Le voile blanc du danger
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Le voile blanc du danger
JENNA RYAN Le voile blanc du danger DEBRA WEBB Etrangère à son passé JENNA RYAN Le voile blanc du danger Traduction française de PASCALE DOMÉJEAN Collection : BLACK ROSE Titre original : COLD CASE COWBOY Ce roman a déjà été publié en 2012 © 2007, Jacqueline Goff. © 2012, 2017, HarperCollins France pour la traduction française. Ce livre est publié avec l’autorisation de HARLEQUIN BOOKS S.A. Tous droits réservés, y compris le droit de reproduction de tout ou partie de l’ouvrage, sous quelque forme que ce soit. Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. Si vous achetez ce livre privé de tout ou partie de sa couverture, nous vous signalons qu’il est en vente irrégulière. Il est considéré comme « invendu » et l’éditeur comme l’auteur n’ont reçu aucun paiement pour ce livre « détérioré ». Cette œuvre est une œuvre de fiction. Les noms propres, les personnages, les lieux, les intrigues, sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés dans le cadre d’une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des entreprises, des événements ou des lieux, serait une pure coïncidence. Le visuel de couverture est reproduit avec l’autorisation de : Couple : © BALTAZAR/ADOBE STOCK Réalisation graphique couverture : L. SLAWIG (HarperCollins France) Tous droits réservés. HARPERCOLLINS FRANCE 83-85, boulevard Vincent-Auriol, 75646 PARIS CEDEX 13 Service Lectrices — Tél. : 01 45 82 47 47 www.harlequin.fr ISBN 978-2-2803-6776-9 — ISSN 1950-2753 1 — Skye Painter est une perfectionniste, Sasha. J’ai lu des articles la concernant. Elle attend certainement beaucoup de toi. Ne la déçois pas, et ne me déçois pas non plus ! Tout en conduisant son Land Rover sur une petite route verglacée du Colorado, Sasha posa son téléphone sur le tableau de bord et plissa les yeux pour regarder au loin, à travers les rafales de neige. Sa mère avait pour habitude de s’approprier ses succès professionnels, et elles avaient eu ce genre de conversation un nombre incalculable de fois. La vie de Barbara Leeds ne s’était pas déroulée comme elle l’aurait souhaité, et elle attendait de ses enfants – Sasha et son demi-frère Angus – qu’ils en comblent les manques. — Skye descend directement de John Painter, le fondateur de la ville, poursuivit Barbara. Elle a de l’argent, du pouvoir, et un sens des affaires plus développé que celui de ses défunts maris. Dessine-lui un complexe hôtelier de rêve, et je serai la plus fière des mères. Tout en veillant à ne pas prendre un ton narquois, Sasha répondit : — Je vais faire de mon mieux pour attirer la jet‑set à Painter’s Bluff. — Ne fais pas la maligne, Alexandra ! Et je te rappelle que tu as trois jours de retard. On ne peut pas dire que ce soit une excellente entrée en matière ! Sasha détestait que sa mère l’appelle par son prénom. — Ecoute, maman, je lui ai expliqué pourquoi je n’ai 10 Le voile blanc du danger pas pu arriver le jour prévu, et elle a parfaitement compris. Elle ne m’a pas paru contrariée du tout. — Bien sûr que non. Pourquoi le serait‑elle ? répliqua Barbara avec un soupir d’agacement. Son fils est avocat… Elle a bien de la chance ! Le mien est un charmeur qui a arrêté ses études et qui n’arrive pas à tenir en place. En parlant d’Angus, tu l’as vu récemment ? — Pas depuis Noël. — Il devrait être en train d’étudier. — Il a vingt ans, maman. Et visiter l’Europe n’a jamais fait de mal à personne ! — Arrête de lui trouver des excuses ! Elle poussa un nouveau soupir avant de poursuivre : — Quant à toi, Sasha, tu en as vingt‑neuf. Tu devrais être installée. Sasha fut tentée de raccrocher, de faire comme si la ligne