Février : la démarque !

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Février : la démarque !
Réfléchir
Les mots qui fâchent
Février : la démarque !
La crise est terminée, ou presque ! Mais de qui va-t-on dire du mal cette année ? Pas la peine de chercher bien loin, il y a tellement de petites imperfections dans notre métier, nous avons l’embarras du
choix ! Et pour ce mois de février, si nous parlions un peu de démarque !
- L a définition du dictionnaire = (demar k), nom
commun, féminin, Article
dont la marque a été enlevée pour être vendu à un
prix inférieur.
- L a définition objective =
tous les produits et végétaux commandés, qui
rentrent dans le magasin par la réception et qui
sortent par la poubelle…ou
dans un sac à main, par
exemple.
- L a définition du chef d’entreprise = mais comment
on a encore fait pour en
perdre autant !
- L a définition du vendeur =
T’façon, j’ai pas 4 bras !
Y z’ont qu’a arrosé aussi
quand je ne suis pas là !
La démarque, vous
connaissez ?
Ben dis donc, quelle question ! Heureusement qu’on
connaît. Si vous travaillez
dans la distribution, ce fléau
n’a pas du passé inaperçu,
non ? C’est le premier truc
avec lequel on vous rebat
les oreilles depuis quelques
années ! Mieux que la relation
client, meilleure que l’accueil
ou le sourire, la démarque
occupe l’espace pendant les
réunions, au point de cannibaliser tout le
reste.
…
tre avis nous
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Roland Motte…
Jardinier
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écrire à Roland :
[email protected]
Et si vous êtes vulgaire client
de base (attention, ça peut
arriver), la démarque, c’est
en janvier pendant les soldes,
le seul moment de l’année
ou j’achète mes jeans. Il faut
attendre la dernière démarque, c’est la plus favorable.
A la première, dès le début,
tout le monde se précipite
dans les magasins et il faut se
battre pour un pantalon avec
une simple remise de 30%. A
la deuxième démarque, on
passe à 50% et ainsi de suite.
Si le bonheur vous permet
d’atteindre la quat r ième
démarque, là, on vous donne
pas d’argent avec le produit,
mais presque ! Et vous vous
retrouvez ainsi avec de jolis
jeans taille 1, il ne reste plus
que ça.
Le fléau !
Pour le commerçant, c’est
une catastrophe. Il a trop
acheté, c’est sûr. Pourtant, il
le sentait le coup de poker,
l’affaire en or, le truc qui va
se vendre tout seul ! Alors il
a chargé, le chef de rayon,
encouragé par son acheteur… Oui mais, y’a eu la
pluie, y’a eu le concurrent
qui a cassé les prix, y’a eu le
produit pas livré à temps, et
justement le produit, il n’est
pas si terrible que ça… Ca
serait de la faute du fournisseur que ça ne m’étonnerait
pas… Il le savait, lui, que ça
n’allait pas se vendre ! Je ne
sais pas ce qui me retient de
lui faire un litige !
Bon, va pour les produits,
mais pour les plantes ? C’est
qui qu’a pas arrosé ? C’est
qui qui les a laissé en plein
soleil ce week-end ? C’est qui
qu’en a commandé de trop ?
Oui mais, y’a eu la pluie,
y’a eu le concurrent…
Finalement, ce serait la faute
du producteur…
Dans tous les cas, la démarque nous pourrit la vie, nous
pourrit les relations, nous
pourrit le commerce.
Que fait la
direction ?
La direction n’a rien à voir là
dedans, le fond du problème,
c’est notre mode de commercialisation. La distribution
est un ogre de consommation, elle est là pour faire de
la marge, et pour cela il faut
vendre, et pour cela, il faut
du volume. Tout le monde
accepte le jeu. Et les fournisseurs sont là pour produire.
Bien sûr ils sont gênés si ça
ne sort pas des rayons, tout
le monde compatis, tout
le monde par ticipe pour
combler ce trou, mais hélas,
la démarque est là, bien là.
Et par hasard, vous avez déjà
calculé le montant du désastre, juste histoire de rigoler ?
Si la démarque connue fait
1% d’une petite jardinerie
de 3 millions de CA annuel,
ça nous fait 30 000 euros par
an de perdu. Et si on multiplie par un approximatif de
1000 jardineries dans l’hexagone, on arrive à 30 000 000
d’euros. Et là bien sûr, nous
ne parlons que du jardin, sans
les Lisas, sans les GSB, sans
les autres… Heureusement,
ces chiffres sont faux bien
sûr, rassurez-vous… c’est
pire !
Dommage !
Il n’y a pas encore de solutions efficaces, nous continuerons à nous chamailler en
magasin, nous continuerons
à prétexter un élément extérieur, les fournisseurs participeront à l’effort collectif,
merci pour eux. Et en attendant, cette somme aurait pu
servir à plein d’autres choses
beaucoup plus utiles comme
le Sidaction, le Téléthon,
les Restaus du Cœur, le
Rolandmotthon…
A l l e z ! Je v o u s e m b ê t e ,
dormez en paix ! Mais à
l’heure où nous avons tous
la fibre écolo, la fibre développement durable, la fibre
bien pensante du commerce
équitable, à l’heure où nous
nous payons une conduite à
coup de déclaration “propre”,
y’a comme un parfum de
démarque dans nos actions
de communication.
Difficile de donner 1 euro
par plante pour une œuvre
humanitaire et d’en jeter des
milliers dans le même temps
sur l’autel de la surconsommation. Voilà un comportement pas très “durable”,
non ?
La démarque est un boulet,
et plus nous allons communiquer éthiquement correct,
et plus elle sera lourde à traîner.
Il est temps de trouver des
solutions, des groupages de
livraison, des structures plus
adaptées, du personnel pour
gérer l’entretien… Il est temps
de réagir avant de nous faire
rattraper par l’image dangereuse de la démarque.
A bientôt. Roland.
sse….
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Journal Jardineries # 577 • 8 février 2010
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