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Vendredi 24 janvier 2014 // No 176
Deuxième
pilier
Perte et tracas P. 4
CHF 3.– // Abonnement annuel CHF 140.– // www.vigousse.ch
Vins valaisans
Origines incontrôlées
P. 5
Procès
Viol au vent
P. 6
Syrie
L’accord de paix
P. 17
JAA – 1300 Eclépens PP/Journal – Poste CH SA
2
C ’ E S T P A S P OUR D IRE !
Q UELLE S EMAINE ( s u r l e c o u r t ) !
3
Ç A , C ' E S T F AI T !
*
Fausse couche
Stop soda
Alinda Dufey
En Allemagne, la chaîne
Lidl ne vendra plus de
Coca-Cola, ni de Fanta,
ni de Sprite. Par souci
de protéger la santé
des consommateurs
contre les excès de
sucre ? Non, pour des
raisons comptables.
Les rayons resteront
garnis de poisons
sucrés de marque Pepsi
et d’autres, moins
chères. A noter qu’en
Suisse, Denner importe
son Coca-Cola de
Tchéquie. Et se sucre
au passage.
L
e 9 février, le peuple se prononcera sur l’initiative
« Financer l’avortement est une affaire privée ».
Au-delà du vaste débat sur le respect de la vie,
cet appel à privatiser les coûts des IVG prétend
récuser un système, voté et approuvé à 72,2 % des
voix en 2002, qui fonctionne. Et dans la foulée, il remet en
cause un droit fondamental de la femme.
Les partisans de ce sinistre retour en arrière déguisent
hypocritement leurs motivations idéologiques et religieuses
en arguments financiers : ne plus rembourser l’IVG, c’est
alléger l’assurance maladie, clament-ils. Foutaises ! Les frais
liés aux interruptions représentent 8 millions de francs par
an, soit 0,03 % des coûts de la santé. Un « allègement » très
léger, donc. Au demeurant, le nombre d’avortements est en
baisse constante en Helvétie. Et en imposer le financement
aux femmes, c’est forcément pénaliser les plus pauvres
et favoriser le retour aux interventions illégales, aux
sordides faiseuses d’anges, aux infectes aiguilles à tricoter,
aux matelas souillés. Avec les traumatismes physiques et
psychologiques découlant de ces actes barbares.
Par ailleurs, les initiants démolissent eux-mêmes leur
prétexte pécuniaire en y mêlant les convictions : ils ne
veulent pas, disent-ils, que leurs cotisations d’assurance
maladie servent à financer des « meurtres ». Ce qui revient
à torpiller le principe de solidarité. A cette aune-là, je
pourrais refuser que mes primes puissent contribuer
aux soins des mollassons bedonnants qui se gavent
de mauvaises graisses, éclusent des litrons d’alcool et
se goudronnent les poumons... Sauf que, tolérance et
respect obligent, le bien-être de tous prime les opinions
individuelles.
Enfin, concrètement, cette initiative s’en prend –
encore !- aux femmes. Elle entend les priver d’un
acquis social et sanitaire primordial, attaque leur
droit à l’autodétermination physique, les soumet à la
loi de l’argent. Et ajoute une fausse couche de morale
culpabilisatrice à leurs émotions.
C’est dire s’il est justifié que ce projet rétrograde n’arrive
jamais à terme.
13 millions
de francs
Partenaire attitrée de la
fameuse NSA états-unienne, la
société israélienne Verint vient
d’obtenir un mandat de la
Confédération pour un système
de surveillance et d’écoute
des télécommunications à 13
millions. Avec de si grandes
oreilles, plus rien de ce qui
se dit chez nous ne devrait
échapper à la police ou à la
justice suisses. Ni à la NSA ni
au Mossad, d’ailleurs.
Farces armées
Un lave-linge, une statue, de l’argenterie, du Viagra, un camion... Les stocks
militaires britanniques ont été victimes de larcins à répétition depuis 2007. Dans
la longue liste des objets dérobés, dont la valeur totale avoisine les 10 millions de
francs suisses, on trouve aussi des instruments pour sous-marins nucléaires, des
baïonnettes et des munitions. Désarmant !
Dons de soi Pente glissante
* nom connu de la rédaction
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
LE CHIFFRE
Pour sa campagne à
l’appui de l’initiative
anti-immigration, l’UDC
a dû se passer de ses
habituels donateurs des
milieux économiques,
notoirement opposés au
texte : Thomas Matter
le banquier, Walter Frey
le vendeur de bagnoles
ou Werner Spuhler le
constructeur de trains.
C’est donc Christoph
Blocher qui a dû faire
l’appoint, de sa poche,
en casquant pas moins
de 3 millions. A trop
vouloir gagner, il risque
d’y perdre.
Un ex-employé d’UBS est
passé aux aveux en France
(Le Parisien, 21.01.14) : il
raconte en détail comment
lui et ses collègues racolaient
les candidats à l’évasion
fiscale, les rendez-vous
discrets, les papiers sans
logo, les prudences d’agents
secrets. Il narre aussi que les
dévoués banquiers passaient
eux-mêmes en Suisse le cash
ou les lingots, parfois à skis
sur les pistes frontalières. La
direction d’UBS dément, bien
sûr. Mais on sait déjà qu’avec
la vérité, elle est championne
de slalom.
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
4
F AI T S D I V ER S E T V ARI É S
F AI T S D I V ER S E T V ARI É S
Fonds suisses en déshérence
Ronds dans l’eau Six milliards de francs : c’est la modique somme que les travailleurs
de Suisse ont égarée dans la nature. Les affiliés au deuxième pilier sont les premiers pillés.
« C’est comme si je m’adressais au
bureau des objets trouvés », témoigne
Valérie. Elle a réalisé récemment que
son 2e pilier est vacillant : en changeant de travail il y a une dizaine
d’années, elle n’a pas été informée
du fait que le transfert des avoirs,
d’une caisse de pension à l’autre,
n’est pas automatique. Où donc sont
restées ses premières billes ? Pour le
savoir, elle a contacté son ancienne
caisse. Mais là, personne ne trouve
la moindre trace de son pécule. Normal, les dossiers de plus de dix ans
ne sont pas archivés.
Pour tenter de récupérer son vieux
bas de laine, Valérie doit formuler
une demande à Berne, auprès de
la centrale du 2e pilier, ou Fonds
de garantie LPP de son petit nom.
Elle est d’ailleurs loin d’être la seule
à errer en quête de ses sous : ladite
centrale a traité 23 769 demandes en
2012 ! « Il y a dix ans, l’information
n’était pas systématique », lui a-t-on
confirmé là-bas. De là à dire que le
manque d’information était systématique, il n’y a qu’une nuance que
le nombre des égarés incite à gommer.
Comment la centrale opère-t-elle
pour retrouver les sommes restées
en rade ? Elle confronte le numéro
AVS et la date de naissance de la personne au registre des fonds oubliés.
Cas échéant, elle communique par
voie postale le nom de l’institution
de prévoyance ou de la fondation
de libre passage ayant annoncé
un avoir au nom de la personne
concernée.
La quête de Valérie n’est donc pas
achevée. Pour elle, l’expression
« libre passage » est du reste fort mal
choisie : « Il s’agit de tout sauf ça. Je
dois retourner vers l’ancienne caisse,
celle qui n’a plus trace de mon dossier. »
Reste l’auberge de la dernière
chance : la Fondation institution
supplétive LPP. Toute « prestation
de sortie » non transférée dans une
nouvelle caisse est en effet versée
d’office à cette fondation, et ce
dans les deux ans qui suivent
l’arrêt des relations de travail.
Même des années plus tard, celles
et ceux qui ont égaré des ronds, ou
qui ne savent plus du tout s’ils en
ont égaré ou non, peuvent toujours
tenter leur chance.
les réclament peut-être un jour, ce
gigantesque pactole dort paisiblement, produisant au fil du temps de
substantiels intérêts.
En Suisse, la loi poursuit le noble
but d’assurer un niveau de vie décent après la retraite, et ce grâce à
une prévoyance reposant sur deux
piliers au minimum. Encore fautil tenir compte des règlements des
caisses, plus ou moins généreuses,
et surtout d’un manque patent d’information aux assurés. Si ces derniers ont oublié six milliards alors
que l’affiliation est obligatoire depuis 1985, n’est-ce pas le signe qu’il
y a peut-être comme un léger souci ?