avait été coupée, mais à quoi bon ? Barbara la rappellerait immanquablement à l’hôtel ce soir et continuerait sa harangue jusqu’à ce que… Eh bien, jusqu’à ce qu’elle se fatigue, songea Sasha. Malheureusement, sa mère semblait dotée d’une énergie redoutable lorsqu’il s’agissait de faire des reproches. — Et dire que tu pourrais être mariée à ce chirurgien esthétique de Philadelphie ! reprit Barbara. — Tu y aurais effectivement trouvé quelques avantages… Elle imaginait parfaitement le rouge en train de monter au visage de sa mère. — Il ne m’a fait qu’un petit lifting ! — A titre gracieux, lui rappela Sasha. Nous n’étions pas faits pour vivre ensemble, d’accord ? Tu as eu ton lifting, et moi j’ai retrouvé ma liberté. Tout le monde est content. Ce n’était pas tout à fait vrai, mais Sasha avait vraiment envie que cette conversation se termine. — J’aime vivre à Denver, ajouta-t‑elle. Je suis tout près de papa et de l’oncle Paul. Le voile blanc du danger 11 — Tu aimes surtout être loin de moi. Sasha eut envie de lancer le téléphone par la vitre, mais elle se contenta de grimacer. — Mon agence marche bien, maman, et je me suis toujours sentie chez moi à Denver. — Et moi, j’y ai perdu sept ans de ma vie ! — Huit. Je te rappelle que ça a été ton mariage le plus long. — Et ça a aussi été mon poste de professeur le plus long, et le moins épanouissant ! Huit années à essayer d’inculquer à des préadolescents les rudiments de la langue anglaise ! Au moins, les élèves de mon lycée de Boston savent écouter. C’est un art que ni Angus ni toi n’avez jamais réussi à maîtriser. Une bourrasque secoua la voiture. — Il fait vraiment mauvais ici, maman. Il va falloir que je raccroche pour me concentrer sur la route. — Tu dois te concentrer sur le travail qu’on t’a demandé de faire. Sasha, Skye Painter… — Est une femme importante, et tu veux que je lui fasse bonne impression. J’ai compris. Je ferai de mon mieux. Déterminée à mettre fin à l’appel, Sasha poursuivit : — La ligne est mauvaise. Je te parlerai plus tard. Embrasse Hans de ma part. — Il s’appelle Richard. — Je sais. Je préférais Hans. Elle décela une note de colère dans la voix de sa mère. — Ma vie personnelle… — Ne regarde que toi. Tu as raison. Je suis désolée. — C’est à Skye que tu dois dire cela. Pas à moi. Et… — La ligne est trop mauvaise, maman. Je raccroche. A bientôt. Sasha referma son téléphone d’un coup sec, et passa les secondes qui suivirent à essayer de contrôler l’énervement 12 Le voile blanc du danger qu’elle ressentait invariablement après avoir parlé avec sa mère. Il était impossible de qualifier leurs relations de bonnes. Tolérables peut‑être, regrettables certainement, mais bonnes, non. Cela n’avait pas grande importance, se rappela-t‑elle. Son père, son oncle et son demi-frère, Angus, vivaient à Denver. Elle avait des associés et des amis, et sa réputation d’architecte était grandissante. Ça lui suffisait. Elle se calma peu à peu, et se mit à penser à la mission que Skye Painter, présidente et directrice de l’entreprise Painter Development, lui avait confiée. C’était une tâche clairement définie, et potentiellement lucrative. Il s’agissait d’imaginer un complexe hôtelier qui soit exploitable tout au long de l’année. Pas seulement l’hiver, même si les pentes merveilleuses de Hollowback Mountain raviraient les skieurs, mais en toute saison. Le mot d’ordre de Skye était le suivant : il fallait que l’hôtel soit à la fois luxueux et chaleureux, que l’on y retrouve les influences du grand Ouest, que les éléments naturels soient très présents dans les espaces intérieurs, et que les bâtiments soient parfaitement intégrés dans leur environnement. Sasha se réjouissait à l’avance de ce challenge. L’échec