transformation digitale

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transformation digitale
DossIer
DIG I TA L
Réussir votre
iStock © Jag_cz
transformation
digitale
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D’après Leading Digital: Turning Technology Into
Business Transformation de George Westerman,
Didier Bonnet et andrew mcafee (Harvard Business
Review Press, octobre 2014).
TÉMOIGNAGE : La transformation digitale
de Pernod Ricard
Interview de maël tannou, head of digital, sales and
marketing solutions, Groupe Pernod Ricard, janvier
2015.
DESANGES P-R
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POINT DE VUE : Leading Digital:
Turning Technology Into Business
Transformation
D’après Leading Digital: Turning Technology into
Business Transformation de George Westerman,
Didier Bonnet et andrew mcafee (Harvard Business
Review Press, octobre 2014).
http://news.starbucks.com/multimedia
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À VOUS DE JOUER : Impact du digital chez
Starbucks, Codelco, Asian Paints et Volvo
en bref
La transition vers une digitalisation
des activités reste un grand cassetête. Selon les auteurs de Leading
digital, la petite minorité d’entreprises
qu’ils nomment « digital masters » ont
concentré leurs efforts sur le client,
l’efficacité opérationnelle ou la révision
de leur modèle d’affaires. Ils conseillent
vivement de s’en inspirer.
comment se déploie le digital de
Pernod ricard ? La façon donc toute
cette organisation dispersée fut
accompagnée dans sa transformation,
une fois les priorités digitales établies
et communiquées, ne fut pas le fruit
du hasard, selon Maël Tannou, head
of digital du groupe. Première chose :
embarquer tout le monde sur le sujet.
starbuck (États-unis), codleco (chili),
asian Paints (Inde) ou Volvo (suède) :
leur point commun est d’être des
« digital masters » selon les auteurs
de Leading digital. Elles ont réussi un
pari : choisir une priorité stratégique
ou opérationnelle, y consacrer
efforts et ressources pour réussir une
transformation digitale exemplaire.
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DossIer
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Leading
digital
Turning technology into
business transformation
D ’ après Lead ing Digi t a l : Tur ni ng t e c hno l o g y i nt o bu si n e ss t r a n sf o r m a t i o n d e G e o r g e W e s t e r m a n , D i d i e r B o n n et
et a ndrew mcafee ( Ha r v a r d Bus i ne s s Re v i e w Pr e ss, o c t o b r e 2 0 1 4 ) .
George Westerman, Didier bonnet et Andrew McAfee ont étudié la
transformation digitale de près de 400 entreprises peu familières des
nouvelles technologies entre 2011 et 2014. Seule une petite minorité
a réussi sa transition. Point commun : elles affichent une rentabilité
supérieure de 26 % à leurs concurrentes, un écart qui devrait s’accroître
avec le temps.
LE QUOI : LE ChOIX DE SES
PRIORITÉS STRATÉGIQUES
Réussir sa transition digitale requiert avant
tout d’opérer un choix parmi ses priorités
stratégiques, et ce dans trois domaines
clés : le service client, les processus opérationnels et l’innovation stratégique.
n Imaginer un service client plus
performant
Les technologies digitales redéfinissent les relations clients,
changent les méthodes de travail et bousculent les modèles
d’affaires. Comment réussir sa transition vers le numérique ?
L’étude réalisée par George Westerman, Didier Bonnet et Andrew
McAfee, qui porte sur 391 entreprises non expertes du digital
et situées dans 30 pays différents montre que les leaders du
digital, comme Nike, Burberry, General Electric ou Banco Santander excellent toutes dans deux domaines clés : le « quoi »
(la capacité à gérer ses priorités stratégiques) et le « comment »
(la capacité à piloter la transformation).
Selon une étude de Harris Interactive réalisée entre 2006 et 2011
aux États-Unis*, le décalage croissant entre les attentes des clients
et les réponses apportées par les entreprises à leurs demandes a
entrainé une hausse de 21 % de l’infidélité des consommateurs. Or,
moins de la moitié des entreprises étudiées par George Westerman,
Didier Bonnet et Andrew McAfee ont mis en place des stratégies
pour contrer ce problème. Au contraire, les leaders du digital :
1. mettent les données clients au cœur de l’expérience globale
du consommateur en utilisant les big data pour développer une
meilleure compréhension de leurs comportements ;
À RETENIR
• Les entreprises leaders du digital excellent dans deux dimensions : la maîtrise des nouvelles technologies et la capacité à piloter
leur transformation digitale.