Les férus de contrepèteries le savent :
dans toute histoire de fonds et de
caisses, la probabilité est grande de
finir baisé. Jean-Luc Wenger
A) Formuler une demande à la centrale du 2e pilier : www.sfbvg.ch
B) Si l’avoir n’est plus auprès de
l’ancienne institution de prévoyance, s’adresser à la Fondation institution supplétive LPP :
www.chaeis.net
Pour un sage passage
En cas de changement d’employeur, faire transférer sa prestation de libre passage à la caisse de
prévoyance du nouvel employeur.
Pour ce faire, il suffit de communiquer à l’ancienne caisse les coorVigousse vendredi 24 janvier 2014
données de la nouvelle. A défaut,
l’avoir sera automatiquement
transféré à la Fondation institution
supplétive LPP.
En cas de changement de statut
d’employé à indépendant, trois
options. A) conclure une police
de libre passage auprès d’une
compagnie d’assurances ou d’une
institution d’assurances de droit
public. B) ouvrir un compte
de libre passage auprès d’une
banque. C) transférer l’avoir à la
Fondation institution supplétive
afin de poursuivre son épargne en
versant seul ses cotisations.
In vino magouillas Dans
certains vins valaisans vendus en
grande surface, une grappe ne
retrouverait pas son cep. Et si les
appellations sont contrôlées, les
dérapages aussi.
Le journaliste de Canal 9 Paul Vetter a dû marner sec pour trouver ce
que cache réellement cette étiquette.
Le raisin ne provient pas seulement
de Veyras et des parchets voisins
de Venthône, d’où quelques litiges
d’appellation devant le Tribunal
cantonal, mais aussi de ceps entre
Loc et Salquenen. La mise en bouteilles se fait du côté de Martigny,
chez Cevins, une société apparte-
Vain de messe
Les piliers de la sagesse
Pour rechercher ses billes
Etiquettes
sans éthique
« Les raisins du Château de Muzot
poussent autour du village viticole pittoresque de Veyras, dont les
excellents vins rouges sont réputés
bien au-delà du Valais », chante la
réclame Denner en précisant que
c’est dans ce fameux château que
« le grand poète Rainer Maria Rilke
a passé les dernières années de sa
vie et a écrit deux œuvres notoires,
Les élégies de Duino ainsi que tous
les Sonnets à Orphée ». De fait, le
« Château de Muzot » de chez Denner (130 000 bouteilles) n’est pas
exempt de licence poétique.
En début d’année, ladite
fondation a annoncé que le
total des avoirs en déshérence dépasse désormais les
six milliards de francs. Une
somme astronomique, qui
appartient à un million de
salariés mal renseignés
ayant jadis omis de faire
transférer leurs avoirs.
En attendant qu’ils
Pour faucher son blé
En quittant un employeur, l’ex-salarié peut encaisser en espèces son
avoir de libre passage, mais seulement dans trois cas de figure. A)
s’il quitte définitivement la Suisse.
Et s’il part pour un pays de l’Union
européenne ou de l’AELE où il sera
assujetti à un régime d’assurance
obligatoire, le retrait en espèces
n’est possible que pour la part sur­
obligatoire de son avoir de vieillesse. B) S’il s’établit à son propre
compte et n’est donc plus soumis
à la prévoyance professionnelle
obligatoire. C) Si le montant de la
prestation de sortie est insignifiant,
c’est-à-dire inférieur au montant
annuel des cotisations.
Par ailleurs, les personnes mariées ne peuvent retirer leur avoir
qu’avec le consentement écrit du
conjoint. Cette obligation est aussi
valable pour les partenaires pacsés.
Pour tout savoir
Les trois piliers, guide de la prévoyance active, par Joy Demeulemeester.
Troisième
édition
réactualisée, à paraître ce printemps aux éditions Tout compte
fait.
5
nant aux frères Rouvinez de Sierre.
Entre deux, la vinification s’opère
chez Provins (Sion) et chez Albert
Mathier (Salquenen). La société
anonyme derrière le « Château de
Muzot » a pour actionnaire principal
un autre Mathier, Pierre-Alain. Tout
ça évoque plus Kafka que Rilke...
Le susnommé Pierre-Alain Mathier
est basé à Zurich. C’est de là qu’il
gère les stocks valaisans en prospectant auprès des grands discounters pour remplir le carnet de
commandes. Après quoi il se rend
en Valais pour voir comment les
honorer. Il va souvent puiser dans
la production familiale… mais avec
quelques détours.
Dans le milieu, on pointe aussi la
Cave d’Uvrier, près de Sion, dont
les cuves et les pressoirs gisent
abandonnés à l’extérieur : c’est
dire sa grande activité. Et pourtant
elle fournit à Lidl du pinot noir
dit « de Salquenen » à 5,95 francs
la bouteille alors que le raisin de
Salquenen atteint déjà les 4 francs
le kilo… Furieux, des petits encaveurs du coin dénoncent : la Cave
d’Uvrier dissimulerait selon eux
Yvo Mathier de la Cave Fin Bec.
Ces médisants relèvent aussi que
Pierre-Alain Mathier possède une
cave pas très loin, le domaine des
Virets, à Saint-Léonard. Bref, le
cours du pinard suivrait bien des
méandres...
En novembre 2012, Mise au point
(RTS) avait révélé, pièces à l’appui, qu’un autre Mathier, Diego,
commercialisait via Coop du johannisberg prétendu « de Chamoson » alors qu’il était récolté sur
Venthône. Une entorse caractérisée à l’AOC. Devant les caméras,
Philippe Hunziker, directeur du
Contrôle suisse du commerce des
vins, avait mollement promis de
traiter ce dossier, qu’il avait déjà
égaré une fois.
Depuis, il est resté fidèle à sa force
d’inertie. Quand nous lui avons
demandé où en est son enquête,
il nous a envoyés balader : il ne
fournit pas cette info « à des tiers »,
voyez-vous. Il faut dire que siège,
parmi les membres de son conseil
de fondation, un certain Albert Mathier. Celui chez qui s’opère la vinification du « Château de Muzot ».
Mais ça n’a sûrement rien à voir.
Tout ça est un peu embrouillé et
mélangé ? Normal : les picrates en
question le sont aussi. Pour y voir
clair, buvez une bonne bouteille
d’un excellent et authentique petit
propriétaire-encaveur valaisan, puis
relisez : là, les connexions apparaîtront et tout sera limpide. Joël
Cerutti/Agence PJ Investigations
Le strip de Bénédicte
Quelle surprise de voir le père Nicolas
Buttet, qui brigue le poste d’évêque
de Sion, voler au secours du conseiller
d’Etat Maurice Tornay (grand ami et
fervent catholique proche d’Ecône),
empêtré en ce moment dans l’affaire
Giroud (fervent catholique proche
d’Ecône également). Chronique dans
Le Nouvelliste, passage à Mise au
point et intervention de 10 minutes
à Forum, l’homme de Dieu se répand
pour épauler l’homme de pouvoir. Pour
le père Buttet, l’affaire Giroud-Tornay
se réduit à un de ces « 0,002 pour cent
de cas litigieux qui sont montés en
épingle ». Une bagatelle à 13 millions,
donc… Au fait, est-ce que le fisc
valaisan a déjà daigné jeter un œil sur
la fondation Ecophilos, la Fraternité
Eucharistein et l’institut Philantropos,
tous liés à l’humble curé ? S. D.
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
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c o n s o & c o n s o r ts
F AI T S D I V ER S E T V ARI É S
Serre-vis des urgences
Les dents
de l’amer
Hôpital, silence Le magazine Contact, organe d’Hôpital du Valais, traite des urgences.
Mais pour livrer une information complète, il n’y a manifestement pas urgence.
Début 2014, Hôpital du Valais a
distribué le numéro 4 de Contact.
Le thème choisi, « Au centre des urgences », a été repris sur une double
page par Le Nouvelliste. Opération de
communication réussie, donc : l’institution présente une belle image
positive, tout va bien, c’est la joie,
les lendemains chantent et on oublie toutes ces nouvelles fâcheuses
autour du professeur Vincent
Bettschart et de son scalpel fou. En
dernier lieu, l’intervention qu’il a
pratiquée en Valais malgré un engagement, cosigné par lui, qui imposait une concertation avec le CHUV.
Pas un mot là-dessus dans Contact,
on s’en doute. Rien que du joli
contenu, bien emballé dans une maquette sobre rehaussée de photos où
PLUS VRAI QUE
VECU
le personnel, dynamique et heureux,
s’implique avec motivation.