n’était même pas envisageable ; son entreprise était récente, et par conséquent fragile. De plus, ses associés dépendaient d’elle… et sa mère ne la laisserait plus jamais en paix si son travail ne donnait pas satisfaction à Skye. Dieu vienne en aide à ceux qui décevaient Barbara Leeds ! La nuit tombait vite, en ce mois de janvier, et le ciel était lourd de nuages qui déversaient de gros flocons de neige. Par endroits, les ornières étaient si profondes qu’il fallait rouler au pas pour les passer. « Il faudrait vraiment élargir cette route », se dit‑elle. Elle vit des phares approcher, mais, avec ces mauvaises Le voile blanc du danger 13 conditions de visibilité, il était difficile d’apprécier les distances. Plissant les yeux avec incrédulité, elle souffla entre ses dents. Elle devait rêver. Il ne pouvait tout de même pas y avoir un pick-up en train de foncer sur elle ! Les phares qui venaient dans sa direction dansaient comme des lanternes secouées par le vent. Comme elle l’avait pressenti, l’autre véhicule sortit de la route et fit un tête-à-queue. Elle donna un coup de volant pour l’éviter. L’arrière du pick-up heurta son pare-chocs avant. Le conducteur parvint à redresser sa trajectoire et repartit. Sasha, qui avait pourtant l’habitude de conduire sur la neige, put seulement contrôler le dérapage et prier pour que la pente du ravin qui longeait la route ne soit pas trop abrupte. Après ce qui lui parut une éternité, elle sentit quelque chose accrocher le châssis, et son Land Rover fut stoppé dans sa course. Le moteur cala. En regardant par la vitre, elle ne vit que le vide et comprit que la prochaine bourrasque suffirait à l’envoyer au fond du ravin. Il lui fallut quelques secondes pour reprendre son souffle et calmer les battements de son cœur. « Respire, se dit‑elle. Ne fais aucun mouvement brusque. » Elle desserra ses doigts crispés sur le volant et se glissa précautionneusement sur le siège passager. Le véhicule glissa un peu plus et oscilla un instant. Sasha leva les yeux au ciel. — Je suis trop jeune pour mourir ! lança-t‑elle à qui voulait l’entendre. Elle enleva la clé du contact et, déterminée à sortir de là, poussa sur la portière. Celle-ci s’ouvrit au même instant et Sasha bascula hors de sa voiture. Des mains gantées l’empêchèrent d’atterrir tête la première dans la neige. Reconnaissante malgré sa surprise, elle leva les yeux vers un visage aux traits indistincts. — Vous êtes blessée ? 14 Le voile blanc du danger C’était un homme, et il avait une voix agréable, très agréable même, alors qu’il criait pour couvrir le hurlement du vent. — Je ne pense pas. Il l’aida à se mettre debout. — Quelqu’un dans un pick-up gris m’a fait sortir de la route. Elle tapota son jean pour en enlever la neige et poursuivit : — J’ai vu cinq jeunes entassés dedans. — Le shérif s’occupera d’eux. Vous êtes sûre que vous n’êtes pas blessée ? — Pourquoi ? demanda-t‑elle. Je saigne ? — J’espère bien que non. Je peux sortir votre véhicule de là, mais je me débrouille moins bien avec le sang. « J’aime sa voix », songea Sasha en le regardant avec plus d’attention. D’après ce qu’elle distinguait de son visage, il avait des yeux extraordinaires, couleur noisette. A côté d’eux, le Land Rover grinça et glissa de quelques centimètres supplémentaires. — Euh… Je pense qu’il serait grand temps d’essayer de faire cette opération de sauvetage, si vous êtes d’accord, lui fit remarquer Sasha. — Je vais aller chercher le câble. Vous pouvez faire un demi-tour avec ma voiture ? Si elle n’y parvenait pas, elle ne serait plus la digne fille de son père, concepteur de voitures de courses depuis trente ans ! Sasha se dirigea vers le véhicule de son sauveteur en