• maîtriser les technologies signifie d’investir dans trois domaines : l’amélioration du service client, des processus opérationnels
et du modèle d’affaires.
• Piloter la transformation digitale consiste à créer une vision partagée du changement afin d’engager l’ensemble des collaborateurs.
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2. favorisent l’engagement des consommateurs, en multipliant
les supports de communication multicanaux, tels que les applications mobiles et les réseaux sociaux ;
3. font tomber les barrières entre expérience client physique et
digitale en développant les passerelles entre les deux univers
(outils cross-canaux).
n Résoudre les paradoxes opérationnels
Les nouvelles technologies permettent aux leaders du digital de
se libérer des paradoxes managériaux qui nuisent à l’efficacité
opérationnelle :
• Standardisation et réflexion : les technologies digitales rendent
possible l’automatisation des tâches routinières, laissant ainsi
aux employés l’opportunité de se focaliser sur des tâches intellectuelles ;
• Contrôle des procédures et innovation : les données en temps
réel fournies par les nouvelles technologies permettent d’une
part un contrôle resserré des processus et, d’autre part, créent
un environnement favorable à l’expérimentation et l’innovation ;
• Orchestration du travail collectif et autonomie individuelle :
les technologies numériques facilitent le travail à distance, tout
en facilitant la synchronisation des tâches plus précisément.
n Réinventer son modèle d’affaires
15 % des entreprises étudiées utilisent les technologies digitales
pour stimuler l’innovation stratégique. Points communs entre les
entreprises leaders du digital :
• elles surveillent les symptômes annonciateurs de changement
de modèle au sein de leur industrie (nouveaux entrants, remplacement de la technologie traditionnelle, etc.) ;
• elles étudient comment transformer leur modèle d’affaires avant
les autres et évaluent le besoin de remplacer leurs produits et
services par de nouvelles versions ;
• elles expérimentent leurs idées de nouveaux modèles d’affaires,
par exemple en créant des filiales 100 % numériques.
LE COMMENT : LA CAPACITÉ À PILOTER
LA TRANSFORMATION
Le passage au digital repose en second lieu sur la capacité des
dirigeants à mettre en place une gouvernance adaptée pour
conduire le changement de manière efficace.
n Partager une vision commune de la transformation
digitale
Seule une vision claire et partagée du passage au numérique
peut convaincre le collectif du besoin de changement. C’est
cette vision que le PDG de Groupe Pages Jaunes (maintenant
Solocal) Jean-Pierre Remy a réussi à partager avec tous ses
collaborateurs en 2009 quand il a pris la tête du groupe. À
l’époque, face à la concurrence de Google, Craiglist et Yelp,
Pages Jaunes voit son chiffre d’affaires chuter de 10 % par an.
Les auteurs
George Westerman est chercheur au MIT et coauteur des livres The
Real Business of IT (2009) et IT Risk (2007). Didier Bonnet est
vice-président directeur de Capgemini Consulting. Andrew McAfee est
codirecteur de l’Initiative sur L’Economie Numérique du MIT et coauteur
de The Second Machine Age (2014), Race Against the Machine (2011)
et également l’auteur d’Enterprise 2.0 (2009).
« Pages Jaunes n’est pas dans la production et le commerce de
gros livres jaunes. Son activité consiste à connecter des clients
avec des petites entreprises locales. Les annuaires sont obsolètes ;
le digital permet de mieux faire le travail. » Pages Jaunes a alors
réorienté ses activités pour passer de moins de 30 % de chiffre
d’affaires dans le digital à plus de 75 % cinq ans plus tard.
n Atteindre une masse critique
« La familiarisation avec les technologies numériques varie beaucoup parmi les employés. Même les plus expérimentés n’adoptent
pas toujours les nouveaux outils, parce que les nouvelles façons
de travailler menacent la routine. » Comment atteindre le point
de bascule qui assure la transition ?
• Montrez l’exemple en parrainant, encourageant et participant
activement aux initiatives.