Mais Contact est aussi une publication d’utilité publique : en page
14, une carte du Valais indique les
lieux et les horaires des services des
urgences. Celui de Sierre est ouvert
« 24 h/24 », y annonce-t-on fièrement.
Sauf que les dirigeants d’Hôpital du
Valais veulent réduire le service des
urgences générales en soirée. Selon
nos sources, le projet est dans l’air
depuis une année au moins, mais
en catimini : il ne fallait pas, avant
les échéances électorales du printemps dernier, nuire à des politiciens
proches du conseil d’administration
et à leur parti.
a consulté les différents partenaires.
Il est désormais prévu que le Conseil
d’Etat discute de ce dossier durant le
premier trimestre 2014. » A voir : vu
le nombre de casseroles que traîne le
gouvernement valaisan depuis peu,
il risque d’avoir à traiter des affaires
plus urgentes. Joël Cerutti/Agence PJ
Investigations
Audience en correctionnelle dans un tribunal d’arrondissement. Noms fictifs mais personnages réels
et dialogues authentiques.
«Ne me touche pas dans le corridor,
mais vas-y sur le matelas !»
Monsieur Balan est accusé d’actes d’ordre sexuel
commis sur une personne incapable de discernement
ou de résistance, d’entrée et de séjour illégaux, et
d’exercice illégal d’une activité lucrative.
– De 2010 à 2013, vous avez résidé et travaillé en
Suisse sans permis de séjour ; juste ? demande le
juge.
– Oui, murmure l’accusé.
– Janvier 2013, à la sortie d’une disco, vous avez
rencontré madame Sanchez sans veste ni sac, seule
et ivre. Vous l’avez emmenée chez vous et là, les
versions diffèrent : rapport consenti selon vous, viol
selon elle. Donnez-nous votre version, et la bonne,
car vous n’avez pas cessé d’en changer.
– Mon client était effrayé, intervient l’avocat de
l’accusé. Il est en situation irrégulière, il voit
débarquer la police et on l’accuse d’avoir drogué,
puis violé une femme.
Le juge opine et invite l’accusé à poursuivre.
– Je suis sorti de la disco à 4 h 30. J’étais ivre. Je l’ai
vue dehors et je lui ai proposé ma veste. J’ai voulu lui
appeler un taxi, mais elle a refusé et elle est venue
chez moi. Dans mon corridor, je l’ai embrassée. Elle
m’a dit d’arrêter. On est allés dans ma chambre, on a
discuté, je l’ai encore embrassée. Elle était d’accord.
On a continué, on s’est caressés et déshabillés, mais
quand j’ai voulu la pénétrer, elle a dit non. Alors j’ai
arrêté et on s’est endormis.
– Etait-elle amorphe ou participative ?
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
Depuis, le nombre de lits en
gériatrie a augmenté à Sierre,
tandis que celui des lits en
médecine a diminué : ça
n’annonce rien de bon pour
certains soins... Il faut dire
que quelques prestations sierroises, dont les urgences,
sont plutôt maltraitées
par les modules d’organisation. Pas moins de trois
responsables ont d’ailleurs rendu
leur blouse blanche, deux autres
menacent de le faire, l’un d’eux étant
victime d’un sévère burn-out.
Réduire le service des urgences à
Sierre ? Le projet est à l’étude, nous
confirme la conseillère d’Etat en
charge de la santé, Esther Waeber
Kalbermatten : « Mon département
– Je n’ai pas remarqué qu’elle était amorphe.
– Vous étiez si occupé à satisfaire votre propre plaisir
que vous n’avez pas remarqué si elle participait aux
ébats ? s’étrangle le juge.
– Elle me touchait, mais on ne parlait pas. Et j’étais
saoul aussi.
– Vous a-t-elle dit qu’elle était vierge ?
– Oui, dans le corridor.
– Vous pensiez qu’elle disait « ne me touche pas
dans le corridor, mais vas-y sur le matelas » ?
– Dans la chambre, j’avais oublié.
– Ecoutons madame Sanchez, qui ne veut pas être
confrontée à son agresseur.
L’accusé sort, la plaignante entre.
– Racontez-nous les faits, fait le magistrat.
– Je buvais un verre avec une copine. Deux types
nous ont offert un cocktail, puis je sais qu’on est
allées en boîte. Mais à part quelques flashes, c’est
le trou noir jusqu’au matin.
– Quels flashes ?
– Je suis dehors, en T-shirt… il ouvre la porte de
chez lui, je dis merci… quelqu’un me déshabille… il
essaie de me pénétrer, j’ai mal, je dis « arrête »… je
sens quelque chose rentrer en bas, je me tourne…
quelqu’un entre mes jambes qui n’arrête pas de me
réveiller, ça m’énerve.
– Vos déclarations durant l’enquête sont plus
précises.
– Des épisodes me sont revenus dans mes rêves.
– Je veux du concret, pas des rêves. Vous aviez 2,2
pour mille d’alcool dans le sang. Dans un tel état, on
se demande ce qui est normal ou pas !
– J’ai bu des verres, comme ça m’est déjà arrivé.
Mais cette fois on a mis du GHB dans mon verre, ce
n’est pas possible autrement, affirme la plaignante.
– Et le matin ?
– Je me suis réveillée nue dans un appart sordide.
Monsieur Balan est parti bosser. J’étais mal, il a
demandé à son colocataire de rester avec moi. J’ai
appelé la police, ils m’ont dit que je devais déposer
plainte pour mon sac et faire attention à ce que je
bois. Puis j’ai appelé une copine, ma mère et mon
frère, qui est venu me chercher.
– Des questions ? demande le juge à la cantonade.
– Oui, réagit l’avocat de la défense. Durant la soirée,
vos amis vous ont vue embrasser et flirter avec un
homme, et en draguer un autre.
– Je ne m’en souviens pas…
– N’est-il pas possible que vous soyez allée chez
monsieur Balan, fait des choses, avant de tout
regretter le lendemain ?
– Je suis presque sûre que non. Je ne vois pas
pourquoi j’aurais fait ça… Je suis certaine qu’il a
profité de mon état !
Reconnu coupable, monsieur Balan est condamné,
avec un sursis de 3 ans, à 18 mois de peine privative
de liberté moins 353 jours d’incarcération avant
jugement. Lily
Comment arborer un sourire hollywoodien ? En Suisse, nombre de
cabinets dentaires proposent, avec
l’aval de l’Office fédéral de la santé
publique (OFSP), des séances de
blanchiment. Du peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée), un coup de
laser bleu ou de lampes LED et hop,
en vingt minutes c’est fait !
L’ennui, c’est que ces méthodes procurent un sourire ravageur, mais
aussi un peu ravagé. Elles usent de
peroxyde d’hydrogène à près de 6 %
(norme fixée par l’OFSP) : une dose
qui provoque douleurs de la gencive,
altération de l’émail, irritation et hypersensibilité des quenottes. Le traitement est au demeurant déconseillé
aux femmes enceintes et aux ados.
De plus, le Comité scientifique
des produits de consommation de
la Commission européenne souligne que les effets nocifs n’ont pas
encore été assez étudiés. Faut-il claquer 300 à 500 balles pour des crocs
blancs au risque d’ensuite broyer du
noir ? A l’inverse, les « bars à sourire », les salons d’esthétique et les
instituts comme Smile’Up ou Extrasmile proposent, pour une petite
centaine de francs, un blanchiment
plutôt inefficace, où la dose de
peroxyde est de 0,1 %. Le résultat
est si superficiel qu’il faut remettre
la compresse tous les six mois…
Quant aux ridicules stylos à blanchir et autres lampes UV, gadgets à
gogos disponibles sur le web pour
moins de 50 francs, ils n’ont qu’un
seul effet : faire chou blanc.
Mais alors, comment faire pour être
enfin une femme ou un homme de
crocs mignons ? Simple : ne pas fumer
ni boire trop de vin ou de café, et se
laver les dents. Ou alors assumer et
rire jaune. Noémie Matos
7
F AI T S D I V ER S E T V ARI É S
La science
au Kärcher
Liquidation Devinette : toutes
les idées scientifiques sont sur un
bateau ; si chaque penseur jette
à l’eau une idée qu’il n’aime pas,
que reste-t-il ?