escaladant des congères gelées. Encore six mensualités ; c’était ce qu’il lui restait à payer pour que le 4x4 que sa mère avait tenté de la dissuader d’acheter lui appartienne. Elle leva les yeux vers le ciel pour la seconde fois. — Si vous avez la moindre compassion, faites qu’elle ne sache jamais rien de ça ! Dans la voiture de l’inconnu, il faisait délicieusement Le voile blanc du danger 15 chaud. Le siège du passager était encombré de papiers, de dossiers, d’un ordinateur portable et d’autres gadgets électroniques. Il y avait un badge sur le tableau de bord. Dessous, elle aperçut un permis de conduire… Trop curieuse pour pouvoir résister, Sasha jeta un coup d’œil au badge. Police de Denver. Que faisait un policier de Denver dans le nord de l’Etat ? Puis elle jeta un coup d’œil au permis de conduire, et en oublia instantanément sa question. — Waouh ! Avec stupéfaction, elle étudia le visage de l’homme. Splendide ! C’était le seul mot qui lui venait à l’esprit, et pourtant la photo n’était certainement pas avantageuse. Elle regarda les informations personnelles. Dominick Law. Trente-six ans. Un mètre quatre-vingt‑huit. Cheveux châtain foncé, yeux noisette. Soixante-dix-sept kilos. Il devait être aussi bien bâti que beau. Ses traits étaient tout simplement superbes, un peu anguleux, et mis en valeur par une bouche pleine, un nez droit, et une fossette à la joue droite. — Bon, arrête. Comme si le badge et le permis lui brûlaient les doigts, elle les laissa retomber sur le tableau de bord. — Tu es en voyage d’affaires, Sasha. Ce n’est pas le moment de te mettre à imiter ta chère mère. Pour se changer les idées, elle mit les essuie-glaces en marche, fit demi-tour et observa l’inspecteur Splendide pendant qu’il fixait le câble au treuil et en accrochait l’autre extrémité à son pare-chocs arrière. Avec la neige qui tombait dru en tourbillonnant, elle avait du mal à distinguer son 4x4. Elle attendit que le policier lui fasse signe et appuya progressivement sur l’accélérateur. Il ne leur fallut pas plus de dix minutes pour ramener son Land Rover sur la terre ferme. Enfin, relativement ferme : les ornières étaient traîtres, et la chaussée glissante. 16 Le voile blanc du danger Sasha remit sa capuche et se dirigea vers son sauveteur. — Je vous dois une fière chandelle, inspecteur. — Vous avez vu le badge ? Il s’accroupit et détacha le câble. — Vous pouvez reprendre la route, maintenant, madame… — Mlle Myer. Sasha. — Nick. — Je suis très contente d’avoir fait votre connaissance, Nick. Puis elle remarqua un petit choc sur le capot de son Rover et se pencha pour mieux le voir. — J’espère que ce sera facilement réparable. Elle se mit à genoux et regarda sous le châssis. — Vous avez remarqué d’autres dégâts ? demanda-t‑elle. — A part ce creux, non. Où allez-vous ? — A Painter’s Bluff. Ses merveilleux yeux noisette se firent pensifs. — Vous avez des cheveux blonds… — Un héritage de ma grand-mère suédoise. Pourquoi ? Elle se releva et le regarda avec un amusement que le policier ne semblait pas partager. — Les blondes n’ont pas le droit de circuler à Painter’s Bluff ? — Apparemment, vous n’avez jamais vu Skye Painter ! Sasha sourit. — Pas encore… Je vais travailler pour elle, sur son projet de complexe hôtelier. — Vous êtes agent immobilier ? — Architecte. Beat, Streete et Myer. Notre agence est récente, mais très innovante… Du moins c’est ce que prétend notre attaché de presse. — Vous travaillez hors de Denver ? Le ton sérieux du policier la surprit. — Oui. Y a-t‑il un problème, inspecteur Law ? Il esquissa un léger sourire. Le voile blanc du danger 17 — Les jolies femmes sont souvent un problème… Pas le moins du monde perturbée, Sasha sourit de plus