• Élevez le « QI digital » de l’entreprise grâce à des programmes
de sensibilisation et des formations (présentielles, webinaires,
MOOCs…).
• Recrutez des champions du digital qui adopteront aisément
les nouvelles méthodes de travail.
• Réduisez le « fossé digital » entre les jeunes générations et
les plus âgées en encourageant chaque groupe à perdre ses
mauvaises habitudes.
LES trois FACTEURS CLéS DE SUCCèS
DE LA TRANSFORMATION
Pour initier la transformation, les auteurs recommandent aux
dirigeants de suivre trois étapes décisives : définir une vision,
concentrer ses efforts et les soutenir dans la durée.
n Définissez et partagez vos priorités
40 % des dirigeants déclarent que le « manque d’urgence » est
l’obstacle majeur au passage au digital. Afin de combattre l’inertie :
• sensibilisez : entamez le dialogue sur les menaces poten-
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tielles que représente le digital pour votre industrie. Insistez
ensuite sur les opportunités à saisir et sur l’urgence du besoin
de transformation ;
• définissez un point de départ : évaluez vos compétences
actuelles dans les trois domaines clés du digital et identifiez
les atouts qui vous permettront d’exceller dans chacun d’eux ;
• créez une vision commune : comme Jean-Pierre Remy de Pages
Jaunes, formulez clairement votre vision de la transition digitale
et rassemblez les hauts dirigeants autour de celle-ci.
n Investissez dans vos priorités
Pour éviter tout risque d’épuisement des ressources, les dirigeants
doivent concentrer leurs investissements dans les domaines à
forte valeur ajoutée.
• Transformez la vision en action : convertissez votre idéal de
transition digitale en objectifs stratégiques et établissez une
feuille de route basée sur vos priorités.
• Construisez un modèle de gouvernance : élaborez les mécanismes
de pilotage de la transformation (définir les responsabilités, les
objectifs individuels, etc.).
• Financez la transformation : concevez un portefeuille équilibré
d’investissements dans le digital et déterminez, pour chaque
priorité, les mécanismes de financement les plus adéquats.
n Soutenez la transition
Pour assurer la durabilité du processus de transformation :
• renforcez les fondations : assurez-vous d’avoir un vrai plan de
développement pour les compétences digitales.
• récompensez : alignez votre politique de rémunération et de
reconnaissance avec vos objectifs de transition digitale ;
• mesurez, surveillez et pratiquez : développez un processus de
pilotage qui vous permet de mesurer le progrès de votre passage
au digital.
La rentabilité supérieure de 26 % en moyenne des leaders
du digital devrait pousser les équipes dirigeantes à la transformation vers le numérique, notent les auteurs. Mais il y en a une
autre raison encore plus importante : « Concernant l’impact des
technologies digitales sur le monde des affaires, nous n’avons
encore rien vu. » n
* « Customer Experience Impact Report » (RightNow/Harris Interactive,
2011).
L’expertise digitale en fonction du secteur d’activité
capacité à gérer ses priorités stratégiques digitales
Les auteurs classent les entreprises en quatre catégories en fonction de leur maturité digitale : débutantes, fashionistas,
conservatrices ou leaders du digital. Ils observent que leur niveau d’expertise digitale varie en fonction de leur secteur d’activité.
FASHIONISTAS
LEADERS DU DIGITAL
télécoms
tourisme
hautes technologies
commerce
de détail
industrie pharmaceutique
grande consommation
•
banque
assurance
services publics
DÉBUTANTES
industrie manufacturière
CONSERVATRICES
capacité à piloter la transformation digitale
FASHIONISTAS pas de vision globale du digital / les initiatives sont cloisonnées
(réseaux sociaux, applications mobiles) / peu de coordination des efforts / une culture
digitale existe, mais cloisonnée
DÉBUTANTES la direction est sceptique quant à la vraie valeur ajoutée
des nouvelles technologies / quelques expérimentations ont lieu ponctuellement /
la culture digitale est immature
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LEADERS DU DIGITAL vision digitale forte et globale / excellente gouvernance qui
transcende les silos / beaucoup d’initiatives génèrent de la valeur ajoutée (qui est
mesurable) / la culture digitale est forte
CONSERVATRICES la vision digitale existe, mais elle reste faible / quelques
initiatives arrivent à maturité / bonne gouvernance qui transcende les silos / il reste
de nombreuses étapes avant que la culture digitale s’impose
TÉMOIGNAGE
La transformation digitale
de
Pernod Ricard
Interview d e Maël Ta nnou, he a d o f di g i t a l , s a l e s a n d m a r k e t i n g so l u t i o n s, G r o u p e P e r n o d R i c a r d , j a n vi e r 2 0 15.
