bulletin Asma 4.pub - ASMA Association Suicide et Mal être de l

Transcription

bulletin Asma 4.pub - ASMA Association Suicide et Mal être de l
A
M
S
A
’
D
N
I
LE BULLET
Association Suicide et Mal-être de l’Adolescent
Numéro 4
Le mot
du président
Juin 2004
Nous y voilà! L’été est là.
Et pour ASMA, on pourrait dire fièrement : mission accomplie!
Nous en sommes assez fiers… Tous.
Car il est vrai que cela ne va pas obligatoirement de soi. Pris par l’obsession des « dossiers » à suivre et à comptabiliser, on en oublie parfois, un tout petit peu, que ce sont autant d’adolescents en grande souffrance et de
milieux familiaux vivant dans l’inquiétude. Et dans certains cas, il faut le dire, bien plus encore. Nous en faisons
de plus en plus souvent l’expérience. Il n’est pas rare, en effet, de constater que la tentative de suicide n’est pas
que ce banal appel à l’aide. La cellule active d’ASMA se retrouve très souvent au cœur de situations conflictuelles, traumatiques, dont la résolution ne pourra passer que par la mise en perspective de toutes les ressources
du réseau.
Le réseau? Et si on en parlait.
L’autre jour, j’ai rencontré une famille qui avait d’énormes difficultés avec une jeune fille « fugueuse ». L’effondrement récent de ses résultats scolaires, les conduites à haut risque d’apparition tout aussi récente, le tout
associé à un conflit majeur avec les parents, cela formait un mélange explosif. Une fois passée, pour cette adolescente, la méfiance classique vis à vis du thérapeute, nous voilà engagés dans une démarche de soins qui
devrait durer quelques temps. Il faut à peu près quatre longues séances pour en arriver là. La famille, convoquée par l’équipe pédagogique du collège se voit alors conseiller deux ou trois autres dispositifs, pluridisciplinaires, destinés à leur apporter de l’aide. Chacun de ces dispositifs ayant en soi les capacités de répondre à leur
détresse. Et voilà notre sympathique famille en route pour le réseau. Premier rendez-vous, premiers conseils…
Deuxième rendez-vous, autres conseils… Troisième rendez-vous, nouvelles recommandations. C’est justement
cela qu’aimerait éviter ASMA : une espèce de conglomérat de réelles, ou parfois moins réelles compétences
ayant pour effet, finalement, d’alourdir un peu plus l’impression d’isolement des adolescents et de leur famille.
A la lumière de dispositifs que l’on nous propose ces derniers temps, parfois à grand renfort de publicité,
on peut raisonnablement s’interroger. Faudra-t-il pour les dispositifs de réseau une habilitation? Ou alors
définir une déontologie des réseaux?
Notre famille en souffrance, elle, a bien compris les risques de cette dispersion. Sa réaction est instructive. Elle est revenue voir votre serviteur, lui a donné les coordonnées de personnes ressources extérieures (l’assistante sociale du collège par exemple), et s’est installée dans un suivi régulier. Un petit peu
comme si c’était elle qui, en fin de compte, s’était construite son réseau associant des compétences complémentaires. A méditer!
Dr Gilbert Fabre
PAGE 2
LE BULLETIN
D’ASMA
ASMA, Association Suicide et Mal-être de l’adolescent, a maintenant deux ans d’existence.
Quant au réseau d’encadrement des jeunes adolescents en détresse psychologique, il est effectif depuis déjà
20 mois. Nous constatons d’ores et déjà les effets bénéfiques d’un tel dispositif quant à la qualité du suivi
post-hospitalier pour ces adolescents.
Bilan d’activité du réseau… au 31 mai 2004
Les adolescents inclus dans le réseau :
- Proximité Est : 10
- Hors département : 4
Nombre d’enfants « inclus » : 163
- Non renseigné : 7
131 filles et 32 garçons
100 adolescents ont réalisé une tentative de suicide
et 33 ont présenté un état de mal-être
psychologique.
56 adolescents sont sous mesures sociales (AEMO,
IOE, placements)
20 adolescents sont en MECS
Le suivi psychologique :
L’orientation initiale après hospitalisation :
- Psychiatres ou pédopsychiatres libéraux : 36
- CMP, CMPP : 40
La répartition géographique est la suivante :
- Centres de consultation Adolescents : 34
- Hospitalisation : 28
- Marseille Nord : 29
- Autres : 10
- Marseille Centre : 44
- Non « orientés » : 15
- Marseille Sud : : 20
- Marseille Est : 23
- Proximité Nord :19
- Proximité Ouest : 7
Nombre d’enfants bénéficiant d’un suivi
psychologique :
À
1 mois : 109/157 arrivés à ce terme (69%)
Les adolescents « sortis » du réseau
Ils sont actuellement au nombre de 56 les adolescents avec lesquels nous avons partagé une année entière d’encadrement afin de faciliter la prise en charge psychologique post-hospitalière.