belle. — Vous semblez parler d’expérience. Merci encore pour votre aide. Je crois que le moment est venu de nous remettre en route… Son regard qui semblait la sonder lui donna envie de reculer, mais elle ne baissa pas les yeux et ne bougea pas. — Ai-je enfreint la loi, inspecteur ? — Nick. Et non, pas que je sache. — Alors je peux partir ? — Si votre véhicule est en état de marche. — Je croyais vous avoir entendu dire qu’il n’était pas endommagé. — Manifestement il ne l’est pas, mais nous en saurons plus en le conduisant. — A moins que nous ne gelions sur pied avant. Aucun de nous n’est habillé pour rester dehors comme ça. Il eut un demi-sourire. — Voilà ce que je vous propose : vous allez prendre ma voiture pour aller à Painter’s Bluff, et moi, je vais vérifier que votre Land Rover n’a rien. Puisqu’elle était sur le point de se mettre à claquer des dents et que, après tout, il était policier, Sasha accepta sa suggestion. — Je suis à l’hôtel. — Lequel ? — Il y en a deux ? — Trois. Le Mountain House qui appartient à Skye Painter, le Hollowback Inn, et Annie’s Barn en dehors de la ville… Vous êtes au Mountain House, c’est ça ? Elle acquiesça et il la raccompagna vers son véhicule et ouvrit la portière. — Je pars en premier. Lorsque vous vous serez installée, 18 Le voile blanc du danger il faudra que vous alliez voir le shérif Pyle pour lui parler de ceux qui vous ont poussée hors de la route. Il croisa son regard, et le soutint. Sasha frissonna. Elle avait l’impression ridicule qu’il lui enlevait ses vêtements un à un. C’était excitant, mais d’une façon étrange et très déconcertante. Puis il s’en alla, et elle se retrouva seule dans la voiture d’un inconnu au milieu du blizzard, avec la voix de Bruce Springsteen qui sortait des haut‑parleurs. Splendide et étrange… Dans quoi s’engageait‑elle ? — Nick n’est pas là ? Sasha, qui venait à peine d’entrer dans le hall du Mountain House, se trouvait nez à nez avec un homme blond d’environ trente-cinq ans, aux yeux bleus. Il la détailla de la tête aux pieds. — Je reconnaîtrais ce 4x4 noir n’importe où, ajouta-t‑il. Pourquoi le conduisez-vous ? Dans la chaleur du hall à la décoration rustique, Sasha enleva sa capuche et ouvrit son manteau. — Nick a pris mon Land Rover. Puisque je ne l’ai pas doublé, il a dû arriver avant moi. Elle adressa un sourire machinal à son interlocuteur. — A qui ai-je l’honneur ? — Dana Hollander. Il jeta un coup d’œil à la rue, et poursuivit : — Je suis le maire de Painter’s Bluff. Je possède le magasin de nourriture et semences de Center Street, et je fais également de la maintenance de matériel informatique. — Cela fait beaucoup pour un seul homme ! — Encore plus que vous ne l’imaginez. Le shérif et moi avons eu une journée chargée, aujourd’hui ! — Eh bien, je suis désolée d’ajouter à la tâche, mais cinq jeunes dans un pick-up gris sont en train de s’amuser à faire peur aux automobilistes sur Hollowback Road. Le voile blanc du danger 19 — Des jeunes ? Oh ! Ça doit être les Sickerbie ! — Tous les cinq ? — Il y en avait six au dernier recensement, et tous sont des terreurs. Sasha était sur le point d’aller se présenter à la réception, mais quelque chose dans l’expression de l’homme la retint. — Ecoutez, je n’ai pas volé le 4x4 de votre ami, si c’est ce que vous imaginez. Vos Sickerbies m’ont fait sortir de la route, et Nick m’a aidée à remettre ma voiture sur la chaussée. Il voulait s’assurer qu’elle n’avait pas subi de dégâts, alors nous avons échangé nos véhicules. Nous devions nous retrouver ici. Dana hocha la tête d’un air préoccupé. — Il s’est peut‑être d’abord arrêté chez le shérif Pyle. — Peut‑être. Sasha ôta son manteau et parcourut le hall du regard. L’hôtel était