b iograp h ie
DESANGES P-R
Maël Tannou, responsable du digital chez
Pernod Ricard, explique comment le géant
français des vins et spiritueux négocie son
passage au numérique. Ambitions : accélérer
la croissance du groupe et changer les règles
du jeu au sein même de son industrie.
Notre mission (« créateurs de convivialité »)
a par nature une composante sociale forte.
Dans ce contexte, les nouvelles technologies comme les réseaux sociaux ou le
mobile changent la donne. D’autant que
notre industrie connait des changements
majeurs à mesure que les consommateurs
et les distributeurs embrassent le digital :
nos partenaires traditionnels (revendeurs,
bars et restaurants) adoptent des outils
digitaux, de nouveaux acteurs arrivent sur
le marché tels Amazon ou les sites de vente
flash, et de nouveaux modèles d’affaires
émergent, comme les approches direct-toconsumer. » Maël Tannou note l’importance
croissante de proximité entre IT et relations
d’affaires. « J’ai pu observer au cours de
l’an passé l’importance des relations entre
business et IT. Alors que chaque partie peut
remplir son rôle isolément, le passage à
l’entreprise digitale demande une collaboration plus étroite. Pour être capable de
saisir les meilleures opportunités ensemble
et rapidement, l’écoute et la compréhension
mutuelles sont capitales. »
Un réseau social pour partager
la vision
Entreprise décentralisée, avec 18 000
employés répartis dans plus de 80 pays,
Pernod Ricard est fragmentée par nature
et adapte ses stratégies en fonction du
contexte local. Pour réussir sa transition
digitale de manière globale, Pernod Ricard
doit avant tout resserrer les liens entre tous
les collaborateurs. « Avant de changer la
façon dont nous nous engageons avec
nos clients et autres parties prenantes,
notre propre transformation digitale doit
commencer avec chacun des collaborateurs, affirme Maël Tannou. Nous devions
améliorer notre QI digital global et démolir
nos silos internes pour partager rapidement
informations et bonnes pratiques. Notre
tout premier pas vers cette ambition digitale fut de lancer un réseau social pour
Le Groupe Pernod Ricard a été le dernier client
de Maël Tannou lorsqu’il était encore consultant en stratégie chez Capgemini Consulting.
Il a aidé l’entreprise à écrire la feuille de route
de sa transition digitale, avant d’être recruté
en tant que head of digital, sales and marketing solutions en janvier 2014. Entre 2011
et 2012, il a été chercheur invité à la MIT
Sloan School of Management, où il a dirigé la
seconde phase d’un programme de recherche
sur la transition digitale au sein d’entreprises
traditionnelles.
toute l’entreprise, nommé PR Chatter. »
Le directeur général délégué, Alexandre
Ricard, a joué un rôle clé en devenant le
premier sponsor du projet. Sa vision était
que la plateforme sociale pouvait faire de
la décentralisation de Pernod Ricard un
atout. « Il a bien insisté sur le fait qu’être
actif sur la plateforme nous permettrait de
partager et répliquer n’importe où un succès local rapidement. » Si cet outil trouve
aujourd’hui de nombreuses applications,
la difficulté au départ était son adoption
par chaque collaborateur. Il s’agissait de
changer la manière de travailler. » Pour
faciliter l’adoption du réseau, les hauts
dirigeants sponsorisent, soutiennent et
participent au réseau social. De surcroît, le
comité exécutif a fourni des indicateurs de
performance (comme le pourcentage d’utilisateurs actifs) aux dirigeants du Groupe
afin qu’ils puissent motiver leurs équipes.
« Lors de cette phase, nous avons mesuré
l’activité, le niveau d’engagement et
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DIG I TA L
la quantité de contenus générés. » Au
bout d’un an, 60 000 messages avaient
été publiés par les salariés.
fIcHe entrePrIse
GrouPe PernoD rIcarD
Atteindre une masse critique…
et utile !
