Le voile blanc du danger

Transcription

Le voile blanc du danger
JENNA RYAN
Le voile blanc
du danger
DEBRA WEBB
Etrangère
à son passé
JENNA RYAN
Le voile blanc du danger
Traduction française de
PASCALE DOMÉJEAN
Collection : BLACK ROSE
Titre original :
COLD CASE COWBOY
Ce roman a déjà été publié en 2012
© 2007, Jacqueline Goff.
© 2012, 2017, HarperCollins France pour la traduction française.
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ISBN 978-2-2803-6776-9 — ISSN 1950-2753
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— Skye Painter est une perfectionniste, Sasha. J’ai lu des
articles la concernant. Elle attend certainement beaucoup
de toi. Ne la déçois pas, et ne me déçois pas non plus !
Tout en conduisant son Land Rover sur une petite route
verglacée du Colorado, Sasha posa son téléphone sur le
tableau de bord et plissa les yeux pour regarder au loin, à
travers les rafales de neige. Sa mère avait pour habitude de
s’approprier ses succès professionnels, et elles avaient eu ce
genre de conversation un nombre incalculable de fois. La
vie de Barbara Leeds ne s’était pas déroulée comme elle
l’aurait souhaité, et elle attendait de ses enfants – Sasha et
son demi-frère Angus – qu’ils en comblent les manques.
— Skye descend directement de John Painter, le fondateur de la ville, poursuivit Barbara. Elle a de l’argent, du
pouvoir, et un sens des affaires plus développé que celui
de ses défunts maris. Dessine-lui un complexe hôtelier de
rêve, et je serai la plus fière des mères.
Tout en veillant à ne pas prendre un ton narquois, Sasha
répondit :
— Je vais faire de mon mieux pour attirer la jet‑set à
Painter’s Bluff.
— Ne fais pas la maligne, Alexandra ! Et je te rappelle
que tu as trois jours de retard. On ne peut pas dire que ce
soit une excellente entrée en matière !
Sasha détestait que sa mère l’appelle par son prénom.
— Ecoute, maman, je lui ai expliqué pourquoi je n’ai
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pas pu arriver le jour prévu, et elle a parfaitement compris.
Elle ne m’a pas paru contrariée du tout.
— Bien sûr que non. Pourquoi le serait‑elle ? répliqua
Barbara avec un soupir d’agacement. Son fils est avocat…
Elle a bien de la chance ! Le mien est un charmeur qui a
arrêté ses études et qui n’arrive pas à tenir en place. En
parlant d’Angus, tu l’as vu récemment ?
— Pas depuis Noël.
— Il devrait être en train d’étudier.
— Il a vingt ans, maman. Et visiter l’Europe n’a jamais
fait de mal à personne !
— Arrête de lui trouver des excuses !
Elle poussa un nouveau soupir avant de poursuivre :
— Quant à toi, Sasha, tu en as vingt‑neuf. Tu devrais
être installée.
Sasha fut tentée de raccrocher, de faire comme si la ligne
avait été coupée, mais à quoi bon ? Barbara la rappellerait immanquablement à l’hôtel ce soir et continuerait sa
harangue jusqu’à ce que… Eh bien, jusqu’à ce qu’elle se
fatigue, songea Sasha. Malheureusement, sa mère semblait
dotée d’une énergie redoutable lorsqu’il s’agissait de faire
des reproches.
— Et dire que tu pourrais être mariée à ce chirurgien
esthétique de Philadelphie ! reprit Barbara.
— Tu y aurais effectivement trouvé quelques avantages…
Elle imaginait parfaitement le rouge en train de monter
au visage de sa mère.
— Il ne m’a fait qu’un petit lifting !
— A titre gracieux, lui rappela Sasha. Nous n’étions pas
faits pour vivre ensemble, d’accord ? Tu as eu ton lifting,
et moi j’ai retrouvé ma liberté. Tout le monde est content.
Ce n’était pas tout à fait vrai, mais Sasha avait vraiment
envie que cette conversation se termine.
