour où il le déciderait, de tirer les rideaux, de débrancher le téléphone
et de prendre son temps (dites moi monsieur le curé, combien de
temps ça peut durer sans être taxé de péché de chair ?)
Les curés conseillaient aux garçons de se méfier des filles qui, à
l’identique de Eve, ne pensaient qu’à croquer la pomme. Il ne leur
restait donc que la masturbation ! Eh bien non ! Car imaginez vous,
les curés avaient même prévu cela dans leur manuel de bonne conduite sexuelle pour enfants en pleine puberté. La masturbation était
un péché et « ça rendait sourd » disait le curé pour leur faire peur.
Comment voulez avec de tels arguments que Roméo ne culpabilisât
pas quand il se réveillait le matin avec le slip gluant ? Bien sûr, il y
avait une autre solution, celle de régler ce problème entre eux, c’est à
dire entre garçons et de laisser faire par les autres ce qu’ils ne devaient pas faire par eux-mêmes. Solution pratiquée bien sûr par la
plupart d’entre-eux ! Ce n’est que plus tard que Roméo apprit que le
curé avait omis de lui parler d’un alinéa en marge du paragraphe masturbation, sans doute écrit trop petit par un curé trop vieux, précisant
que la masturbation ne pouvait pas, non plus, être faite par quelqu’un
d’autre. Il fallait donc que Roméo choisisse entre vivre dans le péché
de chair ou être refoulé sexuel. Roméo choisit la première solution.
Vers treize ans les gosses connaissaient leurs premiers émois
d’amoureux. Les bonnes sœurs disaient aux filles qu’elles devaient
rester vierges et décrivaient les hommes comme des pervers qui ne
pensaient qu’à prendre ce qu’elles avaient de plus précieux : leur virginité. Les garçons, d’un naturel curieux, s’identifiaient à Peter Pan et
voulaient aller à la découverte de ce précieux trésor que les filles gardaient pour elles. Certes sur leur chemin se dressait toujours un curé,
qui à l’identique du Capitaine Crochet, les empêchait de prendre possession de ce trésor.
Roméo avait posé son dévolu sur une fille qui avait la langue bien
pendue et qui disait avoir eu une expérience avec un garçon mais…
qu’elle n’en ferait pas profiter le premier venu ! Roméo lui avait répondu qu’il n’était pas le premier venu et que lui aussi possédait un
trésor qu’elle n’avait pas et qu’il ne le montrerait pas à n’importe qui !
Ils avaient donc décidé d’échanger leurs secrets. Cela se passa un
jeudi après-midi lors des jeux de plein air alors que les curés et les
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bonnes sœurs parlaient. Roméo abandonna le terrain de football et
rejoignit celle qui avait la langue bien pendue dans les fourrés. Le
curé avait toujours du mal à compter le nombre de ses ouailles sur le
terrain, il y en avait qui jouaient, d’autres qui étaient assis sur le banc
de touche et puis les gamins sont si turbulents ! Comment voulezvous les compter quand ils courent tous ensemble après un ballon ?
Ce fut dans un fourré à l’abri d’un Pithos (pithos sporum) que
Roméo partageât de longues embrassades passionnées comme le font
les grands avec la langue que l’on fait remuer dans la bouche de
l’autre. Très vite Roméo en voulut davantage. Il chercha donc le trésor. Il avait vu au cinéma que l’acteur tenait sa bien aimée d’une main
et que l’autre main palpait son chemisier. Le trésor devait se trouver
là. Il en était convaincu. Il fit de même. Elle portait elle aussi un soutien gorge sous son chemisier. Il était sur le bon chemin se dit-il. Il
chercha le trésor mais sa désillusion fut grande. Le soutien-gorge ne
jouait qu’un rôle d’accessoire et ne cachait aucun trésor, tout au plus
le commencement d’un début de poitrine. Elle ne bougea pas. Roméo
la sentit contractée. Il allait lui montrer, à elle, ce qu’était un trésor.
Elle avait la langue plus pendue que la main habile se dit il !
Il lui prit la main et la posa à l’entrée de la cachette où le trésor de
Roméo se trouvait. Elle ne bougea toujours pas. Ah ! Décidément ces
filles ne savaient que parler ! Roméo l’aida et lui mit son trésor dans
la main. Elle découvrit alors qu’une chose grossissait entre ses doigts
agités par l’incompréhension. Elle la tînt quelques secondes, quelques
petites secondes car elle cracha son venin dans la paume de sa main.
Elle regarda Roméo d’un air de surprise et de reproche qui le fit rire
aux éclats. Ne sachant que faire, elle lâcha la chose et essuya sa main
aux feuilles du Pithos pour rejoindre ses camarades.
Dans les semaines qui suivirent Roméo en trouva une autre qui
avait la langue moins pendue mais qui semblait plus éveillée. Il cherchait toujours le trésor dont avait parlé les bonnes sœurs. Il devait
peut être se trouver au même endroit que le sien mais que pouvait
donc cacher une fille ? Il n’avait jamais rien vu qu’elle puisse cacher.
Le premier jeudi après-midi de chaque mois le curé les emmenait en
ballade après le catéchisme. Ils étaient une trentaine de gamins de
tous sexes ce jour-là à faire le chemin de Croix qui partait de la plage
de la Salis à Antibes pour monter jusqu’au phare de la Garoupe. À
chaque station, qui illustrait les scènes du chemin parcouru par Jésus
portant sa croix jusqu’au Calvaire, ils s’arrêtaient et devaient prier
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devant chacun de ces tableaux. Quatorze stations plus loin ils pouvaient jouer une bonne heure avant de rentrer. Roméo proposa à celle
qui lui semblait plus éveillée de gravir avec lui les marches du phare.