« Maintenant que le volume d’informations
échangées est conséquent sur PR Chatters,
nous devons en assurer la pertinence pour
qu’elle soit utile à notre ambition. Nous
devons gérer la transition digitale sans nous
noyer dans l’infobésité », explique Maël
Tannou. Le comité exécutif a alors ajouté
des indicateurs de performance basés sur
la qualité des contenus afin de mesurer la
valeur des messages postés par les collaborateurs. « S’ils postent seulement des liens,
la valeur de leur intervention est faible. Mais
s’ils ajoutent un petit paragraphe expliquant
la raison de leur partage, les liens prennent
du sens. Les “hashtags” (qui permettent de
marquer un contenu avec un mot-clé) sont
aussi des indicateurs de valeur intéressants
car ils donnent au message plus de visibilité
Date de création : 1975.
siège social : Paris, France.
secteur d’activité : Boissons.
effectif (2014) : 18 000 employés.
chiffre d’affaire (2014) : 8 milliards €
ler, nous les aidons (webinaires, guides)
à s’approprier l’outil. » Un réseau social
n’est pas une fin en soi ; pour Maël Tannou, l’organisation doit faire des efforts
permanents pour augmenter le QI digital
des collaborateurs. En novembre 2014,
Pernod Ricard a ainsi lancé un MOOC pour
enseigner les éléments basiques et plus
avancés du digital à tous les collaborateurs
à travers le monde : que signifie big data ?
Réseau social ? Quelques mois à peine
après son lancement, ce MOOC compte
environ 1 000 participants actifs.
« Les responsables du digital doivent développer
leur sens des affaires et les dirigeants leurs
compétences technologiques. »
et plus de chance d’être remarqué. Pour
encourager ces pratiques, nous désignons
des community managers, responsables
de faciliter les échanges. Nous prenons
également soin de former les employés à
l’utilisation du réseau. Lorsqu’ils rejoignent
PR Chatter, nous ne nous contentons pas
de leur donner leur nom d’utilisateur, leur
mot de passe et de les laisser se débrouil-
Collaborer pour soutenir
la transition
« En janvier 2014, lorsque j’ai rejoins
Pernod Ricard pour aider à mettre en
place les moyens de notre ambition digitale, nous avons pris conscience d’un
problème récurrent qui se posaient à nos
partenaires historiques (tels que Tesco,
Carrefour et Walmart) qui vendent nos
produits en ligne : ils doivent avoir les
photos et descriptions les plus récentes
de nos bouteilles. C’est un défi majeur
autant pour eux que pour nous. » C’est un
exemple parfait de nos priorités digitales.
« En termes de gestion de la marque, avoir
un visuel obsolète est désastreux, c’est
pourquoi nous collaborons étroitement
avec nos partenaires pour que ce problème
ne se pose pas. » Pernod Ricard a lancé
un projet cross-fonctionnel (incluant des
équipes IT, commerciales et légales) de
plateforme centralisée permettant à tous
de se connecter et d’avoir accès aux images
les plus récentes des produits. « Mettre à
jour et organiser photos et informations
sur cette unique plateforme représente
un travail considérable. Certaines filiales,
comme The Absolut Company, le font
déjà, alors que d’autres ne considèrent
pas ce travail comme une priorité. Ce
qui demande un effort de sensibilisation
permanent. » Maël Tannou explique que
le passage au digital présente toujours à
la fois des opportunités et des contraintes,
et note que les solutions ont systématiquement tendance à demander davantage
de collaboration, en interne et en externe,
qu’auparavant.
« La transformation digitale requiert
un esprit tourné vers l’expérimentation.
Lorsque nous avons abordé notre transformation, notre directeur général nous
a partagé un message très inspirant :
“Démarrez souvent et simple, échouez
vite et dupliquez ce qui fonctionne.” C’est
le vrai défi de notre transformation : si le
digital apporte un mode agile, encore fautil pouvoir le faire à grande échelle. C’est
pourquoi il est impératif de choisir ses
priorités et de s’y concentrer pour réussir
toute transformation. n
Pernod Ricard récompense une application mobile
Tous les ans en avril, les seniors managers de Pernod Picard (plus de 1 000 personnes) se retrouvent sur l’île des Embiez,
propriété privée de la famille Ricard dans le sud de la France, pour récompenser 10 des meilleures pratiques partagées
sur le réseau social interne au cours de l’année. L’objectif est d’encourager l’utilisation de la plateforme et de diffuser des
initiatives locales au niveau groupe. En 2014, une application mobile a été primée. Elle permet à n’importe quel employé de
laisser des commentaires au sujet de son expérience, en tant que consommateur, avec des revendeurs Pernod Ricard et de se
géolocaliser. « Dans une certaine mesure, cette application permet à tous les employés de participer aux efforts commerciaux.