petit, mais ses cloisons de bois et son parquet ciré lui conféraient énormément de charme. La cheminée en granit du salon était massive et impressionnante, et l’ensemble confortable et chaleureux. Elle regarda le salon avec plus d’attention. — Ces fauteuils sont anciens. Ils sont magnifiques ! Il eut un sourire soudain. — Je vois que vous aimez la décoration. Vous êtes architecte, non ? Sasha Myer, de Denver. Skye nous a parlé de vous. Vous deviez arriver un peu plus tôt, si je ne m’abuse ? — Oui, il y a trois jours, acquiesça Sasha. Elle se dirigea vers la réception. — J’appellerai Mme Painter dès que je me serai installée. — Vous pouvez l’appeler, mais vous ne pourrez pas la rencontrer dans l’immédiat, dit Dana en lui emboîtant le pas. Elle a quitté la ville hier matin. Elle a de la chance ! Entendre Dana répéter les mots prononcés par sa mère lui causa une sensation étrange. 20 Le voile blanc du danger — Elle a de la chance parce qu’elle a échappé à la tempête ? — Ça aussi. Dana s’adressa à la jeune femme rousse qui se tenait à la réception. — April, voici l’architecte que Skye a fait venir de Denver. Donnez-lui une bonne chambre, et offrez-lui un repas chaud. — C’est très gentil de votre part, monsieur Hollander, mais je ne veux pas profiter de la situation, répondit Sasha. — Je m’appelle Dana, et c’est tout à fait normal. Le téléphone sonna à la réception. Tout en décrochant, la réceptionniste tendit une clé à Sasha. — Chambre 27, deuxième étage. Elle écouta un instant son correspondant puis reprit : — Un instant, Dana. C’est le shérif Pyle qui appelle. Il voudrait parler à l’inspecteur Law. — Tout le monde le réclame ! Sasha hésita un instant alors qu’il prenait le combiné, puis lui demanda : — Vous avez le numéro de Nick ? — Un instant, Will. Il recouvrit le combiné de la main. — Il ne m’a pas répondu quand je l’ai appelé, mais vous pouvez toujours essayer. C’est l’indicatif de Denver et les touches correspondant à NICK LAW. Simple et direct, deux qualités qu’elle admirait. Elle sortit son portable de son sac et commença à composer le numéro en se dirigeant vers le salon. A son arrivée, il n’y avait qu’une femme installée dans l’un des fauteuils qu’elle avait remarqués. Maintenant, deux hommes se tenaient près de la cheminée. L’un d’eux, avec des cheveux bruns plaqués vers l’arrière et une petite barbe soigneusement taillée, lui sembla vaguement familier. L’autre avait le col relevé et un chapeau de cow-boy taché Le voile blanc du danger 21 posé bas sur le front. Les épaules voûtées, il se dandinait d’un pied sur l’autre. Il avait les mains enfoncées dans les poches de sa parka et remuait les coudes. Certaine de l’avoir déjà vu ou rencontré quelque part, Sasha étudia son compagnon. Lorsqu’il la vit, il leva les sourcils, dit quelque chose à l’homme au chapeau, et s’avança vers elle en lui tendant la main. — Vous êtes Sasha Myer. Bonjour ! Je vous attendais. — Vous êtes Max, c’est ça ? — Max Macallum. Je suis flatté que vous vous souveniez de moi. A moins que ce ne soit parce que Skye vous a dit qu’elle avait fait appel à mon entreprise pour travailler sur les accès routiers de son complexe hôtelier ? — Si je me souviens de vous, c’est parce que nous avons fêté Noël au même moment dans le même restaurant. Votre groupe n’avait plus rien à boire, et vous étiez venu me demander si je pouvais vous donner une bouteille de vin. Vous êtes arrivé depuis longtemps ? — Trois jours. — Vous m’attendiez ? demanda Sasha. Elle sourit avant d’ajouter : — Je suis vraiment désolée. J’étais dans le Minnesota, et l’aéroport a été bloqué à cause de chutes de neige. Les vols ont été annulés, puis le brouillard s’est mis de la partie. J’ai appelé Skye au