Un an d’encadrement, c’est un an de contacts téléphoniques réguliers avec les parents le plus souvent et l’adolescent,
le médecin ou la structure de prise en charge habituellement, les médecins scolaires si l’adolescent le demande, les
services sociaux et notamment ceux de l’AEMO, le médecin de famille plus rarement, ces familles ne bénéficiant que
rarement d’un tel soutien.
...et les formations dispensées...
ASMA, ce semestre, a organisé des réunions de formation et d’information auprès des assistantes sociales scolaires du bassin Nord, des médecins psychiatres toulonnais, des femmes médecins généralistes des quartiers Nord
et de l’ensemble des médecins scolaires en partenariat avec l’Espace Santé Jeune IMAJE.
Elle a aussi proposé une soirée exceptionnelle autour du thème : « Adolescents en souffrance : Aspects médicojuridiques » qui a permis la rencontre de professionnels d’horizons différents oeuvrant cependant tous autour
des adolescents en mal-être et dont la synthèse vous est donnée ci-contre.
PAGE 3
NUMÉRO 4
Adolescent en souffrance : Aspects médico-juridiques
La soirée de formation organisée par l’ASMA le 27 mai 2004 à l’amphithéâtre de l’hôpi- tal St-Joseph
a été un franc succès avec plus de 80 personnes présentes dont des médecins libéraux généra- listes,
psychiatres ou pédopsychiatres, pédiatres, des médecins scolaires, des psychologues, infirmiers, éducateurs, assistantes sociales.
Modérée par Mme le Pr Chabrol, chef du service de pédiatrie sociale à l’hôpital de la Timone Enfants, la
soirée, dont l’ordre a été légèrement modifié, a débuté par l’intervention du Dr Thierry Uso, pédo-psychiatre à la
« sauvegarde », expert psychiatre auprès de la cour d’appel d’Aix en Provence. Sa connaissance des procédures
d’expertise tant dans le domaine du pénal que du civil a retenu toute l’attention de l’auditoire. Il a notamment énuméré l’ensemble des questions non connues des profanes, auxquelles doit répondre un médecin désigné par le juge
dans le cadre d’une expertise (juge des enfants ou juge des affaires familiales dans une procédure civile, juge
d’instruction ou juge d’application des peines dans une procédure pénale). Il a souligné, à ce sujet, les difficultés
inhérentes au laps de temps séparant souvent l’acte « délictueux » et l ‘expertise, en précisant toutefois que son
rôle essentiel est celui d’apprécier le degré l’altération du psychisme suite au préjudice subi et de donner ses
conclusions sur les capacités de curabilité et d’adaptabilité de l’adolescent victime ou incriminé. Dans une actualité judiciaire « sensible », la question de la responsabilité de l’expert a été évoquée.
C’est Mr Fortin, ancien juge pour enfants, magistrat expert auprès de la cour d’appel d’Aix en Provence
qui y a répondu au début de la seconde intervention en précisant que magistrats et experts sont dits
« irresponsables » et de ce fait « inattaquables ». Il a tenu à revenir sur le rôle essentiel que joue le juge des
enfants dans l’assistance éducative du jeune mineur en danger ou en souffrance, et à expliquer pourquoi et comment il intervient dans une famille. Sa totale indépendance par rapport à sa hiérarchie, son action qui se place
dans un cadre légal très strict et dans celui du débat contradictoire garant d’une neutralité bienveillante, en fait
le gardien des libertés individuelles. Tous les acteurs de la protection de l’enfance ont été présentés et leurs
fonctions précisées ainsi que les moyens d’intervention nombreux dont ils disposent : mesures d’investigations
pluridisciplinaires, enquêtes sociales avec expertises, mesures éducatives en milieu ouvert (AEMO) sans ou avec
placement qui reste toujours le dernier recours utilisé, le législateur favorisant généralement le maintien dans la
structure familiale en ce que « c’est là que se trouvent tous les repères de l’enfant ».
Le Dr Boyer, médecin de santé publique nous a ensuite révélé les détails de la loi du 4 mars 2002. Son
intervention extrêmement claire et précise a permis à l’auditoire de répondre aux nombreuses questions qu’il se
posait notamment à propos de l’accessibilité du patient à son dossier médical. Il est de fait clair que tout patient
peut demander à consulter son dossier médical, et cette demande ne peut lui être refusée. On s’efforcera alors
de lui proposer un rendez-vous avec un médecin afin d’en faciliter la compréhension, mais il est en droit de refuser. Les mineurs ne peuvent s’opposer à ce que les titulaires de l’autorité parentale puissent consulter leur dossier
mais ils peuvent exiger qu’un médecin serve d’intermédiaire. Pour les patients hospitalisés sur demande d’un tiers
ou dans le cadre d’une HO, et en cas de risques d’une gravité particulière, l’accès aux informations peut-être subordonné à la présence d’un médecin désigné par le demandeur. Si celui-ci refuse, la commission départementale
des hospitalisations psychiatriques est saisie et son avis s’impose.