Par exemple, un employé qui dîne dans un restaurant peut contacter le responsable régional des ventes et lui dire “vas faire
un tour dans ce restaurant. Le restaurateur m’a dit qu’il serait ravi de référencer nos champagnes”. »
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février
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TÉMOIGNAGE
Impact du digital
chez Starbucks, Codelco,
Asian Paints et Volvo
D ’ après Lead ing Digi t a l : Tur ni ng Te c hno l o g y i nt o B u si n e ss Tr a n sf o r m a t i o n d e G e o r g e W e s t e r m a n , D i d i e r B o n n et
et Andrew McAfee ( Ha r v a r d Bus i ne s s Re v i e w Pr e ss, o c t o b r e 2 0 1 4 ) .
Starbucks, Asian Paints, la compagnie minière Codelco et Volvo évoluent dans des secteurs d’activité
extrêmement différents, mais ont toutes un point commun : elles sont ce que les auteurs de Leading digital
nomment des « digital masters ». Chacune de ces entreprises utilise les nouvelles technologies pour améliorer
ses opérations, ses interactions avec les clients, voire repenser son modèle d’affaires. Une digitalisation qui
repose à la fois sur la vision portée par les dirigeants, et les contributions des salariés comme des clients.
Si le démarrage fulgurant de Starbucks au début des années
2000 l’a propulsée dans le club des entreprises réalisant plusieurs milliards de dollars de chiffre d’affaires, la croissance de la
chaîne de cafés s’est mise à plafonner au milieu des années 2000
(son appréciation boursière
ayant même reculé de 50 %
en 2008). Pour sortir de cette
mauvaise passe, l’entreprise a
décidé en 2008 de recréer du
lien avec ses clients. Ambition :
augmenter leur satisfaction en
leur permettant de participer à
« l’expérience Starbucks » grâce
aux technos mobiles. L’application myStarbucks, service
d’information sur la localisation
des magasins et les produits
de la marque, a été lancée en
2009, puis complétée à partir de 2011 d’un programme
de fidélisation. Dès 2012, le
groupe a introduit les solutions
de paiement mobile Square et
Passbook d’Apple, permettant
aux consommateurs de commander et de payer plus rapidement.
Fin 2012, plus de trois millions de paiements mobiles étaient
enregistrés dans les cafés Starbucks chaque semaine. À la clé :
un réduction considérable du coût du traitement des transactions
qui a rentabilisé les 25 millions de dollars d’investissement initial.
En parallèle, Starbucks a lancé
en 2008 le site My Starbucks
Idea, qui a depuis reçu plus
de 150 000 suggestions de
clients sur la manière d’améliorer l’expérience client. Quand
les consommateurs proposent
des idées, la communauté en
ligne du site ainsi que certains
collaborateurs de la maison
discutent des propositions, les
améliorent et mettent en place
les concepts les plus prometteurs et les plus populaires.
Dernière étape du processus :
l’initiative « idées en action »,
qui permet aux participants de
voir comment et quand leur proposition se concrétise dans les
cafés.
http://news.starbucks.com/multimedia
Starbucks réinvente l’expérience client
février
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DossIer
DIG I TA L
Asian Paints améliore ses processus
Troisième producteur de peinture d’Asie, Asian Paints approvisionne 30 000 magasins sur l’ensemble du continent, pour un chiffre
d’affaires de 1,8 milliards de dollars. Pour accompagner la croissance annuelle de son chiffre d’affaires de 15 %, l’entreprise indienne
s’appuie sur les nouvelles technologies avec une ambition constante d’amélioration de la gestion de ses processus. En 2011, Asian
Paints a ainsi inauguré un nouvel outil digital destiné à standardiser la prise de commandes au sein d’un centre d’appels centralisé.