— J’aime vivre à Denver, ajouta-t‑elle. Je suis tout près
de papa et de l’oncle Paul.
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— Tu aimes surtout être loin de moi.
Sasha eut envie de lancer le téléphone par la vitre, mais
elle se contenta de grimacer.
— Mon agence marche bien, maman, et je me suis
toujours sentie chez moi à Denver.
— Et moi, j’y ai perdu sept ans de ma vie !
— Huit. Je te rappelle que ça a été ton mariage le plus
long.
— Et ça a aussi été mon poste de professeur le plus
long, et le moins épanouissant ! Huit années à essayer
d’inculquer à des préadolescents les rudiments de la langue
anglaise ! Au moins, les élèves de mon lycée de Boston
savent écouter. C’est un art que ni Angus ni toi n’avez
jamais réussi à maîtriser.
Une bourrasque secoua la voiture.
— Il fait vraiment mauvais ici, maman. Il va falloir que
je raccroche pour me concentrer sur la route.
— Tu dois te concentrer sur le travail qu’on t’a demandé
de faire. Sasha, Skye Painter…
— Est une femme importante, et tu veux que je lui fasse
bonne impression. J’ai compris. Je ferai de mon mieux.
Déterminée à mettre fin à l’appel, Sasha poursuivit :
— La ligne est mauvaise. Je te parlerai plus tard.
Embrasse Hans de ma part.
— Il s’appelle Richard.
— Je sais. Je préférais Hans.
Elle décela une note de colère dans la voix de sa mère.
— Ma vie personnelle…
— Ne regarde que toi. Tu as raison. Je suis désolée.
— C’est à Skye que tu dois dire cela. Pas à moi. Et…
— La ligne est trop mauvaise, maman. Je raccroche.
A bientôt.
Sasha referma son téléphone d’un coup sec, et passa les
secondes qui suivirent à essayer de contrôler l’énervement
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qu’elle ressentait invariablement après avoir parlé avec sa
mère.
Il était impossible de qualifier leurs relations de bonnes.
Tolérables peut‑être, regrettables certainement, mais
bonnes, non.
Cela n’avait pas grande importance, se rappela-t‑elle.
Son père, son oncle et son demi-frère, Angus, vivaient à
Denver. Elle avait des associés et des amis, et sa réputation
d’architecte était grandissante. Ça lui suffisait.
Elle se calma peu à peu, et se mit à penser à la mission
que Skye Painter, présidente et directrice de l’entreprise
Painter Development, lui avait confiée.
C’était une tâche clairement définie, et potentiellement
lucrative. Il s’agissait d’imaginer un complexe hôtelier
qui soit exploitable tout au long de l’année. Pas seulement
l’hiver, même si les pentes merveilleuses de Hollowback
Mountain raviraient les skieurs, mais en toute saison. Le
mot d’ordre de Skye était le suivant : il fallait que l’hôtel
soit à la fois luxueux et chaleureux, que l’on y retrouve les
influences du grand Ouest, que les éléments naturels soient
très présents dans les espaces intérieurs, et que les bâtiments
soient parfaitement intégrés dans leur environnement.
Sasha se réjouissait à l’avance de ce challenge. L’échec
n’était même pas envisageable ; son entreprise était récente,
et par conséquent fragile. De plus, ses associés dépendaient
d’elle… et sa mère ne la laisserait plus jamais en paix si
son travail ne donnait pas satisfaction à Skye. Dieu vienne
en aide à ceux qui décevaient Barbara Leeds !
La nuit tombait vite, en ce mois de janvier, et le ciel était
lourd de nuages qui déversaient de gros flocons de neige.
Par endroits, les ornières étaient si profondes qu’il fallait
rouler au pas pour les passer.
« Il faudrait vraiment élargir cette route », se dit‑elle.
Elle vit des phares approcher, mais, avec ces mauvaises
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conditions de visibilité, il était difficile d’apprécier les
distances.
Plissant les yeux avec incrédulité, elle souffla entre ses
dents. Elle devait rêver. Il ne pouvait tout de même pas y
avoir un pick-up en train de foncer sur elle !