moins cinq fois. — Elle a quitté la ville hier, avant tout ce remue-ménage. — Quel remue-ménage peut‑il y avoir dans une ville de trois mille habitants ? Max soupira. — C’est la question que j’ai posée aussi quand… Dana l’interrompit en les rejoignant. — Will Pyle n’a pas vu Nick ! Ses adjoints non plus. — Ecoutez, je vous assure que je ne l’ai pas dépassé en venant ici. 22 Le voile blanc du danger — Vous avez essayé de l’appeler ? — C’est ce que je suis en train de faire. Pour que la ligne soit meilleure, elle s’approcha de la porte et remarqua alors que l’homme avec le chapeau de cow-boy sale avait disparu. Nick répondit à la cinquième sonnerie. — Law. — Myer. En enlevant sa longue écharpe de laine, elle secoua ses cheveux. — Où êtes-vous ? — Je rêve ou il y a un soupçon d’inquiétude dans cette voix charmante ? — Il me semble que vous confondez inquiétude et agacement. Il y a ici un homme qui s’appelle Dana et qui, j’en suis sûre, croit que je vous ai estourbi pour vous voler votre voiture. Le shérif vient d’appeler la réception et vous cherche. Alors, je le répète, inspecteur Law, où êtes-vous ? — Derrière vous. Une vie entière de situations de ce genre l’empêcha de sursauter. Elle se retourna lentement pour lui faire face. — Bienvenue à Painter’s Bluff, inspecteur. Pourquoi ce retard ? Vous ne sentez pas l’alcool, donc vous ne vous êtes pas arrêté pour prendre une bière. Je ne vous ai pas doublé, donc ma voiture doit être en état de marche. Et comme vous m’avez l’air parfaitement sensé, je ne pense pas qu’il y ait eu de malentendu sur le nom de l’hôtel. — Nick ! s’exclama Dana en se précipitant vers lui. Te voilà ! — Je me suis arrêté à la clinique. Sasha le regarda avec inquiétude. Il était encore plus beau qu’au milieu de la neige. — Vous vous êtes blessé ? Elle le vit froncer les sourcils. Le voile blanc du danger 23 — Je voulais voir quelque chose. Quelqu’un, plutôt. Elle avait à peu près votre âge et votre taille. Blonde aux yeux bleus, d’ascendance suédoise. Sasha sentit son cœur se serrer. — « Etait ». J’imagine qu’elle est morte… — Elle s’appelait Kristiana Felgard. On a retrouvé son corps à Painter’s Rock tôt ce matin. Elle a été assassinée. JENNA RYAN Le voile blanc du danger Sasha est venue travailler à Painter’s Bluff, pas flirter. Et si elle veut vraiment dessiner les plans de la future station de ski, elle va devoir se concentrer. Alors quand elle pose les yeux sur Nick Law, elle sent son cœur vaciller et songe presque à faire demitour. Un regard à se damner, un corps idéalement musclé, un sourire ravageur : assurément, Nick possède tous les atouts pour détourner une femme de son but. Pis, il a une très mauvaise nouvelle pour elle : un tueur sévit dans la région ; l’individu ne s’en prend qu’à des jeunes femmes grandes, blondes, aux yeux bleus. L’exacte description de Sasha. Cette fois, elle est décidée à quitter les lieux — mais alors qu’elle est sur le point de boucler sa valise, une avalanche se déclenche, les laissant prisonniers, Nick, le tueur et elle, des montagnes qui les entourent… DEBRA WEBB Etrangère à son passé Lorsque ses rêves prémonitoires aident la police à retrouver un kidnappeur, Darby fait la une des médias. Une popularité qui chamboule toute sa vie et l’oblige à emménager dans une nouvelle résidence, où elle fait la connaissance d’Aidan, son très séduisant voisin. Infiniment troublée à son contact, elle commence bientôt à faire des rêves étranges, qui l’amènent à penser que leur rencontre n’est peut-être pas le fruit du hasard : cet homme mystérieux aurait-il un lien avec son propre passé dont elle ne possède que des bribes ? 1er janvier 2017 www.harlequin.fr 2017.01.84.8272.2 ROMANS RÉÉDITÉS - 7,50 €