Le site edge.org se présente comme
un « collège invisible », sorte de
« salon » virtuel où de grands
esprits tiennent une « conversation » sur la science et ses rapports
avec la société. On y trouve des
chercheurs, des philosophes, des
artistes, bref, des penseurs. Attention, pas n’importe qui ! Le fondateur du site, John Brockman,
est un agent littéraire renommé
qui se spécialise dans l’édition
d’ouvrages scientifiques à l’intention du grand public : il connaît
donc tout le gratin. Et il n’est pas
là pour s’amuser ; son ambition est
n'en jetez plus !
de « débusquer les esprits les plus
complexes et sophistiqués » et les
faire dialoguer afin « d’atteindre la
frontière des connaissances mondiales ». Rien de moins.
Dans ce noble but, Brockman
pose chaque année une question
à son auguste cheptel de matière
grise, dont les réponses sont ensuite publiées sur son site, avant
de faire l’objet d’un livre. Pour
2014, la question était « Quelle
idée scientifique devrait prendre sa
retraite ? », et comme les 174 réponses viennent de tomber, il
n’est pas inintéressant d’examiner
rapidement ces concepts dont on
ferait désormais mieux de se pas-
ser. Après tout, la science procède
par changements : il faut écarter
les idées qui n’ont pas fait leurs
preuves afin qu’elle puisse avancer.
Le grand public, lui, peut s’estimer
heureux d’être mis au courant.
Ainsi quelques penseurs jugent-
ils, sans surprise, qu’il est temps
d’abandonner les concepts d’« intelligence » et de « race », vieilleries
effectivement assez encombrantes.
D’autres demandent à repenser
l’usage des « statistiques », trop
souvent ritualisées aveuglément.
Les concepts « agent rationnel »,
« conscience », « altruisme » et
« moi » passeraient également à la
trappe comme autant d’illusions
électrochimiques
distrayantes,
mais fallacieuses. Les oppositions
classiques, entre corps et esprit,
acquis et inné, culture et nature,
émotion et raison, sont elles aussi
décriées par d’aucuns.
Il faudrait par ailleurs songer, suggèrent certains, à renoncer à l’idée
de « progrès » et surtout à cette
vieille scie qu’on appelle encore
« vérité ». La science, avancent
quelques audacieux, est d’ailleurs
l’affaire de tous ; donc, l’idée qu’il
existe des « chercheurs » et des
« scientifiques », ou même quelque
chose qu’on nommerait « science »,
devrait aussi disparaître. Et on
pourrait aussi bien liquider tout
un tas de résidus métaphysiques,
comme les concepts de « temps »
et d’« espace » ou ceux de « causalité », de « moyenne », de « calcul »,
de « géométrie », d’« univers »,
d’« infini »…
Chaque chercheur veut naturellement se débarrasser de sa bête
noire. Ce qu’il y a de fascinant ici,
c’est de les voir tous s’y mettre en
même temps. Le plus remarquable,
dès lors, n’est pas ce qu’il en ressort, mais ce qu’il en reste : rien.
A croire que maintenant qu’elle
a bâti sa maison de retraite, il ne
reste plus à la science qu’à repartir
de zéro.
Ça tombe bien : aucun répondant
n’a songé à récuser le concept de
« vide ». Sebastian Dieguez
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Vigousse vendredi 24 janvier 2014
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F AI T S D I V ER S E T V ARI É S
Faces et attrapes
Quoi, ma gueule ? L’application mobile Nametag vise à identifier,
dans un rayon de quelques mètres, toute personne dont la bobine
est en photo sur la Toile. Fin d’une société anonyme.
« Zut, il me semble que je connais
cette personne ; mais qui est-ce,
déjà ? » Dans la rue, dans le bus ou
au bistrot, cette situation parfaitement banale serait, selon les créateurs du logiciel pour téléphone
portable Nametag, un abominable
handicap social.
Tel est donc l’argument de vente
pour cette application qui permet
d’identifier une bobine en corrélant un puissant outil de reconnaissance faciale et les infos glanées sur
les réseaux sociaux. En attendant,
cerise sur le gâteau promise par
l’éditeur, d’élargir le trombinoscope
aux sites de rencontres et même
aux banques de données criminelles états-uniennes.
Evidemment, ce nouveau machin
ne sert pas qu’à remettre un nom
sur un visage connu. Il permet
aussi de tout savoir sur les inconnus. Génial, non ? A en croire les
vidéos promotionnelles en ligne, ce
véritable instrument d’agent secret
est idéal pour « choisir sa proie et la
séduire ».
En réalité, tout ce baratin cache la
volonté d’anéantir à tout prix les
organismes étatiques de protection
des données. Lesquels, pour l’instant, résistent tant bien que mal en
obligeant, par exemple, Facebook
à restreindre les algorithmes de
reconnaissance faciale. Mais quand
Q UELLE S EMAINE ( p a r t o u t a i l l e u r s ) !
a ff a i r e s e n c o u r t
9
Des avantages de Thaïs
Depuis que les vieux existent, ils encombrent ; surtout quand ils souffrent de démence
sénile. C’est sans doute pourquoi L’Illustré (15.01.14) vante une solution rêvée :
expédier ces indésirables dans un merveilleux centre spécialisé… en Thaïlande. C’est
loin, mais les salaires du personnel y sont très avantageux. Du coup, ça permet des
soins adéquats et très humains. Alors qu’en Suisse les personnes âgées sont bouclées
dans leur chambre, assommées de médicaments et sanglées à leur lit, là-bas, les
soignantes leur dispensent de l’affection, elles sont disponibles, elles veillent sur
leur sommeil et les rendorment 17 fois par nuit si besoin est. Selon Martin Woodtli,
fondateur dudit centre, c’est culturel : les Thaïlandais prennent soin des aînés. Autant
donc leur refiler les nôtres (surtout si les conditions économiques locales s’y prêtent).
Et si on instaurait plutôt davantage d’humanité par ici ? S. D.
Données brutes Chili con carnage
tout le monde voudra son logiciel
de type Nametag, les Etats deviendront totalement impuissants et les
garde-fous tomberont.
Il faudra donc vivre avec l’idée
qu’on peut être identifié à tout
moment. Que son CV, son degré
d’éducation, ses habitudes de
consommation, son état civil, voire
la limite de sa carte de crédit ou son
casier judiciaire, sont accessibles
à tous les passants. Et pourquoi
pas son adresse ? Tout ça facilitera
certes le boulot des videurs de boîte
de nuit, mais ça ne sera pas forcément un délice pour tout le monde.
Pour éviter ça, ne restent que l’effort et le sacrifice, le sang, la sueur
et les larmes : affronter sans trembler l’embarras terrifiant de ne pas
identifier tout de suite un visage
connu et, plus héroïque encore,
tenter de séduire une personne
sans connaître à l’avance son film
préféré. Jonas Schneiter
Dès le mois de mars, les Anglaises
et les Galloises amoureuses auront
accès au casier judiciaire de l’élu
de leur cœur. Une plongée dans
les archives de la police après le
premier rendez-vous ? Bonjour le
romantisme !
De fait, cette nouvelle loi permet
de démasquer à temps les auteurs
récidivistes de violences conjugales.
Elle a pour origine le meurtre d’une
femme, étranglée par son ami qu’elle
avait rencontré sur internet et dont
elle ignorait le passé. Pour l’instant,
la loi ne prévoit pas la réciproque :
les hommes n’auront pas accès aux
éventuels antécédents judiciaires des
dames. Comme s’il n’y avait aucun
risque de rencontrer une femme
dangereuse dans un pays qui a élu
Maggie Thatcher ! J.-L. W.
En plus de saloper l’un des plus beaux
paysages vierges de la planète, le désert d’Atacama au Chili, le « Dakar »
bousille ses sites archéologiques :
les ruines de constructions précolombiennes y abondent, ainsi que
les momies exceptionnellement bien
conservées par les conditions climatiques (ledit désert est le plus sec de
la planète).
Aux archéologues chiliens qui ont
dénoncé les dégâts infligés par les
véhicules du rallye à ce riche mais fragile patrimoine, le gouvernement de
Santiago a répliqué qu’il ne faudrait
pas oublier l’essentiel : le « Dakar »
rapporte des sous et ses images diffusées dans le monde entier montrent la
beauté des paysages, ce qui attire les
touristes, ce qui rapporte des sous.
Et puis le rallye ne fait jamais que
perpétuer une ancienne tradition : les
conquistadores espagnols, eux aussi,
détruisaient les temples et les tombes
par soif de l’or. L. F.