Les phares qui venaient dans sa direction dansaient
comme des lanternes secouées par le vent. Comme elle
l’avait pressenti, l’autre véhicule sortit de la route et fit un
tête-à-queue. Elle donna un coup de volant pour l’éviter.
L’arrière du pick-up heurta son pare-chocs avant. Le
conducteur parvint à redresser sa trajectoire et repartit.
Sasha, qui avait pourtant l’habitude de conduire sur la neige,
put seulement contrôler le dérapage et prier pour que la
pente du ravin qui longeait la route ne soit pas trop abrupte.
Après ce qui lui parut une éternité, elle sentit quelque
chose accrocher le châssis, et son Land Rover fut stoppé
dans sa course. Le moteur cala. En regardant par la vitre,
elle ne vit que le vide et comprit que la prochaine bourrasque
suffirait à l’envoyer au fond du ravin.
Il lui fallut quelques secondes pour reprendre son souffle
et calmer les battements de son cœur.
« Respire, se dit‑elle. Ne fais aucun mouvement brusque. »
Elle desserra ses doigts crispés sur le volant et se glissa
précautionneusement sur le siège passager. Le véhicule
glissa un peu plus et oscilla un instant.
Sasha leva les yeux au ciel.
— Je suis trop jeune pour mourir ! lança-t‑elle à qui
voulait l’entendre.
Elle enleva la clé du contact et, déterminée à sortir de
là, poussa sur la portière. Celle-ci s’ouvrit au même instant
et Sasha bascula hors de sa voiture.
Des mains gantées l’empêchèrent d’atterrir tête la première
dans la neige. Reconnaissante malgré sa surprise, elle leva
les yeux vers un visage aux traits indistincts.
— Vous êtes blessée ?
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C’était un homme, et il avait une voix agréable, très
agréable même, alors qu’il criait pour couvrir le hurlement
du vent.
— Je ne pense pas.
Il l’aida à se mettre debout.
— Quelqu’un dans un pick-up gris m’a fait sortir de la
route.
Elle tapota son jean pour en enlever la neige et poursuivit :
— J’ai vu cinq jeunes entassés dedans.
— Le shérif s’occupera d’eux. Vous êtes sûre que vous
n’êtes pas blessée ?
— Pourquoi ? demanda-t‑elle. Je saigne ?
— J’espère bien que non. Je peux sortir votre véhicule
de là, mais je me débrouille moins bien avec le sang.
« J’aime sa voix », songea Sasha en le regardant avec plus
d’attention. D’après ce qu’elle distinguait de son visage, il
avait des yeux extraordinaires, couleur noisette.
A côté d’eux, le Land Rover grinça et glissa de quelques
centimètres supplémentaires.
— Euh… Je pense qu’il serait grand temps d’essayer de
faire cette opération de sauvetage, si vous êtes d’accord,
lui fit remarquer Sasha.
— Je vais aller chercher le câble. Vous pouvez faire un
demi-tour avec ma voiture ?
Si elle n’y parvenait pas, elle ne serait plus la digne fille
de son père, concepteur de voitures de courses depuis
trente ans !
Sasha se dirigea vers le véhicule de son sauveteur en
escaladant des congères gelées. Encore six mensualités ;
c’était ce qu’il lui restait à payer pour que le 4x4 que sa
mère avait tenté de la dissuader d’acheter lui appartienne.
Elle leva les yeux vers le ciel pour la seconde fois.
— Si vous avez la moindre compassion, faites qu’elle
ne sache jamais rien de ça !
Dans la voiture de l’inconnu, il faisait délicieusement
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chaud. Le siège du passager était encombré de papiers,
de dossiers, d’un ordinateur portable et d’autres gadgets
électroniques. Il y avait un badge sur le tableau de bord.
Dessous, elle aperçut un permis de conduire… Trop curieuse
pour pouvoir résister, Sasha jeta un coup d’œil au badge.
Police de Denver. Que faisait un policier de Denver dans
le nord de l’Etat ? Puis elle jeta un coup d’œil au permis de
conduire, et en oublia instantanément sa question.