Le gardien les laissa entrer seuls, rien ne pouvait leur arriver, les
marches étaient balisées et au sommet ils étaient entourés de grilles et
puis… Ils avaient l’autorisation de Monsieur le Curé… Et ce que disait Monsieur le Curé était parole d’évangile, pensait le gardien. Ce
furent plutôt les voies de la perdition au sommet du phare. Roméo
était un beau parleur et se fit très vite plus aventureux, enfin si toutefois l’aventure se limitait à mettre sa main dans la culotte de l’éveillée
qui ne manifesta aucune réaction, pas plus qu’elle ne prit un air outré
quand Roméo lui mit dans sa main son serpent. Elle ne savait pas trop
ce qu’elle devait en faire quand elle l’eut en main mais il cracha rapidement son venin… et ce fut tout ! Bien sûr, les garçons attendaient
cela des filles, même si les filles ne comprenaient pas tout de suite
pourquoi.
Ce ne fut que plus tard, quand Roméo eut son premier vrai rapport
sexuel, qu’il avait trouvé que les bonnes sœurs faisaient beaucoup
d’histoires pour quelques gouttes de sang. Qu’en savaient-elles au
juste les bonnes sœurs, puisqu’elles étaient vierges et bonnes sœurs ?
Oui, bon d’accord ! Et même si la première fois l’acte d’amour est un
acte de violence et que percer l’hymen est un acte sanglant, il reste
tout de même moins violent que chez la belette (encore elle !) qui
ovule que s’il y a effusion de sang ou chez la taupe dont la peau qui
protège le vagin est si épaisse que Monsieur Taupe doit agripper Madame Taupe et la pénétrer avec son pénis qui a tout de la scie sauteuse ! Et faire ça dans le noir en plus ! Ce n’est quand même pas une
vie d’être une taupe ! « Pourvu que je ne sois pas réincarné en une
taupe » pensa Roméo.
Malgré les efforts de sa tante à le faire devenir curé, cela ne l’avait
jamais attiré. Les cols blancs et la couleur de la soutane faisaient ressembler les curés à des pies et il ne voulait pas ressembler à une pie.
La religion chrétienne est la religion des tristesses de la vie, des malheurs et des chagrins depuis que Dieu avait repris la vie de ses parents. Roméo, de ce jour, ne crut plus à toutes ces sornettes que le
curé racontait. Allez faire croire à un gamin de douze ans qu’il y a
deux mille ans un mec avait réussi à multiplier des pains alors qu’il
voyait à la télé des milliers d’enfants qui mouraient de faim. Et puis
ce mec qui ressuscitait les morts alors que ses parents avaient été
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« rappelés à Dieu » lui avait-on dit. Il ne comprenait pas pourquoi ce
mec ne les ressuscite pas ? Qu’avaient fait ses parents pour devoir
mourir et le laisser seul ? Et encore, et toujours ce mec qui guérissait
des malades, comme ça, sur son chemin ! Pourquoi ne le fait-il plus
maintenant ? Ce mec qui dit marcher sur l’eau alors que… et ainsi de
suite. Vous ne trouvez pas, vous, que ce mec il en fait un peu trop ?
Roméo ne savait pas à quoi servait un curé si ce n’était que de le culpabiliser d’être sur terre. Devenir missionnaire peut être, à cause des
voyages et de l’exotisme, mais curé non !
« L’homme propose et Dieu dispose »
Avant de faire son choix Roméo fut pris d’une frénésie de lire la
Bible, le Coran et la Torah dans le seul but de savoir quelle était la part
du sexe consacrée dans les ouvrages religieux. Quand la tante de Roméo vit que son neveu prenait la Bible comme livre de chevet elle se
réjouit (il avait caché le Coran et la Torah sous peine que sa tante fut
prise d’un malaise) Elle fut aux anges quand Roméo lui demanda de
lui acheter l’ancien et le nouveau testament. Elle voulut entamer un
dialogue biblique avec son neveu qui se refusa à toute communication
avec elle. Elle pensa alors qu’il songeait peut être à rejoindre l’Ordre
des Chartreux qui prônait le vœu du silence. Il n’en était rien car Roméo collectait toutes les informations relatives au sexe. Si sa tante
pouvait se douter de l’intérêt réel que Roméo portait à la religion…
La première des choses qui choqua Roméo était que les religions
monothéistes, telles qu’elles sont pratiquées actuellement par les
croyants, sont des religions faites d’interdits, de jalousies et
d’hypocrisies. Contrairement au polythéisme où le sexe ne prend pas
une part importante des sujets abordés, le sexe a été le premier sujet
abordé par Dieu dans la Bible. On devrait plutôt dire que : la Bible
a abordé le sexe en premier car jusqu’à preuve du contraire il n’y a
pas de preuve tangible de l’existence de Dieu, même si certains
s’étaient posés la question de savoir comment notre univers a été
créé et qui ne trouvent qu’à dire : Il y a bien eu quelqu’un ou
quelque chose qui a appuyé sur le commutateur pour déclencher le
Bing Bang.
L’idée même du monothéisme venait de naître que déjà chacune
des trois religions monothéistes voulaient ramener la couverture à
soi… Roméo fut soulagé quand il apprit que les prophètes ne vivaient

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