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Vigousse vendredi 24 janvier 2014
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Vigousse vendredi 24 janvier 2014
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B IEN P RO F ON D D AN S L ' AC T U
B IEN P RO F ON D D AN S L ' AC T U
LE COURRIER
DU CHIEUR
Les théories du professeur Junge Cette semaine : dans la foulée de la votation contre le
remboursement de l’avortement, constatons pourquoi rien ne mérite d’être pris en charge par l’assurance.
Les citoyens devront bientôt se
prononcer sur l’initiative « Financer l’avortement est une affaire
privée ». Les promoteurs du texte
ne manquent pas d’arguments fort
sensés pour que l’assurance maladie ne rembourse plus l’IVG.
L’ancienne conseillère nationale
Elvira Bader (PDC/SO) affirme
par exemple que « la grossesse n’est
pas une maladie ; donc l’avortement
ne doit pas figurer dans l’assurance
de base ». C’est finement observé,
toutefois la conclusion est un brin
partielle. Car si la grossesse n’est
effectivement pas une maladie,
on peut bien se demander pourquoi la naissance devrait être prise
en charge par l’assurance. Nous
tenons là un principe formidable
pour atténuer les coûts de la santé.
Car l’assurance couvre une flopée
de choses qui ne sont pas des maladies. La vieillesse, par exemple, fait
partie d’un processus naturel normal. Tous les désagréments liés à ce
phénomène n’ont pas à être pris en
charge par la collectivité. Aucune
raison de payer pour l'alzheimer,
les rhumatismes, les troubles cardiaques ou les problèmes de vue.
(quelles qu’elles soient puisqu’il
n’y a pas lieu d’avantager certaines
croyances par rapport à d’autres).
Personnellement, je trouve parfaitement scandaleux de mettre au
monde des enfants sur une planète
qui souffre de surpopulation et je
refuse de donner un sou aux criminels qui agissent ainsi.
Les vieux ne sont pas malades,
ils sont décrépits, ce qui n’a rien
à voir. En approfondissant cette
réflexion, on peut établir que tous
les soucis de santé sont inhérents
au fait d’être vivant (puisque seuls
les morts ne tombent pas malades),
or vivre n’est pas une maladie, donc
aucun acte médical ne doit figurer
dans l’assurance de base.
En fait, c’est le principe même de
solidarité qui est débile. Pourquoi
payer pour des maladies qu’on n’a
pas soi-même ? Moi, par exemple,
je n’attrape jamais froid parce que
je me couvre bien avant de sortir.
Et je devrais me montrer solidaire
avec les centaines de milliers de
crétins qui s’enrhument parce
qu’ils ne pensent pas à mettre un
bonnet ? Et puis quoi encore ? Et
le cancer : pourquoi est-ce que
je paierais pour ça alors que,
selon mon expérience, ceux qui
chopent le cancer l’ont bien cherché ? La solidarité est un concept
inventé par les malades, jamais
un type bien portant n’aurait
eu une idée aussi saugrenue !
Autre argument intéressant, celui
du conseiller aux Etats Peter Föhn
(UDC/SZ) : « Personne ne doit être
obligé de cofinancer des avortements
contre ses convictions éthiques et
morales. » Une idée qui coule de
source, mais qui doit être généralisée. Les assurés n’ont aucune raison de cotiser pour des prestations
qui heurtent leurs convictions
Professeur Junge, phare de la pensée
contemporaine
Le 8e conseiller fédéral
Euh…
Y en a pas
vraiment…
Depuis son bunker sous le Palais fédéral, il dirige dans le plus grand secret le Gouvernement helvétique.
Dites donc, Alain, ça
a l’air sympa le truc
à François Hollande.
Comment je fais pour avoir aussi
une actrice comme maîtresse ?
Comment
ça ?
Ben oui quoi, il faut
s’inscrire quelque part ?
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
Mais j’en
sais rien.
Avec votre boulot à la Culture,
vous devez bien connaître des
actrices suisses.
Faites un
effort, en
plus je suis
prêt, j’ai
déjà acheté
un casque.
Et la Bernoise
en bikini qui
jouait dans un
« James Bond »,
elle est libre ?
Ursula
Andress ?
Il y a un entremetteur
fédéral qui se charge de
ce genre de choses ?
Je ne suis
pas un
maquereau !
Vous êtes au courant
que c’était dans un
film de 1962 ?
Oui, mais elles
ont autre chose
à faire que
maîtresses pour
chefs d’Etat.
Y a qui comme actrices
célèbres en Suisse ?
C’est pas grave.
Elle a 77 ans
maintenant…
On dira juste aux journaux à sensation
d’utiliser d’anciennes photos d’elle quand
ils révéleront notre liaison.
Aux Nippons
delphinovores
Feints gourmets
20 minutes, 21.01.14
Déjà connus pour raffoler de
chair de baleine, vous êtes
aussi
friands
d’une
autre
viande de mammifère marin : le
dauphin. Chaque année en cette
période, des centaines de cétacés sont bloqués dans la baie
de Taiji par des bateaux et des
filets de pêcheurs avant d’être
affamés des jours durant, puis
exterminés, dépecés, découpés
et enfin becquetés. Mondialement condamnée depuis la sortie
du sanguinolent documentaire
« The Cove, la baie de la honte »
en 2010, cette infâme boucherie se répète pourtant inlassablement. Malgré les appels
internationaux (et nationaux,
car nombre de vos compatriotes
japonais condamnent ces pratiques barbares !), vos autorités restent de marbre. Elles
justifient cette horreur au nom
de vos traditions, de votre
culture.
Usant du même argument, les Espagnols prennent plaisir à torturer longuement des taureaux
dans leurs arènes, les Anglais
se parent de leurs plus beaux
atours pour d’inégales chasses
à courre, les Chinois cuisinent
les filets de chien aux piments
et petits oignons… Quelques
exemples parmi d’autres de
traditions culturelles barbares qui se perpétuent aux
dépens de pauvres bestioles.
Mais passons. Car, outre sa
cruauté, votre ancestrale coutume alimentaire pose un menu
problème : les baleines et les
dauphins nagent dans les eaux
troubles des espèces en voie de
disparition.
Il serait bon, dès lors, que
vous changiez vos recettes culinaires et que vous commenciez
à vous faire un peu de sushi
pour les cétacés.
Alinda Dufey
110
Pitch
La maladie imaginaire
11
Gosses de triche
Règle de croix Aux Etats-Unis, les chrétiens adeptes de l’« Evangile de l’adoption », pour
qui toute vie est sacrée, pratiquent l’élevage intensif de gamins. Quitte à les tuer.
A l’heure où l’avortement fait débat ici et là, les évangéliques étatsuniens détiennent la solution
miracle. Ces parangons de la doctrine pro-life considèrent qu’une
grossesse consécutive à un viol,
loin d’être un traumatisme pour la
victime, est une épreuve envoyée
par Dieu (dans sa grande miséricorde). Et si la mère échoue à ce
la bébés attitude
test, Dieu a un plan B : l’adoption.
Ainsi des leaders évangéliques
encouragent-ils les bons croyants
à adopter en masse. Une pratique
qui incidemment contribue à
l’accomplissement de la Mission
sacrée, à savoir l’évangélisation
mondiale. Adopter un enfant, c’est
le sauver deux fois : une
fois physiquement, une
fois spirituellement.
La vie, c’est bien, la vie
éternelle, c’est mieux.
Dès lors, tous les
moyens sont bons
pour servir le projet
de Dieu et favoriser ce
qu’on pourrait aussi
bien appeler un trafic
de bébés. Des ministères, des lobbies politiques et autres agences
d’adoption chrétiennes
contournent ou détournent allègrement les
lois en vigueur.
Le problème, avec cet
« Evangile de l’adoption », c’est que la demande ne tarde pas à
excéder l’offre. Il faut
dire que cette damnée
contraception a causé
la chute du nombre de
grossesses indésirées
depuis les années 70.
Les orphelins se font
rares sur le marché occidental.
Heureusement, il reste
les pays en voie de développement : connus
pour leur richesse en matières
premières, ils offrent un véritable
réservoir d’enfants. Des bambins
dont on ne se soucie pas forcément de vérifier la provenance
et qu’on acquiert sans trop se
soucier de morale fondamentale.
Ainsi importe-t-on de prétendus
« orphelins » dont les parents sont
bien vivants mais misérables. Et
donc faciles à dépouiller de leurs
rejetons, quitte à leur mentir un
peu : éblouis par le rêve américain,
beaucoup croient en effet confier
leur progéniture à des sortes
de parrains temporaires. Et les
agences se gardent bien de révéler
aux parents biologiques la nature
exacte du contrat qu’ils signent.