— Waouh !
Avec stupéfaction, elle étudia le visage de l’homme.
Splendide ! C’était le seul mot qui lui venait à l’esprit, et
pourtant la photo n’était certainement pas avantageuse.
Elle regarda les informations personnelles. Dominick
Law. Trente-six ans. Un mètre quatre-vingt‑huit. Cheveux
châtain foncé, yeux noisette. Soixante-dix-sept kilos. Il
devait être aussi bien bâti que beau.
Ses traits étaient tout simplement superbes, un peu
anguleux, et mis en valeur par une bouche pleine, un nez
droit, et une fossette à la joue droite.
— Bon, arrête.
Comme si le badge et le permis lui brûlaient les doigts,
elle les laissa retomber sur le tableau de bord.
— Tu es en voyage d’affaires, Sasha. Ce n’est pas le
moment de te mettre à imiter ta chère mère.
Pour se changer les idées, elle mit les essuie-glaces en
marche, fit demi-tour et observa l’inspecteur Splendide
pendant qu’il fixait le câble au treuil et en accrochait l’autre
extrémité à son pare-chocs arrière.
Avec la neige qui tombait dru en tourbillonnant, elle
avait du mal à distinguer son 4x4. Elle attendit que le
policier lui fasse signe et appuya progressivement sur
l’accélérateur.
Il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour ramener
son Land Rover sur la terre ferme. Enfin, relativement
ferme : les ornières étaient traîtres, et la chaussée glissante.
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Sasha remit sa capuche et se dirigea vers son sauveteur.
— Je vous dois une fière chandelle, inspecteur.
— Vous avez vu le badge ?
Il s’accroupit et détacha le câble.
— Vous pouvez reprendre la route, maintenant, madame…
— Mlle Myer. Sasha.
— Nick.
— Je suis très contente d’avoir fait votre connaissance,
Nick.
Puis elle remarqua un petit choc sur le capot de son
Rover et se pencha pour mieux le voir.
— J’espère que ce sera facilement réparable.
Elle se mit à genoux et regarda sous le châssis.
— Vous avez remarqué d’autres dégâts ? demanda-t‑elle.
— A part ce creux, non. Où allez-vous ?
— A Painter’s Bluff.
Ses merveilleux yeux noisette se firent pensifs.
— Vous avez des cheveux blonds…
— Un héritage de ma grand-mère suédoise. Pourquoi ?
Elle se releva et le regarda avec un amusement que le
policier ne semblait pas partager.
— Les blondes n’ont pas le droit de circuler à Painter’s
Bluff ?
— Apparemment, vous n’avez jamais vu Skye Painter !
Sasha sourit.
— Pas encore… Je vais travailler pour elle, sur son
projet de complexe hôtelier.
— Vous êtes agent immobilier ?
— Architecte. Beat, Streete et Myer. Notre agence
est récente, mais très innovante… Du moins c’est ce que
prétend notre attaché de presse.
— Vous travaillez hors de Denver ?
Le ton sérieux du policier la surprit.
— Oui. Y a-t‑il un problème, inspecteur Law ?
Il esquissa un léger sourire.
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— Les jolies femmes sont souvent un problème…
Pas le moins du monde perturbée, Sasha sourit de plus
belle.
— Vous semblez parler d’expérience. Merci encore
pour votre aide. Je crois que le moment est venu de nous
remettre en route…
Son regard qui semblait la sonder lui donna envie de
reculer, mais elle ne baissa pas les yeux et ne bougea pas.
— Ai-je enfreint la loi, inspecteur ?
— Nick. Et non, pas que je sache.
— Alors je peux partir ?
— Si votre véhicule est en état de marche.
— Je croyais vous avoir entendu dire qu’il n’était pas
endommagé.
— Manifestement il ne l’est pas, mais nous en saurons
plus en le conduisant.
— A moins que nous ne gelions sur pied avant. Aucun
de nous n’est habillé pour rester dehors comme ça.
Il eut un demi-sourire.