Des vendeurs délégués peuvent désormais interagir avec les clients, à distance, remplaçant ainsi les visites de plusieurs centaines de
commerciaux dans des milliers de points de vente. Asian Paints a par ailleurs intégré des activités auparavant distinctes comme la production, le traitement des commandes et le réseau logistique et commercial afin de les rendre « plus intelligents » et plus réactifs. Le
partage de données en temps réel entre ces différentes fonctions assure que la production, automatisée, colle parfaitement à la demande,
tout en réduisant les coûts et l’impact sur l’environnement de la production de peinture. En ajoutant à ce cocktail d’informations des
idées émanant des commerciaux et des clients, Asian Paints a également réussi à diversifier son offre vers des produits haut de gamme
comme les cloisons pré-peintes et autres produits finis. L’entreprise indienne s’est également mise à la livraison et à l’installation de
ces produits chez les utilisateurs finaux, augmentant ainsi considérablement la satisfaction client.
La compagnie minière Codelco, propriété de l’Etat chilien, est un
géant du secteur : elle emploie près de 18 000 collaborateurs
et produit 10 % du cuivre mondial pour un chiffre d’affaires de
15,9 milliards de dollars (2012). Un statut de leader qui, au
début des années 2010, n’a pas empêché les dirigeants de se
remettre en question pour accélérer la transformation digitale de
leurs mines. Tout a débuté en 2011 avec l’initiative « Codelco
Digital ». Ambition : automatiser entièrement le travail effectué auparavant par des hommes, en équipant les mines d’une
technologie permettant de collecter et de transmettre toutes les
informations vers des centres de contrôle distants. Ce nouveau
dispositif a d’abord permis un suivi en temps réel et la gestion
de l’extraction au sein de quatre mines, avant d’être utilisé pour
prolonger la durée de vie de mines plus anciennes, accélérer
l’exploitation des sites récents et connecter les carrières et les
usines grâce à des moyens de transport sans chauffeur (similaires à ceux utilisés en sous-sol). L’automatisation a permis à
des mineurs expérimentés de quitter le fond des mines pour
travailler à distance dans des salles de contrôle, où ils réagissent
aux données émises par les capteurs installés dans les mines.
Non seulement l’automatisation améliore la qualité de vie et les
conditions de travail, mais elle permet aux équipes de Codelco
de travailler 24 heures sur 24, sept jours sur sept. « Notre activité était autrefois synonyme de labeur physique, aujourd’hui
ce sont les connaissances et la technologie qui jouent un rôle
prépondérant », explique Marco Orellana, chargé de l’initiative
Codelco Digital.
© media.volvocars.com
Volvo réinvente son modèle d’affaires
9 •
Flickr / codelco
Codelco automatise ses tâches
Comme la plupart des constructeurs automobiles, Volvo vendait traditionnellement ses voitures par l’intermédiaire de concessionnaires. Ces derniers avaient une quasi exclusivité des interactions avec les clients
et étaient les seuls à pouvoir tirer profit de la précieuse information qui en découlait. Mais en 2012, Volvo
a décidé de s’appuyer sur une technologie embarquée pour offrir directement à l’automobiliste des services
interactifs en complément de ceux fournis par les concessionnaires. Le concept « Volvo on Call » permet
ainsi à l’automobiliste d’utiliser des équipements embarqués ou des applications sur smartphone pour
contacter un opérateur et obtenir une assistance routière, trouver les stations service à proximité ou encore
demander l’intervention des pompiers, de la police ou d’une ambulance en cas d’accident. Le constructeur
suédois multiplie aussi depuis quelques années les technologies permettant de localiser ou d’immobiliser
les voitures volées, des applications permettant d’accéder à distance au tableau de bord, verrouiller les
portes, lancer le chauffage ou la climatisation. Autre application concrète du digital : Volvo informe directement l’automobiliste, dans sa voiture, de la nécessité d’une révision, de l’adresse du concessionnaire le
plus proche et même de ses possibilités de rendez-vous. n
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Pour aller plus loin
LIVres
WeB
À reLIre Dans BUSINESS DIGEST
n INTELLIGENCE ARTIFICIELLE : QUE SERA MON JOb DEMAIN ?