Ne reculant devant rien pour
satisfaire l’Eternel, certains vont
jusqu’à exploiter les catastrophes
naturelles pour récupérer des « orphelins ». Dans son édifiant ouvrage The Child Catchers. Rescue,
Trafficking, and the New Gospel of
Adoption, Kathryn Joyce narre la
façon dont des groupes évangéliques ont écumé les ruines d’Haïti
après le séisme de 2010.
De toute façon, prêchent les révérends les plus zélés, toute cette
marmaille déshéritée, d’où qu’elle
vienne, était destinée dès la naissance à rejoindre la grande famille
des croyants états-uniens, car tel
était le projet de Dieu. Adopter ces
mômes, c’est en réalité leur permettre de « rentrer à la maison ».
Les plus fervents adeptes de
l’« Evangile de l’adoption » grossissent ainsi des cheptels d’enfants : plus ils en ont, plus ils
montrent la profondeur de leur
foi et la puissance de
leur amour. Sans compter qu’une famille très
nombreuse présente
l’avantage non négligeable de maintenir les femmes à la
maison (à la grande
satisfaction du Très
Haut).
Evidemment, tant de
bons sentiments chrétiens
finissent parfois par tourner
au tragique. Il est plus facile
d’accueillir Jésus dans son
cœur que des mômes bien réels
dans sa maison. Kathryn Joyce
relate l’histoire d’enfants difficiles, turbulents ou, pire,
rétifs au bourrage de crâne
évangélique, que leurs
parents adoptifs ont aussitôt considérés comme
possédés. Les pauvres
gosses ont alors été charitablement soumis à
des « processus de délivrance » en forme de mauvais traitements variés qui,
quelquefois, ont entraîné
la mort. Mais peu importe :
c’était là, sans nul doute, le
projet de Dieu. Sacha Durant
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
12
CUL T URE
CUL T URE
Un festival
Eux, les humains
Kent, Agnès Bihl, Bruno Ruiz en
têtes d’affiche, des artistes aussi
bien nés que Marc Aymon, parrain
du festival, Pierre Lautomne, Fabian
Tharin, François Vé, Nico* (étoile),
Ostap Bender, Frédéric Bobin et
Zedrus pour compléter le plateau,
Le Chant des Beaux Humains 2014
s’annonce à coup sûr comme l’un
des événements majeurs de cet hiver
sur la scène de la chanson francophone.
En s’assurant la venue de Kent, le
vendredi 24.01, Jacques S., le grand
manitou de ce festival, a réalisé un
coup de maître : c’est que l’ex-Starshooter, auteur notamment de Juste
quelqu’un de bien, la chanson qui
a fait connaître Enzo Enzo, se fait
plutôt rare sur scène. A Lausanne,
il présentera son 14e album, sorti
l’an dernier, Le temps des âmes, à
l’occasion d’un concert en forme
de dialogue avec le piano de Marc
Haussmann.
Le samedi 25, la scène de la Maison
de quartier sous-gare accueillera
Agnès Bihl, chanteuse « engagée »,
si ce n’est enragée, l’une des plumes
parmi les plus inventives de la
chanson d’aujourd’hui. Son dernier
album, 36 heures de la vie d’une
femme (Parce que 24, c’est pas assez),
offre un extravagant journal d’émotions en tous genres ; en prime, une
galerie de portraits débordant à la
fois d’énergie et de tendresse.
Le dimanche 26, Le Chant des
beaux humains accueillera Bruno
Ruiz pour, là aussi, l’un des rares
concerts donnés par cet artiste,
poète-chanteur dont chacune des
apparitions est à la fois un événement, mais aussi, surtout, une magnifique rencontre avec le public.
On ne chômera pas non plus sur
la scène de l’Amandier où, pendant ces trois jours, défilera ce qui
se fait de mieux (et de plus beau)
en matière de relève. Les détails du
programme sur www.lechantdesbeauxhumains.ch Roger Jaunin
Retrouvez ou découvrez Vigousse, votre
petit journal satirique, tout au long de ce
week-end dans le hall d'entrée de la Maison de quartier sous-gare, à Lausanne.
auSCULTER Plus qu’un journal
intime, une énumération sans
gêne ni tabous des manifestations
corporelles d’un homme de douze
à quatre-vingt-sept ans. Des petits
bobos aux grands mots. Journal
d’un corps, une lecture de Daniel
Pennac par Daniel Pennac, Arc en
scènes – Centre neuchâtelois des
arts vivants, Théâtre, La Chaux-deFonds, le 24 janvier à 20 h 15,
www.arcenscenes.ch
S’ENGAGER Une simple info
dans un journal : un chinois
ayant peinturluré un portrait de
Mao sort de prison après 17 ans
d’incarcération. Cela bouleverse
Madeleine, une ancienne militante,
qui reconsidère sa vie entre
engagement et combat de vues. Je
pense à Yu, de Carole Fréchette, par
la Cie Marin, Théâtre du Pommier,
Neuchâtel, les 29 et 30 janvier,
www.ccn-pommier.ch
SE CULTIVER Les musées du
Palais de Rumine et le Vivarium de
Lausanne proposent cette année un
nouvel événement culturel : Ciné au
Palais ! Durant deux jours, les 1er et
2 février, des films récents et en lien
avec les musées seront proposés
gratuitement. Un bon prétexte pour
(re)voir les expos en cours. Toutes
les infos sur www.cineaupalais.ch
DéCONCERTER Atypique et
Gare aux grilles par
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égé
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HORIZONTAL 1 J’y pense et puis j’oublie 2 Des nouvelles de la smala
3 Arrêtent par rets – Prix d’épris de vitesse 4 Distingue le dingue des études
– Torrides, favorisent rides – Les prolos fêtent le boulot à son intro 5 Protège
du 4 horizontal et central – On s’y magne avec cannes en Allemagne 6 Pas
si vilaines en Ille-et-Vilaine 7 La hausse du brut brutalise son client – Un grec
dans un mauvais steak 8 Perturbas même le baba 9 Torpille si électrique –
A affaire à fer 10 Quand la tsé-tsé a passé.
VERTICAL 1 Pour amateur de poudreuse en Rocheuses – A démarche féline
en Argentine 2 Distractions en toute décontraction – On y mange 4 saisons
3 Dorée en marée – Là accumulation entre deux mictions 4 Prièrent en vain
l’ami Calvin à la Saint-Barthélemy 5 Amour d’Aznavour 6 Où Napo flanqua
une peur bleue à la Prusse – Faux anis pour Panisse 7 Mobile de gens
mobiles – Altérée par Ferré 8 Sa troupe était en soucoupe – Utilises sans
balise ni soin 9 Aplanira 10 En mer par vent arrière – Copié-collé.
Solution pour les nuls dans le prochain numéro
[email protected]
Un film
Des védés
BROUILLON
DE CULTURE
fantaisiste, l’artiste suisse Not
Vital manie aussi bien le bronze,
l’argent et le marbre, et s’exprime
également grâce au dessin, à
la peinture et à l’estampe. Une
recherche autour de l’espace
(Not) Vital. Tanter. Cabinet d’arts
graphiques du Musée d’art et
d’histoire, Genève, jusqu’au
13 avril, www.ville-ge.ch/mah
SUIVRE De 1943 à aujourd’hui,
de l’exercice militaire au
dépassement musculaire, la
patrouille des glaciers dans tous
ses états. Une course bien garnie.
Patrouille des glaciers. Plus
jamais… pour toujours !, exposition
au Musée de Bagnes, Le Châble,
jusqu’au 11 mai,
www.museedebagnes.ch
13
Etoile de maître
2001 de Kubrick est, pour certains,
le plus grand chef-d’œuvre du
cinéma de science-fiction et,
pour les autres, un truc un peu
boursouflé et d’une incroyable
longueur. Que ces derniers se
rassurent ; il existe un antidote,
une espèce d’ « anti-Odyssée de
l’espace », et il s’agit de Dark Star,
le premier film fauché de John
Carpenter.
Ecrit, joué et monté sous acides,
cela donne une petite pochade
subversive qui montre de manière
très amusante ce qui peut se passer
quand on pète un plomb au bout
de plusieurs années d’espace
intersidéral. Réalisé avec peu
de moyens, bourré de défauts et
d’acteurs moyennement talentueux,
c’est néanmoins l’un des premiers
scénarios de Dan O’Bannon, qui
écrira juste après l’immortel Alien de
Ridley Scott. Quand on a un grand
réalisateur et un scribouillon de
talent, les bémols se transforment
en film culte du samedi soir, ne
serait-ce que parce que l’ordinateur
central de la capsule spatiale
se prend pour Dieu. Enorme !