— Voilà ce que je vous propose : vous allez prendre ma
voiture pour aller à Painter’s Bluff, et moi, je vais vérifier
que votre Land Rover n’a rien.
Puisqu’elle était sur le point de se mettre à claquer des
dents et que, après tout, il était policier, Sasha accepta sa
suggestion.
— Je suis à l’hôtel.
— Lequel ?
— Il y en a deux ?
— Trois. Le Mountain House qui appartient à Skye
Painter, le Hollowback Inn, et Annie’s Barn en dehors de
la ville… Vous êtes au Mountain House, c’est ça ?
Elle acquiesça et il la raccompagna vers son véhicule
et ouvrit la portière.
— Je pars en premier. Lorsque vous vous serez installée,
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il faudra que vous alliez voir le shérif Pyle pour lui parler
de ceux qui vous ont poussée hors de la route.
Il croisa son regard, et le soutint.
Sasha frissonna. Elle avait l’impression ridicule qu’il lui
enlevait ses vêtements un à un. C’était excitant, mais d’une
façon étrange et très déconcertante.
Puis il s’en alla, et elle se retrouva seule dans la voiture
d’un inconnu au milieu du blizzard, avec la voix de Bruce
Springsteen qui sortait des haut‑parleurs.
Splendide et étrange… Dans quoi s’engageait‑elle ?
— Nick n’est pas là ?
Sasha, qui venait à peine d’entrer dans le hall du Mountain
House, se trouvait nez à nez avec un homme blond d’environ
trente-cinq ans, aux yeux bleus.
Il la détailla de la tête aux pieds.
— Je reconnaîtrais ce 4x4 noir n’importe où, ajouta-t‑il.
Pourquoi le conduisez-vous ?
Dans la chaleur du hall à la décoration rustique, Sasha
enleva sa capuche et ouvrit son manteau.
— Nick a pris mon Land Rover. Puisque je ne l’ai pas
doublé, il a dû arriver avant moi.
Elle adressa un sourire machinal à son interlocuteur.
— A qui ai-je l’honneur ?
— Dana Hollander.
Il jeta un coup d’œil à la rue, et poursuivit :
— Je suis le maire de Painter’s Bluff. Je possède le
magasin de nourriture et semences de Center Street, et je
fais également de la maintenance de matériel informatique.
— Cela fait beaucoup pour un seul homme !
— Encore plus que vous ne l’imaginez. Le shérif et moi
avons eu une journée chargée, aujourd’hui !
— Eh bien, je suis désolée d’ajouter à la tâche, mais cinq
jeunes dans un pick-up gris sont en train de s’amuser à faire
peur aux automobilistes sur Hollowback Road.
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— Des jeunes ? Oh ! Ça doit être les Sickerbie !
— Tous les cinq ?
— Il y en avait six au dernier recensement, et tous sont
des terreurs.
Sasha était sur le point d’aller se présenter à la réception,
mais quelque chose dans l’expression de l’homme la retint.
— Ecoutez, je n’ai pas volé le 4x4 de votre ami, si c’est
ce que vous imaginez. Vos Sickerbies m’ont fait sortir de
la route, et Nick m’a aidée à remettre ma voiture sur la
chaussée. Il voulait s’assurer qu’elle n’avait pas subi de
dégâts, alors nous avons échangé nos véhicules. Nous
devions nous retrouver ici.
Dana hocha la tête d’un air préoccupé.
— Il s’est peut‑être d’abord arrêté chez le shérif Pyle.
— Peut‑être.
Sasha ôta son manteau et parcourut le hall du regard.
L’hôtel était petit, mais ses cloisons de bois et son parquet
ciré lui conféraient énormément de charme. La cheminée
en granit du salon était massive et impressionnante, et
l’ensemble confortable et chaleureux.
Elle regarda le salon avec plus d’attention.
— Ces fauteuils sont anciens. Ils sont magnifiques !
Il eut un sourire soudain.
— Je vois que vous aimez la décoration. Vous êtes architecte, non ? Sasha Myer, de Denver. Skye nous a parlé de
vous. Vous deviez arriver un peu plus tôt, si je ne m’abuse ?