Enfin, le Dr Fabre, pédopsychiatre et président de notre association a conclu la soirée. Il a tenu à redéfinir la notion de réseau comme réunion de personnes travaillant pour un même objectif et ayant une culture commune. Il a aussi introduit une notion éthique dans cette pratique de réseau, soulignant les difficultés que peuvent
poser, par exemple, le partage d’un dossier médical commun. Cette question suscite d’ailleurs encore des débats
au sein de l’association mais devrait trouver une réponse dans les habitudes de travail et les liens que nous entretenons régulièrement.
Cellule de coordination ASMA
Rôle du médecin scolaire auprès des adolescents en souffrance
Je suis médecin scolaire dans plusieurs établissements marseillais et quand l’ASMA m’a sollicitée pour parler de mon
travail, il m’a paru intéressant d’en préciser toute l’étendue et de souligner les implications qu’il peut avoir dans le cadre d’un
suivi tel que le propose ASMA depuis plus d’un an.
Pour commencer, et parce que notre action en tant que médecin scolaire se place de fait dans une structure
susceptible de recevoir une population jeune, souvent très hétérogène, je préciserais que nous travaillons en équipe, un
mini-réseau en somme, qui s’avère indispensable pour bien comprendre une situation difficile et prendre les bonnes décisions.
Bien évidemment, nous ne pouvons pas voir tous les enfants d’un même établissement. Certains n’auront jamais besoin de nous, certains viendront nous voir pour une difficulté passagère, d’autres enfin pour des problèmes récurrents seront
vus régulièrement. C’est le cas des enfants souffrant de pathologies chroniques (asthme, diabète, épilepsie…) nécessitant la
mise en place de projets d’accueil individualisé, dans lesquels les enseignants sont investis, ainsi que des enfants présentant des
handicaps lourds qui supposent l’intervention d’un SSESAD (Service de Soins et d’Éducation Spécialisée à Domicile ) à l’intérieur ou à l’extérieur d’un établissement. Le rôle du médecin scolaire est alors de veiller à favoriser au mieux leur adaptation.
Le médecin scolaire peut aussi être sollicité pour toutes autres situations nécessitant un examen médical, et ce
à la demande d’un membre de l’établissement, de l’élève ou de ses parents. Ces interventions sont généralement consécutives à l’observation d’un trouble du comportement (agitation, violence, inhibition, tristesse...), de troubles somatiques
ponctuels ou devenus chroniques ou à des passages fréquents à l’infirmerie ou chez l’assistante sociale scolaire qui peuvent être des signes de mal-être.
Nos moyens d’action auprès des enfants en souffrance psychologique sont nombreux.
Décidés en équipe éducative, en présence souvent des parents et de l’enfant, ils peuvent aller jusqu’au signalement de
l’enfant en danger au procureur. Ce sont ces cas difficiles qui m’ont amenée à travailler avec l’ASMA. Notre connaissance de l’enfant, le fait de le voir évoluer quotidiennement, d’avoir été sensibilisés aux problèmes qu’il présente nous
permet d’être, je pense, un relais efficace dans son suivi.
Nous pouvons à notre tour informer le réseau de l’évolution de l’enfant, de l’éventuelle « dégradation » de son état psychologique nécessitant son hospitalisation ou sa réhospitalisation (s’il est déjà pris en charge par l’ASMA) ou une modification de sa prise en charge psychologique (qu’ASMA pourra nous aider à organiser ou à réorganiser)
Ce lien nous permet aussi d’avoir un regard plus averti sur des enfants qui nous auraient été signalés par le réseau
comme présentant des difficultés et de pouvoir plus rapidement dépister des signes de mal-être et proposer une prise
en charge.
Dans tous les cas, il me paraît qu’une collaboration entre un réseau de suivi tel l’ASMA et les médecins scolaires ne peut
qu’améliorer l’efficacité de la prise en charge d’enfants en grande difficulté.
Dr Blandine Jaeger
Médecin scolaire
ASMA a participé en partenariat avec l’espace Santé Jeunes IMAJE auquel elle est très étroitement liée à la formation des médecins scolaires au « repérage » des adolescents en mal-être psychologique.
Les liens que nous avons tissés avec les médecins scolaires mais aussi avec les infirmières et les assistantes sociales
scolaires se resserrent chaque jour, permettent un travail organisé et sont à l’origine d’un appui considérable pour les
adolescents du réseau qui acceptent ce type de collaboration.