Les nouvelles technologies ont atteint ce qu’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee qualifient de « point d’inflexion » ; les progrès, notamment en matière d’intelligence
artificielle, sont tels que le monde est au seuil d’une révolution. D’après, entre autres, The Second Machine Age: Work, Progress, and Prosperity in a Time of Brilliant
Technologies d’Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee (W.W. Norton & Company, janvier 2014), « Hong Kong VC firm appoints robot to its board » d’Aviva Gat (Geektime,
mai 2014) et « Deep Knowledge Venture’s Appoints Intelligent Investment Analysis Software VITAL as Board Member » (PRWEB, mai 2014).
Business Digest nº 249, septembre 2014.
n LES SIX COMPÉTENCES DU LEADER 2.0
Que vous soyez à la tête d’une start-up IT ou d’un groupe industriel centenaire, savoir mobiliser les réseaux sociaux est un facteur clé de performance individuelle et
collective. D’après, entre autres, « Six social-media skills every leader needs » de Roland Deiser et Sylvain Newton (McKinsey Quarterly, février 2013), « Les nouvelles
technos ne détruisent pas le cerveau, elles s’y adaptent » de Hubert Guillaud (Le Monde, mars 2013), The End of Leadership de Barbara Kellerman (HarperBusiness,
avril 2012) et l’Interview de Zachary Rosenberg, EVP Chief Growth Officer, Horizon Media, mai 2013.
Business Digest nº 237, juin 2013.
bUILD FOR ChANGE: REVOLUTIONIZING CUSTOMER
ENGAGEMENT ThROUGh CONTINUOUS DIGITAL INNOVATION
D’Alan Trefler (Wiley, juin 2014).
Alan Trefler, covainqueur du Championnat du Monde d’Échec en 1975,
a fondé l’entreprise de services informatiques américaine Pegasystems
en 1983. Beaucoup de ses produits sont centrés sur le service client et
les analyses des comportements des consommateurs. Dans son dernier
ouvrage, il explique comment les entreprises peuvent se servir des
nouvelles technologies pour tirer profit de l’évolution incessante des
règles qui caractérisent la relation client. « Aucun véritable changement
n’est possible sans que dirigeants et managers ne changent leur manière de penser et d’agir,
prévient Alan Trefler. Ce qui a porté ses fruits dans le passé devient rapidement obsolète. C’est
particulièrement vrai concernant l’informatique et la façon dont elle est utilisée. » Selon lui, les
entreprises qui ne parviennent pas à s’adapter à la transition digitale en termes d’attentes des
consommateurs sont condamnées à ce qu’il appelle la « customerpocalypse ».
sur Le WeB
« Leading Digital Authors Meet MIT Sloan Management
Review »
Michael Hopkins, rédacteur en chef de la MIT Sloan
Management Review, a interviewé les trois auteurs de
Leading Digital. L’occasion de discuter de la manière
dont la grande majorité des entreprises doivent encore
mener leur transformation pour devenir des « leaders
du digital ».
youtube.com/watch?v=B7Yhy8zCeFE&index=60&list=PL
00dM0p-gE3QX5AOLvmc9d3NgQlLSjl5B
@
youtube.com
DIGITAL DISRUPTION: UNLEAShING ThE NEXT WAVE
OF INNOVATION
De James McQuivey (Amazon Publishing, février 2013).
Spécialité de James McQuivey : étudier l’impact de la perturbation
digitale sur les entreprises traditionnelles. Pendant plus d’une décennie,
il a travaillé en tant que consultant chez Forrester pour enseigner aux
dirigeants l’art de l’innovation technologique. « Ce livre porte sur le
changement fondamental sur nos vies qu’entraîne la transition digitale,
explique-t-il. Nous prouvons que la perturbation digitale est bien réelle ;
nous démontrons comment elle peut être utilisée par n’importe qui
dans n’importe quel secteur d’activité ; et, enfin, nous vous implorons de devenir vous-mêmes
des agents perturbateurs. Pourquoi ? Parce que les “digital disruptors” mettent le monde et votre
industrie sens dessus dessous. » Comme l’explique James McQuivey dans son livre, plus les
technologies digitales affecteront notre manière de vivre et de travailler, plus nous devrons nous
efforcer d’évoluer avec elles pour rester compétitif.
@
février
2015 •
• No 253 • 10

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