— Oui, il y a trois jours, acquiesça Sasha.
Elle se dirigea vers la réception.
— J’appellerai Mme Painter dès que je me serai installée.
— Vous pouvez l’appeler, mais vous ne pourrez pas la
rencontrer dans l’immédiat, dit Dana en lui emboîtant le
pas. Elle a quitté la ville hier matin. Elle a de la chance !
Entendre Dana répéter les mots prononcés par sa mère
lui causa une sensation étrange.
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Le voile blanc du danger
— Elle a de la chance parce qu’elle a échappé à la
tempête ?
— Ça aussi.
Dana s’adressa à la jeune femme rousse qui se tenait à
la réception.
— April, voici l’architecte que Skye a fait venir de
Denver. Donnez-lui une bonne chambre, et offrez-lui un
repas chaud.
— C’est très gentil de votre part, monsieur Hollander,
mais je ne veux pas profiter de la situation, répondit Sasha.
— Je m’appelle Dana, et c’est tout à fait normal.
Le téléphone sonna à la réception. Tout en décrochant,
la réceptionniste tendit une clé à Sasha.
— Chambre 27, deuxième étage.
Elle écouta un instant son correspondant puis reprit :
— Un instant, Dana. C’est le shérif Pyle qui appelle. Il
voudrait parler à l’inspecteur Law.
— Tout le monde le réclame !
Sasha hésita un instant alors qu’il prenait le combiné,
puis lui demanda :
— Vous avez le numéro de Nick ?
— Un instant, Will.
Il recouvrit le combiné de la main.
— Il ne m’a pas répondu quand je l’ai appelé, mais vous
pouvez toujours essayer. C’est l’indicatif de Denver et les
touches correspondant à NICK LAW.
Simple et direct, deux qualités qu’elle admirait.
Elle sortit son portable de son sac et commença à composer
le numéro en se dirigeant vers le salon.
A son arrivée, il n’y avait qu’une femme installée dans
l’un des fauteuils qu’elle avait remarqués. Maintenant,
deux hommes se tenaient près de la cheminée. L’un d’eux,
avec des cheveux bruns plaqués vers l’arrière et une petite
barbe soigneusement taillée, lui sembla vaguement familier.
L’autre avait le col relevé et un chapeau de cow-boy taché
Le voile blanc du danger
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posé bas sur le front. Les épaules voûtées, il se dandinait
d’un pied sur l’autre. Il avait les mains enfoncées dans les
poches de sa parka et remuait les coudes.
Certaine de l’avoir déjà vu ou rencontré quelque part,
Sasha étudia son compagnon.
Lorsqu’il la vit, il leva les sourcils, dit quelque chose à
l’homme au chapeau, et s’avança vers elle en lui tendant
la main.
— Vous êtes Sasha Myer. Bonjour ! Je vous attendais.
— Vous êtes Max, c’est ça ?
— Max Macallum. Je suis flatté que vous vous souveniez
de moi. A moins que ce ne soit parce que Skye vous a dit
qu’elle avait fait appel à mon entreprise pour travailler sur
les accès routiers de son complexe hôtelier ?
— Si je me souviens de vous, c’est parce que nous avons
fêté Noël au même moment dans le même restaurant.
Votre groupe n’avait plus rien à boire, et vous étiez venu
me demander si je pouvais vous donner une bouteille de
vin. Vous êtes arrivé depuis longtemps ?
— Trois jours.
— Vous m’attendiez ? demanda Sasha.
Elle sourit avant d’ajouter :
— Je suis vraiment désolée. J’étais dans le Minnesota,
et l’aéroport a été bloqué à cause de chutes de neige. Les
vols ont été annulés, puis le brouillard s’est mis de la partie.
J’ai appelé Skye au moins cinq fois.
— Elle a quitté la ville hier, avant tout ce remue-ménage.
— Quel remue-ménage peut‑il y avoir dans une ville
de trois mille habitants ?
Max soupira.
— C’est la question que j’ai posée aussi quand…
Dana l’interrompit en les rejoignant.
