Projet de culture d`algues à Moëlan sur mer et Clohars Carnoet

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Projet de culture d`algues à Moëlan sur mer et Clohars Carnoet
Projet de culture d'algues à Moëlan sur mer et Clohars Carnoet- Finistère
Déclaration commune de Bretagne Vivante et d'Eau et Rivières de Bretagne
Le développement de la culture de macroalgues fait l'objet en France d'un projet d’études et
d’expérimentations, dénommé IDEALG, sélectionné dans le cadre des Investissements d'Avenir.
Le programme BREIZH'ALG, accompagné par le Conseil Régional de Bretagne et portant sur
l’algoculture alimentaire, en est la traduction territoriale.
Dans ce cadre, il est inévitable que se multiplient dans un avenir proche les demandes
d'autorisation de concession auprès des services de l'Etat.
Il importe donc que les autorisations délivrées s’appuient sur une évaluation rigoureuse des
enjeux environnementaux, économiques, sociaux, paysagers. Ils devront notamment prendre en
compte localement le rapport bénéfice/risque.
Au coté des dispositions législatives et réglementaires, l'Etat dispose aujourd’hui, pour apprécier
la pertinence des candidatures, d’un rapport d’expertise réalisé conjointement par le Conseil
Général de l’Environnement et le Conseil Général de l’Agriculture et de l’Alimentation. Ce
rapport, remis au mois de juillet 2012, a été sollicité par le Ministère de l'écologie, du
développement durable et de l'énergie, et le au Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et
des espaces ruraux. Ce rapport d’expertise est intitulé « Expertise du projet de filière
d'algoculture alimentaire en Bretagne. »
D’autre part, la consultation des habitants, du mouvement associatif, des collectivités territoriales
ne peut se contenter d'une forme de service minimum. Les dérives antérieures dans
l'industrialisation de l’agriculture et des activités agro-alimentaires montrent que l’on doit exiger
au préalable transparence, sincérité et vision durable.. Ces exigences sont essentielles d’autant
plus qu'il s'agit de soustraire à l'usage collectif des pans entiers du domaine public.
Certains aspects du projet IDEALG, ne sont guère rassurant en particulier lorsqu'il y est
expliqué qu' « Il intègre par ailleurs trois volets de recherche appliquée à l'aquaculture, aux
biotechnologies et à la chimie, qui ont comme objectifs de favoriser une production de masse, de
sélectionner des variétés nouvelles, et de développer des produits et procédés innovants''. Le
respect de l'équilibre des biotopes actuels est incompatible avec une telle politique, l'exemple des
terres agricoles nous le prouve. La sélection de nouvelles variétés avec recours aux
biotechnologies (OGM non exclus), et la chimie (usages d'intrants), nous obligent à la plus
grande vigilance.
Cependant ce programme prévoit
'' Une évaluation des enjeux sociaux et des impacts
économique et environnementaux (respect du milieu marin et de sa biodiversité) sera
menée avant l'utilisation de ces nouvelles connaissances et technologies par les partenaires
privés.'
Les projets Algolesko et Algolesko-Domejyot :
C'est à partir de ces éléments de réflexion et de ces critères que nous avons étudié les
projets que les sociétés Algolesko et Algolesko-Bomejyot souhaitent développer au large des
côtes de la commune de Moëlan sur mer. Nous nous sommes entourés de l'avis de scientifiques
spécialistes et d'acteurs de la filière.
− A) Les documents mis à disposition par les sociétés se réfèrent bien aux informations
collectées par IFREMER. Cependant ils font l'impasse sur les impacts
environnementaux potentiels d'un projet mono-cultural et mono-spécifique de plus
de 265 ha.
−
B) La stratégie économique semble mal maîtrisée. Les chercheurs et les acteurs
économiques que nous avons sollicité ne voient pas l'intérêt d'un tel choix et d'une telle ampleur.
La filière du Nord Bretagne consistant à exploiter la ressource naturellement disponible est
beaucoup plus rentable et nombre de concessions d'algues sous utilisées dans le nord et le sud
du département. Enfin, compte tenu des capacités actuelles d'approvisionnement et de production
des marchés asiatiques, la stratégie d'exportation d'algues vers ces régions paraît éphémère,
risquée et aléatoire.
−
C) La gestion des déchets de production (algues abîmées, etc.) n'est pas clairement
définie. A plusieurs reprises, il est question dans les dossiers présentés de « valorisation par
méthanisation ». Mais rien n'indique le cheminement précis ni le résultat attendu. Or, la capacité
de méthanisation des algues, variables selon leur nature mais globalement faible, est loin d'être
acquise assurent les spécialistes sollicités.
−
.D) Le projet est en totale opposition aux conclusions du rapport d'expertise précité et
à ses préconisations suivantes :
1) 'La mission recommande de raisonner sur des structures de production de taille
modeste car mieux adaptées à gérer la diversité des sites offerts par les côtes
bretonnes, sous formes d'exploitations à taille humaine, individuelles ou employant un
nombre assez faible de salariés.
2) Pour la mission, il semble illusoire de vouloir développer une filière économique
d'algoculture d'importance significative en France en envisageant de se positionner
d'emblée sur le marché mondial (exportations vers l'Asie).
Le rapport conclut ainsi :
'' La création d'une filière économique autour de la culture d'algues en milieu marin,
de leur transformation et de leur consommation à grande échelle ne pourra pas se
faire sans une démarche de raisonnement en termes de développement durable,
associant toutes les parties prenantes accompagnées ici d'un effort d'information et
de sensibilisation sur un thème totalement nouveau comme l'est l'algoculture''.
E) L’apposition de cultures en mer de moules et d’huîtres sur corde pose question. En
effet les tonnages d’huîtres produits régressent depuis quelques années et laissent libres de
nombreuses concessions sur l’estran. Pourquoi dans ces conditions demander de nouvelles
concessions ? La zone au large est aussi sujette que la côte à la contamination par la
microalgue toxique Dinophysis qui conduit à de nombreuses interdictions annuelles. Il
n’est pas prouvé que les mortalités d’huîtres soient moindres dans cette zone par rapport à
l’estran.
Avis :
La taille du projet, la durée de concession, le manque de fiabilité économique et donc de
durabilité et l’absence organisée de concertation, expliquent largement les oppositions qui
s'expriment et s’organisent aujourd'hui. Il est navrant que les services de l'Etat et les
collectivités territoriales n'aient pas anticipé ces interrogations et ces inquiétudes en
rappelant aux porteurs de projet les critères définis par les experts ministériels.
Bretagne Vivante et Eau et Rivières de Bretagne demandent donc à la Commission des cultures
marines d'émettre dans ces conditions un avis négatif .

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