Michael Frei, Karloff, films cultes,
rares et classiques, Lausanne
Dark Star, de
John Carpenter,
1974, Carlotta,
Vf et Vost,
DVD et Blu-ray,
80 min.
Trèfle à quatre deuils
Fondus chinois Le capitalisme ne laisse
aucune chance aux sans-grade. En Chine comme
partout. Dans A Touch of Sin, quatre personnages
désarmés se révoltent avec leur armes.
Plus on est de filous, moins il y a de riz ! Amer,
Dahai, mineur de fond pas très en forme, s’en
rend compte. Depuis que la mine où il travaille
a été vendue à des privés, plus ses patrons s’en
mettent plein les fouilles, plus les inégalités
se creusent. Pour les ouvriers, peau de balle !
Alors Dahai explose. Coup de grisou dans les
méninges ! Pétage et truffage de plomb ! Armé
d’un fusil de chasse, l’homme se prend pour
Charles Bronson, pour Michael Douglas dans
Chute libre : il délivre sa justice aussi arbitraire
et inique que celle d’en face. Mort en sursis,
Dahai tire ses dernières cartouches.
La réaction des trois autres protagonistes, Yo,
hôtesse d’accueil dans un sauna du genre à couper les mains baladeuses, Hui, ouvrier motoboulot-dodo traçant sa route en flinguant des
bandits de grand chemin, et San, qui a la dette
de l’emploi et la mort dans l’âme, sera elle aussi
violente, désespérée. Sang pour sang radicale.
Dans A Touch of Sin, le réalisateur chinois
Jia Zhang-Ke multiplie les plans d’animaux,
comme pour souligner que le capitalisme sauvage, bête féroce, c’est la jungle, filme les accès
de violence mieux que Tarantino, propose une
réflexion, impressionnnante et dérangeante,
sur le travail devenu survie, sur la brutalité
sociale.
La Chine n’est plus la patrie du yin et du yang,
mais celle du yuan et de l’exsangue... Bertrand
Lesarmes
A Touch of Sin, de Jia Zhang-Ke, avec Jiang Wu,
Wang Baoqiang, Zhao Tao. Durée : 2 h 10. En salles.
Vendredi 24 janvier (20 h 30)
Samedi 25 janvier (20 h 30)
Dimanche 26 janvier (17 h)
Hainard sauvage
Emerveillé. Humble. Fondamentaliste.
Sévère. Défenseur. Exotique. Sobre.
Talentueux… Durant plus d’une
heure et demie, amis, admirateurs
et famille racontent le naturaliste
Robert Hainard (1906-1999). Des
témoignages sur ce touche-à-tout qui
s’est essayé avec brio à la gravure, à
la peinture, au dessin, à la sculpture,
à l’écriture. Mais aussi des anecdotes
touchantes et étonnantes (telle
l’offrande aux renards du placenta
de sa fille Marie), qui en dévoilent un
peu plus sur ce grand amoureux et
protecteur de la nature sauvage.
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Plus qu’un documentaire
biographique, ce film de la
réalisatrice-journaliste Viviane
Mermod-Gasser est un patchwork
d’œuvres, d’instants de vie, de savoirfaire et de charmes du Genevois et
de son épouse Germaine. Une leçon
de vie et de respect « au-dessus de
tout critère religieux et politique » ;
un homme candeur nature. Alinda
Bouluris
& Lee Maddeford
Immersion dans le monde
de Randy Newman
et Tom Waits
Dufey
Robert Hainard. L’art, la nature, la
pensée, de Viviane Mermod-Gasser,
Framevox Productions, DVD, 91 min.
L’Esprit frappeur
Villa Mégroz – 1095 Lutry (VD)
www.livestream.com/espritfrappeur
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
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zoom avant Sur l'info
Martyr
à la plage
Il était une fois, dans le Royaume
de Blefuscu, un bouffon qui s’appelait Bambou.
Longtemps, Bambou se moqua de
tout le monde et tout le monde le
trouvait rigolo. Un jour, il voulut rire d’une communauté, les
Chiloques. Là, il n’était plus trop
drôle. Il disait que les Chiloques
aimaient l’argent et le pouvoir,
qu’ils se plaignaient sans arrêt. Ça
devenait pénible et on commença
à le trouver pas net. De plus, pendant ses spectacles, Bambou inventa un geste, « la carotte », pour
se moquer du système, disait-il.
La carotte était assez vulgaire.
Trois entités de la société blefus-
culienne décidèrent de le contrer :
le roi (et ses ministres), les journalistes et les autres bouffons.
Les journalistes et les bouffons de
Blefuscu furent les plus systématiques. Ils pensèrent : « On va dire
que Bambou est un salaud et qu’il
ne nous fait plus rire. »
A l’église cathodique, un bouffon populaire, Lucien Roquette,
expliqua que la carotte était en
vérité un signe cabalistique en
hommage à Satan.
Trottoir
pour bien faire
Les journalistes et les bouffons
étaient complices. Chaque fois
qu’un bouffon expliquait que
Bambou était con, les journalistes
applaudissaient : « Voilà qui est
bien dit, quel courage, vous pensez
comme nous. » Leurs intentions
étaient nobles, ils se congratulaient : « Comme ça, personne dans
le royaume ne pensera comme Bambou à propos des Chiloques. »
Pour des raisons occultes, le
contraire se produisit.
Avec l’aide du diable, Bambou
était-il trop fort ? Ou alors ses adversaires, stratégiquement, étaientils des gros nazes ? N’avaient-ils
pas lu Martyr à la plage quand ils
étaient petits ?
Les voisins des Blefusculiens, des
nains discrets, s’en moquaient
gentiment : « Franchement, ils n’ont
pas d’autres soucis ? »
Ils étaient plus sages et nuancés.
Enfin, pas tout à fait, dans La
Semaine, une gazette importante,
Christian Passoire écrivit que les
amateurs de Bambou étaient tous
des « collabos ». Même Clode-Ingrid Barbouille, dans Mâtin quel
journal, se sentit obligée de parler
de Bambou.
Ce n’était pas très nuancé, ça resta
discret. Stéphane Bovon
Chaque semaine dans Vigousse,
Jonas Schneiter traite des bidules
virtuels, des accrocs sur la Toile et
des applications discutables. Mais
ce grand dadais écrit aussi dans
l’hebodomadaire gratuit LausanneCités. Le 28 novembre 2013, il y
évoquait en une « Les Espagnoles sur
les trottoirs lausannois », ces victimes
de la crise ibère, ces malheureuses
qui viennent tapiner chez nous. A
peine deux mois plus tard, il remet
ça : « Après le divorce, le temps de la
prostitution » (15.01.14), témoignage
émouvant d’humbles femmes d’ici
qui arrondissent leurs fins de mois
en vendant leurs charmes. Dans les
deux cas, l’auteur tient beaucoup
à souligner que ces situations,
contrairement aux apparences, ne
sont pas « idylliques ». Rien à voir,
précise-t-il, avec ces « sublimes
escort-girls rémunérées des milliers
de francs pour une nuit ». Une idée
pour un prochain sujet, peut-être ?
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Vigousse vendredi 24 janvier 2014
15
R e b u t S d e p r e ss e
Hors-jeu à la RTS
Presque une année : c’est le temps qu’il a fallu aux nombreuses instances
dirigeantes, commissions, chefs, sous-chefs, sur-chefs et autres structures
décisionnelles de la RTS pour traiter une très grave question, à savoir :
« faut-il autoriser l’installation, dans les locaux lausannois de la radio
suisse romande, d’un baby-foot destiné au personnel ? »
La demande émanait de quelques salariés de la radio, soucieux de mettre
en pratique les sains préceptes directoriaux sur la dynamique de groupe, la
motivation collective, la culture d’entreprise et autres précieux concepts tels
qu'« un employé heureux est un employé plus productif ». Les requérants
pensaient donc qu’un baby-foot, avec en plus la perspective du Mondial cet
été, pourrait s’inscrire dans une telle logique.