— Will Pyle n’a pas vu Nick ! Ses adjoints non plus.
— Ecoutez, je vous assure que je ne l’ai pas dépassé
en venant ici.
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Le voile blanc du danger
— Vous avez essayé de l’appeler ?
— C’est ce que je suis en train de faire.
Pour que la ligne soit meilleure, elle s’approcha de la
porte et remarqua alors que l’homme avec le chapeau de
cow-boy sale avait disparu.
Nick répondit à la cinquième sonnerie.
— Law.
— Myer.
En enlevant sa longue écharpe de laine, elle secoua ses
cheveux.
— Où êtes-vous ?
— Je rêve ou il y a un soupçon d’inquiétude dans cette
voix charmante ?
— Il me semble que vous confondez inquiétude et
agacement. Il y a ici un homme qui s’appelle Dana et
qui, j’en suis sûre, croit que je vous ai estourbi pour vous
voler votre voiture. Le shérif vient d’appeler la réception
et vous cherche. Alors, je le répète, inspecteur Law, où
êtes-vous ?
— Derrière vous.
Une vie entière de situations de ce genre l’empêcha de
sursauter. Elle se retourna lentement pour lui faire face.
— Bienvenue à Painter’s Bluff, inspecteur. Pourquoi ce
retard ? Vous ne sentez pas l’alcool, donc vous ne vous êtes
pas arrêté pour prendre une bière. Je ne vous ai pas doublé,
donc ma voiture doit être en état de marche. Et comme vous
m’avez l’air parfaitement sensé, je ne pense pas qu’il y ait
eu de malentendu sur le nom de l’hôtel.
— Nick ! s’exclama Dana en se précipitant vers lui. Te
voilà !
— Je me suis arrêté à la clinique.
Sasha le regarda avec inquiétude. Il était encore plus
beau qu’au milieu de la neige.
— Vous vous êtes blessé ?
Elle le vit froncer les sourcils.
Le voile blanc du danger
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— Je voulais voir quelque chose. Quelqu’un, plutôt. Elle
avait à peu près votre âge et votre taille. Blonde aux yeux
bleus, d’ascendance suédoise.
Sasha sentit son cœur se serrer.
— « Etait ». J’imagine qu’elle est morte…
— Elle s’appelait Kristiana Felgard. On a retrouvé son
corps à Painter’s Rock tôt ce matin. Elle a été assassinée.
JENNA RYAN
Le voile blanc du danger
Sasha est venue travailler à Painter’s Bluff, pas flirter. Et si elle
veut vraiment dessiner les plans de la future station de ski, elle
va devoir se concentrer. Alors quand elle pose les yeux sur Nick
Law, elle sent son cœur vaciller et songe presque à faire demitour. Un regard à se damner, un corps idéalement musclé, un
sourire ravageur : assurément, Nick possède tous les atouts pour
détourner une femme de son but. Pis, il a une très mauvaise
nouvelle pour elle : un tueur sévit dans la région ; l’individu ne
s’en prend qu’à des jeunes femmes grandes, blondes, aux yeux
bleus. L’exacte description de Sasha. Cette fois, elle est décidée à
quitter les lieux — mais alors qu’elle est sur le point de boucler sa
valise, une avalanche se déclenche, les laissant prisonniers, Nick,
le tueur et elle, des montagnes qui les entourent…
DEBRA WEBB
Etrangère à son passé
Lorsque ses rêves prémonitoires aident la police à retrouver
un kidnappeur, Darby fait la une des médias. Une popularité
qui chamboule toute sa vie et l’oblige à emménager dans une
nouvelle résidence, où elle fait la connaissance d’Aidan, son
très séduisant voisin. Infiniment troublée à son contact, elle
commence bientôt à faire des rêves étranges, qui l’amènent à
penser que leur rencontre n’est peut-être pas le fruit du hasard :
cet homme mystérieux aurait-il un lien avec son propre passé
dont elle ne possède que des bribes ?
1er janvier 2017
www.harlequin.fr
2017.01.84.8272.2
ROMANS RÉÉDITÉS - 7,50 €