Alain Braconnier

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Alain Braconnier
Alain Braconnier :
Actualité sur les mécanismes de défense
Synthèse de la conférence du mercredi 14 novembre 2012
Alain Braconnier, psychiatre psychanalyste, ancien directeur du centre Philippe Paumelle (Paris 13ème),
revient sur un des concepts clés de la psychanalyse : les mécanismes de défense.
Aujourd’hui, si la psychanalyse n’a plus forcément le vent en poupe dans le domaine de la
psychopathologie, devenue pluri-modèle, le concept des mécanismes de défense a évolué avec cette
dernière ; selon certains, en subissant les changements de modèles ; pour d’autres, en les accompagnant.
Rappel sur les mécanismes de défense :
Concept introduit par Sigmund Freud, avec un vocabulaire plutôt militaire et opératoire. Alain Braconnier,
lui, préfère le terme de ressources qui peuvent être bonnes ou moins bonnes, repérées ou non. Elles
agissent comme « des anticorps de l’esprit luttant contre les angoisses ».
A l’origine, S. Freud en avait décrit une dizaine, qui furent repris et approfondis par Anna Freud, Mélanie
Klein, Bion et d’autres auteurs, leur nombre s’étoffant. Aujourd’hui 27 ressources sont identifiées et
considérées comme présentes dans toutes les psychés.
S. Freud les définissait comme « procédés psychiques dont se sert le Moi dans les conflits susceptibles
d'aboutir à une névrose » (1926). Sa fille, Anna, élargit le concept des mécanismes de défense du monde
interne au monde externe en les théorisant comme moyens d’adaptation au monde extérieur.
Ces ressources ont été divisées en 3 groupes selon qu’elles nous rendent plus ou moins capables de faire
face au monde et aux conflits qui nous entourent. Elles se retrouvent dans toutes les psychés, même les
ressources du groupe 3 (par exemple lors de la phase de déni dans le deuil).
Dans le groupe 1 sont regroupées les ressources jugées les meilleures : humour – sublimation –
anticipation – action en font partie. Le second groupe regroupe des mécanismes liés généralement aux
névroses établies du point de vue psychanalytique comme l’Identification, la mise à l’écart ou la formation
réactionnelle. Enfin le troisième groupe est constitué des mécanismes associés aux pathologies lourdes,
entre autres : régression, passage à l’acte, déni, clivage.
Actualité des mécanismes de défense : des sources de débat et de recherches
Les ressources psychiques suscitent de nombreuses questions, que ce soit au sein de la théorie
psychanalytique ou dans le champ de la psychopathologie. Ainsi faut-il repérer les mécanismes de défense
du sujet dans une démarche diagnostique et d’indications de traitement ? Faut-il les prendre en compte
dans les résistances aux traitements et dans la dynamique transférentielle et contre-transférentielle
(puisque le thérapeute a ses propres mécanismes de défense et que ceux-ci peuvent s’exprimer) ?
Les conférences du Mercredi à Psychoprat’
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L’émancipation progressive du champ de la psychanalyse :
Une des questions importantes autour des mécanismes de défense concerne leur étude. Si en France, les
études dans le champ de la psychanalyse sont nombreuses, beaucoup de recherches plus empiriques ont
été menées dans les pays anglo-saxons. Ce débat pose la question du statut scientifique de la
psychanalyse et de l’étude de processus psychiques par nature inconscients. Alors peut-on les
étudier empiriquement ? Ces études interrogent aussi la notion d’inconscient : l’inconscient cognitif ne
correspond- il pas plutôt au préconscient psychanalytique ? Alors comment l’étudier ? Comment pouvoir
discuter ensemble si les termes théoriques ne sont pas les mêmes ?
Ces études empiriques sur les mécanismes de défense ont commencé à être menées dans les années 1980
à l’initiative de deux psychanalystes anglo-saxons: Bond et Vaillant, désireux de placer le Moi et ses
défenses dans le champ du bio-psycho-social, au-delà de la psychanalyse. Ils furent ensuite introduits dés
le DSM III-R et aujourd’hui le DSM IV TR. La version révisée du DSM IV, où figure une échelle de
fonctionnement défensif, entraîna un changement de point de vue : les mécanismes de défense devinrent
aussi des styles de coping. Ce changement de nom marque aussi un changement de modèle, le passage aux
références cognitivo-comportementales, les mécanismes de défense pouvant être considérés alors comme
un pont entre ce modèle et celui de la psychanalyse.
Les ressources psychiques dans le champ de la psychopathologie contemporaine :
Au-delà du diagnostic, le repérage des mécanismes de défense peut aussi servir à nouer une meilleure
alliance avec le patient, à choisir une thérapie les prenant en compte ou simplement à adapter la
transmission de l’information vers le patient.
Les ressources psychiques sont aussi évaluées dans le champ de la médecine : comment les utiliser quand
des membres du corps médical sont confrontés à des problèmes importants ? Comment les repérer ? Une
étude a ainsi montré que les puéricultrices utilisaient des stratégies d’enjolivement pour éviter de se
plaindre ou d’exprimer leur ressenti vis-à-vis de leur travail. De même, une étude a montré que la mise en
place de stratégies actives : recherches d’informations, participation, recherche d’aide par autrui,
entraînait une diminution des complications post-opératoires.
Enfin dans le champ de la santé publique, l’apparition de questionnaires permettant d’évaluer les
mécanismes de défense entraîne l’apparition de recherches menées sur la possibilité de réaliser des autoévaluations de soi pour savoir sur quels modes une personne réagit.
En conclusion, ces ressources psychiques présentent toujours un intérêt clinique important, mais
deviennent aussi une source de recherche en psychopathologie, en psychologie médicale ou dans
l’évaluation des psychothérapies. L’extension progressive de ce concept au-delà du champ de la
psychanalyse a entraîné des remaniements de celui-ci, on peut d’ailleurs s’interroger sur le fait qu’il
s’agisse d’un appauvrissement ou d’un enrichissement, mais aussi permet d’interroger la psychanalyse et
son insertion dans le monde actuel.
Vincent Chupin et Margaux Mazuel
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