L’affaire a parcouru et mobilisé les étages hiérarchiques, à Lausanne, puis
à Genève. Elle a été traitée par la « commission de santé », qui n’a pas émis
d’opposition. Les hautes sphères en ont débattu. La réponse est tombée par
courriel le 20 décembre 2013 : signé par un chef basé à Genève, Hansruedi
Buff, Chef Facility Management FM (en langage de Suisse romande, dont
la RTS a pour mission de défendre la culture), le message « informe qu’il
ne sera pas possible d’installer un baby-foot dans les locaux de la RTS
à Lausanne, ni dans d’autres locaux de la RTS ». Et de préciser : « Cette
décision a été prise par la direction après mure [sic] réflexion et en tenant
compte d’autres demandes similaires pour lesquelles nous avons répondu
négativement. En plus, il nous manque continuellement de la place et de la
surface sur toutes [resic] les sites. » Ainsi s’achève la saga du baby-foot.
Informés de ce verdict par voie hiérarchique, les employés lausannois à
l’origine de l’initiative se déclarent très déçus et suggèrent de reconsidérer
une décision qu'ils peinent à comprendre. Reste que ce sont eux qui, dans
cette affaire, ont commis la première des absurdités incompréhensibles :
demander l’autorisation ! Vigousse
Il faut
sauver Closer
LE CAHIER
Un blog relayé par Mediapart révèle
les chiffres de l’aide à la presse en
France pour 2012. Ainsi, pour son
précieux apport à la démocratie, le
magazine Closer a touché l’équivalent
de 688 000 francs suisses...
Seppi, c’est pire !
Par ailleurs, l’auteure du blog, la
conseillère régionale de Rhône-Alpes
Corinne Morel Darleux, s’étrangle
en apprenant que les journaux voués
à la seule publication des grilles de
programmes télévisés empochent
des subventions. De Télé 7 Jours
(8,6 millions de francs) à Télé Star
(6 millions) en passant par Télé
Loisirs (5,6 millions), elle estime
que l’aide de l’Etat n’est pas toujours
distribuée en fonction de l’intérêt
public... Heureusement, parmi les 200
titres qui palpent des sous, figurent
aussi Le Monde (23 millions de
francs), Le Figaro (presque autant),
Libération (12,4 millions) ou Le
Canard enchaîné (près de 700 000
francs).
En Suisse, l’aide à la presse ne fâche
personne, elle donne un petit peu à tout
le monde. Sauf bien sûr à Vigousse.
J.-L. W.
Pense-bêtes
24 heures consacre sa une et une pleine page
au succès des « communicateurs animaliers »
(20.01.14). Grâce à la télépathie et aux « ondes
alpha », l’expert traduira les états mentaux,
angoisses, désirs et ambitions des compagnons
à quatre pattes. Mieux encore, on apprend que
ça marche aussi avec les animaux morts et
les insectes, mais que « les infos seraient
plus basiques avec une mouche qu’avec
un chat ». Des sornettes dans un quotidien
romand, c’est tristement banal. Ce qui l’est
moins, c’est que le président de la Société
vaudoise des vétérinaires souscrit à ces inepties ;
il compte même recenser « les personnes
sérieuses qui font cela ». La SPA de SaintLégier est enthousiaste elle aussi : elle a souvent
recours à ces charlatans « pour connaître le
passé des animaux qu’elle recueille ». Et la
société vaudoise pour la protection des
animaux semble se foutre complètement
qu’on exploite ainsi la crédulité des amis
des bêtes.
Le philosophe Ludwig Wittgenstein écrivait que
« si un lion pouvait parler, nous ne pourrions
pas le comprendre ». Pas étonnant qu’il n’ait
jamais fait la une du 24 heures… S. D.
DES SPORTS
Sepp Blatter est plus vert que
jamais. C’est que, voyez-vous,
l’inamovible patron du football
mondial est amoureux. Et il dit, l’œil
toujours aussi malicieux, qu’« il n’y a
pas d’âge pour cela ». Le sien, d’âge,
78 ans en mars prochain, ne semble
en effet pas faire problème… même
si l’élue, elle, en avoue 28 de moins.
Mais sait-on jamais avec femme
coquette…
Toujours est-il que notre empereur
des alpages valaisans se sent des
envies. Changement d’herbage
réjouit les veaux, dit le proverbe ;
on sait aussi qu’en matière de pré
du voisin – celui où le gazon est
toujours plus beau – le Seppi n’a
jamais manqué d’aller s’y promener.
Passons. Après tout, être un
président influent ne favorise-t-il pas
les rencontres ; et ne donne-t-il pas
droit à certains privilèges ? Tais-toi,
François !
Le pire, dans ce requinquage, c’est
que cette poussée d’adrénaline lui
a donné des idées, à Sepp Blatter.
Tenez : celle de se présenter à
sa propre succession lors de la
prochaine élection à la tête de
la FIFA, en 2015. Du coup, c’est
l’affolement dans la volière.
Candidat non encore déclaré,
Michel Platini a promis de « ressortir
quelques dossiers jusque-là
enterrés ». Mieux, un certain Jerôme
Champagne, ex-vice-secrétaire
général de la FIFA, s’est découvert
de nouvelles ambitions en indiquant,
lui, qu’il jugeait « nécessaire d’en
finir avec la crise de gouvernance ».
Si ce n’est pas une attaque frontale,
ça…
Confortablement installé sur son
nuage, Blatter n’a pas bronché.
Mais, c’est sûr, la riposte ne saurait
tarder. Le vieil homme est tout (lune
de) miel, tout sucre et, question
champagne, il ne pense pour l’heure
qu’à le sabrer.
Pour le reste, on ne saurait trop
conseiller à ses futures victimes de
mettre les casques.
Et ce sera tout pour cette semaine.
Roger Jaunin
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
16
{
B é B E RT D E
PLONK & REPLONK
}
LA S UI T E AU P ROC H AIN NUM É RO
Professeur K., voyance infralucide
Klaus Schwab est un type brillant. Né en Allemagne en 1938, il
a décroché un doctorat à l’EPFZ
en 1966, un autre en sciences
économiques à Fribourg en 1967,
un master en administration publique à Harvard en 1967 aussi.
Et en 1971, il a fondé le World
Economic Forum (WEF). Après
quoi il a moissonné sur la planète entière une flopée de doctorats et de chaires de professeur
honoris causa, de médailles
et de rubans, de prix et autres
prestigieux hochets. Des esprits
perfides pourraient persifler qu’inviter chaque année le gratin mondial à la sauterie de Davos, ça aide.
De fait, Klaus Schwab préfére-
rait perdre un bras plutôt que de
renoncer à son heure de gloire annuelle : le bla-bla d’ouverture du
WEF, lequel a pour modeste devise d’être « engagé pour améliorer
l’état du monde ». On n’ose imaginer l’état du monde aujourd’hui
si, 44 ans de suite, les grands
Vigousse vendredi 24 janvier 2014
décideurs visionnaires n’étaient
pas venus dans les Grisons s’en
occuper une semaine.
Des décennies durant, ces guides
éclairés ont prôné la croissance et
le libéralisme à tout crin, n’affichant qu’indifférence ou dédain
envers les écolos, les tiers-mondistes et autres nuisibles dont les
manifs puériles, grâce aux barbelés, à la police et à l’armée suisse,
ne pouvaient heureusement gâcher
l’ambiance du Forum. En 2001,
certains de ces benêts arriérés sont
allés bricoler un machin alternatif à
Porto Alegre. Ridicule.
A Davos donc, les gens sérieux
et visionnaires vantaient le capitalisme, ils traçaient l’avenir du
monde, ils combattaient la misère
et ils faisaient des affaires. L’année
d’après, ils déploraient que la misère n’avait aucunement régressé
et ils faisaient des affaires. Après
la crise mondiale de 2008, qu’ils
n’avaient pas prévue, ils ont prévu
de « moraliser le capitalisme ».
En 2014, le WEF met l’accent
sur le dérèglement climatique, le
fossé grandissant entre riches et
pauvres, les crises alimentaires,
l’accès à l’eau. Les mêmes
thèmes, curieusement, qu’à
Porto Alegre il y a treize ans
ou dans les manifs depuis
trente ans. Finalement, les
visionnaires, c’était qui ? Laurent
Flutsch
C'EST ARRIVÉ
LA SEMAINE
PROCHAINE
(ou du moins ça se pourrait bien)
Stanmania
Wawrinka : son rasoir
témoigne
Stanmania
Wawrinka : son compte
BCV raconte
Stanmania
Wawrinka : ses chaussettes
sèchent
Vigousse Sàrl, rue du Simplon 34, CP 1499, CH-1001 Lausanne
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